BOUTTE transmission du savoir faire d expert a novice - these.pdf

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son expertise », il n’est plus capable de dire ce qu’il sait. La connaissance experte est une connaissance intégrée, une « pensée en action », incarnée. D’après Dreyfus (1992, p.353-355), il semble que cette caractéristique de l’Expert soit depuis longtemps révélée, il en donne pour exemple des traces remontant à Socrate. Nous l’avons dit, Tochon (1993) s’intéresse lui aussi aux experts, et particulièrement aux experts-enseignants. Il propose de considérer la planification comme activité principale de l’expert-enseignant, dans laquelle les routines lui permettent une économie cognitive, planification qui nous semble-t-il est à rapprocher de la capacité d’anticipation stratégique que proposait Dreyfus. « L’activité interne de planification inclut donc un certain nombre de niveaux de routinisation enchâssés et se déroule d’une manière plus complexe qu’on pouvait le penser. L’utilisation de routines présente au moins trois avantages : elle permet de diminuer le nombre d’indices à traiter en même temps, de réduire le nombre de décisions à prendre en minimisant le besoin de planifier chaque élément d’une activité, d’augmenter la prédictibilité de l’action de l’enseignant(e) pour ses élèves et de diminuer ainsi l’anxiété de ces derniers » (Tochon, 1993, p.78) Il nous semble intéressant de relever cette caractéristique pour deux raisons au moins. La première consiste à relever le fait que l’Expert face à un problème est susceptible de raisonner par abduction. Tochon nous précise que l’abduction est un processus complémentaire aux processus d’induction et de déduction, il s’agit d’une connaissance directe, instinctive, arationnelle, développée avec l’expérience, qui permet à l’expert de formuler des hypothèses sans lien avec le raisonnement, résultantes de la perception, de l’intuition. Il est à noter aussi que cette forme de « raisonnement » est repérée par Bastien (1997, p.110) comme « stratégie de devinement ». Il nous semble que les travaux sur les grands sportifs, montrant la « prise décision » par un accès mémoire courcircuitant la mémoire de travail est aussi à rapprocher de ce mode de raisonnement. Il nous semble aussi pertinent de rapprocher cette caractéristique de l’expert, de la métis grecque, intelligence rusée, au-delà de la praxis, activité pratique qui ne renvoie à rien d’autre qu’à elle-même et de la poiesis qui renvoie à l’œuvre (Poplimont, 2000, 151- 153). 142

Ce développement est pour nous important, il permet de considérer le Professionnel Expérimenté comme un Expert au sens de Dreyfus, avec les caractéristiques que nous avons relevées. Nous devons formuler toutefois quelques remarques. Ce modèle renvoie à l’idée de l’expert porteur d’une expérience relative à un domaine spécifique. La réalité nous semble plus complexe. En effet la durée d’expérience étant prégnante, notre expert au sein de l’entreprise a eu l’occasion de vivre des contextes divers et variés, des activités changeantes, des mutations technologiques, organisationnelles, relationnelles qui lui ont imposé des évolutions, des élargissements de ses taches. Quelques fois même, cet expert a eu l’occasion au sein même de l’entreprise de connaître plusieurs types d’activité, qui lui donnent aujourd’hui une connaissance plus large que ne le laisse entendre le modèle de Dreyfus ou que nous le précise Tochon. Enfin, il nous semble aussi pertinent de considérer que notre expert est aussi un « acteur ailleurs » (Sainsaulieu, 1987). Nous avons dit précédemment qu’à ce titre il porte aussi une expérience de vie dans la sphère personnelle, familiale, dans la sphère des activités extra-professionnelles. Cette vie hors de l’entreprise et du métier est aussi porteuse d’expérience et le lien, le sens en est donné par l’expert lui-même dans l’ensemble de ses comportements, de son savoir-faire dans toutes ses dimensions, en fonction des contextes. Son expertise s’étend à plusieurs domaines, et il articule dans le contexte de son action les connaissances construites et mémorisées, lui seul donne du sens à cette articulation. Abernot (1993) nous encourage dans cette réflexion et propose la « périmaîtrise », audelà de la maîtrise. Cette approche est particulièrement éclairante pour nous puisqu’elle nous propose de considérer la maîtrise d’un domaine par un individu étayée par des connaissances connexes, nécessaires. Pour le dire comme Abernot (1993, p.187) « Pour bâtir haut il faut faire de larges fondations, pour creuser profond, il faut creuser large ». Considérer l’expertise comme un spectre étroit de connaissances centrées exclusivement sur un domaine spécifique nous semble très réducteur, voire illusoire. Le Professionnel Expérimenté, pour être expert dans un domaine spécifique a construit et mobilisé en même temps des connaissances dans des domaines plus ou moins voisins et qui pour lui et lui seul sont complémentaires, lui seul les articule dans l’action et leur donne le sens. Le spectre des connaissances est bien plus large que le seul domaine d’expertise. C’est 143

