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Enjeux, Obstacles, Initiatives, Cahiers du ... - Patrick Lagadec

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ANNEXE 3<br />

LA CRISE REBELLE<br />

La crise ne rentre pas dans les cadres prévus, ceux qui permettent de donner une forme claire<br />

à la pensée comme à l’action.<br />

On le voit de façon lumineuse sur ce rappel des grandes découvertes maritimes et la difficile<br />

émergence de cartes représentant effectivement la réalité, n’hésitant pas à clarifier les « terra<br />

incognita », le tout au risque de transgressions fondamentales.<br />

Daniel Boorstin :<br />

« Les grands précurseurs de la cartographie moderne, Mercator et Ortélius, ne trouvèrent<br />

rien qui méritât d’être repris dans les spéculations des cosmographes chrétiens. Mais ils<br />

prirent en compte les mille petites observations faites quotidiennement par les marins. (p.<br />

130)<br />

« Lentes à évoluer, les sources écrites théologiques devinrent crédibles à force de<br />

répétition. Mais l’épreuve de la vérité pour une carte marine, c’est l’expérience, non la<br />

littérature. Aucune théologie au monde ne pouvait faire croire à un marin que les rochers<br />

heurtés par son navire étaient purement imaginaires. » (p. 131)<br />

« L’Atlas catalan fut confectionné en 1375 par le cartographe et ingénieur <strong>du</strong> roi d’Aragon,<br />

Abraham Cresques. Aussi primitif qu’il puisse nous paraître aujourd’hui, c’est un chef<br />

d’œuvre d’esprit empirique naissant. Cresques écarte une bonne partie des détails<br />

légendaires qui avaient peuplé les cartes <strong>du</strong>rant les longs siècles chrétiens. Et, preuve de<br />

remarquable de maîtrise scientifique, il laisse en blanc les régions sur lesquelles il manque<br />

de renseignements précis : tout le nord de la planète. L’Afrique australe, si longtemps<br />

décrite comme un repaire d’anthropophages et de monstres fabuleux, est ici laissée vide,<br />

dans l’attente d’informations plus réalistes.<br />

Presque tout au long de l’histoire, l’esprit humain a manifesté l’horreur <strong>du</strong> vide, préférant<br />

le mythe à la mention « terra incognita ». Comment faire admettre aux hommes, et<br />

singulièrement aux esprits cultivés, qu’ils ne peuvent tout savoir ? » (p. 132-133)<br />

« Que la découverte <strong>du</strong> Nouveau Monde, avec toutes ses richesses insoupçonnées, n’ait pas<br />

immédiatement soulevé l’enthousiasme en Europe, cela ne saurait étonner. […] Le<br />

continent imprévu continuait d’être perçu moins comme une source d’espoirs nouveaux<br />

que comme un obstacle aux anciens […] Libraires et cartographes trouvaient leur intérêt<br />

dans la pseudo-précision des ouvrages et documents dont ils vivaient, ainsi que dans les<br />

planches servant à leur fabrication. Les cartes, globes et planisphères servant de référence<br />

ne laissaient aucune place pour un quatrième continent. » (p. 218-219) 64<br />

De la même manière, les crises s’acharnent à toujours sortir des cloisonnements, des<br />

ordonnancements, qui permettent de construire de l’homogénéité modélisable.<br />

Coral Bell (University of Sussex) le souligne dans le champ des crises internationales, mais<br />

c’est vrai dans tout autre champ :<br />

64 Daniel Boorstin : Les Découvreurs, Laffont, Paris, 1988.

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