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#4LE MAÎTROPÔLE<br />
Millerand, inscrit au barreau de Paris,<br />
fut Ministre de la Guerre. Il a ardemment<br />
défendu l’Etat-Major militaire contre les<br />
commissions parlementaires qui souhaitaient<br />
contrôler l’Armée.<br />
Le Parlement rassemblait aussi beaucoup<br />
d’avocats. L’un d’eux joua un rôle important<br />
dans la défense des libertés publiques: Paul-<br />
Menier, avocat à la Cour d’appel de Paris.<br />
Dès le début de l’année 1915, il mettait en<br />
cause la pertinence du maintien de la loi<br />
sur l’état de siège et soulignait les dangers<br />
qu’elle faisait courir aux libertés publiques.<br />
Cette loi permettait au gouvernement, par<br />
l’intermédiaire des préfets, de prendre toutes<br />
les mesures qu’il jugeait nécessaire à la<br />
sécurité publique. Paul-Menier fit évoluer la<br />
Justice militaire. Il fit voter une loi modifiant<br />
la procédure et la compétence des Conseils<br />
de guerre pour faire respecter les droits de la<br />
défense et améliorer le fonctionnement des<br />
tribunaux militaires. Cette réforme a, entre<br />
autres, rétabli le droit à révision, c’est-à-dire<br />
de cassation, au sein des Conseils de guerre<br />
permanents (les Conseils siégeant en arrière<br />
du front).<br />
Durant le premier conflit mondial, les<br />
avocats restés à l’arrière du front ont tenu,<br />
depuis le Parlement, une place essentielle<br />
dans la vie politique française. Ils avaient<br />
aussi un rôle dans la conduite des opérations<br />
militaires, principalement pour les avocats<br />
du gouvernement.<br />
LE BARREAU DE PARIS ET SON<br />
BÂTONNIER<br />
Le barreau de Paris organisa des<br />
consultations gratuites. Les dossiers<br />
d’assistance à la population, habituellement<br />
confiés aux jeunes avocats, étaient traités<br />
par les anciens restés en arrière du front.<br />
Le barreau prêta également un concours<br />
bénévole à la Justice militaire.<br />
Henri Robert, ancien secrétaire de la<br />
Conférence, élu à l’Académie française en<br />
1923, fut bâtonnier de Paris durant toute la<br />
Guerre. Il avait la volonté forte d’associer les<br />
avocats à la destinée de son pays.<br />
Il fut l’instigateur de plusieurs cérémonies,<br />
religieuses notamment, pour honorer la<br />
mémoire des avocats tombés au front. Ces<br />
cérémonies eurent lieu en 1916 et 1919.<br />
D’éminentes personnalités furent présentes<br />
telles que le président de la République, le<br />
président du Conseil ou encore le Gouverneur<br />
militaire de Paris, signe de l’attachement tout<br />
particulier du pouvoir politique et militaire<br />
aux avocats morts pour la France.<br />
Il revenait également à Henri Robert la<br />
lourde tâche d’annoncer à des parents et à<br />
des femmes que leur enfant ou leur mari avait<br />
été tué. Il précisa que ce furent les minutes<br />
les plus douloureuses de son bâtonnat. Grâce<br />
aux dons importants de certains avocats et<br />
au recours à l’emprunt, le barreau de Paris a<br />
pu venir en aide aux veuves et aux orphelins<br />
de la Guerre.<br />
Les avocats partis au front écrivaient à leur<br />
bâtonnier. André Miguet, dans une lettre très<br />
touchante qu’il commença par « Mon cher<br />
bâtonnier, j’ai à vous rendre compte », raconta<br />
à Henri Robert dans quelles conditions il<br />
croisa, traversant avec ses hommes la vallée<br />
de l’Aisne, la tombe de son confrère Jacques<br />
Bernet Rolland.<br />
Le barreau de Paris a accueilli et est<br />
intervenu pour hâter la libération de<br />
confrères étrangers et de magistrats français<br />
des pays envahis. Tout au long de la Guerre<br />
de fortes relations se nouèrent alors avec les<br />
barreaux de Bruxelles, de Lisbonne et avec<br />
des confrères américains.<br />
Comme l’affirmait en 1916 le cardinal<br />
Amette, Archevêque de Paris, le sang des<br />
avocats morts durant ce premier conflit<br />
mondial « plaide éloquemment pour la cause<br />
de la France et pour la leur ». N’oublions<br />
pas ces dernières plaidoiries pour lesquelles<br />
nos confrères se dépouillèrent de leur robe<br />
revêtant alors l’uniforme du soldat, autre<br />
manteau de Justice. <br />
François Gorriez<br />
50 | LE BAROMAÎTRE #4 - AEA PARIS