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Parce que je suis une fille - Droits des filles

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seulement de reconstruire leur vie, mais<br />

également de trouver de l’assurance afin<br />

d’infléchir les perceptions de leur famille<br />

et de leur communauté. Si on ne met pas<br />

en place les opportunités indispensables<br />

à la sécurité économi<strong>que</strong>, le potentiel de<br />

violence sous toutes ses formes sera très<br />

élevé dans les communautés.<br />

“À PRÉSENT, JE PEUX VIVRE PAR MES<br />

PROPRES MOYENS”<br />

Princesse tirait sur le cordon d’<strong>une</strong> lourde<br />

tronçonneuse pour la mettre en marche,<br />

en déchirant le silence <strong>des</strong> collines à<br />

proximité de Monrovia, la capitale du<br />

Liberia. Aujourd’hui, la <strong>je</strong><strong>une</strong> femme<br />

souriante de 28 ans au bandana rouge<br />

est menuisier. Mais à 12 ans, Princesse<br />

était l’<strong>une</strong> <strong>des</strong> milliers de <strong>je</strong><strong>une</strong>s <strong>fille</strong>s<br />

obligées de se battre dans les ru<strong>des</strong><br />

conflits qui ravageaient ce pays entre<br />

1989 et 2003.<br />

Un bon tiers <strong>des</strong> combattants qui<br />

sévissaient au Liberia au cours de<br />

trois conflits consécutifs, <strong>que</strong> l’on a<br />

surnommés 1ère, 2ème et 3ème Guerres<br />

Mondiales, étaient <strong>des</strong> femmes et <strong>des</strong><br />

<strong>fille</strong>s. De ce fait, Princesse a manqué<br />

toute sa scolarité. Aujourd’hui, elle sait<br />

à peine lire ou écrire, mais elle a appris<br />

son métier grâce à un programme de<br />

formation mis en place, avec le soutien<br />

de Plan, à l’intention d’anciens soldats.<br />

“J’étais la seule femme au cours de<br />

menuiserie, mais j’ai travaillé très dur<br />

pour <strong>que</strong> les hommes acceptent de<br />

ne pas me traiter autrement qu’euxmêmes,”<br />

dit Princesse retrouvant le<br />

sourire dès qu’on parle de son avenir et<br />

non de son passé.<br />

Son mari l’a quittée l’année dernière,<br />

fâché parce qu’elle gagnait plus <strong>que</strong><br />

lui. “Cela m’est égal, à présent, <strong>je</strong> peux<br />

vivre par mes propres moyens,” dit-elle<br />

fièrement.<br />

Son salaire permet de couvrir les frais<br />

de deux de ses trois enfants ainsi <strong>que</strong><br />

les étu<strong>des</strong> qu’elle n’avait pu compléter<br />

pendant la guerre. “S’ils ont <strong>une</strong><br />

éducation, ils pourront empêcher <strong>que</strong> les<br />

mauvaises choses qui me sont arrivées,<br />

leur arrivent. C’est mon rêve.” 193<br />

6 “Cela semble égal à tout le<br />

monde” – le droit à la protection<br />

Pour les <strong>fille</strong>s et les <strong>je</strong><strong>une</strong>s femmes, l’avènement<br />

