Le bel avenir du risque politique - Etudes économiques du Crédit ...

Apériodique - n° 19 - juin 2012
Le bel avenir du risque politique
En 2011, les populations se sont mobilisées dans le monde entier : révolutionnaires ou révoltés arabes et
africains, militants russes, indignés espagnols, grecs, anglais, américains, israéliens... Presque partout, la
scène politique a évolué, ou est en train de le faire, fixant des contraintes nouvelles aux politiques
économiques. Nous sommes entrés dans un monde où le risque politique va avoir une influence plus forte, et il
faudra être de plus en plus attentif à ce moment ténu où, dans un pays donné, à un moment donné, la politique
prend le pas sur l’économie. Les ratings souverains devront intégrer ce constat.
Le risque politique sera plus fort, mais il sera aussi plus global : il est désormais nourri d’un aller-retour
permanent entre les singularités politiques des pays et la diffusion instantanée d’idées qui ne sont plus arrêtées
par les différences de développement. Cependant, la contagion politique ne s’explique pas seulement par la
circulation plus rapide des idées dans le monde. Pour que les risques se concrétisent, il faut aussi que les
frustrations des populations se ressemblent… Ce fut le cas l’an dernier : les revendications, évidemment
variées parce qu’adaptées aux contextes locaux, ont été très similaires sur les questions de dignité politique ou
de partage plus équitable de la rente.
Cette similarité nous incite à rechercher les possibles causes communes à ces événements qui se font
écho, un peu partout dans le monde. Nous en avons identifié quelques-unes, qui sont toutes des mutations
profondes, simultanées et durables de certains équilibres économiques ou sociaux. Elles impactent presque
autant les pays développés que ceux qui le sont moins. Surtout, elles contribuent à produire des sociétés
inégalitaires avec, d’un côté, une population de jeunes adultes qui peinent à trouver un emploi, et de l’autre, des
populations rapidement enrichies par la captation de rentes, nourries à la fois de spéculation, d’innovation
financière non régulée, et de surliquidité vagabonde…. Dans de nombreux pays, le crédit facile et l’endettement
des ménages ont été la réponse des Etats à l’accroissement de ces inégalités, réponses aussi dangereuses
politiquement qu’économiquement. Aujourd’hui, elles ne fonctionnent plus.
La question de la « pauvreté apparente » et des revenus relatifs est donc devenue très importante sur la
scène politique mondiale, y compris pour les pays émergents, dont certains avaient connu des années de forte
croissance et de réduction de la pauvreté absolue. Plus vite que nous ne l’avions prévu, ces pays s’étaient mis
à consommer. Mais bien plus vite encore, ils se sont peuplés de citoyens éduqués, informés et politiquement
exigeants. Or la frustration politique de ces derniers est d’autant plus forte que la globalisation est en train de
produire un système éducatif qui renforce la reproduction des élites. Le terreau des contestations a donc été le
même, quel que soit le niveau de développement des pays : sensation d’une société bloquée ou en plus faible
expansion, frustration des jeunes et de la classe moyenne, caractère plus visible des inégalités, affaiblissement
de la démocratie ou perception de son manque.
Cette situation devient encore plus dangereuse dans un monde où les retournements conjoncturels sont de
plus en plus violents, liés à la volatilité croissante des marchés et des flux, aux fortes interactions
conjoncturelles et à la sensibilité accrue des pays aux risques systémiques. La volatilité n’est d’ailleurs plus
l’apanage des pays émergents, car elle a gagné les pays développés.
Au final, il faut donner plus de place à l’analyse du risque politique dans les ratings souverains. Pour cela, il
faut revoir la nature et la pondération des indicateurs qui permettent de le mesurer. Mais il faut aussi manipuler
avec plus de prudence le critère de la stabilité d’un régime - central dans les notations d’agence - car les crises
politiques peuvent désormais être plus rapides, plus inattendues, et plus radicales, notamment pour des
régimes autoritaires apparemment stables. Tout cela conduit à une dernière question, désormais inévitable :
faut-il/peut-on prendre plus en compte la nature des régimes politiques dans les ratings souverains ? Et la
réponse sera positive.

