22.04.2015 Views

Les architectes de la fleur : variations sur un thème imposé

Les architectes de la fleur : variations sur un thème imposé

Les architectes de la fleur : variations sur un thème imposé

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

16<br />

Ainsi, dans <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième catégorie <strong>de</strong> mutant, il semble<br />

qu’<strong>un</strong>e fonction ait disparu au niveau <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux verticilles<br />

centraux, fonction qui permet en temps normal<br />

<strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s pétales et <strong>de</strong>s étamines. Il s’agit<br />

bien d’<strong>un</strong>e conversion homéotique puisque auc<strong>un</strong><br />

organe n’a disparu mais seule leur i<strong>de</strong>ntité a été modifiée.<br />

Par ailleurs, les mutants <strong>de</strong>s première et troisième<br />

catégories sont symétriques et complémentaires, ce<br />

qui a suggéré l’action <strong>de</strong> facteurs dont les fonctions<br />

sont antagonistes.<br />

Ces observations ont conduit à l’é<strong>la</strong>boration d’<strong>un</strong><br />

modèle impliquant l’action <strong>de</strong> 3 c<strong>la</strong>sses <strong>de</strong> gènes,<br />

nommées A, B et C, qui agissent <strong>de</strong> façon combinée<br />

avec <strong>de</strong>s fonctions distinctes au cours du développement<br />

floral. Leur mo<strong>de</strong> d’action est représenté <strong>sur</strong> <strong>la</strong><br />

figure 1. L’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s sépales est définie par l’action<br />

<strong>de</strong>s gènes <strong>de</strong> catégorie A, celle <strong>de</strong>s pétales nécessite<br />

l’action combinée <strong>de</strong>s gènes A et B, celle <strong>de</strong>s étamines<br />

dépend <strong>de</strong> l’action conjointe <strong>de</strong>s gènes B et C et enfin,<br />

l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s carpelles dépend <strong>de</strong> l’action <strong>de</strong>s gènes <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> catégorie C.<br />

Grâce à <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s récentes, <strong>la</strong> représentation du réseau<br />

d’interactions <strong>de</strong> ces facteurs et <strong>de</strong> leur mo<strong>de</strong> d’action<br />

séquentielle, dans le temps, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>s<br />

<strong>fleur</strong>s, commence à être ébauchée. La transition florale<br />

implique <strong>la</strong> transformation d’<strong>un</strong> méristème végétatif<br />

indéterminé, capable en théorie <strong>de</strong> produire <strong>un</strong>e infinité<br />

<strong>de</strong> feuilles et d’entre-nœuds, en méristème floral<br />

déterminé où <strong>la</strong> croissance <strong>de</strong> l’axe s’achève lorsque<br />

<strong>la</strong> <strong>fleur</strong> est construite. Lors <strong>de</strong> cette transition, <strong>un</strong> <strong>de</strong>s<br />

premiers événements est <strong>la</strong> synthèse du facteur AP1<br />

(produit du gène APETALA1 ou AP1) grâce à l’action<br />

directe du facteur FT considéré comme <strong>un</strong> florigène,<br />

<strong>de</strong> façon à initier <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>s sépales. De<br />

même, on sait que l’action antagoniste <strong>de</strong> AP1 et <strong>de</strong><br />

AG (produit du gène AGAMOUS ou AG) est due à <strong>un</strong>e<br />

fixation directe <strong>de</strong> <strong>la</strong> protéine AG <strong>sur</strong> le gène AP1 afin<br />

<strong>de</strong> réprimer son expression. Dès les premiers sta<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

l’ontogenèse florale, l’expression <strong>de</strong> AP1 est donc inhibée<br />

dans le centre du méristème floral afin qu’y soient<br />

construits <strong>un</strong>iquement les organes reproducteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

<strong>fleur</strong> (Posé et coll. ; 2012).<br />

<strong>Les</strong> approches <strong>de</strong> génétique molécu<strong>la</strong>ire ont ainsi<br />

permis d’é<strong>la</strong>borer <strong>un</strong> modèle simple et élégant afin<br />

d’expliquer comment l’action combinée <strong>de</strong> quelques<br />

gènes permet <strong>de</strong> construire <strong>un</strong>e <strong>fleur</strong> parfaite. Et effectivement,<br />

les mutations simultanées <strong>de</strong> gènes <strong>de</strong>s trois<br />

c<strong>la</strong>sses conduisent logiquement à <strong>la</strong> formation d’<strong>un</strong>e<br />

structure à 4 verticilles mais où chaque type d’organe<br />

est remp<strong>la</strong>cé par <strong>de</strong>s feuilles. Ce résultat confirme <strong>la</strong><br />

théorie du naturaliste allemand Goethe, exposée il y a<br />

<strong>de</strong>ux cents ans dans son ouvrage <strong>sur</strong> <strong>la</strong> métamorphose<br />

<strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes, selon <strong>la</strong>quelle les organes floraux sont<br />

