Parce que je suis une fille - Droits des filles
Parce que je suis une fille - Droits des filles
Parce que je suis une fille - Droits des filles
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
dans le<strong>que</strong>l elle a grandi. Elle n’a souvent<br />
eu qu’<strong>une</strong> éducation très rudimentaire et<br />
considère <strong>que</strong> devenir soldat si <strong>je</strong><strong>une</strong> est<br />
un moyen d’échapper à la pauvreté ou de<br />
fuir <strong>une</strong> situation familiale difficile ou de<br />
mauvais traitements. Elle peut être en quête<br />
de sécurité, d’un toit, de médicaments ou<br />
simplement de vouloir manger à sa faim,<br />
tout particulièrement lors<strong>que</strong> les institutions<br />
sont défaillantes. Si sa famille a été tuée, elle<br />
peut chercher à se venger. Elle peut décider<br />
de s’engager pour <strong>des</strong> raisons religieuses<br />
ou politi<strong>que</strong>s ou simplement comme<br />
échappatoire. Dans un autre rapport, on lit:<br />
“S’il est rare de voir <strong>des</strong> enfants rechercher<br />
<strong>une</strong> guerre à faire… pour les adolescents,<br />
la guerre peut se présenter comme <strong>une</strong><br />
opportunité, <strong>une</strong> possibilité d’emploi, le<br />
moyen de se dégager de l’emprise familiale<br />
ou d’<strong>une</strong> humiliation à l’école, <strong>une</strong> aventure<br />
ou le service d’<strong>une</strong> cause.” 103<br />
L’HISTOIRE D’AIMERANCE 104<br />
Aimerance a rejoint les forces armées de<br />
la Républi<strong>que</strong> Démocrati<strong>que</strong> du Congo<br />
par l’intermédiaire d’ un ami. Au début,<br />
son geste était volontaire, mais elle a vite<br />
constaté <strong>que</strong> sa situation se dégradait.<br />
“Mon père et ma mère sont agriculteurs<br />
- ils cultivent les champs <strong>des</strong> autres et<br />
après les gens leur paient <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose.<br />
Nos grands-parents nous ont laissé un<br />
champ, mais lorsqu’ils sont morts le<br />
reste <strong>des</strong> la famille a repris la terre pour<br />
eux, et mon père est resté sans rien.<br />
J’étais dans ma troisième année d’école<br />
primaire. J’ai quitté l’école parce <strong>que</strong><br />
mon père n’avait pas l’argent pour payer<br />
pour moi.<br />
Après avoir quitté l’école, <strong>je</strong> passais<br />
mon temps à la maison. J’avais 14 ans.<br />
Un jour, <strong>une</strong> amie est venue me voir chez<br />
moi et m’a dit de rejoindre les forces<br />
armées. En 2002, mon amie était dans<br />
<strong>une</strong> faction congolaise rebelle. Elle dit<br />
<strong>que</strong> ça marchait bien pour elle et <strong>que</strong><br />
si <strong>je</strong> m’engageais, pour moi aussi ça<br />
marcherait bien. C’est pour cela <strong>que</strong> <strong>je</strong> me<br />
<strong>suis</strong> engagée.<br />
Ils nous emmenaient garder certains<br />
endroits comme la maison d’<strong>une</strong> autorité<br />
militaire. Il fallait aussi <strong>que</strong> nous fassions<br />
la cuisine pour tous les gens qui venaient.<br />
C’était beaucoup de travail.<br />
Les hommes nous ont prises comme<br />
‘épouses’ - ils nous traitaient très mal. Ils<br />
ne m’ont pas violée au début, pendant<br />
la première année. C’est plus tard <strong>que</strong><br />
cela a commencé. Il y avait un grand<br />
nombre de petites maisons dans le camp.<br />
Nous avons beaucoup souffert. J’avais<br />
<strong>des</strong> poux dans les cheveux. Le matin,<br />
les militaire mettaient les <strong>fille</strong>s et les<br />
hommes dans ces maisons. Ensuite, les<br />
militaires nous ont prises pour femmes,<br />
sans prendre en considération le fait <strong>que</strong><br />
nous étions encore <strong>des</strong> enfants. Cha<strong>que</strong><br />
fois qu’ils en avaient envie, ils venaient<br />
coucher avec nous. Ces hommes étaient<br />
tellement nombreux. On pouvait avoir<br />
