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Église et prison - Diocèse d'Albi

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n° 11dossierÉglise <strong>et</strong> <strong>prison</strong>Le monde de la <strong>prison</strong> : un autre monde«… Vous serez toujours un délinquant… » - « … irrécupérable pour la société… ».Ces formules lapidaires entendues au hasard des tribunaux justifient la présence d'uneaumônerie dans les lieux d'exclusion, pour affirmer qu'aucune personne ne peut être réduite àla faute commise. Les aumôniers ont pour mission d'apporter une parole d'espérance qui prenden compte toute la dimension humaine <strong>et</strong> spirituelle de la personne pour lui perm<strong>et</strong>tre de serelever, m<strong>et</strong>tant en pratique la parole que Jean-Paul II adressait aux <strong>prison</strong>niers : « L'Églisedemeure proche de vous. Elle veut témoigner de l'espérance que le Christ nous apporte. Aucunde vos actes ne peut vous enlever votre dignité d'enfant de Dieu »La société a certes le devoir de m<strong>et</strong>tre à l’écart ceux qui enfreignent les règles les plusélémentaires de la vie sociale. Cependant m<strong>et</strong>tre à l’écart ne signifie pas rej<strong>et</strong>er. En eff<strong>et</strong> il fautpenser que toute personne incarcérée est appelée à ressortir <strong>et</strong> à réintégrer la société aprèsavoir purgé sa peine.Parler des <strong>prison</strong>s revient à évoquer un monde très éloigné de notre quotidien, un mondesingulier qu'on aborde avec beaucoup de préjugés <strong>et</strong> d'appréhension. Pour corriger certainesapproches parfois un peu trop caricaturales, quelques émissions de télévision ont permis dedonner une vision plus juste de la réalité. Cependant toute description de la <strong>prison</strong> resteratoujours un regard extérieur qui ne rendra jamais compte de ce que la suppression de liberté,l'incapacité d'agir sur les événements extérieurs, la promiscuité, le manque d'intimité, lesentiment d’être oublié entraîne des difficultés à vivre, tout en nourrissant la désespérance.Parler des <strong>prison</strong>s, c'est ouvrir son regard sur toute une humanité en souffrance. Citons enpremier ceux qui ont été les victimes des agressions <strong>et</strong> leur entourage : ils resteront parfoismarqués toute leur vie par l'agression subie <strong>et</strong> supportent bien souvent leur peine en silence <strong>et</strong>dans l'indifférence générale. Il faut également prendre en compte les familles des détenus,prises au dépourvu par une incarcération qui dans bien des cas les laisse sans ressource.Aller à la rencontre des personnes incarcérées, c'est découvrir des milieux frappés par lagrande pauvr<strong>et</strong>é, accumulant tous les handicaps : faiblesse des revenus, difficultés scolaires,insuffisance de formation, problèmes de santé. C'est rencontrer aussi des gens ordinaires dontla vie a basculé pour des raisons diverses (licenciement, chômage, divorce, alcool, drogue…).Nul ne peut affirmer qu'il ne sera pas confronté un jour, de près ou de loin, à la <strong>prison</strong>.Toute personne soupçonnée d’un acte de délinquance peut passer deux jours « en garde àvue » dans les locaux de la police ou de la gendarmerie. À l’issue de la garde à vue, en fonctiondes charges r<strong>et</strong>enues, le procureur de la République décide ou non de la mise en détentionprovisoire pour poursuivre l’instruction, en fonction des nécessités de l’enquête.C<strong>et</strong>te première étape du parcours judiciaire se déroule en maison d’arrêt (MA) <strong>et</strong> peut durerd’un à deux ans suivant le type d’affaire (correctionnelle ou assises), avant le jugement (lapersonne a le statut de prévenu). Une fois la personne jugée <strong>et</strong> suivant la durée de la peine, lapersonne détenue peut terminer son temps de détention en maison d’arrêt, ou être transféréeen centre de détention (CD), axé sur la resocialisation du condamné ou vers une maisoncentrale axée sur la sécurité. Jusqu’à ces dernières années, seules les personnes majeuresétaient incarcérées. Depuis peu, les jeunes de 13 à 18 ans peuvent être accueillis dans desétablissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), conçus pour concilier sanction pénale <strong>et</strong>action éducative.5


