04-francais.pdf 153kb - Collège Notre-Dame de Jamhour
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<strong>Collège</strong> <strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> <strong>Jamhour</strong><br />
2013<br />
Juillet<br />
Classe <strong>de</strong> 4 ème<br />
Sujet 1 :<br />
La lune resplendissait cette nuit-là. Le fleuve brillait. L’air était calme et doux. Assis(e) dans votre<br />
barque qui se balançait légèrement à la surface <strong>de</strong> l’eau <strong>de</strong> la rivière, vous goûtez à cette tranquillité.<br />
Soudain vous apercevez <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> roseaux plus élevés que d’autres et qui ressemblent à <strong>de</strong>s figures<br />
surprenantes.<br />
Rédigez un récit fantastique dans lequel vous respecterez les cinq étapes du schéma narratif. Vous<br />
y insérerez un retour en arrière intéressant et une ellipse significative.<br />
Sujet 2 :<br />
Jean Valjean, poursuivi par le policier Javert, s’engouffra dans les égouts <strong>de</strong> Paris pour échapper à<br />
son poursuivant.<br />
Rédigez un récit réaliste selon les cinq étapes du schéma narratif et dans lequel vous adopterez un<br />
point <strong>de</strong> vue omniscient.<br />
Sujet 3 :<br />
Durant une nuit orageuse, vous êtes installés, vos parents et vous au salon, bien au chaud, <strong>de</strong>vant<br />
l’écran <strong>de</strong> télévision. Soudain, on frappe si violemment à la porte que vous tressautez. Vous vous levez<br />
pour ouvrir et vous restez figé(e) sur place : <strong>de</strong>vant vous, se tient une jeune personne qui vous ressemble<br />
comme <strong>de</strong>ux gouttes d’eau.<br />
Rédigez un récit au passé dans lequel vous adopterez un point <strong>de</strong> vue interne dans un passage <strong>de</strong> la<br />
DA et y insérerez un retour en arrière significatif.<br />
Sujet 4 :<br />
Alors que vous étiez en vacances chez votre cousine en France, vos parents vous ont écrit pour vous<br />
annoncer que vous alliez poursuivre vos étu<strong>de</strong>s en Angleterre afin <strong>de</strong> progresser en anglais.<br />
Rédigez la réponse adressée à vos parents dans laquelle vous refusez leur proposition. Votre texte<br />
sera argumenté et illustré d’exemples. Vous respecterez le plan thématique.
Sujet 5 :<br />
Vous rentrez du cinéma, un soir. Vous croisez dans la rue un enfant qui pleure, assis sur le bord du<br />
trottoir. Vous vous arrêtez et cherchez à l’ai<strong>de</strong>r. Celui-ci vous explique que ses parents l’ont chassé car il<br />
n’a rien rapporté aujourd’hui à la maison. Vous lui ten<strong>de</strong>z une somme d’argent et lui dites <strong>de</strong> rentrer chez<br />
lui.<br />
Rédigez un texte argumentatif thématique dans lequel vous donnerez votre point <strong>de</strong> vue sur<br />
l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s adultes vis-à-vis <strong>de</strong>s enfants. Vous utiliserez <strong>de</strong>s arguments précis illustrés d’exemples.
<strong>Collège</strong> <strong>Notre</strong> <strong>Dame</strong> <strong>de</strong> <strong>Jamhour</strong><br />
Classe <strong>de</strong> 4 e<br />
Récit policier<br />
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Lorsque l’inspecteur Japp et Poirot arrivèrent sur les lieux, l’inspecteur Jameson leur résuma la<br />
situation :<br />
- La défunte est une certaine Mrs Allen, monsieur. Elle habitait ici avec une amie … miss<br />
Plen<strong>de</strong>rleith. Miss Plen<strong>de</strong>rleith vient <strong>de</strong> faire un séjour à la campagne. Elle est rentrée ce matin,<br />
a ouvert avec sa clef et a eu la surprise <strong>de</strong> ne trouver personne. En principe, une femme <strong>de</strong><br />
ménage vient tous les matins à 9 heures. Miss Plen<strong>de</strong>rleith est d’abord montée dans sa chambre<br />
– celle-ci –, puis elle est allée chez son amie, <strong>de</strong> l’autre côté du palier. La porte était fermée <strong>de</strong><br />
l’intérieur. Elle a fait jouer la poignée, frappé, appelé sans obtenir <strong>de</strong> réponse. Inquiète, elle a<br />
fini ensuite par téléphoner au poste <strong>de</strong> police. Il était 11 heures moins le quart. Une <strong>de</strong>mi-heure<br />
plus tard,nous sommes arrivés et nous avons forcé la porte. Mrs Allen était recroquevillée par<br />
terre, une balle dans la tête. Elle tenait un automatique à la main – un Webley 25 – et le suici<strong>de</strong><br />
semblait évi<strong>de</strong>nt.<br />
Tous trois traversèrent le palier pour se rendre dans la chambre d’en face.<br />
Poirot en profita pour jeter un rapi<strong>de</strong> coup d’œil autour <strong>de</strong> lui. Puis il huma délicatement l’air ambiant<br />
et il s’approcha du mé<strong>de</strong>cin qui regardait le cadavre et le vit se pencher plusieurs fois au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui.<br />
Recroquevillé sur le sol aux pieds d’un <strong>de</strong>s fauteuils, c’était le corps d’une jeune femme d’environ<br />
vingt-sept ans. Le côté gauche <strong>de</strong> son crâne n’était plus guère qu’un amas <strong>de</strong> sang coagulé. Les doigts<br />
<strong>de</strong> sa main droite étaient crispés sur un petit revolver. Elle portait une robe vert foncé, simple, montant<br />
au ras du cou.<br />
- Alors, Brett, qu’est-ce qui ne colle pas ? <strong>de</strong>manda l’inspecteur Japp<br />
- La position est normale, répondit le mé<strong>de</strong>cin. Au moment où elle aurait tiré, elle aurait glissé <strong>de</strong><br />
son fauteuil et se serait probablement retrouvée par terre dans cette position. La porte était<br />
fermée à double tour et les fenêtres bloquées <strong>de</strong> l’intérieur.<br />
- Tout ça est normal, d’après vous. Alors qu’est-ce qui ne l’est pas ?<br />
