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Les architectes de la fleur : variations sur un thème imposé

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dans le modèle d’E. Cohen et E. Meyerovitz, serait<br />

<strong>un</strong>iquement <strong>de</strong> spécifier l’i<strong>de</strong>ntité du méristème floral<br />

et <strong>de</strong> réprimer l’action <strong>de</strong>s gènes C dans les verticilles<br />

externes, sans avoir <strong>de</strong> réelle fonction homéotique.<br />

Certains n’hésitent pas à proposer <strong>un</strong> modèle revisité<br />

<strong>de</strong> type (A)BCE (Heijmans et coll. ; 2012).<br />

En revanche, il est prouvé que les gènes <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses<br />

B et C sont extrêmement bien conservés comme l’illustrent<br />

certains travaux remarquables <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes<br />

non modèles. Par exemple, chez les angiospermes les<br />

plus primitives, comme les nénuphars (nymphéacées),<br />

les gènes <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse B possè<strong>de</strong>nt <strong>un</strong> profil d’expression<br />

plus <strong>la</strong>rge s’étendant dans le premier verticille, ce<br />

qui explique l’existence <strong>de</strong> tépales, organes hybri<strong>de</strong>s et<br />

simi<strong>la</strong>ires dans les verticilles 1 et 2. Un autre exemple<br />

concerne <strong>la</strong> monocotylédone Lacandomia schismatica<br />

: il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> seule p<strong>la</strong>nte parmi les quelque<br />

300 000 espèces d’angiospermes recensées, où <strong>la</strong> <strong>fleur</strong>,<br />

hermaphrodite, présente <strong>un</strong> androcée central entouré<br />

d’<strong>un</strong> gynécée périphérique. Des étu<strong>de</strong>s molécu<strong>la</strong>ires<br />

ont montré qu’il s’agit d’<strong>un</strong> mutant homéotique où<br />

ABC est <strong>de</strong>venu ACB (Garay-Arroyo et coll. ; 2012).<br />

On peut également citer les travaux <strong>sur</strong> l’architecture<br />

<strong>de</strong>s <strong>fleur</strong>s <strong>de</strong> cornouiller (Cornus), qui ont montré que<br />

<strong>la</strong> transformation <strong>de</strong>s bractées en <strong>de</strong>s organes sépaloï<strong>de</strong>s<br />

est due à <strong>un</strong>e expression anormale <strong>de</strong> gènes <strong>de</strong>s<br />

c<strong>la</strong>sses A et B dans ces organes (Feng et coll. ; 2012).<br />

Un autre exemple concerne les travaux menés par<br />

l’équipe <strong>de</strong> M. Bendahmane à l’Université <strong>de</strong> Lyon<br />

<strong>sur</strong> les processus <strong>de</strong> domestication <strong>de</strong>s <strong>fleur</strong>s doubles<br />

chez les rosiers (Dubois et coll. ; 2010). L’analyse cytologique<br />

<strong>de</strong>s zones du méristème floral dans lesquelles<br />

va s’accumuler le produit d’<strong>un</strong> homologue du gène<br />

AGAMOUS chez <strong>de</strong>s ancêtres sauvages et leurs <strong>de</strong>scendants,<br />

a démontré l’existence d’<strong>un</strong>e corré<strong>la</strong>tion<br />

entre le nombre <strong>de</strong> pétales <strong>de</strong>s <strong>fleur</strong>s et <strong>la</strong> présence<br />

d’AGAMOUS : ceci confirme <strong>de</strong>s observations préa<strong>la</strong>bles<br />

conférant aux gènes <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse C, en plus <strong>de</strong><br />

leur rôle « i<strong>de</strong>ntitaire», <strong>un</strong> rôle dans le caractère déterminé<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>fleur</strong>. En analysant le profil d’action <strong>de</strong>s<br />

homologues d’AGAMOUS chez <strong>de</strong>s ancêtres sauvages<br />

issus soit du bassin périméditerranéen (R. gallica) soit<br />

d’Asie (R. chinensis), cette étu<strong>de</strong> démontre également<br />

que ce même événement génétique a été sélectionné<br />

indépendamment et en parallèle au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> domestication<br />

<strong>de</strong>s roses, dans <strong>de</strong>s régions géographiquement<br />

éloignées.<br />

La morphogenèse florale n’est pas <strong>un</strong>iquement déterminée<br />

par l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s différents organes floraux,<br />

mais également par <strong>la</strong> forme d’<strong>un</strong> même type d’organe<br />

qui peut varier en fonction <strong>de</strong> sa position. Si tous les<br />

mêmes types d’organes floraux ont <strong>la</strong> même forme,<br />

<strong>la</strong> <strong>fleur</strong> présente <strong>un</strong>e symétrie axiale, elle est actinomorphe.<br />

