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EDL 407 - avril 2012.indd - Centre d'Action Laïque

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dossier<br />

Sens et contresens<br />

du concept<br />

Florence Évrard<br />

Enseignante de philosophie<br />

Haute École pédagogique Defré<br />

L’humanisme est mis à toutes les sauces, souvent confondu avec une attitude<br />

« humaine » ou « humanitaire » jusqu’à former une soupe indigeste de bons<br />

sentiments. Il n’est plus un seul courant politique ou religieux qui ne le<br />

revendique mais le plus souvent au prix d’une torsion flagrante de son sens,<br />

faisant fi de l’héritage historique que le concept porte en lui. Retour aux sources…<br />

L’humanisme désigne d’abord un mouvement historique et<br />

culturel des XIV e et XV e siècles, qui a pour caractéristique<br />

essentielle d’insister sur la dignité de l’homme, ses capacités,<br />

son libre arbitre, et ce, en opposition avec une conception<br />

théocentrique du monde. Certes, l’humanisme se développe<br />

dans un contexte chrétien mais, à l’époque, c’était<br />

« l’air qu’on respirait ». Né dans le bain catholique, il va peu<br />

à peu s’en extraire et aboutir à long terme à la philosophie<br />

des libertins (Gassendi, Bergerac, Naudé…) et à celle des<br />

Lumières. Il aura fallu pour cela se dégager de l’image de<br />

l’homme en vigueur au Moyen Âge dont le De la misère de la<br />

condition humaine, écrit par le futur pape Innocent III au XII e<br />

siècle, est le plus pur exemple. L’homme y est décrit comme<br />

une pauvre créature en proie au vice et au péché.<br />

« Purement humain »<br />

À ses débuts, l’humanisme se manifeste surtout comme un<br />

phénomène littéraire centré sur la redécouverte de la culture<br />

classique, des philosophes grecs comme Platon ou Aristote<br />

et des écrivains romains comme Cicéron ou Sénèque. On<br />

s’émerveille d’une littérature tournée vers la vie sur terre<br />

évoquant les hommes de ce monde, bien différente de la<br />

littérature chrétienne où Dieu et la vie dans l’au-delà sont<br />

au centre de l’intérêt. Se dessine alors une opposition entre<br />

les humanae litterae et les divinae litterae. C’est en ce sens<br />

d’ailleurs que le terme « humanisme » est utilisé chez Montaigne<br />

(une des seules occurrences à l’époque) qui réserve<br />

aux « humanistes » un nouveau champ, constitué par les<br />

écrits « purement humains ». Ceux-ci concernent les sujets<br />

qui sont « matière d’opinion, non-matière de foi » et traités<br />

« d’une manière laïque, non cléricale » (Essais, I, 56, 322-323).<br />

1 Érasme, Erasmi opera omnia, Amsterdam,<br />

North-Holland Publishing<br />

Company, I-2, p. 31, l. 21.<br />

Des essais mille fois transformés.<br />

© DR<br />

Les humanistes sont des éducateurs. En prônant l’imitation<br />

des personnalités antiques, ils veulent former les hommes<br />

nouveaux à la manière des Anciens. C’est l’idéal de l’humanitas,<br />

mot latin traduit du grec paideia qui signifie éducation.<br />

C’est le développement, par le biais de l’éducation, de ces<br />

qualités qui rendent l’homme vraiment humain. Pour les<br />

humanistes, il n’y a donc pas une dignité innée de l’homme,<br />

il faut la conquérir. C’est ce que veut dire Pétrarque (1304-<br />

1374) quand il affirme qu’« homo est un animal féroce et sanguinaire<br />

à moins […] qu’il apprenne à revêtir l’humanité (humanitas),<br />

à dépouiller la bestialité et d’homo qu’il était, devenir<br />

vir ». L’homo, l’homme en tant que représentant de l’espèce<br />

biologique, doit se transformer en vir, l’homme moral et<br />

éduqué. Autre manière de dire comme Érasme (1466/69<br />

-1536) qu’« on ne naît pas homme, on le devient » 1 , formule<br />

rendue célèbre par Simone de Beauvoir qui l’appliqua aux<br />

femmes dont Érasme estimait qu’elles n’avaient pas besoin<br />

d’une éducation intellectuelle.<br />

6 | Espace de Libertés <strong>407</strong> | <strong>avril</strong> 2012

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