- Regar<strong>de</strong>z le revolver. Je ne l’ai pas touché… j’attends qu’on relève les empreintes. Mais vous<br />
<strong>de</strong>vez voir ce que je veux dire.<br />
Poirot et Japp s’agenouillèrent pour examiner l’arme <strong>de</strong> près.<br />
- Je vois très bien, en effet ce que vous voulez dire, déclara Japp en se relevant. Le revolver est ici<br />
dans le creux <strong>de</strong> sa main. On dirait qu’elle le tient, mais en réalité elle ne le tient pas. Autre<br />
chose encore ?<br />
- Beaucoup <strong>de</strong> choses. Le revolver est dans la main droite. Maintenant, regar<strong>de</strong>z la blessure. On a<br />
tenu le revolver tout près <strong>de</strong> la tête juste au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l’oreille gauche… Je répète : l’oreille<br />
gauche.<br />
- Hum ! fit Japp. Voilà qui semble régler le problème. Elle ne pouvait pas tenir un revolver et tirer<br />
<strong>de</strong> la main droite dans cette position, c’est ça ?<br />
- A mon avis, c’est rigoureusement impossible. Vous pourriez braquer l’arme <strong>de</strong> cette façon, mais<br />
je ne crois pas que vous pourriez tirer.<br />
- Cela semble assez évi<strong>de</strong>nt. Quelqu’un d’autre a tiré et a essayé <strong>de</strong> déguiser ça en suici<strong>de</strong>.<br />
Poirot s’approcha du secrétaire. Il était en bois <strong>de</strong> chêne et en parfaite harmonie avec la tonalité <strong>de</strong><br />
l’ensemble.Il y avait un encrier en argent massif au centre, <strong>de</strong>vant un élégant sous-main laqué vert. A<br />
gauche du buvard, un plumier <strong>de</strong> verre teinté dont la masse contenait un porte-plume en argent, un<br />
bâton <strong>de</strong> cire verte, un crayon et <strong>de</strong>ux timbres. Il y avait aussi un petit vase <strong>de</strong> verre moiré dans lequel<br />
était piquée une plume d’oie d’un flamboyant vert émerau<strong>de</strong>. Immaculée, la plume parut intéresser<br />
vivement Poirot. Il la sortit, l’examina mais elle était vierge d’encre. C’était un objet purement décoratif.<br />
Seul le porte-plume en argent était taché et avait dû servir.<br />
Poirot ouvrit le sous-main. Il ne refermait qu’un bloc <strong>de</strong> papier blanc, dont la première feuille était<br />
vierge. Poirot les feuilleta, mais elles étaient toutes dans le même état. Il inspecta scrupuleusement la
50<br />
corbeille à papier. Celle-ci contenait quelques lettres et prospectus déchirés.<br />
- Rien là-<strong>de</strong>dans, commenta Japp.<br />
- Non, c’est curieux… marmonna Poirot.<br />
- Vous voulez dire qu’on laisse généralement une lettre quand on se suici<strong>de</strong> ?<br />
- Exactement.<br />
- En fait, c’est une preuve <strong>de</strong> plus qu’il ne s’agit pas d’un suici<strong>de</strong>.<br />
D’après Agatha CHRISTIE, Feux d’artifice, 1937.
QUESTIONS :<br />
1. a) Entre les lignes 3 et 12, relevez tous les indices <strong>de</strong> temps qui permettent <strong>de</strong> reconstituer la journée<br />
<strong>de</strong> Miss Plen<strong>de</strong>rleith.<br />
b) Parmi ces indices, i<strong>de</strong>ntifiez une ellipse narrative. Précisez son intérêt.<br />
2. « Elle a fait jouer la poignée, frappé, appelé sans obtenir <strong>de</strong> réponse »(l.8)<br />
I<strong>de</strong>ntifiez la figure <strong>de</strong> rhétorique contenue dans cette phrase. Sur quoi met-elle l’accent ?<br />
3. a) I<strong>de</strong>ntifiez le point <strong>de</strong> vue adopté par le narrateur dans les lignes 14 à 16. Justifiez votre réponse à<br />
partir d’éléments tirés du passage.<br />
b) Dans les lignes qui suivent (l.17 à 20), ce point <strong>de</strong> vue est-il le même ? Pourquoi ?<br />
4. « Je vois très bien, en effet ce que vous voulez dire, déclara Japp en se relevant. Le revolver est ici dans<br />
le creux <strong>de</strong> sa main. On dirait qu’elle le tient, mais en réalité elle ne le tient pas. »(l.29-30).<br />
Transformez ce passage au discours indirect.<br />
5. a) Quel est le type <strong>de</strong>s phrases soulignées dans le texte ? Quelle en est l’utilité?<br />
6. b) Après avoir observé le cadavre, quelle est donc la conclusion qui s’impose aux enquêteurs.<br />
Relevez les <strong>de</strong>ux indices qui appuient cette idée dans les lignes 26à 38.<br />
7. « Quelqu’un d’autre a tiré et a essayé <strong>de</strong> déguiser ça en suici<strong>de</strong>. » (l.39)<br />
a) Donnez la nature et la fonction <strong>de</strong>s mots soulignés.<br />
b) Quelle phrase, dans les seize premières lignes du texte, s’oppose-t-elle à cette affirmation ?<br />
8. a) Dans les lignes 40 à 44, relevez dans un tableau à <strong>de</strong>ux entrées, d’une part les objets posés sur le<br />
secrétaire et d’autre part, leurs caractéristiques<br />
9. Que révèlent-ils <strong>de</strong> leur propriétaire, Mrs Allen ?<br />
b) I<strong>de</strong>ntifiez le temps dominant dans ce passage. Justifiez son emploi.<br />
10. « Il y avait aussi un petit vase <strong>de</strong> verre moiré dans lequel était piquée une plume d’oie d’un flamboyant<br />
vert émerau<strong>de</strong>. Immaculée, la plume parut intéresser vivement Poirot. Il la sortit, l’examina mais elle<br />
était vierge d’encre. »(l.43 à 45).<br />
a) Précisez la nature et la fonction <strong>de</strong>s mots ou groupe <strong>de</strong> mots soulignés.<br />
b) Quel objet attire l’attention <strong>de</strong> Poirot ? Pourquoi ?<br />
11. Dans la suite du passage, quel indice réveille- t-il les soupçons <strong>de</strong> Poirot ? Expliquez en vous basant sur<br />
<strong>de</strong>s éléments du texte.<br />
12. « Poirot ouvrit le sous-main » (l.48) « Il inspecta scrupuleusement la corbeille à papier » (l.49-50)<br />
a) Quelles qualités <strong>de</strong> Poirot sont ainsi mises en valeur ?<br />
b) Transposez ces phrases à la voix passive.
