Jean Vaquer, Les enceintes à fossés du Néolithique, du Chalcolithique et du Bronze ancien dans la zone nord pyrénéennecéréales. On peut retenir pour Mourral l’interprétationd’un site fortifié qui abritait un groupe humain réduitet probablement <strong>de</strong> statut élevé comme le suggèrentla position perché du site et l’aspect monumental <strong>de</strong>s<strong>de</strong>ux grands bâtiments en bois. L’outillage lithiqueréalisé essentiellement en silex exogènes indique queles occupants étaient bien intégrés aux réseaux d’échanges<strong>de</strong> gran<strong>de</strong> ampleur et peut-être même qu’ilsparticipaient à leur contrôle ou à leur fonctionnement.L’ensemble <strong>de</strong> ces données plai<strong>de</strong> pour considérer quele Mourral est plutôt une rési<strong>de</strong>nce fortifiée <strong>de</strong> hautrang qu’un monument cultuel à usage collectif, ce quin’implique pas évi<strong>de</strong>ment qu’aucune activité rituelle oucérémonielle n’ait eu lieu sur le site.C’est à partir d’analogies morphologiques avecles « Henges monuments » britanniques ou avec les« roun<strong>de</strong>l enclosures » d’Europe continentale quel’hypothèse <strong>de</strong> sanctuaires a été proposée pour certainsmonuments à grand fossé annulaire avec uneou <strong>de</strong>ux entrées <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> largeur. Cette hypothèse aété envisagée notamment pour les enceintes <strong>de</strong> CarsacMayrevielle et <strong>de</strong> Roc d’en Gabit à Carcassonne(Vaquer 2001). La présence récurrente d’ossementshumains sur ces <strong>de</strong>ux sites, voire d’une sépulturedisloquée au fond du fossé interne <strong>de</strong> Carsac pouvaitaccentuer la pertinence <strong>de</strong> ces rapprochements. Enréalité la poursuite <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> terrain, notammentà Roc d’en Gabit ne renforce pas cette interprétation.Sur ce site il a pu être prouvé par <strong>de</strong> nombreusescoupes que la levée <strong>de</strong> terre jouxtait le flanc internedu fossé et non le flanc externe comme dans la plupart<strong>de</strong>s sanctuaires britanniques (Wainwright 1989;Gibson 1998). La présence d’os humains sélectionnés(crânes et os long) est bien confirmée sur ce site,notamment à la base du remplissage du fossé où ilssont mêlés à d’abondants restes <strong>de</strong> faune. On trouveaussi dans les mêmes niveaux <strong>de</strong> nombreux élémentsqui témoignent d’activité culinaires et <strong>de</strong> consommation(céramiques brisés, cendres, restes d’argile cuite,graines carbonisées, nombreux outils <strong>de</strong> mouture ou<strong>de</strong> broyage, os <strong>de</strong> faune brisés ou brûlés) et même<strong>de</strong>s pièces qui témoignent d’activités <strong>de</strong> fabrication(ébauches <strong>de</strong> bracelets en calcaire, fusaïole, outillageen os et en pierre polie, outillage lithique diversifié).Il n’y a donc pas lieu <strong>de</strong> distinguer ces enceintesparfaitement annulaires <strong>de</strong>s autres, même si l’onpeut envisager pour la plupart une pluralité <strong>de</strong>s activités.Il convient <strong>de</strong> souligner que ces sites à largefossé avaient réclamé <strong>de</strong> très grands investissementsen temps et en force <strong>de</strong> travail et qu’ils ont dû <strong>de</strong>ce fait participer à <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> polarisation <strong>de</strong> lavie sociale, économique et spirituelle au moment <strong>de</strong>leur réalisation ou <strong>de</strong> leur utilisation primaire. Leurrôle principal serait <strong>de</strong> fédérer les énergies dans <strong>de</strong>ssociétés en cours <strong>de</strong> mutation à l’aube <strong>de</strong>s âges <strong>de</strong>sMétaux et sans doute pour <strong>de</strong>s objectifs multiples qu’ilserait vain <strong>de</strong> vouloir discriminer dans les contextes<strong>de</strong> cette époque.Les enceintes du Chalcolithiquerécent et <strong>de</strong> l’Age du Bronze ancienDans la zone nord pyrénéenne, les enceintes attribuablesau Chalcolithique récent et au début <strong>de</strong> l’Agedu Bronze ancien c’est-à dire au complexe campaniformeet au Bronze ancien <strong>de</strong> style épicampaniformeà céramique barbelée du style Camp <strong>de</strong> Laure(Courtin 1975) sont peu nombreuses. Si on ne tientcompte que <strong>de</strong>s sites spécifiques <strong>de</strong> cette ambianceculturelle (2400-2000 av. notre ère), on n’en compteque trois (fig. 7), toutefois si l’on prend en compteles réoccupations campaniformes <strong>de</strong>s sites antérieursleur nombre peut être augmenté. Les éléments campaniformesou bronze ancien couronnent bien souventle remplissage <strong>de</strong>s fossés chalcolithiques du Vérazienet marquent bien souvent la fin <strong>de</strong>s occupations <strong>de</strong>ces sites. À la Moulinasse et à Mourral la <strong>de</strong>rnièreoccupation du site est attribuable au campaniformedu « standard » (maritime) ; à Puech Haut c’est ducampaniforme pyrénéen qui se trouve au sommet duremplissage du fossé. Dans le fossé <strong>de</strong> la Croix Vieille<strong>de</strong>s éléments du Bronze ancien épicampaniforme clôturentl’occupation du site. Il faut souligner cependantque ces réoccupations par <strong>de</strong>s campaniformes ou par<strong>de</strong>s indigènes acculturés au contact <strong>de</strong>s campaniformesn’ont pas entrainé <strong>de</strong> modification importante<strong>de</strong>s enceintes, sauf peut-être dans le cas du site <strong>de</strong>sMourguettes où un fossé aurait été recreusé plus oumoins sur l’emplacement du précé<strong>de</strong>nt. D’autres sitespar contre marquent la création <strong>de</strong> nouveaux habitatsfortifiés à cette époque.Pour le campaniforme pyrénéen, il s’agit du site<strong>de</strong> Médor à Ornaisons (Au<strong>de</strong>) qui a fait l’objet d’unefouille <strong>de</strong> sauvetage dirigée par J. Guilaine en 1982et 1983 et d’une monographie (Guilaine, Vaquer,Coularou, Treinen-Claustre et al. 1989). Sur ce site,le fossé chalcolithique a pu être fouillé sur 70 m<strong>de</strong> long ; il était très légèrement arqué mais malconservé puisqu’il n’en subsistait que la base, surune largeur <strong>de</strong> 2 m et une profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> 0,30 m.Le remplissage a tout <strong>de</strong> même livré une importantesérie <strong>de</strong> mobilier détritique qui paraît correspondreà <strong>de</strong>s rejets d’un habitat bien homogène du stylecampaniforme pyrénéen.Pour le début du Bronze ancien l’enceinte <strong>de</strong>la Carreirasse à Mailhac (Au<strong>de</strong>) est une enceinte àfossé ovalaire <strong>de</strong> 100 m sur 60 m qui a fait l’objet<strong>de</strong> quelques sondages par O. et J. Taffanel (Guilaine,Vaquer, Coularou, Treinen-Claustre 1989: 131). Ellea livré <strong>de</strong>s éléments typiques du début du Bronzeancien, céramique à décor épicampaniforme, tassemonoansée, jarres à cordons impressionnés. Par saforme et ses dimensions elle ne diffère pas <strong>de</strong>s petitsfossés chalcolithiques du Languedoc occi<strong>de</strong>ntal.Le site ceinturé le plus important <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong>est celui <strong>de</strong> Roc d’en Gabit à Carcassonne où unenouvelle enceinte à fossé a été établie au Bronze ancienet se superpose à l’enceinte annulaire du Néolithiquefinal (Vaquer, Remicourt 2008). Ce fossé se compose<strong>de</strong> trois tronçons qui ont été presque intégralementfouillés (fig. 11).Le tronçon 24 au nord-ouest est attesté sur 31 m<strong>de</strong> long, avec une orientation nord-sud, il était tronquépar l’érosion vers le sud et se dirige vers la falaise quidomine la rive <strong>de</strong> l’Au<strong>de</strong> au nord. Il a une section enU et mesure 4 m <strong>de</strong> large, sa profon<strong>de</strong>ur maximaleconservée est <strong>de</strong> 1,30 m, mais à aucun endroit il apu être raccordé un sol <strong>de</strong> circulation. Ce tronçonest nettement en pente vers le nord.246 <strong>Revista</strong> d’Arqueologia <strong>de</strong> <strong>Ponent</strong> 21, 2011, 233-252, ISSN: 1131-883-X
