28.02.2015 Views

Parce que je suis une fille - Droits des filles

Parce que je suis une fille - Droits des filles

Parce que je suis une fille - Droits des filles

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

dans le<strong>que</strong>l elle a grandi. Elle n’a souvent<br />

eu qu’<strong>une</strong> éducation très rudimentaire et<br />

considère <strong>que</strong> devenir soldat si <strong>je</strong><strong>une</strong> est<br />

un moyen d’échapper à la pauvreté ou de<br />

fuir <strong>une</strong> situation familiale difficile ou de<br />

mauvais traitements. Elle peut être en quête<br />

de sécurité, d’un toit, de médicaments ou<br />

simplement de vouloir manger à sa faim,<br />

tout particulièrement lors<strong>que</strong> les institutions<br />

sont défaillantes. Si sa famille a été tuée, elle<br />

peut chercher à se venger. Elle peut décider<br />

de s’engager pour <strong>des</strong> raisons religieuses<br />

ou politi<strong>que</strong>s ou simplement comme<br />

échappatoire. Dans un autre rapport, on lit:<br />

“S’il est rare de voir <strong>des</strong> enfants rechercher<br />

<strong>une</strong> guerre à faire… pour les adolescents,<br />

la guerre peut se présenter comme <strong>une</strong><br />

opportunité, <strong>une</strong> possibilité d’emploi, le<br />

moyen de se dégager de l’emprise familiale<br />

ou d’<strong>une</strong> humiliation à l’école, <strong>une</strong> aventure<br />

ou le service d’<strong>une</strong> cause.” 103<br />

L’HISTOIRE D’AIMERANCE 104<br />

Aimerance a rejoint les forces armées de<br />

la Républi<strong>que</strong> Démocrati<strong>que</strong> du Congo<br />

par l’intermédiaire d’ un ami. Au début,<br />

son geste était volontaire, mais elle a vite<br />

constaté <strong>que</strong> sa situation se dégradait.<br />

“Mon père et ma mère sont agriculteurs<br />

- ils cultivent les champs <strong>des</strong> autres et<br />

après les gens leur paient <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose.<br />

Nos grands-parents nous ont laissé un<br />

champ, mais lorsqu’ils sont morts le<br />

reste <strong>des</strong> la famille a repris la terre pour<br />

eux, et mon père est resté sans rien.<br />

J’étais dans ma troisième année d’école<br />

primaire. J’ai quitté l’école parce <strong>que</strong><br />

mon père n’avait pas l’argent pour payer<br />

pour moi.<br />

Après avoir quitté l’école, <strong>je</strong> passais<br />

mon temps à la maison. J’avais 14 ans.<br />

Un jour, <strong>une</strong> amie est venue me voir chez<br />

moi et m’a dit de rejoindre les forces<br />

armées. En 2002, mon amie était dans<br />

<strong>une</strong> faction congolaise rebelle. Elle dit<br />

<strong>que</strong> ça marchait bien pour elle et <strong>que</strong><br />

si <strong>je</strong> m’engageais, pour moi aussi ça<br />

marcherait bien. C’est pour cela <strong>que</strong> <strong>je</strong> me<br />

