BOUTTE transmission du savoir faire d expert a novice - these.pdf
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Jusqu’au XIXème siècle le travail est associé essentiellement à une forme artisanale, à l’homme de métier, au Compagnon. La grande entreprise telle que nous la connaissons aujourd’hui résulte d’une suite de formalisations des procédés, des techniques et des pratiques initiées au XIXème siècle, avec la mécanisation. Cette rationalisation, « cette formalisation des procédés constitue une attaque frontale en direction des savoir-faire sous-jacents » 14 . D’autres auteurs comme Bernoux (1985) ou Linhart (2003) viennent compléter cette description de l’évolution de l’entreprise moderne. Ainsi cette formalisation exacerbée a profondément dénaturé les pratiques et les techniques qui par ailleurs pouvaient être celles des artisans et des Compagnons. Le XIXème siècle, période appelée aussi « la révolution industrielle », est sans doute le point culminant de cette formalisation donnant lieu à la période d’industrialisation dominée par un courant de pensée rationalisant. La division des tâches et l’Organisation Scientifique du Travail prônées par Taylor, ont fortement et durablement marqué les organisations et les cultures des entreprises. Il est à noter cependant que c’est au XXième siècle sous l’impulsion de Jean Milhaud (Secrétaire Général de la CGOST, commission générale de l’O.S.T. au sein de la CGPF, confédération Générale de la Production Française) que l’O.S.T. trouvera un écho en France, particulièrement en 1926 après la première guerre mondiale. A cette époque pour l’industrie, la recherche de l’amélioration de la productivité, le calcul et l’optimisation du coût de revient deviennent prioritaires. C’est le début de l’ère de la production de masse, de la mécanisation, l’ère des ingénieurs. Les activités sont découpées en tâches simples et répétitives, ne demandant a priori aucune réflexion, aucune initiative. Le film de Charlie Chaplin « Les temps modernes » illustre et caricature à peine, cette période. Cette nouvelle approche de l’organisation du travail a aussi profondément marqué les pratiques et les relations sociales, les liens sociaux, les styles de management. Cette formalisation est aussi commentée par Deforge (1991) comme une idéologie dans les enseignements techniques, mouvement lui aussi engagé depuis fort longtemps. Cette mise en forme « rationalisante » semble concurrencer non seulement les savoir-faire, les reléguant à des métiers en « voie de disparition », mais aussi le mode d’acquisition des savoirs pratiques, des techniques, prônant un enseignement « méthodique ». Notons à ce 14 Deforge, 1991, p.208 30
propos que c’est dans les années trente, que le Management devient une discipline enseignée aux Etats Unis. Si l’on suit ces auteurs, l’entreprise d’aujourd’hui se distingue fortement des métiers traditionnels ou artisanaux par des savoirs, des techniques et des pratiques formalisées, mis en forme et des modes d’enseignement méthodiques. Ces développements pourraient nous laisser à penser que les modes de compagnonnage, la transmission « naturelle » de savoir-faire, illustrée par nos exemples plus haut, n’a pas de place dans l’entreprise, pas plus que les « savoir-faire ». Les premières sembleraient remplacées par des formes méthodiques d’enseignement, une formation professionnelle et qualifiante, les autres par des savoirs formalisés, des procédures écrites, des modes opératoires. Or il est intéressant de constater que Jean Milhaud lui-même disait « Dans un groupe de vingt personnes qui échangent sincèrement leurs expériences, si chacun abandonne un prétendu secret, il s’enrichit de dix neuf expériences » 15 . L’échange d’expérience et la formation des cadres deviennent d’actualité, ils deviennent par exemple l’activité d’organismes comme ce qui est aujourd’hui la CEGOS (à l’origine la CGOS), le CSMO (centre scientifique de la main d’œuvre). Cependant, dans cette période l’évolution de la grande entreprise, de l’industrie en particulier est intimement liée aux besoins de la nation et aux phénomènes sociaux comme la crise économique de 1936 ou la seconde guerre mondiale. Les techniques, la gestion et les modes de management s’enrichissent, le taylorisme se confirme comme le mode d’organisation de référence. 3.1.1.2 Les « 30 glorieuses » Aux lendemains de la seconde guerre mondiale la reconstruction de la France appelle une main d’œuvre massive jusque là très éloignée du monde de la grande entreprise, de l’industrie et du bâtiment. Il faut former cette main d’œuvre peu qualifiée aux techniques et aux emplois à occuper. C’est le plein emploi, et l’on fait appel à l’immigration pour couvrir les besoins. C’est la création de l’AFPMO (association pour la formation de la main d’œuvre), le CERP, l’AFP de Ouvriers et Métaux… qui donneront lieu plus tard à ce que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de l'AFPA. 15 CGOS, Toute entreprise est une aventure humaine, 2003 31
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Si l’on suit ces auteurs, l’entreprise d’aujourd’hui se distingue fortement des métiers<br />
traditionnels ou artisanaux par des <strong>savoir</strong>s, des techniques et des pratiques formalisées,<br />
mis en forme et des modes d’enseignement méthodiques. Ces développements<br />
pourraient nous laisser à penser que les modes de compagnonnage, la <strong>transmission</strong><br />
« naturelle » de <strong>savoir</strong>-<strong>faire</strong>, illustrée par nos exemples plus haut, n’a pas de place dans<br />
l’entreprise, pas plus que les « <strong>savoir</strong>-<strong>faire</strong> ». Les premières sembleraient remplacées<br />
par des formes méthodiques d’enseignement, une formation professionnelle et<br />
qualifiante, les autres par des <strong>savoir</strong>s formalisés, des procé<strong>du</strong>res écrites, des modes<br />
opératoires. Or il est intéressant de constater que Jean Milhaud lui-même disait « Dans<br />
un groupe de vingt personnes qui échangent sincèrement leurs expériences, si chacun<br />
abandonne un préten<strong>du</strong> secret, il s’enrichit de dix neuf expériences » 15 . L’échange<br />
d’expérience et la formation des cadres deviennent d’actualité, ils deviennent par<br />
exemple l’activité d’organismes comme ce qui est aujourd’hui la CEGOS (à l’origine la<br />
CGOS), le CSMO (centre scientifique de la main d’œuvre).<br />
Cependant, dans cette période l’évolution de la grande entreprise, de l’in<strong>du</strong>strie en<br />
particulier est intimement liée aux besoins de la nation et aux phénomènes sociaux<br />
comme la crise économique de 1936 ou la seconde guerre mondiale. Les techniques, la<br />
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Aux lendemains de la seconde guerre mondiale la reconstruction de la France appelle<br />
une main d’œuvre massive jusque là très éloignée <strong>du</strong> monde de la grande entreprise, de<br />
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l’immigration pour couvrir les besoins. C’est la création de l’AFPMO (association pour<br />
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