<strong>Collège</strong> <strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> <strong>Jamhour</strong><br />
Récit fantastique<br />
LE COMTE D'ATHOL<br />
Classe <strong>de</strong> 4ème<br />
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C'était à la tombée d’un soir d’automne, en ces <strong>de</strong>rnières années, à Paris. Vers le sombre faubourg<br />
Saint-Germain, une voiture s'arrêta <strong>de</strong>vant le portail d’un vaste hôtel seigneurial Un homme <strong>de</strong> trente à<br />
trente-cinq ans, en <strong>de</strong>uil, au visage mortellement pâle, <strong>de</strong>scendit. C'était le comte d’Athol. Il monta les<br />
blancs escaliers qui conduisaient à cette chambre où, le matin même, il avait couché dans un cercueil <strong>de</strong><br />
velours et enveloppé <strong>de</strong> violettes, sa dame <strong>de</strong> volupté 1 , sa pâlissante épouse, Véra.<br />
La mort, subite, l’avait foudroyée. La nuit <strong>de</strong>rnière, elle s'était évanouie et son cœur avait défailli. A<br />
peine avait-elle eu le temps <strong>de</strong> donner à son époux un baiser d'adieu, en souriant, sans une parole, que ses<br />
longs cils, comme <strong>de</strong>s voiles <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, s'étaient abaissés sur la belle nuit <strong>de</strong> ses yeux.<br />
Après l'affreuse cérémonie du caveau familial, le comte d'Athol avait congédié 2 la noire escorte. De<br />
l'encens brûlait sur un trépied, <strong>de</strong>vant le cercueil, une couronne lumineuse <strong>de</strong> lampes, au chevet <strong>de</strong> la<br />
jeune défunte, l'étoilait. Lui, <strong>de</strong>bout, songeur, avec l'unique sentiment d'une tendresse sans espérance,<br />
était <strong>de</strong>meuré là, tout le jour. Avant la tombée <strong>de</strong> la nuit, vers six heures, il sortit du lieu sacré. En<br />
refermant le sépulcre, il avait arraché <strong>de</strong> la serrure la clé d’argent et l’avait jetée doucement dans<br />
l’intérieur du tombeau.<br />
Et maintenant il revoyait la chambre veuve. Il regardait, <strong>de</strong>s heures durant, par la croisée, la nuit<br />
qui s'avançait dans les cieux, et qui lui apparaissait comme une reine, marchant avec mélancolie, dans<br />
l'exil, et l’agrafe <strong>de</strong> diamant <strong>de</strong> sa tunique <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, Vénus 3 , seule, brillait au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s arbres, perdue au<br />
fond <strong>de</strong> l'azur. – C’est Véra, pensa-t-il.<br />
À ce nom, prononcé tout bas, il tressaillit en homme qui s'éveille. Puis, se dressant, il regarda autour<br />
<strong>de</strong> lui : les objets, dans la chambre, étaient maintenant éclairés par une lueur jusqu'alors imprécise, celle<br />
d'une veilleuse, bleuissant les ténèbres, et que la nuit, montée au firmament, faisait apparaître ici comme<br />
une autre étoile. Le comte, à cette vue, touché <strong>de</strong> rappels douloureux jusqu'au plus secret <strong>de</strong> l'âme, se<br />
dressa, souffla vite la lueur et, à tâtons, dans l'ombre, étendant la main vers une torsa<strong>de</strong> 4 , il sonna.<br />
Un serviteur parut : c'était un vieillard vêtu <strong>de</strong> noir. [Il tenait une lampe qu'il posa <strong>de</strong>vant le<br />
portrait <strong>de</strong> la comtesse. Lorsqu'il se retourna, il vit, avec un frisson <strong>de</strong> superstitieuse terreur, son maître<br />
<strong>de</strong>bout sourire.]<br />
- « Raymond, dit tranquillement le comte, ce soir, nous sommes accablés <strong>de</strong> fatigue, la comtesse et moi.<br />
Tu serviras le souper vers dix heures. A propos, nous avons résolu <strong>de</strong> nous isoler davantage, ici, dès<br />
<strong>de</strong>main. Aucun <strong>de</strong> mes serviteurs, hors toi, ne doit passer la nuit dans l'hôtel. Tu fermeras la barre du<br />
portail. Nous ne recevrons personne à l'avenir. »<br />
Le vieillard trembla et le regarda attentivement. Le serviteur pensa d’abord que la douleur trop<br />
lour<strong>de</strong>, trop désespérée, avait égaré l’esprit <strong>de</strong> son maître. Il sortit <strong>de</strong> la chambre, exécuta les ordres à la<br />
lettre et, le soir même, l’insolite existence commença. Il avait peur, une peur indécise, douce.<br />
D’Athol, en effet, vivait absolument dans l’inconscience <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> sa bien-aimée ! Il ne pouvait<br />
que la trouver toujours présente, tantôt, sur un banc <strong>de</strong> jardin, les jours <strong>de</strong> soleil, lorsqu’il lui lisait, à haute<br />
voix, les poésies qu'elle aimait, tantôt, le soir, auprès du feu, les <strong>de</strong>ux tasses <strong>de</strong> thé sur un guéridon, il<br />
causait avec elle, souriante, assise sur l'autre fauteuil.<br />
Les jours, les nuits, les semaines s'envolèrent. Et <strong>de</strong>s phénomènes singuliers se passaient, où il<br />
<strong>de</strong>venait difficile <strong>de</strong> distinguer le point où l'imaginaire et le réel étaient i<strong>de</strong>ntiques. Une présence flottait<br />
dans l’air : une forme s'efforçait <strong>de</strong> transparaître, <strong>de</strong> se tramer 5 sur l'espace <strong>de</strong>venu indéfinissable. Un<br />
visage doux et pâle, entrevu comme l'éclair, entre <strong>de</strong>ux clins d'yeux, un faible accord frappé au piano, tout<br />
à coup, un baiser qui lui fermait la bouche, le parfum vertigineusement doux <strong>de</strong> sa bien-aimée auprès <strong>de</strong><br />
lui, et, la nuit, entre la veille et le sommeil, <strong>de</strong>s paroles entendues très bas : tout l'avertissait. Une nuit,<br />