<strong>suis</strong> engagée.<br />

Ils nous emmenaient garder certains<br />

endroits comme la maison d’<strong>une</strong> autorité<br />

militaire. Il fallait aussi <strong>que</strong> nous fassions<br />

la cuisine pour tous les gens qui venaient.<br />

C’était beaucoup de travail.<br />

Les hommes nous ont prises comme<br />

‘épouses’ - ils nous traitaient très mal. Ils<br />

ne m’ont pas violée au début, pendant<br />

la première année. C’est plus tard <strong>que</strong><br />

cela a commencé. Il y avait un grand<br />

nombre de petites maisons dans le camp.<br />

Nous avons beaucoup souffert. J’avais<br />

<strong>des</strong> poux dans les cheveux. Le matin,<br />

les militaire mettaient les <strong>fille</strong>s et les<br />

hommes dans ces maisons. Ensuite, les<br />

militaires nous ont prises pour femmes,<br />

sans prendre en considération le fait <strong>que</strong><br />

nous étions encore <strong>des</strong> enfants. Cha<strong>que</strong><br />

fois qu’ils en avaient envie, ils venaient<br />

coucher avec nous. Ces hommes étaient<br />

tellement nombreux. On pouvait avoir<br />

un homme qui couchait avec vous, puis<br />

qui partait. Ensuite un deuxième venait<br />

vous parler, couchait avec vous et rentrait<br />

chez lui. Puis un troisième venait vous<br />

voir, bavardait un peu, couchait avec vous<br />

puis retournait chez lui. Ils faisaient ce<br />

qu’ils voulaient. Nous n’étions là <strong>que</strong> pour<br />

faire tout ce qu’ils voulaient. Même si<br />

on refusait, les hommes nous prenaient<br />

quand même – ils insistaient.<br />

Je me sentais comme vidée de toute<br />

énergie à l’intérieur de moi-même. Je<br />

me sentais faible et ramollie et c’était<br />

comme si j’avais perdu toute intelligence.<br />

Nous étions sept <strong>fille</strong>s traitées de cette<br />

manière. Nous ressentions toutes la<br />

même chose. Maintenant ça ne va pas<br />

bien du tout ici (elle montre son basventre<br />

et les zones génitales).<br />

Je n’avais aucun moyen de m’échapper<br />

et de rentrer. Nous étions à Kisangani.<br />

C’est très loin. Un jour, ils m’ont envoyée<br />

au marché, j’ai vu mon oncle en voiture au<br />

village. Je me <strong>suis</strong> cachée dans la voiture<br />

et il a conduit jusqu’à Bukavu. De Bukavu,<br />

j’ai pris <strong>une</strong> autre voiture et <strong>suis</strong> arrivée<br />

dans mon village.” 105<br />

D’autres étu<strong>des</strong> ont mis en lumière la façon<br />

dont les <strong>fille</strong>s, entièrement façonnées par<br />

la discrimination, ont été sensibilisées aux<br />

arguments <strong>des</strong> recruteurs. 106 À l’instar<br />

<strong>des</strong> garçons, la pauvreté et l’absence de<br />

perspectives sont <strong>des</strong> facteurs qui ‘poussent‘<br />

les <strong>fille</strong>s vers les forces combattantes.<br />

Mais les violences domesti<strong>que</strong>s physi<strong>que</strong><br />

et sexuelle sont <strong>des</strong> facteurs plus sexospécifi<strong>que</strong>s<br />

qui contribuent à l’engagement<br />

volontaire <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s. Cette <strong>je</strong><strong>une</strong> adolescente<br />

<strong>des</strong> Philippines s’est engagée dans les forces<br />

combattantes à l’âge de 13 ans parce <strong>que</strong><br />

son beau-père battait sa mère: “Je ne<br />

pouvais rien faire pour arrêter mon beaupère<br />

parce <strong>que</strong> <strong>je</strong> n’étais qu’<strong>une</strong> enfant. Mais<br />

il a cessé de battre maman lors qu’il a su <strong>que</strong><br />

j’avais rejoint la Nouvelle Armée du Peuple<br />

(NAP). Peut-être a-t-il eu peur. Si jamais<br />

j’apprend qu’il fait mal à maman de nouveau,<br />

<strong>je</strong> le battrai et le tuerai.”<br />

Cette <strong>je</strong><strong>une</strong> <strong>fille</strong> du Sri Lanka est partie<br />

parce qu’elle ne voulait pas épouser<br />

l’homme <strong>que</strong> ses parents avaient choisi pour<br />

elle: “Environ dix jours avant la date du<br />

mariage, j’ préparé mon départ de la maison.<br />

J’avais attendu, tentant de convaincre mes<br />

parents, mais ils sont restés inflexibles et ne<br />

voulaient pas m’écouter. Ils n’ont pas écouté.<br />

Le jour du mariage, tout était prêt. Je me<br />

<strong>suis</strong> enfuie.” 107<br />

Devenir les égales <strong>des</strong> hommes…<br />

“À l’armée nous étions les égales <strong>des</strong><br />

hommes. Nous nous battions aussi. Nous<br />

avons donc prouvé aux hommes <strong>que</strong> nous<br />

savions le faire. Et s’ils peuvent le faire,<br />

nous le pouvons aussi, et encore mieux”<br />

Je<strong>une</strong> combattante, Liberia 108<br />

“Nous étions heureuses et enthousiastes<br />

pendant la guerre, pas parce <strong>que</strong> nous<br />

tuions <strong>des</strong> gens, mais… parce <strong>que</strong> nous<br />

savions <strong>que</strong> nous repoussions le danger.<br />

Mon char m’appartenait, j’en étais<br />

responsable. C’était comme si j’avais ma<br />

propre voiture; <strong>je</strong> me battais pour notre<br />

pays et j’aidais nos frères. Au début, tout<br />

le monde se demandait comment <strong>une</strong><br />

femme ou <strong>une</strong> <strong>fille</strong> en serait capable. L’idée<br />

