Parce que je suis une fille - Droits des filles

individus séropositifs qui vivent dans des
zones de conflit, de crises humanitaires et/ou
de déplacement. Ce chiffre grimpe à 14 pour
cent pour les jeunes de moins de 15 ans. 63
Le VIH et l’inégalité de genre forment un
cercle vicieux. On relève dans une étude
des Nations Unies que: “…on ne saurait
comprendre l’épidémie du SIDA et élaborer
des réponses effectives sans prendre en
compte les influences fondamentales
qu’exerce le genre sur la propagation de la
maladie, son impact et la réussite des efforts
de prévention.” 64 En Afrique sub-saharienne,
près de 61 pour cent des adultes séropositifs
en 2007 étaient des femmes. 65
Le risque de transmission du VIH par des
rapports sexuels vaginaux est plus élevé
pour les femmes que pour les hommes. Les
filles et les jeunes femmes n’ont souvent
aucun pouvoir pour décider du lieu, du
moment d’un rapport ou si leur partenaire
utilise un préservatif. C’est particulièrement
important si des filles ont des rapports avec
des hommes beaucoup plus âgés ayant eu
de nombreuses partenaires et étant euxmêmes
contaminés. Les rapports sexuels
inter générationnels ou les mariages précoces
posent des problèmes particulièrement
épineux pour la vulnérabilité des filles. Les
déséquilibres de pouvoir qui fragilisent de
manière disproportionnée les filles et les
femmes devant la contamination par le VIH
sont encore plus prononcés dans les périodes
de conflit.
Leur vulnérabilité est directement
liée à l’effondrement des structures
communautaires ainsi qu’aux ruptures
de la vie familiale et des normes sociales
qui régissent les comportements sexuels.
La cohésion sociale est un facteur clé
de résistance des communautés au VIH.
Les conflits détruisent les institutions
communautaires et les structures de soutien
social. Ils touchent toutes les relations au
sein des communautés, les relations hommes
femmes, entre les adultes plus âgés et les
enfants et la capacité de la communauté de
remplir son rôle de protection envers ces
derniers. Dans de nombreuses communautés
touchées par les conflits, on a constaté
que les difficultés matérielles et les
traumatismes psychologiques augmentent
les comportements à haut risque afin de faire
face à l’impact de la guerre. 66
GRANDIR SEULE
Les orphelines sont les plus vulnérables
à l’impact du SIDA, en particulier
lorsqu’elles ont perdu leur mère. Une
jeune mère qui meurt présente aussi un
risque pour son bébé: les enfants dont les
mères sont mortes ont un risque dix fois
plus élevé de mourir. En effet, une fille
qui a perdu sa mère s’avère être l’enfant
le plus vulnérable d’Afrique. 67 Car, ces
enfants ont moins de chances d’avoir
accès à l’éducation et aux systèmes de
soutien social qui pourraient les protéger
de l’exploitation sexuelle et des risques
de se voir pousser à la prostitution pour
subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs
frères et sœurs. Des preuves viennent
confirmer la relation complexe qui existe
entre le nombre d’enfants orphelins,
l’extrême pauvreté et la menace
d’instabilité. 68 Treize des 17 pays où l’on
dénombre plus de 100.000 orphelins
du SIDA sont engagés ou sur le point de
s’engager dans un conflit armé. 69
Le viol est un facteur majeur de propagation
du VIH et devient une arme tactique banale
dans l’arsenal des conflits d’aujourd’hui.
L’ONUSIDA précise: “En raison de leur
vulnérabilité socio-économique, les jeunes
filles sont plus exposées à la coercition
sexuelle, surtout dans les situations de
conflit.” 70 Cette jeune fille du Burundi
disait clairement le lien entre le viol et la
contamination: “Ils ont menacé de me violer.
J’ai tenté de les dissuader en leur disant que
j’étais séropositive mais ils ont dit que ce
n’était pas important et ils ont fait venir des
gens qui étaient aussi séropositifs.” 71
Le VIH peut être transmis par des soldats,
parfois délibérément comme dans la
République Démocratique du Congo où on
estime que 50 pour cent des militaires sont
séropositifs. 72 Le gouvernement peut être luimême
l’auteur de violences perpétrées contre
les enfants – on en a des preuves au Darfour
- ce qui ôte toute signification au rôle dévolu
à l’état dans la protection de l’enfance.
L’effondrement des structures d’éducation et
de santé peut conduire des jeunes femmes
infectées à ne pas avoir accès à un dépistage
ou à un traitement à la suite d’un viol.
Si dans les situations de conflit,
la transmission du VIH augmente la
vulnérabilité des filles, elle n’aboutit pas
nécessairement à des taux élevés de
séropositivité. Cela s’explique par le fait que,
dans les situations de conflit, le contact entre
les communautés et d’autres populations
ou réseaux sexuels est rompu. Les camps
de réfugiés ou de personnes déplacées,
par exemple, sont souvent situés dans des
lieux isolés, très éloignés des populations
locales. On observe toutefois une prévalence
accrue du VIH une fois que les conflits sont
résolus, comme en Angola, 73 lorsque les
communautés ne sont plus isolées mais que
la violence contre les filles persiste pendant
plusieurs années parce qu’une culture de
violence s’est installée. L’impact des conflits
subsiste longtemps après la fin des combats.
L’HISTOIRE DE MARIE
Marie, une grande jeune femme de 24
ans, vit avec son petit garçon de deux
ans et un bébé dans une ville frontière
en bordure de la partie orientale de la
République Démocratique du Congo
(RDC). Ces dernières années, cette zone
a changé de mains plusieurs fois entre les
troupes rebelles et les forces étrangères
et à chaque fois dans des attaques armées
au milieu desquelles des civils étaient
pris. Ce n’est pas une ville où beaucoup
de ses habitants auraient choisi de vivre –
c’est simplement un lieu où ils ont pu fuir
des combats encore plus durs.
Le dispensaire de trois pièces porte la
marque des obus de mortier et ne contient
plus de mobilier ou d’approvisionnement.
L’unique infirmière qualifiée ne peut guère
dispenser davantage que des conseils.
Les médicaments et autres fournitures
arrivent occasionnellement par le
truchement d’organisations caritatives
quand la situation est assez sûre pour
les acheminer. Lorsque Marie a donné
naissance à ses bébés, toute seule dans
sa case, il n’y avait qu’une sage-femme
traditionnelle auprès d’elle.
La ville est peuplée en majorité de
femmes et d’enfants. La plupart des
hommes de la région ont pris la fuite, ont
été tués ou ont rejoint les rebelles dans
la brousse. Un rapport récent de ‘Human
Rights Watch’ fait état d’un niveau
effroyable de violence dans la ville et
dans la région alentour.
Plusieurs des femmes que Marie
connaît ont été violées par des soldats
d’un bord ou de l’autre. Marie a aussi été
violée quand elle avait 20 ans mais elle
considère qu’elle: “a eu de la chance, - ce
n’était pas un viol de gang, je n’ai pas
eu trop de mal, c’était seulement une
fois“. Compte tenu de ce qu’ont raconté
les nombreuses autres femmes qu’elle
connaît, elle est reconnaissante.
Jacob Silberberg/ Panos Pictures
Journée de
cessez-le feu
au Liberia;
les effets à
long terme
de la guerre.
58 L a Situation des filles dans le monde 59