Parce que je suis une fille - Droits des filles

ces responsabilités et aux opportunités
qu’elles offrent parfois et elles ont du mal à
revenir aux rôles plus traditionnels qu’elles
exerçaient avant la guerre. Une étude
concernant l’Afrique Occidentale note: “Au
sortir de la guerre, on incite généralement les
filles et les femmes à reprendre les rôles de
genre traditionnels d’avant la guerre au lieu
d’utiliser les forces qu’elles ont développées
pour faire des choix nouveaux et chercher
des opportunités plus étendues.” 135
Pour les hommes, le changement de la
dynamique des relations hommes-femmes
peut paraître menaçant, d’autant plus s’ils
ont perdu leurs anciens rôles et s’ils sont
actuellement au chômage.
Dans un étude sur l’Ouganda, on peut lire:
“Dans les camps de personnes déplacées,
les hommes ont perdu le pouvoir de nourrir
et de protéger la famille ou celui d’exercer
l’autorité, le leadership et de détenir le contrôle
des ressources (y compris les épouses et
les enfants). La frustration qui en résulte
peut revêtir diverses formes d’agressions
extrêmement destructrices.” 136 En Érythrée,
les femmes avaient joué un très grand rôle
dans les forces armées mais elles ont constaté
à leur retour qu’on attendait d’elles de mener
exactement la même vie qu’avant la guerre.
Cela a donné lieu à de grandes frustrations. 137
Ce chef ougandais n’aimait pas l’indépendance
toute nouvelle des femmes après la guerre:
“Ce qui fait que les femmes ne veulent plus
se soumettre à leurs maris c’est l’égalité de
genre ou de droits des femmes… Les femmes
éduquées qui ont un travail sont les pires
personnes qui soient parce que… une fois
qu’elles sont enceintes elles jettent l’homme
dehors. Elles ont assez d’argent pour se
débrouiller toutes seules.” 138 Cette rancune
peut se retourner contre les femmes, c’est à
dire que les filles pourraient avoir le sentiment
qu’elles doivent retrouver leurs rôles d’avant
le début de la guerre, comme le disait une fille
du Liberia: “Pendant la guerre, j’étais l’égale
des hommes mais mon fiancé actuel ne veut
pas que je sois trop indépendante. Au Liberia,
les hommes sont toujours en tête. Si je veux
garder cette relation, il faudra que je change
pour être ce que lui veut que je sois.” 139
Les études ont permis de constater que
les changements induits dans les rôles
des genres pour les filles et les femmes
s’accompagnent de responsabilités
économiques supplémentaires à l’extérieur
de la maison mais également d’exigences
de travail supplémentaires à l’intérieur du
foyer. La division du travail hommes femmes
peut être bouleversée dans les périodes
de conflit mais cela ne s’accompagne pas
nécessairement d’un pouvoir accru et durable
au sein du ménage ou de la communauté.
Une plus grande indépendance économique
des filles et des jeunes femmes ne se traduit
pas en un quelconque déplacement durable
des relations de pouvoir ou en une réduction
visible de la discrimination des femmes.
Les nouveaux rôles assumés par les filles
pendant les conflits peuvent ne pas être
durable pendant la période de consolidation
de la paix et de reconstruction en raison
du renforcement des schémas traditionnels
des relations entre les genres. Une fois
qu’un conflit est terminé, les idées qu’on se
fait de ce qui est féminin ou masculin ne
changent pas forcément. Un rapport note
qu’: “il y a un risque de voir se rétablir les
institutions et les pratiques d’oppression
discriminatoires et patriarcales d’antan
plutôt que d’assister à leur transformation au
lendemain d’un conflit”. 140 C’est un problème
grave qui pourrait constituer un des facteurs
contribuant au retour d’un conflit.
Le tableau suivant présente les
changements apportés aux relations entre
les genres du fait de la guerre. Il montre
que même si les rôles et les identités des
genres ont changé à cause du conflit de sorte
que les femmes et les filles assument des
responsabilités nouvelles, les valeurs et les
structures sous-jacentes de pouvoir ne sont
pas nécessairement modifiées. Le tableau
fournit également quelques indications de ce
qu’impliquent les changements. 141 Il montre
la manière dont un conflit peut susciter des
opportunités de redéfinition des relations
entre les genres, telle qu’elle s’est produite
en Europe Occidentale, en Amérique du
Nord et au Japon à la fin de la seconde
guerre mondiale, mais aussi comment les
idées concernant le genre ne changent pas
à long terme: “Les conflits peuvent créer
un espace qui rend possible une redéfinition
des relations sociales; mais ce faisant, il
réarrange, adapte et renforce les idéologies
patriarcales plutôt que de les modifier en
profondeur… On ne saurait toutefois en
conclure qu’un changement durable n’est pas
envisageable: les changements qui s’opèrent
dans la conscience des femmes et des
hommes sont évidents et pourraient servir de
fondation à de nouvelles constructions.” 142
Après un conflit, les filles et les femmes
peuvent avoir une opportunité de mettre
en question le statu quo dominant.
