Sauvagerie, barbarie et civilisation - les atomes de l'âme
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Le vandalisme églisophage<br />
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sens esthétique. Le rôle civilisateur <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong> n’est ni évi<strong>de</strong>nt, ni absolu. Il s’ensuit<br />
que la <strong>de</strong>struction partielle ou totale d’un ensemble urbain ne constitue<br />
pas nécessairement un acte <strong>de</strong> vandalisme. Mon enfance au pays d’origine <strong>de</strong>s<br />
Vanda<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Teutons m’a laissé <strong>de</strong>s souvenirs clairs. Je me rappelle qu’y<br />
était réputée satanique l’activité noire <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s cités industriel<strong>les</strong>. Et je n’ai<br />
pas oublié <strong>les</strong> histoires qui nous étaient contées — Sodome <strong>et</strong> Gomorrhe ; <strong>et</strong><br />
encore : la Tour <strong>de</strong> Babel. Toutes histoires en <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> Dieu était présent ;<br />
<strong>et</strong> au travers <strong>de</strong>squel<strong>les</strong> s’exprime un état d’esprit <strong>et</strong> aussi bien une position<br />
morale, dont il me semble en tant qu’artiste, essentiel <strong>de</strong> r<strong>et</strong>rouver <strong>les</strong> raisons<br />
<strong>et</strong> le bien-fondé plus que <strong>de</strong> s’y opposer <strong>de</strong> façon aveugle <strong>et</strong> catégorique.<br />
Louis Réau rend un hommage sans réserve aux Romains pour leur<br />
colonisation <strong>de</strong> la Gaule — « une oeuvre <strong>de</strong> <strong>civilisation</strong>, dans le sens le plus<br />
noble <strong>de</strong> ce mot », mais il change ensuite radicalement <strong>de</strong> position envers <strong>les</strong><br />
envahisseurs nordiques, particulièrement envers <strong>les</strong> Normands. Et quand alors<br />
il s’interroge sur ce qui peut être porté à l’actif <strong>de</strong> ceux-ci, il ne découvre<br />
qu’une seule chose : « la naissance <strong>de</strong> l’architecture romane que <strong>les</strong> Anglais<br />
préfèrent appeler, non sans raison, le style normand. » Rappelons en passant<br />
que ce style normand parut aux humanistes <strong>de</strong> la Renaissance italienne, d’une<br />
lai<strong>de</strong>ur in<strong>de</strong>scriptible — un phénomène barbare, « gothique ».<br />
LE VANDALISME ÉGLISOPHAGE<br />
Il y eut, à Byzance, un très important vandalisme religieux - vandalisme<br />
que Louis Réau n’est parvenu qu’imparfaitement à distinguer <strong>et</strong> à isoler.<br />
Certains prêtres grattaient <strong>les</strong> icônes, en détachaient <strong>de</strong>s parcel<strong>les</strong> qu’ils<br />
recueillaient dans un calice, à <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong> faire communier <strong>les</strong> fidè<strong>les</strong>. Ces icônes<br />
— somm<strong>et</strong>s <strong>de</strong> l’art religieux <strong>de</strong> l’époque — furent ainsi véritablement<br />
livrées à la consommation. Ce fétichisme <strong>de</strong> l’absorption fut cause que le sens<br />
<strong>et</strong> la signification <strong>de</strong> l’art s’en trouvèrent changés <strong>et</strong> obscurcis.<br />
Pour arrêter ce vandalisme <strong>de</strong> la nutrition <strong>de</strong>venu rituel, l’Empereur<br />
décréta l’iconoclasme : tous ceux qui possédaient, <strong>de</strong> manière privée, <strong>de</strong>s icônes,<br />
étaient invités à venir <strong>les</strong> apporter à Constantinople où, en place publique,<br />
el<strong>les</strong> étaient brûlées. C’était évi<strong>de</strong>mment pallier à un vandalisme par un autre :<br />
celui du sacrifice, du potlatch. Cependant ce vandalisme gouvernemental ne<br />
peut être comparé au premier — populaire.<br />
Dans le premier cas, il s’agit d’une fête. C<strong>et</strong>te consommation – si<br />
naïve fut-elle — comportait d’authentiques éléments d’amour <strong>et</strong> <strong>de</strong> foi :<br />
c’était le vandalisme heureux.<br />
éditions <strong>les</strong> <strong>atomes</strong> <strong>de</strong> l’âme