n° 11dossierGrandir dans la foi en <strong>prison</strong>Centre de détention de Saint-SulpicePhoto Odile GuipouyEntrée de l’EPM de LavaurMa nomination en tant qu’aumônier m’a permis, en franchissant les grilles ducentre de détention de Saint-Sulpice, de découvrir un autre monde <strong>et</strong> cela m’aconduit à me poser quelques questions. Qui sont ceux qui vivent là, isolés dureste du monde ? Quelle est leur histoire, quelles sont leurs blessures, leurssouffrances, quel est le chemin qui les a conduits dans ce lieu dedésespérance ?En tant qu’aumônier <strong>et</strong> diacre, lorsque je parle avec eux <strong>et</strong> que je les entendsraconter leur enfance détruite, une enfance si désastreuse qu’on a du mal àl’imaginer (abandons, rej<strong>et</strong>, violences de tous ordres, va-<strong>et</strong>-vient entre famillesd’accueil <strong>et</strong> foyers), je me dis que si j’avais vécu cela, c’est moi qui aujourd’huiserais derrière les barreaux. Ce qui conduit la grande majorité des femmes <strong>et</strong>des hommes en <strong>prison</strong>, c’est toujours à la base un manque d’amour, amourdont toute personne a besoin pour se construire, pour exister.Avoir été rej<strong>et</strong>é par ses propres parents (qui souvent avaient subi les mêmeshorreurs), avoir été méprisé, compté pour rien, engendre bien des blessures,bien des haines <strong>et</strong> des rancœurs dont il n’est pas facile de guérir. La <strong>prison</strong> estun lieu de souffrances <strong>et</strong> de désespérance mais, comme le dit saint Paul : « là oùle péché abonde, la grâce surabonde ». La détention peut être pour certains unlieu de réflexion, de remise en question <strong>et</strong> même parfois de rencontreintérieure. En eff<strong>et</strong>, dans sa cellule “monastique”, le détenu qui n’est pascomme nous <strong>prison</strong>nier de la course effrénée “métro, boulot, dodo…” a dutemps, beaucoup de temps ! Et c<strong>et</strong> excès de temps peut être mis à profit pourfaire le bilan de sa vie passée <strong>et</strong> examiner ce qui l’a conduit en ce lieu, pour êtrele début d’un chemin vers le Seigneur. Qui pourra en eff<strong>et</strong> lui donner le pardondont il a un besoin vital : la société l’a condamné, ses proches souvent l’ontabandonné <strong>et</strong> ses codétenus ne peuvent aller jusque-là. Le seul pardon qu’ilpeut trouver, c’est dans la connaissance vraie de Jésus Christ qui sait tout de lui.La mission de l’aumônerie est là : dire à tous (en paroles <strong>et</strong> en actes) un peu dece Dieu qui demeure toujours accueillant <strong>et</strong> plein d’amour alors qu’ils sontabandonnés de tous, au fond de l’abîme. Car c’est bien Lui la source de toutpardon.Nous n’avons pas à juger ou faire de la morale car nous aussi, sommes blessésmême si cela se voit moins. Nous avons à dire que, pour nous comme pour eux,force, espérance <strong>et</strong> guérison se trouvent dans la personne même de Dieu, dansl’incroyable amour qu’il a manifesté à tous les hommes en Jésus Christ. Direaussi que celui qui accueille Jésus dans sa vie, marche avec lui vers la lumière,la guérison profonde, le salut <strong>et</strong> la vie éternelle : rien de moins !Pour clore c<strong>et</strong> article, nous terminerons par c<strong>et</strong>te parole que saint Vincent dePaul adressait aux aumôniers :« Ne vous occupez pas des <strong>prison</strong>niers si vous ne consentez pas à être leursélèves. Ceux que nous appelons des misérables, ce sont eux qui doiventnous évangéliser <strong>et</strong> convertir ».Jean-Claude Berthomieu, la Beluga,Lydie Lemoine, équipe associée de Saint-Sulpice,Richard Bonn<strong>et</strong>-Montolio, aumônier à Saint-Sulpice,Jacques Vidal, Secours catholique,Michel Huc <strong>et</strong> Bruno Viguié, aumôniers à Albi.8

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