EDL 407 - avril 2012.indd - Centre d'Action Laïque
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dossier<br />
Europe : le plus petit<br />
dénominateur commun<br />
Benoît Feyt<br />
Cellule « Europe et International » du CAL<br />
La Fédération Humaniste Européenne (FHE), dont fait partie<br />
le <strong>Centre</strong> d’Action <strong>Laïque</strong>, rassemble 50 associations issues<br />
de près de 20 pays. Elle défend, notamment, le principe<br />
de la séparation du politique et du religieux au niveau des<br />
institutions européennes. Dès lors, pourquoi ne pas parler<br />
de Fédération <strong>Laïque</strong> Européenne ?<br />
Bus « athées » à Londres,<br />
à Berlin et en Espagne :<br />
la pub laïque fait scandale.<br />
La FHE définit l’humanisme comme un label comprenant<br />
un éventail de convictions et d’attitudes enracinées dans<br />
les valeurs des droits de l’homme. Dans la mesure où il ne<br />
prétend pas imposer de vérité absolue, encore moins révélée,<br />
l’humanisme diffère des discours religieux. Il défend,<br />
au contraire, le droit pour chaque individu de se forger ses<br />
propres convictions éthiques par l’expérience personnelle. Si<br />
cette définition de l’humanisme peut être comprise sans trop<br />
de difficultés par l’ensemble des Européens, si elle peut être<br />
traduite dans les 23 langues officielles de l’Union européenne<br />
sans en biaiser le sens, il n’en va pas de même pour la laïcité.<br />
Privilèges et financement<br />
Le terme « laïcité » est en effet profondément enraciné dans<br />
la culture politique française. Par extension linguistique, il<br />
trouve également écho dans plusieurs pays dits de tradition<br />
latine. « Mais il faut éviter les généralisations », nuance Jean-<br />
Philippe Schreiber, directeur adjoint du <strong>Centre</strong> interdisciplinaire<br />
d’étude des religions et de la laïcité (CIERL) de l’ULB. « Il<br />
est plus pertinent de considérer cette réalité État par État, plutôt<br />
que par ensembles sous régionaux, culturels ou linguistiques.<br />
Chaque État européen ayant<br />
eu, dans le passé, des rapports<br />
singuliers avec les églises, il<br />
est logique que l’on observe<br />
une grande variété de traditions<br />
juridiques dans les 27<br />
États membres de l’Union européenne.<br />
» Ainsi, si la notion<br />
de laïcité fait partie de l’arsenal<br />
juridique de la France,<br />
de l’Italie et du Portugal, son<br />
usage diffère fortement d’un<br />
pays à l’autre. Au Portugal,<br />
la laïcité se conjugue avec<br />
© DR<br />
un concordat conclu entre l’État portugais et le Saint-Siège<br />
qui accorde certains privilèges à l’Église catholique, comme<br />
l’enseignement officiel de la religion à l’école publique. En<br />
Italie, la Cour constitutionnelle a beau avoir qualifié l’État<br />
de « laïque », il n’en demeure pas moins que l’Église catholique<br />
y jouit de larges privilèges. En Belgique, par contre,<br />
la Constitution ne fait pas de référence explicite à la laïcité<br />
même si elle était profondément laïque dans l’esprit de ses<br />
concepteurs. En Allemagne et aux Pays-Bas, qui sont pourtant<br />
deux États composés d’une double majorité confessionnelle<br />
catholique et protestante, les relations avec les Églises<br />
sont diamétralement opposées. Au Pays-Bas, le financement<br />
des cultes a pris fin en 1983, alors qu’en Allemagne on a délégué<br />
de nombreuses missions d’intérêt public aux Églises<br />
(enseignement, action sociale, santé) au point d’en faire le<br />
deuxième employeur du pays, derrière l’État.<br />
Valeurs libres-exaministes<br />
Quant à la Grande-Bretagne, où l’Église anglicane jouit du<br />
statut de religion d’État, la question de la laïcité se pose encore<br />
autrement. « La laïcité est un terme tellement difficile à<br />
traduire en Anglais, que de nombreux experts anglophones préfèrent<br />
utiliser le terme en Français plutôt que de le dénaturer<br />
en parlant de “secularism”, explique Jean-Philippe Schreiber.<br />
Sécularisation est un vocable qui relève du champ sociologique.<br />
Il décrit l’attachement ou le détachement d’une population en<br />
matière de pratique religieuse. La notion de laïcité relève, elle,<br />
du droit et/ou de la politique. Elle décrit la place accordée aux<br />
institutions religieuse dans la sphère publique d’un État. On<br />
connait ainsi des États fortement sécularisés et parallèlement<br />
très faiblement laïcisés. Comme le Danemark, par exemple, qui<br />
consacre l’Église luthérienne comme religion d’État mais où les<br />
pratiques religieuses de la population sont très faibles. »<br />
La Fédération Humaniste Européenne rassemble des associations<br />
issues de tous les États précités, auxquels il faut<br />
ajouter des membres provenant de la plusieurs pays d’Europe<br />
de l’est où l’expérience soviétique est toujours dans les<br />
mémoires. La FHE fédère donc des humanistes qui ne partagent<br />
pas la même expérience de la laïcité ni de la sécularisation<br />
de la société. Dans ces conditions, « humaniste » était<br />
sans doute le terme le plus adéquat pour définir les valeurs<br />
et le projet de société qui animent les libres-exaministes européens<br />
rassemblés au sein de la FHE. <br />
14 | Espace de Libertés <strong>407</strong> | <strong>avril</strong> 2012