Jean Vaquer, Les enceintes à fossés du Néolithique, du Chalcolithique et du Bronze ancien dans la zone nord pyrénéenneFigure 11. Roc d’en Gabit, Carcassonne (Au<strong>de</strong>). Plan <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> l’Age du Bronze ancien. F 18, F 24, F 43correspon<strong>de</strong>nt aux tronçons conservés du fossé d’enceinte dont le tracé restitué est proposé en hachuré. Les structures St 35et St 29 correspon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>s bases <strong>de</strong> silos et la structure St 48 à une fosse d’extraction (Relevé J. Vaquer cnrs, dao H.Vergély et M. Remicourt 2004).Le tronçon 18 dans la parcelle 49 était pratiquementrectiligne et orienté est-ouest, il se développaitsur 39 m, il était tronqué par l’érosion vers l’ouest etpar un emprunt <strong>de</strong> terre vers l’est. Dans ce secteur,seule la base du fossé est conservée, elle avait unesection en U avec <strong>de</strong>s parois verticales et formaitparfois <strong>de</strong>s sortes <strong>de</strong> compartiments séparés par <strong>de</strong>spaliers. Il mesurait au mieux 3,80 m <strong>de</strong> large et 0,70 m<strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur.Le <strong>de</strong>rnier tronçon F43 se trouvait dans le prolongementdu tronçon F18, il a pu être dégagé sur 16 m<strong>de</strong> long. Il était nettement incurvé et légèrement élargiau niveau du recoupement avec le fossé néolithique ets’interrompait brutalement sur le point le plus élevé<strong>de</strong> son développement à l’ouest. L’ensemble formaitune sorte d’antenne près d’une interruption probablementsituée dans l’angle sud-ouest <strong>de</strong> l’enceinte. Lefossé <strong>de</strong>vait se prolonger ensuite vers le nord pourrejoindre le tronçon 24. Il s’agissait évi<strong>de</strong>mment d’unestructure très arasée qui était conservée sur 0,75 à0,55 m <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur. Comme dans le secteur F18,la section était trapézoïdale ou en U, avec un fondplat ou légèrement concave <strong>de</strong> 3 à 4 m <strong>de</strong> large etavec <strong>de</strong>s parois droites ou fortement inclinées, voiresub-verticales.Tout au long <strong>de</strong> son développement, ce fossé areçu les mêmes types <strong>de</strong> dépôts <strong>de</strong> comblement. Àla base, le remplissage ne révèle aucune asymétrie<strong>de</strong>s apports qui pourraient indiquer l’existence d’untalus ayant bordé le fossé. Les coupes transversalesmontrent trois épiso<strong>de</strong>s <strong>de</strong> comblement qui semblent<strong>Revista</strong> d’Arqueologia <strong>de</strong> <strong>Ponent</strong> 21, 2011, 233-252, ISSN: 1131-883-Xobéir à une dynamique privilégiant les apports latérauxau début, puis <strong>de</strong>s rejets anthropiques dansun second temps, et enfin une dynamique <strong>de</strong> transitlongitudinal <strong>de</strong> sédiments issus <strong>de</strong> l’érosion.L’épiso<strong>de</strong> 1 est surtout représenté par <strong>de</strong>s apportslocalisés sur les côtés qui correspon<strong>de</strong>nt probablementà l’effondrement ou à l’érosion <strong>de</strong>s parois du fossé.Il s’agit <strong>de</strong> lœss remanié lorsque le fossé est creusédans le lœss ou <strong>de</strong> limon brun dans le secteur durecoupement avec le fossé néolithique, ce qui indiqueque ces dépôts ont été rapi<strong>de</strong>s et peu déplacés.L’épiso<strong>de</strong> 2 est marqué par <strong>de</strong>s apports <strong>de</strong> limonbrun mêlés à <strong>de</strong>s résidus <strong>de</strong> combustion, <strong>de</strong>s pierreschauffées et du mobilier relativement abondant quicorrespond assurément à la phase <strong>de</strong> fréquentation<strong>de</strong> l’enceinte. Localement <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> feu in situont été mises en évi<strong>de</strong>nce dans les trois tronçons(zones <strong>de</strong> terre rubéfiée).L’épiso<strong>de</strong> 3 est représenté par <strong>de</strong>s apports limoneuxbruns, moins chargés en détritus et contenant<strong>de</strong> nombreux restes <strong>de</strong> gastéropo<strong>de</strong>s, il correspondsurtout à <strong>de</strong>s apports liés au ruissellement et à l’érosiondu paléosol brun qui <strong>de</strong>vait exister sur le siteà cette époque.Il semble acquis malgré les lacunes dues à l’érosionque ce fossé se développait sur le site en adoptant soitune morphologie en L. et, dans ce cas, en prenantappui sur <strong>de</strong>ux talus naturels au nord et à l’est, soitplutôt une forme en U accolée à la falaise qui dominel’Au<strong>de</strong>, en effet le talus actuel à l’est qui sépareles parcelles 50 et 53 est essentiellement artificiel il247