1 La femme dont il est amoureux.<br />
2 Inviter à s’en aller, renvoyer.<br />
3 Planète du système solaire, très brillante, appelée aussi « étoile du Berger ».<br />
4 Cordons reliés ensemble auxquels était suspendue une cloche.<br />
5 Se tisser, se former.
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50<br />
55<br />
60<br />
D'Athol la sentit et la vit si bien auprès <strong>de</strong> lui, qu'il la prit dans ses bras. Et il se rendormit… Le matin, il<br />
remarqua une robe <strong>de</strong> velours noir au détour d'une allée, une voix rieuse qui l'appelait dans le salon, un<br />
coup <strong>de</strong> sonnette le matin, à son réveil, comme autrefois. Tout cela lui était <strong>de</strong>venu familier : on eût dit<br />
que la morte jouait à l'invisible, comme une enfant.<br />
Une année s'était écoulée. […]<br />
Tout à coup, le comte d'Athol tressaillit, comme frappé d'une réminiscence 6 fatale. Il dit : « Ah !<br />
maintenant, je me rappelle !... Qu'ai-je donc ? Mais tu es morte ! » A l'instant même, à cette parole, la<br />
mystique veilleuse s'éteignit, le pâle petit jour du matin, d'un matin banal, grisâtre et pluvieux s’infiltra<br />
dans la chambre par les interstices <strong>de</strong>s ri<strong>de</strong>aux. Les bougies blêmirent et s'éteignirent, laissant fumer<br />
âcrement leurs mèches rouges, le feu disparut sous une couche <strong>de</strong> cendres tiè<strong>de</strong>s, les fleurs se fanèrent et<br />
se <strong>de</strong>sséchèrent en quelques moments, le balancier <strong>de</strong> la pendule reprit graduellement son immobilité. Un<br />
faible soupir d'adieu, distinct, lointain, parvint jusqu'à l'âme du comte. Il se dressa. Il venait <strong>de</strong> s’apercevoir<br />
qu’il était seul.<br />
- « Oh ! murmura-t-il, c'est donc fini ! Perdue !... Toute seule ! Quelle est la route, maintenant, pour<br />
parvenir jusqu'à toi ? Indique-moi le chemin qui peut me conduire vers toi !... »<br />
Soudain, comme une réponse, un objet brillant tomba du lit nuptial, sur la noire fourrure, avec un<br />
bruit métallique. Un rayon <strong>de</strong> l'affreux jour terrestre l'éclaira !... L'abandonné se baissa, le saisit, et un<br />
sourire sublime illumina son visage en reconnaissant cet objet : c'était la clef du tombeau.<br />
6 Souvenir imprécis.<br />
Villiers <strong>de</strong> L'Isle-Adam, Véra in Contes Cruels, 1883.<br />
Questions<br />
1- a) Délimitez un retour en arrière entre les lignes 1 à 17. Relevez les <strong>de</strong>ux indices qui vous ont permis <strong>de</strong><br />
l’i<strong>de</strong>ntifier. Quelle est l’utilité <strong>de</strong> son emploi ?<br />
b) Quelle partie du schéma narratif représente-t-il ?<br />
c) Quelle relation liait le comte à sa femme ? Justifiez votre réponse à partir d’expressions tirées <strong>de</strong>s<br />
trois premiers paragraphes.<br />
2- a) Relevez, dans le même passage, les mots qui appartiennent au champ lexical <strong>de</strong> la mort.<br />
b) Quel est le point <strong>de</strong> vue adopté dans les lignes 14 à 22 ? Justifiez votre réponse par <strong>de</strong>ux critères<br />
précis illustrés d’exemples.<br />
c) Quelle atmosphère est-elle ainsi créée ?<br />
3- a) Analysez logiquement les phrases soulignées et entre crochets dans les lignes 23 à 25.<br />
b) Transposez les lignes 26 et 27 au discours indirect. Quelle version vous semble-t-elle la plus adaptée à<br />
cette situation ? Pourquoi ?<br />
c) Comment le serviteur réagit-il face à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> son maître ?<br />
4- a) Dans les lignes 37 à 46, comment se manifeste le fantastique ? Justifiez votre réponse à partir d’un<br />
champ lexical précis et d’expressions renvoyant à la défunte.<br />
b) Sur quelle figure <strong>de</strong> style s’achève ce passage ? Analysez-la.<br />
5- a) « Une année s’était écoulée » (l.47).<br />
Quel est le rythme narratif adopté dans cette expression soulignée ?<br />
b) « Tout à coup … seul ». (l. 48 à 55)<br />
- Quelle étape du schéma narratif est signalée dans ce passage ?<br />
- Quel changement constatez-vous alors dans l’attitu<strong>de</strong> du comte ?<br />
c) « Les bougies blêmirent et s'éteignirent, laissant fumer âcrement leurs mèches rouges, le feu<br />
disparut sous une couche <strong>de</strong> cendres tiè<strong>de</strong>s, les fleurs se fanèrent et se <strong>de</strong>sséchèrent en quelques<br />
moments, le balancier <strong>de</strong> la pendule reprit graduellement son immobilité. » (l.51 à 53)
I<strong>de</strong>ntifiez et interprétez une figure <strong>de</strong> rhétorique contenue dans ce passage.<br />
6- a) Donnez la nature et la fonction <strong>de</strong>s quatre mots soulignés et en gras dans les lignes 56 à 60.<br />
b) Quel désir exprime le comte d’Athol ? Justifiez votre réponse à partir d’une expression tirée du même<br />
passage.<br />
c) Que représente la clef dans la fin <strong>de</strong> cette nouvelle fantastique?<br />
7- a) Conjuguez les verbes entre parenthèses aux mo<strong>de</strong>s et aux temps convenables.<br />
Dès que le serviteur (finir) <strong>de</strong> renvoyer le personnel <strong>de</strong> l’hôtel, il ferma toutes les portes à double tour. Il<br />
resta assis toute la nuit dans la cuisine en attendant que son maître l’(appeler). Il eut très peur au<br />
moment où il (entendre) le tintement <strong>de</strong> la cloche du comte.<br />
b) Justifiez le mo<strong>de</strong> du verbe souligné.