de la paix ne signifie pas nécessairement<br />

qu’elles sont désormais en sécurité<br />

et protégées. Comme nous l’avons vu au<br />

chapitre 1, il existe un certain nombre de<br />

normes internationales et de législations<br />

nationales qui portent sur la protection <strong>des</strong><br />

<strong>fille</strong>s dans les situations de conflits et d’après<br />

conflits. L’article 2 de la Convention <strong>des</strong><br />

Nations Unies relative aux <strong>Droits</strong> de l’Enfant,<br />

par exemple, oblige spécifi<strong>que</strong>ment<br />

les Etats Parties de protéger et de s’occuper<br />

<strong>des</strong> enfants affectés par les conflits armés,<br />

ainsi <strong>que</strong> de promouvoir leur récupération et<br />

leur réinsertion dans la société sans discrimination<br />

fondée sur le sexe. La résolution<br />

1325 du Conseil de Sécurité <strong>des</strong> Nations<br />

Unies stipule, entre autres, de protéger les<br />

<strong>fille</strong>s et les femmes contre la violence sexiste,<br />

pendant et après un conflit, et de mettre fin<br />

à l’impunité dans les crimes de guerre liés à<br />

la violence faite aux femmes et aux <strong>fille</strong>s. Les<br />

Conventions de Genève et le statut de Rome<br />

interdisent ‘les attentats à la pudeur’, viols et<br />

prostitution forcée.<br />

Cependant, dans certains pays, <strong>des</strong><br />

tensions existent entre différents types<br />

de lois dans la période d’après conflit. Le<br />

système juridi<strong>que</strong> d’un pays peut être mixte<br />

avec un fondement de droit commun ou<br />

droit civil, basé sur <strong>des</strong> textes écrits et <strong>une</strong><br />

interprétation assurée par les tribunaux.<br />

Souvent, il existe <strong>des</strong> éléments de droit<br />

religieux (élaborés d’après un texte religieux,<br />

sur <strong>des</strong> su<strong>je</strong>ts relatifs à la famille ou <strong>des</strong><br />

<strong>que</strong>stions similaires) et de droit coutumier<br />

traditionnel (fondé sur <strong>des</strong> coutumes<br />

locales et souvent non écrit). Concernant<br />

la protection <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s, la relation entre<br />

ces deux systèmes juridi<strong>que</strong>s n’est pas très<br />

claire, les juridictions respectives n’étant pas<br />

clairement définies, pas plus <strong>que</strong> l’autorité<br />

qu’elles confèrent dans la vie quotidienne<br />

et sur ce qui peut être fait pour veiller au<br />

respect <strong>des</strong> droits <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s et <strong>des</strong> femmes.<br />

La raison en est qu’à court et à moyen<br />

terme, il est peu probable <strong>que</strong>, dans les<br />

pério<strong>des</strong> d’après conflit, les états possèdent<br />

la capacité ou les ressources nécessaires<br />

pour maintenir l’état de droit et assurer un<br />

système judiciaire efficace. Un système<br />

de droit coutumier, par exemple, exige<br />

<strong>que</strong> les parties à un litige juridi<strong>que</strong> soient<br />

représentées par <strong>des</strong> professionnels et <strong>que</strong><br />

l’état fournisse, dans les affaires relevant<br />

d’<strong>une</strong> juridiction pénale, <strong>une</strong> assistance<br />

légale aux personnes qui n’ont pas les<br />

moyens de se faire représenter et <strong>que</strong> le<br />

procès soit possible. Dans les états qui<br />

sortent d’un conflit, <strong>des</strong> aspirations de ce<br />

genre ne correspondent pas à la réalité.<br />

Des défis semblables existent aussi dans<br />

un système de droit civil, car on s’attend à<br />

trouver, dans ce cadre, un nombre suffisant<br />

de juges bien formés et capables de<br />

fonctionner dans un système formel.<br />

On constate donc, <strong>que</strong> dans la plupart<br />

<strong>des</strong> systèmes judiciaires et de sécurité, on<br />

trouve un mélange de différents types de<br />

normes juridi<strong>que</strong>s après les conflits. Dans ce<br />

genre de situations, le ris<strong>que</strong> pour les <strong>fille</strong>s et<br />

