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EDL 407 - avril 2012.indd - Centre d'Action Laïque

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dossier<br />

main initial. Pas de coup de pied au cul pour les errances<br />

du passé, mais une litanie de coups de main dans le futur<br />

envisagé avec confiance.<br />

Le nouveau bréviaire de l’action est au Nord<br />

4 Capabilité : rendre la personne<br />

capable de conduire un véhicule,<br />

lui donner un permis de conduire et<br />

des bons d’essence, à tout le moins<br />

une voiture à certains moments et<br />

des routes convenables. Pas seulement<br />

des capacités, mais des voies<br />

concrètes pour les exercer dans un<br />

contexte collectif susceptible de reconnaissances<br />

appropriées.<br />

La ruche de l’humanisme politique ?<br />

la coexistence entre individus égoïstes. Il doit exister un bien<br />

commun à construire pour les hommes et par les hommes,<br />

avec comme acteurs centraux l’économie coopérative, la dynamique<br />

associative, le mutuellisme, l’engagement citoyen.<br />

L’engagement militant et politique n’est plus, selon les mots<br />

d’Orwell, l’horreur du politique, mais une solide démarche collective<br />

et constructive. Comme le précise Skinner, le grand<br />

théoricien du républicanisme philosophique américain, « si<br />

nous souhaitons nous-mêmes vivre dans une condition de liberté<br />

personnelle –vivre dans un État libre–, il est indispensable de<br />

vivre dans le cadre d’une Constitution libre que nous servons et<br />

que nous soutenons au mieux de nos aptitudes civiques » 4 .<br />

Une nouvelle doctrine sans faire d’histoire<br />

L’historicité de la gauche chrétienne, Rerum novarum, Quadragesimo<br />

anno, quèsaco ?, le principe de subsidiarité, l’action<br />

catholique à la Cardijn, les errances de la démocratie<br />

chrétienne au Rwanda, rien de la profondeur du monde progressiste<br />

chrétien n’est convoqué pour le propos. Tout l’effort<br />

de De Briey est de penser la confrontation humaniste avec le<br />

libéralisme de gauche et son immense potentiel séducteur. Il<br />

faut construire un nous humaniste. L’État social actif, certes,<br />

représente une avancée par rapport au « bosse ou crève »<br />

des libéraux. Mais l’humanisme démocratique prétend aller<br />

plus loin. Le chômeur doit être appréhendé dans son itinérance<br />

personnelle autant que par le surplomb macro-économique<br />

et social, et comme l’appréhende Amartyana Sen, il<br />

faut renforcer ses capabilités 4 . Il convient d’appréhender sa<br />

responsabilité comme un processus collectif d’interdépendance<br />

et s’inspirer vigoureusement du modèle scandinave :<br />

régulations vigoureuses des marchés, sécurité sociale forte,<br />

investissements dans l’éducation et la formation. Certes, et<br />

ça ne plaira pas à tous les archéos : diminuer la consommation<br />

publique mais procéder à des investissements publics.<br />

Enfin, il faut envisager le titulaire de l’aide dans une responsabilité<br />

à la fois projective, collective et intermittente : c’est<br />

ce qu’il va faire demain qui est important et avec les autres,<br />

pas tout seul dans son coin, et il n’y a pas que le coup de<br />

© Reporters<br />

Le capitalisme ne peut progresser qu’en révolutionnant<br />

constamment ses modes de production et il convient donc,<br />

précise l’auteur, de le recadrer. L’action de l’État doit accompagner<br />

en aval les dégâts collatéraux des nouveaux dadas<br />

entrepreneuriaux : réorienter les chômeurs, orienter l’économie<br />

vers les secteurs porteurs et limiter la casse sociale<br />

lors des fermetures d’entreprises, fussent-elles rentables :<br />

« L’humanisme démocratique promeut dès lors des réformes<br />

sociales et économiques d’inspiration scandinave, mais en étant<br />

conscient qu’une solidarité participative ne pourra se développer<br />

qu’en desserrant la contrainte d’une rentabilité immédiate et en<br />

assurant une meilleure gouvernance du système financier. » À<br />

suivre De Briey, il y a de l’instituteur moral dans l’État qu’il<br />

nous propose, de l’animateur de patro, du Moïse laïque. Et<br />

puis l’État doit construire ce que le philosophe Charles Taylor<br />

appelle des biens convergents, où les gens se rassemblent et<br />

apprennent à se connaître (je pense comme exemples modestes<br />

aux stages ADEPS, au subventionnement de certaines<br />

associations). Et aussi, De Briey l’indique, l’État formaté par<br />

l’humanisme démocratique doit « rompre la ghettoïsation de<br />

la société et favoriser le métissage social, en multipliant les possibilités<br />

de socialisation, en renforçant les structures d’insertion<br />

sociale et en soutenant l’action des milieux associatifs, afin de<br />

favoriser l’émergence d’une identité collective interculturelle ».<br />

Dans le modèle scandinave, l’État crée un environnement<br />

favorable à la croissance dans un travail de longue haleine.<br />

Il doit « jouer un rôle essentiel d’investisseur social afin d’orienter<br />

le développement économique vers les activités estimées<br />

sources de développement humain… faire face aux défis démographiques<br />

et écologiques… veiller à ce que la structure des<br />

coûts économiques reflète mieux les coûts réels, notamment<br />

sociaux et environnementaux, des activités économiques […] Le<br />

politique doit être le lieu où, grâce à la médiation des institutions<br />

et de la procédure démocratique, se constitue une volonté générale<br />

exprimant l’intérêt commun à l’ensemble de la société…<br />

L’État serait ainsi l’expression de la société rendue raisonnable,<br />

c’est-à-dire de la société rendue libre ». Mais que diable vient<br />

faire l’humanisme dans cette galère, à moins de se promener<br />

sur le site du CDH et d’examiner la révolution Lutgen : on y<br />

voit cinq pactes généreux autant que généraux, mais l’accent<br />

humaniste (travailler prioritairement sur les hommes) est<br />

présent : leur assurer sécurité et environnement, stimuler<br />

l’emploi et l’entreprise, allongement de la durée de la vie,<br />

sécurité et efficacité de la police et développement durable.<br />

Tout cela porté par des provinciaux ruraux profonds censés<br />

promouvoir un programme aux allures urbaines, un relookage<br />

post-milquétien social-démocrate avec juste assez de<br />

relents d’eau bénite pour rallier la majorité des cathos persistants<br />

pas encore campés dans leurs catacombes morales.<br />

Les philosophes n’ont pas besoin de s’exciter sur l’humanisme<br />

du CDH ni davantage cracher dédaigneusement sur<br />

Camus, Orwell ou Mounier. Les cédéhachistes vivent bien à<br />

Neufchâteau et les critiques antihumanistes rigolent bien à<br />

la rue d’Ulm, roulez jeunesse. <br />

16 | Espace de Libertés <strong>407</strong> | <strong>avril</strong> 2012

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