un homme qui couchait avec vous, puis<br />
qui partait. Ensuite un deuxième venait<br />
vous parler, couchait avec vous et rentrait<br />
chez lui. Puis un troisième venait vous<br />
voir, bavardait un peu, couchait avec vous<br />
puis retournait chez lui. Ils faisaient ce<br />
qu’ils voulaient. Nous n’étions là <strong>que</strong> pour<br />
faire tout ce qu’ils voulaient. Même si<br />
on refusait, les hommes nous prenaient<br />
quand même – ils insistaient.<br />
Je me sentais comme vidée de toute<br />
énergie à l’intérieur de moi-même. Je<br />
me sentais faible et ramollie et c’était<br />
comme si j’avais perdu toute intelligence.<br />
Nous étions sept <strong>fille</strong>s traitées de cette<br />
manière. Nous ressentions toutes la<br />
même chose. Maintenant ça ne va pas<br />
bien du tout ici (elle montre son basventre<br />
et les zones génitales).<br />
Je n’avais aucun moyen de m’échapper<br />
et de rentrer. Nous étions à Kisangani.<br />
C’est très loin. Un jour, ils m’ont envoyée<br />
au marché, j’ai vu mon oncle en voiture au<br />
village. Je me <strong>suis</strong> cachée dans la voiture<br />
et il a conduit jusqu’à Bukavu. De Bukavu,<br />
j’ai pris <strong>une</strong> autre voiture et <strong>suis</strong> arrivée<br />
dans mon village.” 105<br />
D’autres étu<strong>des</strong> ont mis en lumière la façon<br />
dont les <strong>fille</strong>s, entièrement façonnées par<br />
la discrimination, ont été sensibilisées aux<br />
arguments <strong>des</strong> recruteurs. 106 À l’instar<br />
<strong>des</strong> garçons, la pauvreté et l’absence de<br />
perspectives sont <strong>des</strong> facteurs qui ‘poussent‘<br />
les <strong>fille</strong>s vers les forces combattantes.<br />
Mais les violences domesti<strong>que</strong>s physi<strong>que</strong><br />
et sexuelle sont <strong>des</strong> facteurs plus sexospécifi<strong>que</strong>s<br />
qui contribuent à l’engagement<br />
volontaire <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s. Cette <strong>je</strong><strong>une</strong> adolescente<br />
<strong>des</strong> Philippines s’est engagée dans les forces<br />
combattantes à l’âge de 13 ans parce <strong>que</strong><br />
son beau-père battait sa mère: “Je ne<br />
pouvais rien faire pour arrêter mon beaupère<br />
parce <strong>que</strong> <strong>je</strong> n’étais qu’<strong>une</strong> enfant. Mais<br />
il a cessé de battre maman lors qu’il a su <strong>que</strong><br />
j’avais rejoint la Nouvelle Armée du Peuple<br />
(NAP). Peut-être a-t-il eu peur. Si jamais<br />
j’apprend qu’il fait mal à maman de nouveau,<br />
<strong>je</strong> le battrai et le tuerai.”<br />
Cette <strong>je</strong><strong>une</strong> <strong>fille</strong> du Sri Lanka est partie<br />
parce qu’elle ne voulait pas épouser<br />
l’homme <strong>que</strong> ses parents avaient choisi pour<br />
elle: “Environ dix jours avant la date du<br />
mariage, j’ préparé mon départ de la maison.<br />
J’avais attendu, tentant de convaincre mes<br />
parents, mais ils sont restés inflexibles et ne<br />
voulaient pas m’écouter. Ils n’ont pas écouté.<br />
Le jour du mariage, tout était prêt. Je me<br />
<strong>suis</strong> enfuie.” 107<br />
Devenir les égales <strong>des</strong> hommes…<br />
“À l’armée nous étions les égales <strong>des</strong><br />
hommes. Nous nous battions aussi. Nous<br />
avons donc prouvé aux hommes <strong>que</strong> nous<br />
savions le faire. Et s’ils peuvent le faire,<br />
nous le pouvons aussi, et encore mieux”<br />
Je<strong>une</strong> combattante, Liberia 108<br />
“Nous étions heureuses et enthousiastes<br />
pendant la guerre, pas parce <strong>que</strong> nous<br />
tuions <strong>des</strong> gens, mais… parce <strong>que</strong> nous<br />
savions <strong>que</strong> nous repoussions le danger.<br />
Mon char m’appartenait, j’en étais<br />
responsable. C’était comme si j’avais ma<br />
propre voiture; <strong>je</strong> me battais pour notre<br />
pays et j’aidais nos frères. Au début, tout<br />
