Petit pamphlet pour le Psychodesign

6 Une telle considération amène trois corollaires. Premièrement, il paraitnécessaire pour le développement et la croissance d’une entreprise que ses décisionsreposent sur des compétences techniques particulières émanant d’une élite“technocratique”. Deuxièmement, il découle de ce fait l’idée selon laquelle latechnologie, par son emprise sur les décisions politiques comme par son savoirspécifique, cache une forme avancée de domination sociale. Enfin, la troisièmeconséquence réside dans une prétention totalitaire. Elle provient de l’autosuffisancede la technique : la technique peut s’appliquer à tous les champs de la société.Autrement dit, à tout objet social correspond virtuellement une solution dont lescaractéristiques peuvent s’exprimer techniquement. Ainsi, à certains égards latechnique apparaît comme un traitement politique de l’humain et du social.7 Aujourd’hui cette imperméabilité est confronté à deux types deperturbations : externe et interne.8 En premier lieu, une perturbation externe qui se caractérise par une remiseen cause de la technique et de ses abus économiques, sociologiques et écologiques.Économiquement, alors que certains pensaient que la technicisation entraînait uneaugmentation de la productivité d’autres ont pressenti qu’elle n’était passystématique. En effet, l’augmentation drastique de la production de masse a donnélieu à une dérégulation de l’organisation fordo-taylorienne, impliquant au mêmemoment une déstabilisation de la société de consommation, tout en précipitant nossociétés dans le marasme des crises économiques. Sociologiquement, les analysesdes rapports de l’homme au travail ont largement démontré la dimensionconflictuelle d’une telle relation. Bien plus que cela, les coûts sociaux -sabotage,absentéisme, grève- d’une technicisation mal conduite ont été chiffrés.Écologiquement, les risques technologiques deviennent de plus en plusspectaculaires, et les angoisses qu’ils suscitent par leurs aspects irréversibles,dépassent celles des risques naturels. Ainsi, les gourous de la technique n’ont pas suapporter des solutions acceptables à tous les maux de la société.9 En second lieu, la perturbation provient de l’interne des sciencestechniques. Elle est née d’une part de la complexification de la technique et d’autrepart de modifications structurelles dans le monde de la conception. En effet, c’est lacomplexité croissante de la technique qui se trouve à l’origine de la perturbation.Les entreprises s’appuient pour une part importante sur leurs automatismes. Lesordinateurs occupent de plus en plus une position stratégique, si ce n’est vitale. Sibien que la réalisation de grands projets informatiques peuvent s’évaluer en dizainesd’années homme, voire même en siècles homme. Mettre en oeuvre de tels systèmesimplique la participation de nombreux experts ayant des compétences pointues dansdes domaines divers, et notamment des spécialistes du facteur humain. Quant auxmodifications structurelles, il convient de souligner qu’actuellement, l’ingénieur neconçoit plus seulement des systèmes palliatifs mais aussi des systèmes interactifs.Par systèmes palliatifs, nous entendons des dispositifs techniques qui remplacentcertains comportements en facilitant les actions de l’homme, par exemple : un pontpour traverser un ruisseau, une barque pour traverser une rivière, un bateau pourtraverser un lac ou encore un avion pour traverser un océan. L’évolution desmoyens de locomotion est fortement marquée par cette logique du palliatif, tout