son <strong>expert</strong>ise », il n’est plus capable de dire ce qu’il sait. La connaissance <strong>expert</strong>e est<br />

une connaissance intégrée, une « pensée en action », incarnée. D’après Dreyfus (1992,<br />

p.353-355), il semble que cette caractéristique de l’Expert soit depuis longtemps<br />

révélée, il en donne pour exemple des traces remontant à Socrate.<br />

Nous l’avons dit, Tochon (1993) s’intéresse lui aussi aux <strong>expert</strong>s, et particulièrement<br />

aux <strong>expert</strong>s-enseignants. Il propose de considérer la planification comme activité<br />

principale de l’<strong>expert</strong>-enseignant, dans laquelle les routines lui permettent une économie<br />

cognitive, planification qui nous semble-t-il est à rapprocher de la capacité<br />

d’anticipation stratégique que proposait Dreyfus.<br />

« L’activité interne de planification inclut donc un certain<br />

nombre de niveaux de routinisation enchâssés et se<br />

déroule d’une manière plus complexe qu’on pouvait le<br />

penser. L’utilisation de routines présente au moins trois<br />

avantages : elle permet de diminuer le nombre d’indices à<br />

traiter en même temps, de ré<strong>du</strong>ire le nombre de décisions à<br />

prendre en minimisant le besoin de planifier chaque<br />

élément d’une activité, d’augmenter la prédictibilité de<br />

l’action de l’enseignant(e) pour ses élèves et de diminuer<br />

ainsi l’anxiété de ces derniers » (Tochon, 1993, p.78)<br />

Il nous semble intéressant de relever cette caractéristique pour deux raisons au moins.<br />

La première consiste à relever le fait que l’Expert face à un problème est susceptible de<br />

raisonner par ab<strong>du</strong>ction. Tochon nous précise que l’ab<strong>du</strong>ction est un processus<br />

complémentaire aux processus d’in<strong>du</strong>ction et de dé<strong>du</strong>ction, il s’agit d’une connaissance<br />

directe, instinctive, arationnelle, développée avec l’expérience, qui permet à l’<strong>expert</strong> de<br />

formuler des hypothèses sans lien avec le raisonnement, résultantes de la perception, de<br />

l’intuition. Il est à noter aussi que cette forme de « raisonnement » est repérée par<br />

Bastien (1997, p.110) comme « stratégie de devinement ». Il nous semble que les<br />

travaux sur les grands sportifs, montrant la « prise décision » par un accès mémoire<br />

courcircuitant la mémoire de travail est aussi à rapprocher de ce mode de raisonnement.<br />

Il nous semble aussi pertinent de rapprocher cette caractéristique de l’<strong>expert</strong>, de la métis<br />

grecque, intelligence rusée, au-delà de la praxis, activité pratique qui ne renvoie à rien<br />

d’autre qu’à elle-même et de la poiesis qui renvoie à l’œuvre (Poplimont, 2000, 151-<br />

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