L’autonomisation peut se comprendre en
termes de quatre types distincts de relations
de pouvoirs:
• Pouvoir sur: la capacité de forcer et
d’influencer des actions et des pensées
chez ceux qui ne détiennent pas le pouvoir.
• Pouvoir de: la capacité d’agir, d’organiser
et de modifier les hiérarchies existantes.
• Pouvoir avec: la force accrue provenant
des actions collectives, de la mobilisation
sociale et de la création d’alliances.
• Pouvoir intérieur: conscience individuelle
accrue, dignité de soi et prise de conscience.
Dans certaines situations d’après
conflit, les filles et les jeunes femmes
gagnent un ‘pouvoir avec’ (par une
organisation collective) et ‘un pouvoir
intérieur’ (par une conscience de soi
nouvellement acquise) qui pourra au bout
du compte les aider à avoir ‘le pouvoir
de’ (introduire un changement dans leurs
communautés et sociétés). Ceci peut avoir
des conséquences concrètes. Au Liberia,
par exemple, les excisions et les pratiques
relatives aux dots sont généralement
moins répandues après la guerre parce que
les femmes et les filles mettent en cause
les institutions traditionnelles.
Cette femme déplacée dans un camp
à Khartoum, Soudan, considère que des
changements positifs sont intervenus dans
les attitudes et les rôles des genres: “Je
pense que les façons de penser des gens ont
changé. Nous sommes arrivés à Khartoum
avec des perceptions et des traditions
différentes. Nos anciennes coutumes et
traditions interdisaient aux hommes de
pénétrer dans certains lieux comme la
cuisine. Les hommes pensaient aussi que
les femmes étaient incapables de penser,
étaient inutiles, et n’avaient aucun droit de
faire entendre leur voix. Tout ceci appartient
désormais au passé; les choses ont changé.
C’est un des avantages de la guerre, si tant
est qu’il puisse y en avoir.” 143
Les gouvernements et les organisations
internationales occupés aux efforts de
reconstruction d’urgence manquent souvent
de consacrer une attention suffisante à
la promotion de l’égalité des genres et à
l’amélioration des opportunités spécifiques
pour les filles. Le besoin d’appui et de
ressource à la promotion d’une égalité
durable des genres dans tous les aspects
de la reconstruction après le conflit est
immense – mais un argument de poids est
la présence d’une ‘fenêtre d’opportunité’
pour réaliser un changement. Ne pas aborder
les inégalités de relations de genres aura
un impact fondamental sur le succès des
programmes de la reconstruction après un
conflit, et pourrait accroître les probabilités
d’un nouveau conflit. L’égalité de genre n’est
pas une simple affaire de justice sociale, mais
concerne l’augmentation des chances d’une
paix durable.
LA JEUNESSE GULU POUR L’ACTION
Akello Betty Openy et Ochora
Emmanuel, des adolescents déplacés par
la guerre civile au nord de l’Ouganda,
ont servi de chercheurs pour une
étude participative sur les adolescents
déplacés. Ces chercheurs adolescents ont
interviewé plus de 2000 adolescents et
adultes pour parvenir à identifier leurs
besoins et leurs préoccupations.
Par la suite, Betty et Emmanuel ont
fondé ensemble La Jeunesse Gulu pour
l’action (GYFA), un groupe qui travaille à
impliquer des jeunes, surtout les filles, en
faveur de questions les intéressant, telles
la santé des adolescents et un plaidoyer
pour l’éducation. Le GYFA espère, par son
travail, que les adolescents apprendront
la prévention des maladies sexuellement
transmissibles, y compris le VIH, et
sauront où aller pour obtenir l’information
nécessaire, les préservatifs, les conseils
et le traitement. Le groupe mobilise
également les jeunes en faveur de la paix
et de la résolution de conflits.
Betty est l’une des huit jeunes choisies
par Olara Otunnu, Représentant Spécial
du Secrétaire Général des Nations
Unies en faveur des enfants dans les
conflits armés, pour travailler avec lui à
l’élaboration d’un conseil consultatif de
jeunes avec des représentants venus à la
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