<strong>de</strong>s feuilles transformées ayant <strong>un</strong>e même origine <strong>de</strong><br />

développement.<br />

Toujours selon ce modèle, <strong>un</strong>e expression ectopique<br />

<strong>de</strong> ces gènes au sein <strong>de</strong> tissus végétatifs <strong>de</strong>vrait en<br />

théorie résulter en <strong>la</strong> formation d’<strong>un</strong>e structure florale.<br />

Malheureusement, <strong>la</strong> co-expression <strong>de</strong> gènes<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse A et B s’est avérée incapable <strong>de</strong> modifier<br />

l’i<strong>de</strong>ntité d’organes végétatifs. Donc si les gènes ABC<br />

sont nécessaires pour <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>fleur</strong>, ils ne<br />

sont pas suffisants : il est indispensable qu’<strong>un</strong> contexte<br />

« floral » soit préétabli pour qu’ils puissent être efficaces.<br />

C’est dans les années 2000 que le modèle ABC<br />

a pu être complété avec l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s protéines<br />

SEPALLATA (SEP) dont <strong>la</strong> présence dans l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s verticilles est nécessaire pour construire les<br />

organes floraux. Il fallut donc ajouter au modèle ABC<br />

les gènes <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse E dont l’activité combinée permet<br />

<strong>de</strong> déterminer l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s organes floraux (l’activité<br />

D joue <strong>un</strong> rôle dans <strong>la</strong> formation <strong>de</strong>s ovules et elle ne<br />

sera pas traitée ici). Au p<strong>la</strong>n molécu<strong>la</strong>ire, l’association<br />

<strong>de</strong> 4 protéines <strong>de</strong> type SEP, selon les différentes<br />

combinaisons possibles au sein <strong>de</strong> complexes appelés<br />

tétramères, va contrôler le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> chaque verticille.<br />

Ce modèle est représenté <strong>sur</strong> <strong>la</strong> Figure 1. Logiquement<br />

l’expression ectopique 1 <strong>de</strong> ces activités dans <strong>un</strong>e feuille<br />

suffit pour transformer <strong>un</strong>e feuille en pétale ou en étamine<br />

(Honma & Goto ; 2001).<br />

Chez toutes les angiospermes pour lesquelles <strong>la</strong> présence<br />

<strong>de</strong>s gènes ABC a été recherchée, cette catégorie<br />

<strong>de</strong> gènes a été détectée et lorsqu’elles étaient techniquement<br />

possibles, les analyses fonctionnelles ont<br />

révélé <strong>un</strong>e assez bonne conservation <strong>de</strong> leur action au<br />

cours <strong>de</strong> l’ontogenèse florale. Il existe toutefois certaines<br />

<strong>variations</strong>, à l’image <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s <strong>fleur</strong>s,<br />

dues essentiellement à <strong>de</strong>s événements <strong>de</strong> duplications<br />

ou <strong>de</strong> modifications <strong>de</strong>s domaines d’expression <strong>de</strong>s<br />

gènes. Notamment, on assiste aujourd’hui à <strong>un</strong> débat<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> fonction <strong>de</strong> type A. En effet,<br />

le rôle <strong>de</strong> répression <strong>de</strong>s gènes <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse C par AP1<br />

observé chez A. thaliana ne semble pas être conservé<br />

chez d’autres espèces, et notamment chez A. majus<br />

où, chez <strong>un</strong> mutant dans <strong>un</strong> gène homologue à AP1<br />

(le gène SQUAMOSA), les <strong>fleur</strong>s se développent en<br />

axes inflorescentiels. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’<strong>un</strong>e<br />

conversion homéotique mais d’<strong>un</strong>e véritable modification<br />

du fonctionnement méristématique. De même<br />

chez certains mutants ap1 et ap2 d’A. thaliana, <strong>un</strong>e<br />

conversion <strong>de</strong>s sépales en feuilles ou en bractées peut<br />

être obtenue. Ces observations étayent l’hypothèse<br />

que les gènes <strong>de</strong> <strong>la</strong> fonction A pourraient être dédiés à<br />

l’i<strong>de</strong>ntité du méristème floral en lui-même plutôt qu’à<br />

<strong>la</strong> formation spécifique du périanthe. D’autant plus que<br />

chez A. thaliana, pléthore <strong>de</strong> facteurs, appartenant<br />

à <strong>de</strong>s familles biochimiques totalement différentes<br />

d’AP1, ont été i<strong>de</strong>ntifiés comme réprimant l’action<br />

d’AG et qui donc pourraient contribuer à <strong>la</strong> fonction<br />

A. Ces facteurs sont peu conservés et parfois même<br />

absents chez certaines espèces. Ainsi, l’idée actuelle<br />

est que <strong>la</strong> fonction initialement dénommée <strong>de</strong> type A<br />

1<br />

Ectopique signifie que par manipu<strong>la</strong>tions molécu<strong>la</strong>ires, on oblige <strong>la</strong> synthèse d’<strong>un</strong>e protéine dans <strong>un</strong> organe, <strong>un</strong> tissu ou bien à <strong>un</strong>e<br />

étape <strong>de</strong> développement inhabituelle.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!