BOUTTE transmission du savoir faire d expert a novice - these.pdf
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comme racine une pratique somme toute bien « naturelle ». Certains auteurs 2 vont même jusqu’à dire que cette version scolaire de transmission, formalisée, doit apprendre de cette activité ordinaire qui s’exerce naturellement sur tant de champs, tant de compétences langagières, sociales et normatives. Pour suivre ces auteurs, nous poursuivons notre exploration d’exemples communs et tentons de repérer cette activité si « naturelle » dans notre vie sociale contemporaine. 2.3 Quelques exemples contemporains Une équipe de football est composée de onze joueurs (cinq de plus forment le corps des remplaçants) chacun possédant ses propres qualités, ses performances physiques et techniques. Les onze joueurs n’ont pas tous les mêmes aptitudes ni les mêmes rôles. La réussite de l’équipe ne tient pas exclusivement à l’addition des performances individuelles judicieusement organisées, mais aussi et surtout à une sorte de performance collective liée à une osmose, à une alchimie que tous les entraîneurs s’évertuent à créer ou à développer. Or il est intéressant de noter que la quasi-totalité des entraîneurs d’équipes de football évoluant en Ligue 1 (anciennement en 1 ère division) du championnat de France et d’ailleurs, sont eux-mêmes d’anciens joueurs de 1 ère division, voire d’anciens internationaux. On peut imaginer qu’au-delà de leur diplôme d’entraîneur indispensable pour assurer cette fonction, leur expérience reconnue de joueur leur permet non seulement, une crédibilité nécessaire mais aussi une réelle transmission de savoir-faire. Par ailleurs notons aussi que les sélectionneurs des équipes dites d’élite essaient d’allier des « cadres », joueurs expérimentés, et des nouveaux joueurs, de jeunes pousses prometteuses. Les premiers sont chargés de canaliser la fougue, le tempérament, l’inexpérience des seconds, et d’apporter à l’équipe l’expérience du haut niveau, la sérénité nécessaire lors des « grands rendez-vous ». Les seconds quant à eux apportent leur fraîcheur, leur enthousiasme et en même temps bousculent, remettent en question les acquis des premiers. De la même manière, mais dans un autre registre un big band de jazz ou un orchestre symphonique ne peut se résumer à l’addition des qualités intrinsèques de chaque musicien. L’émotion transmise et provoquée chez les mélomanes tient aussi et surtout à 2 Akrich et Bouiller, Le mode d’emploi : génèse, forme et usage in Chevallier, 1991, pp.113-131 16
l’harmonie, la complicité diront certains, bref l’alchimie construite dans l’orchestre (Malson, 1988). Certains mélomanes sont capables de raconter avec une forte émotion des concerts mythiques, des moments « magiques » liés à des rencontres particulières et une alchimie indescriptible, imprévisible et inoubliable. Or quel jeune footballeur ne serait pas enthousiaste à l’idée de jouer avec Zinedine Zidane par exemple ? Quel jeune musicien de jazz ne serait pas ému à l’idée de rencontrer, ou mieux encore de jouer avec Max Roach, Michel Pétrucciani, Michel Camillo, Sonny Rollings, Claude Bolling ou d’autres encore ? Pour autant, l’individu, le musicien, le sportif porte aussi en lui, les traces de cette construction collective. Un jeune footballeur issu de tel Centre de formation (CFA), un jeune musicien issu de telle école, de tel Conservatoire portent avec eux beaucoup plus qu’une réputation. Ils sont marqués par ce parcours. Par ailleurs, il n’est pas rare de voir à l’entraînement un avant centre s’essayer au poste de gardien de but ou de libéro, il n’est pas rare de constater que le saxophoniste hors concert, et quelques fois même en concert s’essaye au piano ou à la batterie avec une virtuosité surprenante. L’individu au sein d’un collectif apprend, il construit des connaissances qui ne lui sont pas forcément requises, mais résultantes de son appartenance au groupe social considéré. Et en même temps ce rapprochement crée et est créé par une forme de relation dans la quelle « il se transmet quelque chose ». 2.4 Quelques exemples célèbres Poussons encore un peu plus loin notre détour pour illustrer plus précisément encore notre pensée. Nous notons que plusieurs exemples célèbres nous confortent dans notre intuition. En effet, d’illustres personnages dans divers domaines techniques, scientifiques, artistiques… sont souvent évoqués comme s’ils étaient apparus talentueux spontanément. Or on le sait, il n’y a pas de génération spontanée. Lorsque l’un d’entre eux se raconte, raconte son histoire, son parcours ou lorsqu’un biographe se charge de relater l’histoire de vie de ce personnage, apparaît alors la référence à une ou plusieurs personnes non moins illustres, dont il se réclame l’élève, l’émule, le disciple, l’héritier. 17
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(Malson, 1988). Certains mélomanes sont capables de raconter avec une forte émotion<br />
des concerts mythiques, des moments « magiques » liés à des rencontres particulières et<br />
une alchimie indescriptible, imprévisible et inoubliable.<br />
Or quel jeune footballeur ne serait pas enthousiaste à l’idée de jouer avec Zinedine<br />
Zidane par exemple ? Quel jeune musicien de jazz ne serait pas ému à l’idée de<br />
rencontrer, ou mieux encore de jouer avec Max Roach, Michel Pétrucciani, Michel<br />
Camillo, Sonny Rollings, Claude Bolling ou d’autres encore ?<br />
Pour autant, l’indivi<strong>du</strong>, le musicien, le sportif porte aussi en lui, les traces de cette<br />
construction collective. Un jeune footballeur issu de tel Centre de formation (CFA), un<br />
jeune musicien issu de telle école, de tel Conservatoire portent avec eux beaucoup plus<br />
qu’une réputation. Ils sont marqués par ce parcours.<br />
Par ailleurs, il n’est pas rare de voir à l’entraînement un avant centre s’essayer au poste<br />
de gardien de but ou de libéro, il n’est pas rare de constater que le saxophoniste hors<br />
concert, et quelques fois même en concert s’essaye au piano ou à la batterie avec une<br />
virtuosité surprenante. L’indivi<strong>du</strong> au sein d’un collectif apprend, il construit des<br />
connaissances qui ne lui sont pas forcément requises, mais résultantes de son<br />
appartenance au groupe social considéré. Et en même temps ce rapprochement crée et<br />
est créé par une forme de relation dans la quelle « il se transmet quelque chose ».<br />
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Poussons encore un peu plus loin notre détour pour illustrer plus précisément encore<br />
notre pensée. Nous notons que plusieurs exemples célèbres nous confortent dans notre<br />
intuition. En effet, d’illustres personnages dans divers domaines techniques,<br />
scientifiques, artistiques… sont souvent évoqués comme s’ils étaient apparus talentueux<br />
spontanément. Or on le sait, il n’y a pas de génération spontanée. Lorsque l’un d’entre<br />
eux se raconte, raconte son histoire, son parcours ou lorsqu’un biographe se charge de<br />
relater l’histoire de vie de ce personnage, apparaît alors la référence à une ou plusieurs<br />
personnes non moins illustres, dont il se réclame l’élève, l’émule, le disciple, l’héritier.<br />
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