<strong>Collège</strong> <strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> <strong>Jamhour</strong><br />
Classe <strong>de</strong> 4ème<br />
Extrait théâtral<br />
L’action se déroule dans l’Antiquité romaine, lors <strong>de</strong> la guerre entre les cités d’Albe et <strong>de</strong> Rome.<br />
Six guerriers ont été tirés au sort pour assurer la défense <strong>de</strong> leur ville : trois Albains (les frères<br />
Curiace) et trois Romains (les frères Horace). Mais la sœur <strong>de</strong>s Horaces, Camille, est fiancée à<br />
l’un <strong>de</strong>s Curiaces. Rome sort vainqueur, le seul survivant étant Horace. Il est acclamé par tous,<br />
seule sa sœur est triste, pleurant son cher Curiace.<br />
5<br />
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15<br />
20<br />
25<br />
Horace<br />
Ma sœur, voici le bras qui venge nos <strong>de</strong>ux frères,<br />
Le bras qui rompt le cours <strong>de</strong> nos <strong>de</strong>stins contraires,<br />
Qui nous rend maîtres d’Albe ; enfin voici le bras<br />
Qui seul fait aujourd’hui le sort <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux états ;<br />
Vois ces marques d’honneur, ces témoins <strong>de</strong> ma gloire 1 ,<br />
Et rends ce que tu dois à l’heur 2 <strong>de</strong> ma victoire.<br />
Camille<br />
Recevez donc mes pleurs, c’est ce que je lui dois.<br />
[…]<br />
Horace<br />
Que dis-tu, malheureuse ?<br />
Camille<br />
Ô mon cher Curiace !<br />
Horace<br />
Ô d’une indigne sœur insupportable audace !<br />
D’un ennemi public 3 dont je reviens vainqueur<br />
Le nom est dans ta bouche et l’amour dans ton cœur !<br />
Ton ar<strong>de</strong>ur criminelle à la vengeance aspire !<br />
Ta bouche la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, et ton cœur la respire !<br />
Suis moins ta passion, règle mieux tes désirs,<br />
Ne me fais plus rougir d’entendre tes soupirs ;<br />
Tes flammes désormais doivent être étouffées ;<br />
Bannis-les <strong>de</strong> ton âme, et songe à mes trophées :<br />
Qu’ils soient dorénavant ton unique entretien !<br />
Camille<br />
Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien ;<br />
Et si tu veux enfin que je t’ouvre mon âme,<br />
Rends-moi mon Curiace, ou laisse agir ma flamme :<br />
Ma joie et mes douleurs dépendaient <strong>de</strong> son sort ;<br />
Je l’adorais vivant, et je le pleure mort.<br />
Ne cherche plus ta sœur où tu l’avais laissée ;<br />
Tu ne revois en moi qu’une amante offensée,<br />
Qui comme une furie attachée à tes pas,<br />
Te veut incessamment reprocher son trépas.<br />
1 Ces témoins <strong>de</strong> ma gloire: Horace montre à sa sœur les épées et les insignes militaires que portaient les Curiace.<br />
2 Heur: Bonheur.<br />
3 Ennemi public: un ennemi <strong>de</strong> la patrie.
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45<br />
[…]<br />
Horace<br />
Ô ciel ! Qui vit jamais une pareille rage !<br />
Crois-tu donc que je sois insensible à l’outrage,<br />
Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?<br />
Aime, aime cette mort qui fait notre bonheur,<br />
Et préfère du moins au souvenir d’un homme<br />
Ce que doit ta naissance aux intérêts <strong>de</strong> Rome.<br />
Camille<br />
Rome, l’unique objet <strong>de</strong> mon ressentiment 4 !<br />
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant !<br />
Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore !<br />
Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore !<br />
Puissent tous ses voisins ensemble conjurés 5<br />
Saper 6 ses fon<strong>de</strong>ments encor mal assurés !<br />
Et si ce n’est assez <strong>de</strong> toute l’Italie,<br />
Que l’orient contre elle à l’occi<strong>de</strong>nt s’allie ;<br />
Que cent peuples unis <strong>de</strong>s bouts <strong>de</strong> l’univers<br />
Passent pour la détruire et les monts et les mers !<br />
Qu’elle-même sur soi renverse ses murailles,<br />
Et <strong>de</strong> ses propres mains déchire ses entrailles !<br />
Corneille, Horace, Acte IV, scène 5, 1640.<br />
4 Ressentiment: colère<br />
5 Conjurés: rassemblés<br />
6 Saper: détruire
Questions<br />
1- a) Que vient annoncer Horace à Camille au début <strong>de</strong> la scène ?<br />
b) Analysez grammaticalement le groupe <strong>de</strong> mots souligné au vers 6.<br />
Transformez-le <strong>de</strong> manière à obtenir une proposition subordonnée exprimant la même<br />
circonstance.<br />
c) Quel est le mot qui est répété dans la première réplique d’Horace ? Que met en relief sa<br />
répétition ?<br />
2- « Recevez donc mes pleurs, c’est ce que je lui dois. » (v.7)<br />
a) Précisez la valeur <strong>de</strong> l’impératif dans le vers ci-<strong>de</strong>ssus.<br />
b) Relevez, dans les vers 7 à 28, les reprises nominales et pronominales employées par<br />
Camille pour dédaigner Curiace.<br />
c) Dans quel état d’âme Camille se trouve-t-elle donc ?<br />
3- Observez les vers 10 à 19.<br />
a) Que reproche Horace à sa sœur dans sa 2 ème réplique? Justifiez votre réponse à partir <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux champs lexicaux opposés.<br />
b) Comment apparaît Horace dans ce passage ? Développez votre réponse.<br />
4- a) Par quelles expressions se désigne Camille dans les vers 20 à 28 ?<br />
b) I<strong>de</strong>ntifiez et interprétez la figure <strong>de</strong> rhétorique qui se trouve au vers 24.<br />
c) Précisez le mo<strong>de</strong> et le temps <strong>de</strong>s verbes aux vers 20 et 22. Justifiez-en l’emploi.<br />
d) Quels sentiments animent Camille dans les vers 20 à 28 ? Expliquez.<br />
e) Que <strong>de</strong>vient alors son frère à ses yeux ? Justifiez votre réponse.<br />
5- Relisez les vers 10 à 46.<br />
a) Quels types <strong>de</strong> phrases dominent dans les répliques <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux personnages ?<br />
c) Quel rapport ces <strong>de</strong>ux frères entretiennent-ils ? Expliquez.<br />
6- « Crois-tu donc que je sois insensible à l’outrage,<br />
Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ? » (v.30-31)<br />
a) Analysez les propositions contenues dans les vers ci-<strong>de</strong>ssus.<br />
b) Justifiez l’emploi du mo<strong>de</strong> et du temps du verbe souligné.<br />
Conjuguez le verbe « croire » au passé simple et faites les changements qui s’imposent.<br />
7- Observez les vers 35 à 46.<br />
a) Précisez et analysez la figure <strong>de</strong> style qui se répète dans les vers 35 à 38.<br />
b) A quel mo<strong>de</strong> et à quel temps les verbes <strong>de</strong>s vers 39, 42, 44 et 45 sont-ils conjugués ?<br />
Justifiez l’emploi <strong>de</strong> ce mo<strong>de</strong>.<br />
c) Quel aspect <strong>de</strong> la personnalité <strong>de</strong> Camille est-il ainsi mis en valeur ? Développez votre<br />
réponse.<br />
8- A la lumière <strong>de</strong> vos réponses précé<strong>de</strong>ntes, dites pourquoi Camille est une véritable<br />
héroïne cornélienne. Développez votre réponse.