Tania SOLLOGOUB
tania.sollogoub@credit-agricole-sa.fr
UN MONDE PROPICE AUX RISQUES
POLITIQUES
Traditionnellement, on considère que deux situations
sont propices à l’apparition d’un risque politique dans
un pays : quand une rente se constitue ou quand la
conjoncture varie brutalement. Dans le premier cas, le
risque est lié au partage de la rente, dans le second, au
partage des coûts d’ajustement, plus difficilement
supportés par les catégories sociales à faibles
revenus. Or la conjoncture mondiale actuelle nourrit à
la fois des situations de rente accrue (hausse du prix
des matières premières) et des risques de
retournement conjoncturels de plus en plus violents,
nés de la globalisation financière et commerciale :
volatilité croissante des marchés et des flux,
interactions conjoncturelles et généralisation de la
sensibilité des pays aux risques systémiques.
1 - Les pays rentiers sont sous pression
Les nationalisations et les redistributions abusives
d’actifs sont les symptômes classiques du risque
politique dans les pays rentiers, marqués par un
syndrome de « Dutch Disease politique 1 » : une
déformation des structures politiques au profit des élites
(publiques ou privées) contrôlant la rente, voire une
corrélation entre la dépendance d’un pays par rapport à
une ressource naturelle et la tendance autoritaire du
régime en place.
On pense en premier lieu à tous les pays pétroliers. En
Russie par exemple, le prix élevé du pétrole a favorisé
l’oligarchie, les inégalités et la corruption. Par ailleurs, la
captation d’une partie de la rente par le secteur privé s’est
traduite par des sorties de capitaux importantes sur
longue période. Cela a privé le pays des bénéfices de sa
croissance, limitant le taux d’investissement à des
niveaux très insuffisants, alors même que le PIB par
habitant augmentait. En somme, la demande s’est
développée sans offre et c’est un risque politique : cette
société de consommateurs va se heurter tôt ou tard à la
réalité du Dutch Disease (économique cette fois), c’est-àdire
au ralentissement de la croissance potentielle. On
voit donc comment l’existence de la rente pétrolière
déforme en même temps les structures économiques et
politiques mais surtout, comment les risques
économiques et politiques croissent de concert.
Le problème du partage des bénéfices de la rente se
pose aussi pour les pouvoirs publics : quelle part
peuvent-ils s’attribuer ? Les controverses sur la légitimité
et l’efficacité des arbitrages qui seront faits peuvent
conduire à des conflits fiscaux (par exemple, à propos du
soja en Argentine) qui dégénèrent en risque politique. Ils
conduisent souvent à un arbitraire croissant des Etats,
notamment vis-à-vis des investisseurs étrangers
(hausses répétées des taxes sur les exportations
1
R. Lam, “Dictatorship as a Political Dutch Disease”, Yale,
Economic Growth Center, 2003. Le Dutch Disease, ou maladie
hollandaise, montre comment l’exploitation et l’exportation massive
d’une ressource naturelle par un pays conduisent au déclin de la
production locale de biens échangeables.
énergétiques au Kazakhstan). Les choix qui sont faits sont
influencés par l’attention que le pays porte à son risque de
réputation, et par le besoin qu’il a, ou non, de séduire les
investisseurs. Ainsi, le taux d’imposition chilien dans le
cuivre a longtemps été assez faible, le pays essayant de
compenser l’effet d’image désastreux des nationalisations
antérieures. A l’inverse, la part fiscale que l’Etat norvégien
s’est réservée a été relativement élevée, car la Norvège ne
peinait pas à trouver des investisseurs. 2
On pense aussi à la hausse des prix alimentaires de 2007-
2008 et à la spéculation sur le rachat des terres agricoles 3 que
cette hausse a déclenchée, et que le retour à la « normale »
des prix n’a pas stoppée 4 . Ainsi, entre 1961 et 2007, une
moyenne de 4,1 millions d’hectares de terres nouvelles ont été
ouvertes à la culture chaque année alors que sur la seule
année 2009, les rachats de terres ont porté sur 56,6 millions
d’hectares 5 , essentiellement en Asie (Indonésie), en Afrique
(Soudan, Ouganda, Ethiopie, Sénégal) et sur le pourtour de la
mer Noire. La Banque mondiale alerte aujourd’hui sur un
risque majeur : ces rachats se font dans des pays à profils
institutionnels fragiles et risquent d’avoir des effets négatifs
sur les équilibres politiques et sociaux locaux. D’ores et
déjà, ils ont indirectement soutenu des régimes autoritaires
(rachats agricoles de l’Inde en Birmanie) et ils pèsent sur
l’évolution des droits de propriété, favorisant le
développement des grandes exploitations. Or l’avantage
compétitif en termes d’exportation de ces dernières
(comme en Amérique latine) n’est pas toujours vérifié : en
Afrique, les petites exploitations familiales sont souvent
plus productives et contribuent plus efficacement à faire
reculer la pauvreté 6 .
