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Enjeux, Obstacles, Initiatives, Cahiers du ... - Patrick Lagadec

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chambardement. Je me sentais comme un nageur qui n’a survécu à des courants dangereux<br />

que pour être arraché à l’apparente sûreté de la terre ferme par un raz de marée inatten<strong>du</strong> et<br />

encore plus violent, vers des mers inexplorées. Comme je considérais ce que cela<br />

signifierait pour notre politique étrangère, mon cœur sombra ». (p. 99)<br />

« Jour après jour, l’affaire <strong>du</strong> Watergate accrut la stupéfaction ainsi qu’un sentiment de<br />

frustration chez ceux qui cherchaient à garder le gouvernement en état de marche, et la<br />

panique chez ceux qui s’y trouvaient directement mêlés. Nous étions tous devenus les<br />

passagers d’une embarcation qui donnait de la bande, per<strong>du</strong>e sans gouvernail dans le<br />

brouillard. Mais chacun voyait les choses à sa façon. Ceux qui auraient pu prendre la<br />

direction des opérations étaient paralysés par l’ignorance dans laquelle ils étaient et par un<br />

mélange de pitié, de loyauté et d’horreur. Ils n’avaient que de brèves visions d’un paysage<br />

brouillé. Ceux qui connaissaient la profondeur de l’abîme béant étaient dans l’incapacité<br />

d’agir, et de peur que tout arrêt pour des questions de sécurité ne les fît passer par-dessus<br />

bord ». (p. 127)<br />

« Observer la désintégration d’un gouvernement qui paraissait invulnérable quelques<br />

semaines auparavant ne manquait pas de pro<strong>du</strong>ire un choc. Le Président vivait dans une<br />

sorte de léthargie, comme un homme assommé dont les cauchemars sont devenus<br />

vrais » (p. 134). 73<br />

Kennedy, au bord <strong>du</strong> gouffre : le paroxysme de la crise des missiles de Cuba, 1962<br />

« Je pense que ces quelques minutes furent le moment de la plus grande inquiétude pour<br />

le président. Le monde était-il au bord de l'holocauste ? Était-ce dû à une erreur de notre<br />

part ? À une faute ? Y avait-il quelque chose d'autre qu’il aurait fallu faire ? Ou ne pas<br />

faire ? Il mit la main au visage et se couvrit la bouche. Il ouvrit et ferma le poing. Il avait<br />

les traits tirés, les yeux battus, presque éteints. Nous nous regardâmes fixement de part et<br />

d’autre de la table. Pour quelques secondes, ce fut comme s'il n'y avait plus personne dans<br />

la pièce, qu'il n'était plus le président.<br />

De façon inexplicable, il me vint à l'esprit plusieurs souvenirs : quand il fut malade et<br />

qu'il manqua presque de mourir; quand il perdit son enfant; quand il apprit que notre frère<br />

le plus âgé avait été tué. Me revenaient des moments personnels de peine et de douleur.<br />

Les voix continuèrent à bourdonner autour de moi, mais je n'entendis plus rien jusqu'à<br />

ces mots <strong>du</strong> président : « N'y a-t-il aucun moyen d'éviter que le premier contact se fasse<br />

avec un sous-marin russe – ne serait-ce que cela ? ». « Non c'est trop dangereux pour nos<br />

bâtiments. Il n'y a pas d'alternative », dit McNamara". […]<br />

Nous en étions arrivés au moment de la décision finale. […] Je sentis que nous étions au<br />

bord d'un précipice, sans échappatoire. Cette fois, le moment était venu – pas la semaine<br />

prochaine – pas demain, "et comme cela nous pourrons avoir une autre réunion pour<br />

décider"; pas dans huit heures, "et comme cela nous pouvons adresser un autre message à<br />

Khrouchtchev pour que, peut-être, il finisse par comprendre".. Non, rien de tout cela n'était<br />

possible. À un millier de miles d'ici, dans les vastes éten<strong>du</strong>es de l'océan Atlantique, la<br />

décision finale allait intervenir dans les quelques minutes. Le président Kennedy avait<br />

lancé le cours des événements, mais il n'avait plus de contrôle sur eux. Il devrait attendre –<br />

nous devrions attendre. Les minutes, dans le Cabinet Room, s'égrenèrent lentement. Que<br />

pouvions-nous dire maintenant – que pouvions-nous faire ? » 74<br />

73 Henry Kissinger : Les Années orageuses, tome 3, Ed. Fayard, 1982.<br />

74 Robert Kennedy, Thirteen days, A memoir of the Cuban crisis missiles, New York, WW. Norton & Company,<br />

1971 (p. 47-49).

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