<strong>Collège</strong> <strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> <strong>Jamhour</strong><br />
Classe <strong>de</strong> 4 ème<br />
Lettre argumentative<br />
Victor Hugo adresse, en juillet 1849, une lettre aux membres <strong>de</strong> l’Assemblée législative 1 , en<br />
faveur <strong>de</strong> lois sociales qui doivent organiser la prévoyance 2 et l’assistance publique.<br />
1<br />
5<br />
10<br />
15<br />
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30<br />
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40<br />
45<br />
Messieurs,<br />
Je ne suis pas <strong>de</strong> ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce mon<strong>de</strong> ; la<br />
souffrance est une loi divine ; mais je suis <strong>de</strong> ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la<br />
misère.<br />
Remarquez-le bien, Messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire 3 , je dis<br />
détruire. La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps<br />
humain ; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. Détruire la misère ! oui, cela est<br />
possible. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant<br />
que le possible n’est pas fait, le <strong>de</strong>voir n’est pas rempli.<br />
La misère, Messieurs, j’abor<strong>de</strong> ici le vif <strong>de</strong> la question, voulez-vous savoir où elle en est la<br />
misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller , jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlan<strong>de</strong>, je ne dis<br />
pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous <strong>de</strong>s<br />
faits ?<br />
Il y a dans Paris, mon Dieu, je n’hésite pas à les citer, ces faits. Ils sont tristes, mais nécessaires à<br />
révéler ; et tenez, s’il faut dire toute ma pensée, je voudrais qu’il sortît <strong>de</strong> cette Assemblée, et au<br />
besoin, j’en ferai la proposition formelle, une gran<strong>de</strong> et solennelle enquête sur la situation vraie <strong>de</strong>s<br />
classes laborieuses et souffrantes en France. Je voudrais que tous les faits éclatassent au grand jour.<br />
Comment veut-on guérir le mal si l’on ne son<strong>de</strong> 4 pas les plaies ?<br />
Voici donc les faits.<br />
Il y a dans Paris, dans ces faubourgs <strong>de</strong> Paris que le vent <strong>de</strong> la révolte soulevait naguère si<br />
aisément, il y a <strong>de</strong>s rues, <strong>de</strong>s maisons, <strong>de</strong>s cloaques 5 , où <strong>de</strong>s familles entières, vivent pêle-mêle,<br />
hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtements,<br />
que <strong>de</strong>s monceaux infects <strong>de</strong> chiffons en fermentation, ramassés dans la fange 6 du coin <strong>de</strong>s bornes,<br />
espèce <strong>de</strong> fumier 7 <strong>de</strong>s villes, où <strong>de</strong>s créatures humaines s’enfouissent toutes vivantes pour échapper<br />
au froid <strong>de</strong> l’hiver.<br />
Voilà un fait. En voulez-vous d’autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux<br />
homme <strong>de</strong> lettre, un malheureux homme est mort <strong>de</strong> faim, mort <strong>de</strong> faim à la lettre, et l’on a constaté,<br />
après sa mort, qu’il n’avait pas mangé <strong>de</strong>puis six jours.<br />
Voulez-vous quelque chose <strong>de</strong> plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant l’augmentation<br />
du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris<br />
immon<strong>de</strong>s 8 et pestilentiels 9 <strong>de</strong>s charniers 10 <strong>de</strong> Montfaucon.<br />
Eh bien, Messieurs, je dis qu’il faut bannir 11 ce fléau car ce sont là <strong>de</strong>s choses qui ne doivent pas<br />
être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitu<strong>de</strong>, toute son intelligence,<br />
toute sa volonté, pour que <strong>de</strong> telles choses ne soient pas ; ensuite, <strong>de</strong> tels faits, dans un pays civilisé,<br />
engagent la conscience <strong>de</strong> la société tout entière ; que je m’en sens, moi qui vous écrit, complice et<br />
solidaire ; enfin, votre indifférence n’a pas tenu compte du peuple qui souffre.<br />
Vous n’avez rien fait, j’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermi n’a pas pour base<br />
l’ordre matériel consolidé ! Vous n’avez rien fait, tant que ceux qui sont dans la force <strong>de</strong> l’âge et qui<br />
travaillent peuvent être sans pain ! tant que ceux qui sont vieux et qui ne peuvent plus travailler sont<br />
sans asile ! tant que l’usure 12 dévore nos campagnes, tant qu’on se meurt <strong>de</strong> faim dans nos villes, tant<br />
qu’il n’y a pas <strong>de</strong> lois fraternelles qui viennent <strong>de</strong> toutes parts en ai<strong>de</strong> aux pauvres familles honnêtes,<br />
aux bons paysans, aux bons ouvriers, aux gens <strong>de</strong> cœur !<br />
Vous n’avez rien fait, tant que l’esprit <strong>de</strong> révolution a pour auxiliaire la souffrance publique !<br />
Vous n’avez rien fait, rien fait, tant que, dans cette œuvre <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction et <strong>de</strong> ténèbres, qui se<br />
continue souterrainement, l’homme méchant a pour collaborateur fatal l’homme malheureux !<br />
Vous le voyez, Messieurs, je le répète en terminant, ce n’est pas seulement à votre générosité<br />
que je m’adresse, c’est à votre sagesse, et je vous conjure d’y réfléchir. Messieurs, songez-y, c’est
l’anarchie 13 qui ouvre les abîmes, mais c’est la misère qui les creuse. Vous avez fait <strong>de</strong>s lois contre<br />
l’anarchie, faites maintenant <strong>de</strong>s lois contre la misère.<br />
Victor HUGO, Discours sur la misère, 9 juillet 1849, in Actes et paroles.<br />
1 Actuelle chambre <strong>de</strong>s députés – le parlement.<br />
2 Attitu<strong>de</strong> d’une personne qui prend les dispositions nécessaires pour faire face à une situation, à un problème.<br />
3 Empêcher <strong>de</strong> s’étendre.<br />
4 Examiner soigneusement une situation.<br />