L’existence d’une rente peut donc nourrir un risque politique
qui sera accru par une hausse du prix des matières
premières, surtout pour les pays les plus pauvres. Pour
limiter les effets du Dutch Disease (économique et
politique), G. Havro et J. Santiso rappellent l’importance de
la gestion budgétaire (largeur de l’assiette fiscale
notamment), de la politique industrielle, du système
éducatif, mais aussi et surtout de la qualité des institutions
(sensible dans l’exemple norvégien), notamment de la lutte
contre la corruption.
En fait, une rente ne contribue à une croissance durable
que dans un contexte d’institutions transparentes et
efficientes. Sinon, elle produit à coup quasi sûr une
corruption accrue et une polarisation sociale exacerbée des
revenus et des patrimoines. Dans les cas les plus
extrêmes, elle est la cause de guerres civiles (Tchad,
2
G. Havro, J. Santiso, « Tirer parti de la manne des matières
premières : la Norvège et le Chili », Centre de Développement
Economique, Cahiers de Politique Economique, 2008.
3
La prochaine levée du moratoire sur la vente des terres agricoles en
Ukraine sera à coup sûr l’occasion d’une redistribution d’actifs qui va
influencer le rapport entre les cercles politiques et le milieu des
affaires. On pense aussi au gouvernement malgache tombé en 2009 à
la suite de rapports prouvant qu’il envisageait de transférer à bas prix
1,3 million d’hectares à une société sud-coréenne.
4
K. Deininger, S. Byerlee, « The Rise of Large Farms in Land
Abundant Countries: do they have a future ? », World Development
Report, 2009.
5
R. Areski, K. Deininger, H. Selod, « Global Land Rush », IMF, revue
Finance and Development, 2012.
6
Les développements technologiques dans le domaine agricole ne
nécessitent pas tous des économies d’échelle : l’avantage des
grandes structures consiste surtout à mieux gérer les imperfections de
marché (déficits d’infrastructures, accès limité à la finance, etc.).
N° 19 – juin 2012
2

Lettonie
Roumanie
Bulgarie
Espagne
Lituanie
Grèce
Italie
Portugal
Pologne
Royaume-Uni
Chypre
Irlande
Estonie
Allemagne (incluant…
Malte
Belgique
Luxembourg
France
Danemark
Finlande
Suède
Slovénie
Hongrie
Autriche
Slovaquie
Norvège
Pays-Bas
Islande
République tchèque
Espagne
Grèce
Irlande
Lettonie
Lituanie
Slovaquie
Portugal
Estonie
Bulgarie
Hongrie
Pologne
France
Chypre
Italie
Slovénie
Royaume-Uni
Danemark
Finlande
Suède
Roumanie
Belgique
République…
Malte
Allemagne…
Luxembourg
Pays-Bas
Autriche
Tania SOLLOGOUB
tania.sollogoub@credit-agricole-sa.fr
Congo). Dans une société pauvre ou politiquement
fragmentée, il est donc essentiel d’associer la population
aux choix qui seront faits pour la répartition de la rente,
d’insister sur la recherche d’un consensus, et de
développer une politique de redistribution, entre les
revenus des individus mais aussi entre les régions.
2 - Les chocs conjoncturels
La seconde situation particulièrement propice à
l’apparition d’un risque politique est le choc brutal de
conjoncture, ce que la Banque mondiale appelle un
« choc de revenu » 7 . Ce risque de retournement est
fréquent dans les pays émergents. Il est plus sensible
dans les Etats dont l’économie dépend du prix de
quelques matières premières (d’où l’importance pour ces
pays de constituer des Fonds souverains de réserve),
mais il concerne, en fait, tous les pays. Le souci extrême
des autorités chinoises à éviter un « hard landing » est
ainsi une démonstration a contrario du lien entre
ralentissement économique brutal et risque politique
(n’oublions pas que l’effondrement de l’Union Soviétique
a été déclenché par la contraction de la croissance, que
les autorités ont longtemps essayé de camoufler par une
politique de surinvestissement et d’accumulation de
créances douteuses à tous les niveaux de l’économie).