les femmes est de perdre la protection <strong>que</strong><br />

les instances internationales leur accordent.<br />

Les structures juridi<strong>que</strong>s et les tribunaux<br />

sont souvent insensibles aux problèmes<br />

de genre, tels <strong>que</strong> la honte d’admettre un<br />

viol; en particulier, les <strong>que</strong>stions de genre<br />

spécifi<strong>que</strong>s à l’âge ne sont pas abordées<br />

par <strong>des</strong> tribunaux familiarisés avec les<br />

problèmes relatifs aux enfants. Cela veut<br />

dire <strong>que</strong> les femmes et les <strong>fille</strong>s n’essaieront<br />

probablement pas d’y avoir accès.<br />

TROP PEU, TROP TARD: LES FEMMES<br />

RWANDAISES ET LA JUSTICE FACE AU<br />

VIOL<br />

“Pour celles d’entre nous qui sommes<br />

face à la mort, cette justice sera trop<br />

lente. Nous serons mortes avant <strong>que</strong><br />

quicon<strong>que</strong> ne connaisse notre histoire.<br />

Nos familles ont été tuées et nos enfants<br />

sont trop <strong>je</strong><strong>une</strong>s pour savoir. Ce qui nous<br />

est arrivé sera enterré avec nous. Les gens<br />

pour les<strong>que</strong>ls ce tribunal a été érigé sont<br />

au bord de la disparition, nous sommes<br />

en train de mourir. Nous serons mortes<br />

avant de voir <strong>une</strong> justice <strong>que</strong>lcon<strong>que</strong>.”<br />

Cette <strong>je</strong><strong>une</strong> femme rwandaise vit dans les<br />

faubourgs de Kigali, dans <strong>une</strong> coopérative<br />

organisée pour accueillir et aider les<br />

victimes de viols et atteintes du VIH et<br />

du SIDA. Elles parlent au nom <strong>des</strong> milliers<br />

de femmes violées au cours du génocide,<br />

mais aux<strong>que</strong>lles on n’a pas rendu justice.<br />

Un Tribunal Pénal International pour le<br />

Rwanda (ICTR) a été établi pour mettre<br />

en œuvre un système de justice. Mais<br />

le dixième anniversaire du génocide n’a<br />

vu <strong>que</strong> 21 sentences rendues, dont 90%<br />

ne contenaient pas de condamnation<br />

pour viol. En fait, il y a eu deux fois plus<br />

d’acquittements <strong>que</strong> de condamnations. 194<br />

Le rapport de Human Rights Watch<br />

expli<strong>que</strong> pourquoi:<br />

“Dix ans après le génocide de 1994,<br />

beaucoup <strong>des</strong> dizaines de milliers<br />

de femmes Rwandaises rescapées<br />

de violence sexuelle n’ont toujours<br />

pas obtenu réparation légale <strong>des</strong><br />

torts qu’elles ont subis. Ceux qui ont<br />

perpétré le génocide ont utilisé la<br />

violence sexuelle contre les femmes<br />

et les <strong>fille</strong>s comme outil brutalement<br />

efficace <strong>des</strong>tiné à humilier et réduire à<br />

la soumission <strong>des</strong> Tutsis et <strong>des</strong> Hutus<br />

politi<strong>que</strong>ment modérés. Les dispositifs<br />

de réparation juridi<strong>que</strong> ont abandonné<br />

les femmes violées pendant le génocide.<br />

Cela inclus le système de tribunaux<br />

réguliers (au<strong>que</strong>l on fait communément<br />

référence au Rwanda comme étant<br />

le système judiciaire classi<strong>que</strong>),<br />

installé pendant la période coloniale<br />

et le système Gacaca: récemment mis<br />

en place, il s’agit d’<strong>une</strong> adaptation<br />

participative, basée sur un système<br />

communautaire de recherche de la vérité<br />

et de la responsabilité mis au point pour<br />

venir à bout de la masse écrasante de cas<br />

Une <strong>je</strong><strong>une</strong><br />

mère et son<br />

bébé dans<br />

un camp de<br />

personnes<br />

déplacées en<br />

Ouganda.<br />

108 L a Situation <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s dans le monde 109

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