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Frontalier magazine N° 109 - Avril 2012 - Groupement transfrontalier ...

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SOCIÉTÉ<br />

Catherine Aebischer, journaliste<br />

Travailler moins ? Pas question !<br />

Tous les cantons ont refusé, le 11 mars, l’initiative populaire instituant six semaines de vacances<br />

pour tous. A près de 67% des votants, les Suisses ont dit non à ce projet du syndicat<br />

« Travail.suisse », soutenu par une minorité rose et verte.<br />

Les premiers congés payés permettent de profiter des rives du lac.<br />

S<br />

i un tel vote pouvait être organisé en<br />

France, nul doute que les résultats<br />

auraient été très différents. Et que nos<br />

concitoyens se seraient octroyés, sans trop<br />

d’états d’âme, une semaine de congés<br />

supplémentaires, comme un nouveau droit.<br />

Mais voilà, la relation des Suisses avec le<br />

travail (pour l’anecdote, le mot vient du latin<br />

« tripalium », désignant un instrument de<br />

torture) ressort d’une autre logique, comme<br />

le prouve la longue gestation des congés<br />

payés dans le pays.<br />

La santé de l’économie<br />

A l’origine, c’est d’abord un problème de<br />

rendement et de santé. Une main d’œuvre<br />

fatiguée travaille moins vite et tombe plus<br />

souvent malade. C’est ainsi qu’en 1879, la<br />

Confédération ouvre la voie, proposant<br />

des cures à ses employés dans les stations<br />

thermales suisses. Le mouvement ouvrier en<br />

est encore à ses balbutiements mais, à la<br />

fin du dix-neuvième siècle et au début du<br />

vingtième, des corporations très organisées<br />

comme celles des typographes obtiennent<br />

leur première semaine de congés. Parallèlement,<br />

le temps de travail diminue, passant<br />

de 60 heures à 54 voire 48 dans de nombreux<br />

métiers.<br />

Il faudra attendre 1931 pour qu’une<br />

première loi cantonale soit votée à Berne,<br />

instituant cette première semaine de congés<br />

pour tous. En 1937, l’industrie horlogère<br />

prend le relais avec une convention collective<br />

généralisant ce droit dans ce secteur<br />

déjà en pointe. En 1947, Genève et<br />

d’autres cantons comme Soleure vont plus<br />

loin : on passe à deux semaines !<br />

Outre les syndicats, d’autres pionniers<br />

défendent aussi le droit aux vacances : c’est<br />

le cas du fondateur de la Migros, Gottlieb<br />

Dutweiler, qui lance, dès avant la seconde<br />

guerre mondiale, une agence de voyages<br />

à prix abordables pour les salariés. Le<br />

succès sera vite au rendez-vous et les Suisses<br />

découvriront les richesses de leur pays voire<br />

de la mer… Près de 80 ans après, l’agence<br />

existe toujours.<br />

Ce n’est qu’en 1964 qu’est votée la loi<br />

fédérale instituant deux semaines de congés<br />

pour tous. La réalité ne sera effective qu’en<br />

1966, laissant le temps aux entreprises de<br />

s’organiser avec cette nouvelle donne.<br />

Quant à la dernière loi fédérale sur le sujet,<br />

elle date de 1984 et impose quatre<br />

semaines de congés. Les plus jeunes ont<br />

droit à cinq semaines. Depuis, au niveau de<br />

l’Etat, rien n’a changé… jusqu’à ce 11 mars<br />

et à l’initiative rejetée.<br />

Néanmoins, de nombreuses conventions<br />

collectives (il y en a plus de 600 en Suisse) et<br />

accords d’entreprises sont plus généreux<br />

que la loi ; l’âge, l’ancienneté ouvrent<br />

souvent droit à une cinquième voire une<br />

sixième semaine de vacances. Naturellement,<br />

certains secteurs comme l’hôtellerie<br />

ou le bâtiment et les petites entreprises sont<br />

plus restrictives, par choix ou par nécessité.<br />

Il reste que le scrutin de <strong>2012</strong> aura eu<br />

valeur de test. Le Conseil National, tout<br />

comme celui des Etats, préconisaient le<br />

rejet. Le peuple l’a suivi : « projet irréaliste »,<br />

« manque de compétitivité des entreprises »,<br />

« crainte de perdre son emploi » étaient les<br />

arguments les plus souvent avancés. En<br />

période de crise économique, les arguments<br />

ont fait mouche : 1,53 million de votants<br />

ont refusé le texte quand 772 000 l’ont<br />

accepté. Les plus réfractaires étaient, sans<br />

surprise, les cantons alémaniques et les<br />

plus proches du « oui » les Jurassiens et les<br />

Tessinois. Pour les syndicats, le débat est<br />

néanmoins lancé ; pour le patronat, c’est<br />

aux partenaires sociaux de négocier des<br />

conventions collectives ouvrant droit à<br />

davantage de congés ou de temps de<br />

récupération. En attendant, la loi de 1984<br />

reste en vigueur : l’image d’une Suisse,<br />

peuple de travailleurs, a encore de beaux<br />

jours devant elle.<br />

40 <strong>Frontalier</strong> <strong>magazine</strong> N° <strong>109</strong> - <strong>Avril</strong> <strong>2012</strong>

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