Sauvagerie, barbarie et civilisation - les atomes de l'âme
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Le malin dupé<br />
29<br />
là <strong>de</strong>ux réalités différentes, opposab<strong>les</strong> l’une à l’autre ? C’est absolument<br />
sûr !<br />
Pour chacun d’eux, la fécondité est règle d’or. Elle fait loi. Tout<br />
comme si elle en était <strong>de</strong>venue une garantie absolue <strong>de</strong> valeur, <strong>et</strong> la caution<br />
<strong>de</strong> leur réalité.<br />
D’où multiplicité <strong>et</strong> prodigalité d’inventions ; <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> – hors d’atteinte<br />
<strong>de</strong>s critères habituels - échappent à tout jugement <strong>de</strong> valeur.<br />
II en résulte chez <strong>les</strong> spécialistes d’esthétique mo<strong>de</strong>rne, aux U.S.A.,<br />
<strong>de</strong>s maux <strong>de</strong> tête névrosants <strong>et</strong> durab<strong>les</strong>.<br />
Cependant la volonté d’accor<strong>de</strong>r la primauté absolue aux métho<strong>de</strong>s<br />
normalisantes - c<strong>et</strong>te option <strong>de</strong> la mentalité nordique - comporte, elle aussi,<br />
<strong>de</strong>s faib<strong>les</strong>ses. C<strong>et</strong>te mentalité nordique se rend – en quelque manière - prisonnière<br />
<strong>de</strong> sa volonté.<br />
Elle se m<strong>et</strong> dans l’impossibilité <strong>de</strong> valoriser l’inattendu, le nouveau,<br />
l’extraordinaire. En ceux-ci, elle est obligée <strong>de</strong> voir une atteinte directe à sa<br />
souverain<strong>et</strong>é. Car chez elle, rappelons-le, la souverain<strong>et</strong>é est liée, rigoureusement,<br />
au passé, à la fidélité au passé. Aussi est-elle incapable <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r quand « le<br />
jamais-vu » est <strong>de</strong> nature désastreuse, <strong>et</strong> quand <strong>de</strong> nature salutaire. Toute nouveauté lui<br />
paraît pathologique. En souffrent évi<strong>de</strong>mment tous <strong>les</strong> artistes dont l’activité<br />
propre dépasse <strong>les</strong> règ<strong>les</strong>.<br />
Georges Dumézil a fait remarquer justement qu’il n’est guère <strong>de</strong> thèmes<br />
<strong>de</strong>s mythologies scandinaves qui n’aient été repris <strong>et</strong> pour- suivis par le<br />
Moyen-Âge chrétien.<br />
LE MALIN DUPÉ<br />
Entre autres exemp<strong>les</strong>, il cite le thème du « Malin Dupé » :<br />
l’entremise du Diable à la construction d’églises <strong>et</strong> la ruse dont celuici,<br />
son travail accompli, est victime. Ainsi le récit <strong>de</strong> Gylfaginning : sous <strong>les</strong><br />
apparences d’un maître-artisan, un géant proposa aux Ases <strong>et</strong> entreprit la<br />
construction d’un château - étant entendu que celle-ci s’effectuerait dans le<br />
temps d’un hiver, avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> son seul cheval, <strong>et</strong> que le salaire <strong>de</strong> son travail<br />
serait, outre le soleil <strong>et</strong> la lune, la belle Déesse Freyja - ordinaire obj<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
convoitise <strong>de</strong>s géants.<br />
Le cheval du géant ayant infatigablement apporté, chaque nuit, <strong>les</strong><br />
pierres nécessaires à c<strong>et</strong>te construction, <strong>les</strong> Ases décidèrent – trois jours avant<br />
l’été - <strong>de</strong> frustrer l’artisan <strong>de</strong> son salaire ; ils déléguèrent à c<strong>et</strong>te fin leur dieu<br />
Loki qui prit, par subterfuge, la forme d’une jument <strong>et</strong> détourna le cheval <strong>de</strong><br />
son labeur.<br />
éditions <strong>les</strong> <strong>atomes</strong> <strong>de</strong> l’âme