5 Lieu <strong>de</strong>stiné à recevoir <strong>de</strong>s immondices, <strong>de</strong>s ordures.<br />
6 Boue presque liqui<strong>de</strong> et souillée.<br />
7 Ce qui est sale, répugnant.<br />
8 Dégoûtants, répugnants, sales.<br />
9 Qui répan<strong>de</strong>nt une o<strong>de</strong>ur infecte, féti<strong>de</strong>, puante.<br />
10 Lieux où sont entassés <strong>de</strong>s cadavres.<br />
11 Supprimer, empêcher <strong>de</strong> se manifester, abolir.<br />
12 Détérioration, dégât, dommage.<br />
13 Désordre qui résulte <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> règles ou d’ordres précis.<br />
QUESTIONS<br />
1. À quel sous-genre littéraire appartient cet extrait ? Justifiez votre réponse au moyen <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux critères<br />
illustrés d’exemples.<br />
2. a) Quel est le thème dont il est question ? Quelle position adopte Victor Hugo face à ce problème ?<br />
b) Établissez le schéma <strong>de</strong> communication propre à ce texte.<br />
Émetteur -----------------------------------------→ Message---------------------------------------------→ Récepteur<br />
Lieu :<br />
Temps :<br />
3. Observez le passage entre les lignes 29 et 33.<br />
Quels sont les arguments avancés par Hugo pour défendre sa thèse ? Repérez-en trois et reformulez-les<br />
sous forme <strong>de</strong> GN.<br />
4. a) I<strong>de</strong>ntifiez au <strong>de</strong>uxième paragraphe (L.4-8) une image qui revient à <strong>de</strong>ux reprises et interprétez-la.<br />
b) Relevez une énumération au <strong>de</strong>uxième paragraphe (L. 4-5). Quel effet produit-elle ?<br />
5. a) Nommez et relevez le champ lexical dominant dans le passage entre les lignes 18 et 22 : « Il y a…<br />
l’hiver »<br />
b) Comment appelle-t-on ce passage dans le discours argumentatif ? Quelle est son utilité ?<br />
6. a) L. 9-10-11-26 : Quel est le type <strong>de</strong> phrase employé ? Quel en est le but ?<br />
b) « Comment veut-on guérir le mal si l’on ne son<strong>de</strong> pas les plaies ? » (L. 15-16)<br />
- Analysez le groupe <strong>de</strong> mots souligné ci-<strong>de</strong>ssus.<br />
- Réécrivez la phrase en mettant le verbe « son<strong>de</strong>r » successivement à l’imparfait puis au plus-queparfait<br />
et faites les changements nécessaires.<br />
7. « Le mois passé, pendant l’augmentation du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui<br />
cherchaient leur nourriture dans les débris immon<strong>de</strong>s. » (L. 26-27-28)<br />
a) Analysez le groupe <strong>de</strong> mots souligné.
) Transformez-le en proposition subordonnée conjonctive circonstancielle <strong>de</strong> même fonction.<br />
c) Justifiez le mo<strong>de</strong> et le temps obtenus.<br />
8. « Il faut bannir ce fléau car ce sont là <strong>de</strong>s choses qui ne doivent pas être. » (L. 29-30)<br />
a) Quelle est la nature du mot souligné ? Quelle relation établit-il ?<br />
b) Réécrivez la phrase <strong>de</strong> manière à obtenir une subordonnée qui respecte la même circonstance.<br />
c) Transformez la phrase obtenue <strong>de</strong> façon à faire apparaître une subordonnée exprimant une autre<br />
circonstance.<br />
9. a) Quelles sont les <strong>de</strong>ux expressions qui se répètent dans le passage entre les lignes 34 et 42 (« Vous<br />
n’avez rien fait… malheureux ») ? Que veut souligner Hugo à travers ces <strong>de</strong>ux répétitions ?<br />
b) Quelles sont les classes sociales désignées dans ce passage ?<br />
c) Quelles conséquences résultent-elles <strong>de</strong> l’imprévoyance <strong>de</strong> l’État ? Appuyez-vous sur <strong>de</strong>s références<br />
tirées du même passage.<br />
10. « Songez-y » (L. 44)<br />
« Faites maintenant <strong>de</strong>s lois » (L. 45-46)<br />
a) Précisez le mo<strong>de</strong>, le temps et la valeur <strong>de</strong>s verbes soulignés.<br />
b) Complétez la phrase suivante en utilisant une subordonnée conjonctive circonstancielle <strong>de</strong> but<br />
expressive : « Faites maintenant <strong>de</strong>s lois contre la misère… »<br />
c) Comment comprenez-vous la phrase suivante : « C’est l’anarchie qui ouvre les abîmes mais c’est la<br />
misère qui les creuse » ? Développez votre réponse.
<strong>Collège</strong> <strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> <strong>Jamhour</strong><br />
Récit réaliste:<br />
Classe <strong>de</strong> 4 ème<br />
5<br />
10<br />
15<br />
20<br />
25<br />
30<br />
35<br />
40<br />
Le grand chagrin <strong>de</strong> M. Chabre était <strong>de</strong> ne pas avoir d’enfant. Il avait épousé une <strong>de</strong>moiselle Catinot,<br />
la blon<strong>de</strong> Estelle, gran<strong>de</strong> belle fille <strong>de</strong> dix-huit ans et <strong>de</strong>puis quatre ans, il [attendait] anxieux, consterné,<br />
blessé <strong>de</strong> l’inutilité <strong>de</strong> ses efforts.<br />
M. Chabre était un ancien marchand <strong>de</strong> grains retiré. Il avait une belle fortune. Bien qu’il eût mené la vie<br />
chaste d’un bourgeois enfoncé dans l’idée fixe <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir millionnaire, il traînait à quarante-cinq ans <strong>de</strong>s<br />
jambes alourdies <strong>de</strong> vieillard. Sa face poilue et blême, usée par les soucis <strong>de</strong> l’argent, était plate et<br />
banale comme un trottoir.<br />
La belle Mme Chabre avait alors vingt-<strong>de</strong>ux ans. Elle était adorable avec son teint <strong>de</strong> pêche mûre, ses<br />
cheveux couleur <strong>de</strong> soleil, envolés sur sa nuque. Ses yeux d’un bleu-vert semblaient une eau dormante,<br />
sous laquelle il était malaisé <strong>de</strong> lire. Quand son mari se plaignait <strong>de</strong> la stérilité <strong>de</strong> leur union, elle<br />
redressait sa taille souple, elle développait l’ampleur <strong>de</strong> ses hanches et <strong>de</strong> sa gorge ; et le sourire qui<br />
pinçait le coin <strong>de</strong> ses lèvres disait clairement : « Est-ce <strong>de</strong> ma faute ? »<br />
Le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> la famille, le docteur Guiraud [avait eu] déjà plusieurs conversations particulières avec<br />
