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MB : Ça a dû être un choc d'écouter Coltrane pour la première fois, alors que depuis<br />
ton <strong>en</strong>fance tu étais plongé dans le classique ?<br />
JT : Ça m'a plu tout de suite. J'y retrouvais certaines formes de la musique contemporaine,<br />
quoique ce ne soit pas tout à fait exact, je m'<strong>en</strong> suis aperçu plus tard : Coltrane avait<br />
développé toute une méthode très spéciale de travail, même si certains dis<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core<br />
aujourd'hui qu'il fait du bruit dans un saxo. Et il y avait quelque chose de plus, qui dép<strong>en</strong>dait<br />
du temps prés<strong>en</strong>t. C'était de la musique créée sur le mom<strong>en</strong>t avec une latitude beaucoup plus<br />
grande que dans les musiques classique ou contemporaine. Coltrane et Miles Davis m'ont<br />
vraim<strong>en</strong>t montré ce que c'était que vivre le prés<strong>en</strong>t dans la musique.<br />
MB : Comm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> es-tu v<strong>en</strong>u à jouer de la basse ?<br />
JT : Justem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> écoutant cette musique, j'ai immédiatem<strong>en</strong>t été frappé par la basse, je suis<br />
tombé amoureux de cet instrum<strong>en</strong>t. C'est à la fois un coussin très moelleux et quelque chose<br />
de dur, qui pèse des tonnes et sur quoi tout repose. A cette époque j'ai beaucoup écouté un<br />
disque de Miles Davis <strong>en</strong>registré à Antibes avec Tony Williams, George Coleman, Herbie<br />
Hancock et Ron Carter à la basse. Ron Carter m'a vraim<strong>en</strong>t assis, il y avait quelque chose de<br />
plus que les notes...<br />
MB : Dans quelles conditions as-tu appris à jouer de la basse ?<br />
JT : Il y a eu un concours de circonstances. Du jour au l<strong>en</strong>demain j'ai dû remplacer un<br />
camarade dans un orchestre régional. J'ai appris le répertoire et j'y suis allé, et je n'avais<br />
jamais joué de basse avant. Après, je me suis retiré p<strong>en</strong>dant deux ans tout seul à Aubagne<br />
pour travailler l'instrum<strong>en</strong>t. Un camarade m'avait prêté un cabanon que j'ai dû retaper pour y<br />
vivre, dans une grande propriété appart<strong>en</strong>ant à sa famille.<br />
Après, j'ai décidé de monter à Paris, mais avant de pouvoir le faire j'ai dû résoudre des<br />
problèmes matériels aussi stupides que passer le permis de conduire, acheter une voiture, un<br />
ampli, et résoudre un problème de cordes qui m'était tout à fait personnel. En effet, j'étais<br />
habitué au violoncelle qui s'accorde do-sol-ré-la, au début j'ai accordé la basse normalem<strong>en</strong>t<br />
mi-la-ré-sol, mais très vite cela a dégénéré <strong>en</strong> mi-sol-ré-la, qui est vraim<strong>en</strong>t un accord<br />
hybride, jusqu'à ce qu'une maison de Lyon accepte de fabriquer un do grave spécialem<strong>en</strong>t<br />
pour moi. Depuis, j'accorde do-sol-ré-la. Et puis j'ai tourné quelque temps autour de<br />
Marseille avec des orchestres de bal pour rassembler quelques petites provisions financières,<br />
et finalem<strong>en</strong>t je suis arrivé à Paris avec 2 000 F <strong>en</strong> poche. Avec le recul, je m'aperçois que ça<br />
ne permet pas d'aller très loin. Mais <strong>en</strong>fin, ça s'est bi<strong>en</strong> passé. Un camarade m'a hébergé<br />
p<strong>en</strong>dant quatre mois à l'oeil, et un mois et demi après mon arrivée je jouais de la contrebasse<br />
et de la basse électrique à la Comédie Française dans l'adaptation du "Bourgeois<br />
G<strong>en</strong>tilhomme" de J.L. Barrault. Là, j'ai pris des contacts avec quelques musici<strong>en</strong>s. Echanges<br />
d'adresses. C'est toujours pareil quand on arrive dans une ville, on casse les pieds à tout le<br />
monde. On n'arrête pas de téléphoner parce qu'on tourne comme un rat mort dans sa pièce.<br />
De fil <strong>en</strong> aiguille, je me suis retrouvé à l'Olympia pour accompagner une vedette. Là je ne<br />
citerai plus de noms. Et puis au bout d'un mois j'ai craqué. Je m'att<strong>en</strong>dais à tout sauf à ça,<br />
surtout après la période d'isolem<strong>en</strong>t et de travail int<strong>en</strong>se que j'avais vécue. A la même époque<br />
je faisais un peu de jazz avec André Cecarelli, H<strong>en</strong>ri Giordano, Jacky Girodo, et un soir<br />
j'étais avec eux à La Bulle quand Christian Vander est v<strong>en</strong>u me voir pour discuter.<br />
MAGMA<br />
MB : Tu connaissais déjà <strong>Magma</strong> ?<br />
JT : Je les avais vus au festival de Chateauvallon, <strong>en</strong> 72. Ils avai<strong>en</strong>t fait un discours qui