le monde se demandait comment <strong>une</strong><br />
femme ou <strong>une</strong> <strong>fille</strong> en serait capable. L’idée<br />
a fait son chemin et ils ont commencé à<br />
l’accepter. Plus tard, ma famille se vantait<br />
partout de mes exploits.”<br />
Ahlam, <strong>une</strong> <strong>je</strong><strong>une</strong> Druze du Liban qui avait<br />
combattu pendant la guerre civile. 109<br />
Aux Philippines et en Colombie, <strong>une</strong> étude<br />
relève <strong>que</strong> “les <strong>fille</strong>s avaient le sentiment<br />
<strong>que</strong> le mouvement armé augmentait leurs<br />
possibilités d’avoir <strong>une</strong> vie meilleure, -elles<br />
acquéraient de précieuses compétences, et<br />
s’il n’y avait pas eu les violents combats,<br />
beaucoup de <strong>fille</strong>s auraient choisi de rester<br />
dans le mouvement.” 110 Les <strong>fille</strong>s ont un<br />
sentiment d’égalité qui est nouveau pour<br />
elles. Un soldat dit: “Soldats, les hommes et<br />
les femmes deviennent <strong>des</strong> camara<strong>des</strong>”. 111<br />
Partager le danger leur donnent le même<br />
accès <strong>que</strong> les garçons à <strong>une</strong> formation,<br />
à l’éducation et aux soins de santé. Au<br />
Mozambi<strong>que</strong>, l’appel à s’engager dans le<br />
conflit armé dans les rangs du FRELIMO<br />
comportait <strong>des</strong> messages sur l’égalité de<br />
genre, sur l’importance du rôle <strong>des</strong> femmes<br />
et <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s. De tels messages confortaient le<br />
désir <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s de donner <strong>une</strong> forme nouvelle<br />
aux relations entre les hommes et les femmes<br />
dans leur société; ainsi, en s’engageant, elles<br />
avaient le sentiment d’un acte stratégi<strong>que</strong> en<br />
faveur <strong>des</strong> femmes et <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s. 112<br />
DES CHAUSSURES ROUGES<br />
INTERVIEWS DE FILLES SOLDATS AU<br />
LIBERIA<br />
Interrogées sur ce qui motivait leur<br />
décision de prendre les armes, les<br />
<strong>fille</strong>s ont indiqué deux raisons d’ordre<br />
féministe: la première était le désir<br />
de se protéger ainsi <strong>que</strong> les autres<br />
femmes de la violence (sexuelle en<br />
particulier), et l’autre de pouvoir se<br />
venger de celle-ci.<br />
La situation de conflit et, à l’intérieur<br />
de celui-ci, le fait <strong>que</strong> c’était en majorité<br />
<strong>des</strong> hommes qui détenaient les armes, a<br />
donné lieu à <strong>une</strong> recru<strong>des</strong>cence <strong>des</strong> viols.<br />
Ceci a fini par jouer un rôle important<br />
dans la décision <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s de rejoindre les<br />
forces armées. Pour échapper au viol, les<br />
civiles n’avaient plus guère d’autres choix<br />
<strong>que</strong> de fuir ou de s’engager.<br />
Les Libériennes ont la réputation<br />
d’être fortes et indépendantes… Le fait<br />
même <strong>que</strong> les <strong>fille</strong>s de cette génération<br />
remar<strong>que</strong>nt et criti<strong>que</strong>nt les inégalités<br />
dont elles sont les victimes, dénote <strong>une</strong><br />
certaine indépendance et <strong>une</strong> force; on<br />
les retrouve dans la seconde motivation<br />
indiquée pour rallier les forces armées<br />
qui revient à obtenir l’égalité de genre<br />
d’<strong>une</strong> manière générale. Les soldates ont<br />
démontré qu’elles étaient au moins aussi<br />
efficaces <strong>que</strong> leurs camara<strong>des</strong> masculins et<br />
<strong>que</strong> les unités féminines étaient redoutées.<br />
En revanche, les motivations de<br />
recrutement sans connotation féministe<br />
sont répandues. Nombre de <strong>fille</strong>s ont<br />
recherché délibérément, ou ont été<br />
68 L a Situation <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s dans le monde 69