M. Chabre. Un matin <strong>de</strong> juillet, il vint lui dire : « Vous <strong>de</strong>vriez partir pour les bains <strong>de</strong> mer, cher<br />
monsieur… Oui, c’est excellent. Et surtout mangez beaucoup <strong>de</strong> coquillages, ne mangez que <strong>de</strong>s<br />
coquillages. »<br />
M. Chabre, repris d’espérance, <strong>de</strong>manda vivement :<br />
« Des coquillages, docteur ? Vous croyez que <strong>de</strong>s coquillages… ?<br />
- Parfaitement! On a vu le traitement réussir. Enten<strong>de</strong>z-vous, tous les jours <strong>de</strong>s huîtres, <strong>de</strong>s moules, <strong>de</strong>s<br />
clovisses, <strong>de</strong>s oursins, <strong>de</strong>s arapè<strong>de</strong>s, même <strong>de</strong>s homards et <strong>de</strong>s langoustes. »<br />
Puis, comme il se retirait, il ajouta négligemment, sur le seuil <strong>de</strong> la porte : « Ne vous enterrez pas,<br />
Mme Chabre est jeune et a besoin <strong>de</strong> distractions… Allez à Trouville. L’air y est très bon. »<br />
Trois jours après, le ménage Chabre partait pour la petite plage du Pouliguen, près <strong>de</strong> Saint-Nazaire.<br />
Mme Chabre, après un voyage <strong>de</strong> douze heures, s’ennuya beaucoup, pendant la journée qu’ils passèrent<br />
à Saint-Nazaire, dans cette ville naissante, avec ses rues neuves tracées au cor<strong>de</strong>au, pleines encore <strong>de</strong><br />
chantiers <strong>de</strong> construction. Ils allèrent visiter le port, ils se traînèrent dans les rues, où les magasins<br />
hésitent entre les épiceries noires <strong>de</strong>s villages et les gran<strong>de</strong>s épiceries luxueuses <strong>de</strong>s villes. Au Pouliguen,<br />
il n’y avait plus un seul chalet à louer. On conseilla aux voyageurs d’aller coucher à Guéran<strong>de</strong>. C’était un<br />
dimanche. Quand ils arrivèrent, vers midi, M. Chabre éprouva un saisissement, bien qu’il ne fût pas <strong>de</strong><br />
nature poétique. Estelle regardait la ville silencieuse, entourée <strong>de</strong>s grands arbres <strong>de</strong> ses promena<strong>de</strong>s ; et,<br />
[dans l’eau dormante <strong>de</strong> ses yeux, une rêverie souriait]. Mais la voiture roulait toujours, le cheval passa<br />
au trot sous une porte, et les roues dansèrent sur le pavé pointu <strong>de</strong>s rues étroites. Les Chabre n’avaient<br />
pas échangé une parole.<br />
« Un vrai trou ! murmura enfin l’ancien marchand <strong>de</strong> grains. Les villages autour <strong>de</strong> Paris sont mieux<br />
bâtis. »<br />
Comme le ménage [<strong>de</strong>scendait] <strong>de</strong> voiture <strong>de</strong>vant l’hôtel du Commerce, situé au centre <strong>de</strong> la ville, à côté<br />
<strong>de</strong> l’église, justement on [sortit] <strong>de</strong> la grand-messe. Pendant que son mari s’occupait <strong>de</strong>s bagages,<br />
Estelle fit quelques pas, très intéressée par le défilé <strong>de</strong>s fidèles, dont un grand nombre portait <strong>de</strong>s<br />
costumes<br />
originaux.<br />
“S’il est permis ! dit M. Chabre, qui venait <strong>de</strong> se planter <strong>de</strong>rrière sa femme. Il faut être en Bretagne pour<br />
voir un pareil carnaval. »<br />
Estelle ne répondit pas.<br />
À ce moment-là un grand jeune homme, d’une vingtaine d’années, sortit <strong>de</strong> l’église, en donnant le bras à<br />
une vieille dame. Il était très blanc <strong>de</strong> peau, la mine fière, les cheveux d’un blond fauve. On aurait dit un<br />
géant qui avait les épaules larges, aux membres musclés, et si tendre, si délicat pourtant, qu’il avait la<br />
figure rose d’une jeune fille, sans un poil aux joues. Estelle pensa qu’il ressemblait à un dieu et son cœur<br />
se mit à battre. Comme elle le regardait fixement, surprise <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong> beauté, il tourna la tête, la<br />
regarda une secon<strong>de</strong>, et rougit.<br />
« Les Coquillages <strong>de</strong> M. Chabre » chapitre 1, Emile Zola, Madame Sourdis et autres nouvelles.
Questions :<br />
1- a) À quels types <strong>de</strong> texte appartient cet extrait ?<br />
b) Justifiez votre réponse à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> quatre critères illustrés d’exemples.<br />
2- Quel est le statut du narrateur ? Justifiez.<br />
3- Dans le passage <strong>de</strong> la L.4 à la L.12, relevez dans un tableau à double entrée les expressions qui<br />
décrivent les traits <strong>de</strong> caractère <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux personnages dont il est question.<br />
Que constatez-vous ?<br />
4- I<strong>de</strong>ntifiez et interprétez les <strong>de</strong>ux figures <strong>de</strong> rhétoriques entre crochets (L. 29-30)<br />
5- Observez les lignes 39 à 42 : « A ce moment-là…joues » :<br />
a- Relevez trois différentes expansions du nom. Précisez leur nature et leur fonction.<br />
b- Quelle image révèlent-elles du personnage ?<br />
c- Comparez le portrait du jeune homme à celui <strong>de</strong> M. Chabre. Qu’en déduisez-vous ?<br />
6- Le <strong>de</strong>rnier passage du texte (L.39 à L.44) constitue une nouvelle étape du schéma narratif.<br />
Précisez-la en justifiant votre réponse à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux indices relevés du texte.<br />
7- a- Quel est le point <strong>de</strong> vue adopté par le narrateur dans le passage en gras (L.42 à L.44)?<br />
Justifiez votre réponse à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux critères illustrés d’exemples.<br />
b- Dites quel en est l’intérêt.<br />
8- Précisez le mo<strong>de</strong>, le temps et la valeur <strong>de</strong>s quatre verbes entre crochets et en gras.<br />
9- Conjuguez les verbes entre parenthèses:<br />
► Il (ne jamais voyager) s’il avait su que son frère allait tomber mala<strong>de</strong>.<br />
► Christelle (s’apprêter) à sortir lorsque son amie arriva.<br />
► Après que Michel et moi (finir) la décoration <strong>de</strong> la salle, notre ami arriva pour fêter son<br />
anniversaire.