a fait son chemin et ils ont commencé à<br />

l’accepter. Plus tard, ma famille se vantait<br />

partout de mes exploits.”<br />

Ahlam, <strong>une</strong> <strong>je</strong><strong>une</strong> Druze du Liban qui avait<br />

combattu pendant la guerre civile. 109<br />

Aux Philippines et en Colombie, <strong>une</strong> étude<br />

relève <strong>que</strong> “les <strong>fille</strong>s avaient le sentiment<br />

<strong>que</strong> le mouvement armé augmentait leurs<br />

possibilités d’avoir <strong>une</strong> vie meilleure, -elles<br />

acquéraient de précieuses compétences, et<br />

s’il n’y avait pas eu les violents combats,<br />

beaucoup de <strong>fille</strong>s auraient choisi de rester<br />

dans le mouvement.” 110 Les <strong>fille</strong>s ont un<br />

sentiment d’égalité qui est nouveau pour<br />

elles. Un soldat dit: “Soldats, les hommes et<br />

les femmes deviennent <strong>des</strong> camara<strong>des</strong>”. 111<br />

Partager le danger leur donnent le même<br />

accès <strong>que</strong> les garçons à <strong>une</strong> formation,<br />

à l’éducation et aux soins de santé. Au<br />

Mozambi<strong>que</strong>, l’appel à s’engager dans le<br />

conflit armé dans les rangs du FRELIMO<br />

comportait <strong>des</strong> messages sur l’égalité de<br />

genre, sur l’importance du rôle <strong>des</strong> femmes<br />

et <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s. De tels messages confortaient le<br />

désir <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s de donner <strong>une</strong> forme nouvelle<br />

aux relations entre les hommes et les femmes<br />

dans leur société; ainsi, en s’engageant, elles<br />

avaient le sentiment d’un acte stratégi<strong>que</strong> en<br />

faveur <strong>des</strong> femmes et <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s. 112<br />

DES CHAUSSURES ROUGES<br />

INTERVIEWS DE FILLES SOLDATS AU<br />

LIBERIA<br />

Interrogées sur ce qui motivait leur<br />

décision de prendre les armes, les<br />

<strong>fille</strong>s ont indiqué deux raisons d’ordre<br />

féministe: la première était le désir<br />

de se protéger ainsi <strong>que</strong> les autres<br />

femmes de la violence (sexuelle en<br />

particulier), et l’autre de pouvoir se<br />

venger de celle-ci.<br />

La situation de conflit et, à l’intérieur<br />

de celui-ci, le fait <strong>que</strong> c’était en majorité<br />

<strong>des</strong> hommes qui détenaient les armes, a<br />

donné lieu à <strong>une</strong> recru<strong>des</strong>cence <strong>des</strong> viols.<br />

Ceci a fini par jouer un rôle important<br />

dans la décision <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s de rejoindre les<br />

forces armées. Pour échapper au viol, les<br />

civiles n’avaient plus guère d’autres choix<br />

<strong>que</strong> de fuir ou de s’engager.<br />

Les Libériennes ont la réputation<br />

d’être fortes et indépendantes… Le fait<br />

même <strong>que</strong> les <strong>fille</strong>s de cette génération<br />

remar<strong>que</strong>nt et criti<strong>que</strong>nt les inégalités<br />

dont elles sont les victimes, dénote <strong>une</strong><br />

certaine indépendance et <strong>une</strong> force; on<br />

les retrouve dans la seconde motivation<br />

indiquée pour rallier les forces armées<br />

qui revient à obtenir l’égalité de genre<br />

d’<strong>une</strong> manière générale. Les soldates ont<br />

démontré qu’elles étaient au moins aussi<br />

efficaces <strong>que</strong> leurs camara<strong>des</strong> masculins et<br />

<strong>que</strong> les unités féminines étaient redoutées.<br />

En revanche, les motivations de<br />

recrutement sans connotation féministe<br />

sont répandues. Nombre de <strong>fille</strong>s ont<br />

recherché délibérément, ou ont été<br />

68 L a Situation <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s dans le monde 69

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!