2008, Volume 14, N°2 - Centre d'études et de recherches ...

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176 Book reviews – Comptes rendus – Buchbesprechungen Pascal DETHURENS, L’Europe de A à Z. Une petite encyclopédie illustrée des idées reçues sur l’Europe, Infolio, Gollion, 2008, 127 p. – ISBN 978-2-88474-035-7 – 16,00 €. A la manière d’un Flaubert, Pascal Dethurens, professeur de littérature comparée à l’université de Strasbourg, propose ici un florilège de citations et d’illustrations sur la manière dont l’Europe est vue ou perçue à travers la littérature et la peinture, d’Hippocrate à Vaclav Havel: 88 entrées et 17 illustrations, précédées d’un court commentaire de l’auteur, constituent ce petit ouvrage. C’est l’image, la représentation qui intéressent ici Dethurens, nous rappelant que toute idée, aussi belle soit-elle, n’est pas toujours fondée en raison. L’auteur y insiste, la part du préjugé est très importante dans cette sélection d’entrées, forcément subjective: en cette période de doute que ne pouvaient connaître les Pères de l’Europe, il est utile de se pencher sur les diverses perceptions du Vieux Continent, de décrypter les images qu’il véhicule depuis toujours et dont doivent tenir compte ceux qui souhaitent faire correspondre l’Europe-institution et l’Europe-géographie. Il s’agit bel et bien d’«idées reçues», qui sont tantôt tournées contre l’Europe, tantôt en sa faveur. Bien entendu, la question peut se poser de savoir si s’appuyer sur des citations de grands écrivains ne relève pas une nouvelle fois d’une entreprise élitiste. L’auteur cherche cependant dans ses nombreuses lectures des classiques les mots qui peuvent éclairer le mal-être dangereux exprimé par une opinion européenne en proie au doute, et que l’on qualifie un peu rapidement par le terme «déficit démocratique». Avec cette recension qui revendique la légèreté et le passe-temps, nous abordons les rives du mythe, trop souvent oublié ou orchestré par l’Europe qui se fait, sans en oublier les zones d’ombre. Cette courte encyclopédie nous le rappelle, l’Europe est immémoriale: avant d’être un choix ou une politique, elle a été une croyance, ou au moins une ambiance. Relevant de l’inconscient ou du discours raisonné, suivons donc ce «musée imaginaire européen» qui nous invite à désapprendre l’Europe que l’on proclame pour revenir aux soubassements d’une Europe désincarnée, telle qu’elle a été perçue depuis les origines. Pour cela, l’auteur a choisi des entrées bien peu académiques, mais parlantes, telles que «kaputt» (s’inspirant du livre de Malaparte) ou «ruinée» (avec une illustration de Max Ernst) pour rappeler que la construction européenne est d’abord une réponse à un champ de ruines; «raciste» ou «dangereuse» répondent à «poétique» et «romanesque», en un raccourci sur la double origine de l’Europe (la dialogique d’Edgar Morin), une Europe «orgueilleuse» et pourtant «outragée». Dans cette même veine, les idées «napoléoniennes», de «puissance» ou de «supériorité» croisent celles d’«équilibre», de «pacifisme» ou de «liberté», et peuvent éclairer différentes facettes de l’image que renvoie le Vieux Continent suivant les auteurs et une histoire mouvementée. L’idée des origines hante également ce petit lexique: «frontières», «asiatique», «grecque», «occidentale»; on voit différents auteurs, de diverses périodes, s’interroger déjà sur le sens du mot Europe, avançant tour à tour tous des définitions qui ne sont pas les mêmes. Mystérieuse Europe, à la recherche de ses origines à travers des «mythes»,

Book reviews – Comptes rendus – Buchbesprechungen 177 s’interrogeant sur ses origines «chrétiennes» ou sa nature «républicaine», cette Europe «idéale» qui peut tout aussi bien être «impossible», peut-être parce que, comme le dit Heidegger (et comme l’a brillamment écrit Rémi Brague), l’Européen s’oublie dans la réinvention perpétuelle de lui-même et de son cadre d’existence («oublieuse»). Les polémiques du moment rejaillissent à travers des écrits plus anciens, notamment sur les reproches de technocratisme («kafkaïenne», «standardisée») ou celles, lancées il y a peu par certains officiels Américains contre la «vieille Europe» («vieille», «fossilisée»). Ainsi, des débats qui semblent récents (notamment à travers les polémiques de la constitution européenne) ont une origine lointaine: Walter Benjamin vitupérait déjà contre une Europe «marchande», Hippocrate estimait que la différence essentielle entre les deux mondes qu’il connaissait, Europe et Asie, résidait dans la nature «belliqueuse» de la première. Pour terminer ce tour d’horizon très ludique des différentes images de l’Europe qui se sont succédées dans les siècles, dont le but est de décrire les lieux communs et les fulgurances qui font l’Europe d’aujourd’hui dans les représentations des Européens, empruntons au livre une de ses citations: «ce qui me surprend encore plus que le reste, c’est que […] tous les non-Européens, quels qu’ils soient, soient si complètement dépourvus, non pas tant de possibilités morales, que de capacités artistiques […] nulle part on ne voit ces deux dons spirituels se fondre pour engendrer une forme qui soit humainement belle». Au-dede l’aspect européocentrique, Schiller, dans cette lettre à Goethe, nous rappelle que toute création qui ne relève que du réalisme en oubliant de répondre à une attente d’idéalisme est condamnée d’avance. Plus qu’un message de mépris à l’égard du monde, il s’agirait plutôt d’une leçon pour les Européens d’aujourd’hui! Bertrand Vayssière Maître de conférences à l’université Toulouse II-Le Mirail Antonella BRAGA, Un federalista giacobino. Ernesto Rossi pioniere degli Stati Uniti d’Europa, Il Mulino, Bologna, 2007, 676 p. – ISBN 978-88-15-10210-2 – 46,00 €. In the last years interest in the work of Ernesto Rossi (1897-1967) has increased again. This trend is confirmed by the reprintings of his writings and his letters and the publications of critical studies (in 2007, on the fortieth anniversary of his death, are published for example: M. FRANZINELLI, Ernesto Rossi. Epistolario 1943-1967. Dal Partito d’Azione al Centro-sinistra, Laterza, Bari; S. MICHE- LOTTI, Ernesto Rossi contro il clericalismo. Una battaglia per la democrazia, Rubbettino, Soveria Mannelli). Among the most recent works there is Antonella Braga’s piece that examinates the evolution of Rossi’s thought and his political engagement for the federalist ideal. Thanks to the study of unpublished documents (kept since 1999 at the European University Institute, European Union Historical Archives, Florence), the interview

