EDL 407 - avril 2012.indd - Centre d'Action Laïque
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MONDE<br />
Une charité bien ordonnée<br />
Pascal Martin<br />
Journaliste<br />
Ils ne pensent qu’à<br />
leur argent et à leur<br />
patrimoine. Et refusent<br />
de payer l’impôt malgré<br />
toute cette fortune,<br />
toute la misère qui<br />
menace la Grèce.<br />
L’Église orthodoxe<br />
grecque a longtemps<br />
échappé à l’impôt.<br />
Malgré des coupes dans<br />
les salaires des prélats<br />
et la taxation de certaines<br />
activités commerciales,<br />
elle reste privilégiée.<br />
view : « Heureusement<br />
qu’il est là. C’est un<br />
saint homme. Il n’y a<br />
que lui dans l’Église orthodoxe<br />
grecque pour<br />
s’intéresser aux malheureux.<br />
Les autres,<br />
ils ne pensent qu’à leur<br />
argent et à leur patrimoine.<br />
Et refusent de<br />
payer l’impôt malgré<br />
toute cette fortune,<br />
toute la misère qui menace<br />
la Grèce. » 2<br />
On l’a longuement cherché à Athènes<br />
avant d’apprendre qu’il était à l’étranger.<br />
Lui, Antonios Papanikolaou de<br />
l’association Kivotostoukosmou 1 , le<br />
pope des pauvres, célébré régulièrement<br />
en Occident tant sa générosité<br />
dépasse les frontières. La directrice<br />
d’un orphelinat l’avait<br />
alors sanctifié entre<br />
les lignes d’une inter-<br />
nam. Puis, au lendemain de la Seconde<br />
Guerre mondiale, le gouvernement a<br />
pris en charge les salaires du clergé<br />
en échange d’une taxe de 25% sur les<br />
paroisses. Mais une taxe restée dans le<br />
vague en raison d’une mauvaise administration<br />
fiscale.<br />
En 2003, par exemple, 255 millions<br />
d’euros étaient dépensés par l’État en<br />
rémunérations et en retraites alors<br />
que l’impôt payé par l’Église se traînait<br />
à 17,6 millions. Cela bien qu’elle se<br />
fut enrichie considérablement encore<br />
dans les années 50, moment où en<br />
contrepartie d’une nouvelle cession de<br />
terres aux paysans, elle reçut nombre<br />
d’immeubles implantés dans les villes,<br />
qui ont pris évidemment beaucoup de<br />
valeur avec le temps. Parallèlement,<br />
les taxes payées par l’Église devinrent<br />
à ce point marginales qu’en 2004, le<br />
gouvernement socialiste de Konstantinos<br />
Simitis, qui recherchait son appui<br />
pour gagner les élections, promit de<br />
les supprimer. La gauche perdit pourtant<br />
le pouvoir et la droite maintint ce<br />
privilège nouvellement acquis. Dans<br />
un tout autre dossier, à Bruxelles, les<br />
données fournies par Athènes pour<br />
accéder au club de la monnaie unique<br />
posaient tout doucement question…<br />
Des milliards d’euros<br />
La crise est passée par là et l’Église<br />
a finalement été soumise à l’impôt.<br />
Mais si peu. En mars 2010, ses revenus<br />
commerciaux sont taxés à 20%, les<br />
dons (déclarés) subissant une ponction<br />
de 5 à 10%. Les revenus des prélats<br />
sont rabotés. En 2011, l’Église échappe<br />
cependant à la lourde taxe immobilière<br />
qui frappe désormais les propriétaires.<br />
Seuls les biens qu’elle exploite commercialement<br />
seront imposés. Critiquée<br />
pour ce passe-droit, elle se rebiffe<br />
: elle a payé 2,5 millions d’impôts<br />
fonciers en 2010, c’est bien assez… Sa<br />
fortune est pourtant évaluée entre 700<br />
millions et trois milliards d’euros, aucun<br />
chiffre officiel n’étant disponible. Il<br />
faut y ajouter les biens des paroisses,<br />
des évêchés, des monastères, des patriarcats<br />
orthodoxes non grecs. Mais<br />
1 Site web de l’association : www.<br />
kivotostoukosmou.org<br />
2 Conversation avec l’auteur, juin<br />
2011.<br />
L’Église orthodoxe grecque est riche.<br />
Très riche. Sa fortune, elle l’a constituée<br />
sous l’Empire ottoman, à une<br />
époque où les propriétaires sans héritiers<br />
devaient accepter de voir leurs<br />
biens accaparés après leur mort par<br />
l’occupant, à moins qu’ils n’en fassent<br />
don à l’Église. Son patrimoine a ainsi<br />
enflé pendant des siècles jusqu’à ce<br />
que la Grèce devienne indépendante.<br />
Après 1830, l’État récupéra une partie<br />
des terres cultivables pour les distribuer<br />
aux paysans, en échange d’un<br />
privilège fiscal cédé ad vitam æter-<br />
En Grèce, certains rigolent, d’autres non.<br />
(Sa Béatitude l’archevêque Hieronymus II d’Athènes, Sa Sainteté Aram I er des Catholiques de<br />
Cilicie et l’évêque Khoren Doghramadjian, primat du diocèse arménien de Grèce.)<br />
© Armenianorthodoxchurch.org<br />
22 | Espace de Libertés <strong>407</strong> | <strong>avril</strong> 2012