Chez d’autres <strong>fleur</strong>s, les pétales ou les sépales<br />

peuvent avoir <strong>de</strong>s formes différentes selon leur position,<br />

résultant en <strong>un</strong>e symétrie bi<strong>la</strong>térale, dans ce cas<br />

on parle <strong>de</strong> <strong>fleur</strong>s zygomorphes. L’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong><br />

mutants où <strong>de</strong>s <strong>fleur</strong>s zygomorphes sont transformées<br />

en <strong>fleur</strong>s actinomorphes confirme que ce caractère est<br />

sous contrôle génétique (Figure 2). C’est Carl Von Linné<br />

(ou plutôt <strong>un</strong> <strong>de</strong> ses étudiants, Magnus Zioberg) qui,<br />

au milieu du XVIII e siècle, remarque pour <strong>la</strong> première<br />

fois <strong>un</strong>e telle transformation chez <strong>la</strong> linaire comm<strong>un</strong>e<br />

(Linaria vulgaris) et lui fait dire : « ce n’est certainement<br />

pas moins remarquable que si <strong>un</strong>e vache avait<br />

donné naissance à <strong>un</strong> veau à tête <strong>de</strong> loup ». Ébranlé<br />

dans ses certitu<strong>de</strong>s, considérant que les espèces présentes<br />

dans <strong>la</strong> nature ont été créées <strong>un</strong>iquement par<br />

Dieu et n’ont pas varié <strong>de</strong>puis, <strong>de</strong>vant cette nouvelle<br />

espèce impossible à c<strong>la</strong>sser, Linné <strong>la</strong> baptise Peloria, ce<br />

qui signifie monstre en grec. Aujourd’hui, les mutants<br />

<strong>de</strong> ce type sont qualifiés <strong>de</strong> péloriques.<br />

Il fallut attendre les années 2000 pour que les généticiens<br />

P. Cubas et E. Cohen démontrent que <strong>la</strong><br />

forme Peloria est due à <strong>un</strong>e mutation dans le gène<br />

CYCLOIDEA (CYC) i<strong>de</strong>ntifié grâce à <strong>de</strong>s mutants simi<strong>la</strong>ires<br />

chez A. majus (Cubas et coll. ; 2001). Ceci leur a<br />

permis <strong>de</strong> décrypter les bases génétiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> zygomorphie,<br />

impliquant l’action <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux facteurs CYC<br />

et DICHOTOMA (DICH) qui fonctionnent <strong>de</strong> façon<br />

partiellement redondante pour spécifier l’i<strong>de</strong>ntité<br />

dorsale au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>fleur</strong>. La <strong>fleur</strong> <strong>de</strong> muflier présente<br />

<strong>un</strong>e asymétrie à <strong>la</strong> fois pour les pétales et les étamines.<br />

Le <strong>de</strong>uxième verticille <strong>de</strong> chaque <strong>fleur</strong> est composé<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pétales dorsaux, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pétales <strong>la</strong>téraux et<br />

d’<strong>un</strong> pétale ventral. Dans le troisième verticille, se<br />

développent <strong>de</strong>ux étamines <strong>la</strong>térales et <strong>de</strong>ux étamines<br />

ventrales. En position dorsale, l’<strong>un</strong>ique étamine est<br />

réduite à <strong>un</strong> stamino<strong>de</strong>. <strong>Les</strong> disparités entre les différents<br />

types <strong>de</strong> pétales en fonction <strong>de</strong> leur position dans<br />

le verticille sont dues à <strong>de</strong>s <strong>variations</strong> dans le nombre<br />

et <strong>la</strong> forme <strong>de</strong>s cellules <strong>de</strong> ces organes. <strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux gènes<br />

CYC et DICH sont activés très tôt au cours <strong>de</strong> l’é<strong>la</strong>boration<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>fleur</strong> au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> région dorsale. Une<br />

<strong>de</strong> leurs fonctions est <strong>de</strong> réguler négativement <strong>de</strong>s facteurs<br />

du cycle cellu<strong>la</strong>ire afin <strong>de</strong> réduire le nombre <strong>de</strong><br />

divisions cellu<strong>la</strong>ires et donc <strong>la</strong> croissance <strong>de</strong>s pétales<br />

dorsaux qui, par conséquent, seront plus petits et<br />

dissymétriques par rapport aux autres pétales.<br />

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