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s’interrogeant sur ses origines «chrétiennes» ou sa nature «républicaine», c<strong>et</strong>te<br />

Europe «idéale» qui peut tout aussi bien être «impossible», peut-être parce que,<br />

comme le dit Hei<strong>de</strong>gger (<strong>et</strong> comme l’a brillamment écrit Rémi Brague), l’Européen<br />

s’oublie dans la réinvention perpétuelle <strong>de</strong> lui-même <strong>et</strong> <strong>de</strong> son cadre d’existence<br />

(«oublieuse»). Les polémiques du moment rejaillissent à travers <strong>de</strong>s écrits plus<br />

anciens, notamment sur les reproches <strong>de</strong> technocratisme («kafkaïenne»,<br />

«standardisée») ou celles, lancées il y a peu par certains officiels Américains contre<br />

la «vieille Europe» («vieille», «fossilisée»). Ainsi, <strong>de</strong>s débats qui semblent récents<br />

(notamment à travers les polémiques <strong>de</strong> la constitution européenne) ont une origine<br />

lointaine: Walter Benjamin vitupérait déjà contre une Europe «marchan<strong>de</strong>»,<br />

Hippocrate estimait que la différence essentielle entre les <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s qu’il<br />

connaissait, Europe <strong>et</strong> Asie, résidait dans la nature «belliqueuse» <strong>de</strong> la première.<br />

Pour terminer ce tour d’horizon très ludique <strong>de</strong>s différentes images <strong>de</strong> l’Europe<br />

qui se sont succédées dans les siècles, dont le but est <strong>de</strong> décrire les lieux communs<br />

<strong>et</strong> les fulgurances qui font l’Europe d’aujourd’hui dans les représentations <strong>de</strong>s<br />

Européens, empruntons au livre une <strong>de</strong> ses citations:<br />

«ce qui me surprend encore plus que le reste, c’est que […] tous les non-Européens,<br />

quels qu’ils soient, soient si complètement dépourvus, non pas tant <strong>de</strong> possibilités<br />

morales, que <strong>de</strong> capacités artistiques […] nulle part on ne voit ces <strong>de</strong>ux dons spirituels<br />

se fondre pour engendrer une forme qui soit humainement belle».<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’aspect européocentrique, Schiller, dans c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre à Go<strong>et</strong>he, nous<br />

rappelle que toute création qui ne relève que du réalisme en oubliant <strong>de</strong> répondre à<br />

une attente d’idéalisme est condamnée d’avance. Plus qu’un message <strong>de</strong> mépris à<br />

l’égard du mon<strong>de</strong>, il s’agirait plutôt d’une leçon pour les Européens d’aujourd’hui!<br />

Bertrand Vayssière<br />

Maître <strong>de</strong> conférences à l’université Toulouse II-Le Mirail<br />

Antonella BRAGA, Un fe<strong>de</strong>ralista giacobino. Ernesto Rossi pioniere <strong>de</strong>gli Stati<br />

Uniti d’Europa, Il Mulino, Bologna, 2007, 676 p. – ISBN 978-88-15-10210-2 –<br />

46,00 €.<br />

In the last years interest in the work of Ernesto Rossi (1897-1967) has increased<br />

again. This trend is confirmed by the reprintings of his writings and his l<strong>et</strong>ters and<br />

the publications of critical studies (in 2007, on the forti<strong>et</strong>h anniversary of his <strong>de</strong>ath,<br />

are published for example: M. FRANZINELLI, Ernesto Rossi. Epistolario<br />

1943-1967. Dal Partito d’Azione al Centro-sinistra, Laterza, Bari; S. MICHE-<br />

LOTTI, Ernesto Rossi contro il clericalismo. Una battaglia per la <strong>de</strong>mocrazia,<br />

Rubb<strong>et</strong>tino, Soveria Mannelli). Among the most recent works there is Antonella<br />

Braga’s piece that examinates the evolution of Rossi’s thought and his political<br />

engagement for the fe<strong>de</strong>ralist i<strong>de</strong>al.<br />

Thanks to the study of unpublished documents (kept since 1999 at the European<br />

University Institute, European Union Historical Archives, Florence), the interview

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