La crise de 2009, puis la crise souveraine de l’Europe,
sont des exemples du lien entre retournement
conjoncturel et risque politique. Elles ont plongé les pays
développés dans des trajectoires de croissance instables,
qui étaient d’ordinaire réservées aux pays moins
développés. Pour le FMI, cette instabilité était même ce
qui permettait de définir un pays émergent 8 , résultante
d’une transition sensible sur toutes ses variables,
économiques, sociales ou politiques. Cette situation
conjoncturelle mondiale inédite peut s’assimiler à un choc
de revenu en Europe et elle augmente la probabilité de
risques politiques. En somme : un nouveau monde.
Dans son rapport 2011, la BERD présente les résultats
alarmants d’un sondage sur l’opinion des citoyens en
Europe à propos de la démocratie. Force est de constater
que le support pour celle-ci en Europe centrale baisse
nettement (-10%), par rapport au même sondage de
2006, alors qu’il augmente dans la CEI (+6%), sauf en
Ukraine. C’est en Slovaquie, en Hongrie et en Slovénie
que ce soutien s’est le plus affaibli. Or c’est aussi en
Europe centrale que les effets de la crise de 2009 avaient
été les plus sensibles : 38% des ménages avaient réduit
leur consommation alimentaire contre 11% en Europe de
l’Ouest, 29% avaient connu des baisses de salaires
contre 6% en Europe de l’Ouest. Aujourd’hui, la classe
moyenne de cette zone est d’autant plus fragilisée que
son endettement en devises la rend sensible aux
ajustements de change qui peuvent se produire dans le
sillage de la crise européenne… A cela, certains pays,
comme la Croatie ou la Slovaquie, ajoutent un taux de
chômage des jeunes qui tutoie les niveaux les plus élevés
d’Europe (cf. graphique 1).
Graphique 1 – Taux de chômage des jeunes de 15-24 ans dans
l’Union Européenne, en % de la population active, 2011
25
20
15
10
5
0
Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
La faiblesse des taux de croissance du Vieux Continent n’a
pas permis de retourner la situation 9 et le risque de
pauvreté après transferts sociaux a même augmenté dans
15 pays de l’Union européenne entre 2005 et 2010.
Le rapport de la BERD souligne enfin la corrélation de plus
en plus étroite entre l’augmentation des indices de
consommation et le soutien de la population à la
démocratie. Cette corrélation serait forte en Europe de
l’Ouest. En fait, plus le niveau de revenu est élevé et moins
le pays a connu de crises antérieures, plus un choc
conjoncturel aura un impact politique. Cette idée laisse
inquiet sur l’avenir de l’Europe, d’autant que la prise de
conscience (ou même la crainte injustifiée) de la « fin d’un
modèle » fragilise déjà les partis traditionnels et déstabilise
les équilibres politiques fondés sur le bipartisme. Une crise
sur une autre crise, c’est un scénario économique
particulièrement dangereux politiquement.
Graphique 2 – Risque de pauvreté après transferts sociaux
(en % de la population globale - 2010)
25
20
15
10
5
0
En rouge, les pays où le pourcentage a augmenté entre 2005 et 2010
et en vert, ceux où le pourcentage est resté stable ou a diminué
Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
7
World Development Report, 2009.
8
A. Mody, “What Is an Emerging Market?” IMF, WP, 2002.
9 Revue Finance and Development, «Youth in the Balance », 2012.
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3

1950
1955
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
2035
2040
2045
2050
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tania.sollogoub@credit-agricole-sa.fr
3 – La transition démographique
Dans un contexte d’urbanisation accélérée 10 , irrégulière
et désordonnée 11 , le chômage de longue durée et le
chômage structurel des jeunes ont produit une nouvelle
catégorie sociale de « pauvres urbains ». Surtout, ces
phénomènes ne sont plus l’apanage des pays sousdéveloppés
et cela nourrit le caractère global du risque
politique. D’une certaine façon, les frontières théoriques
du développement sont en train de s’estomper : le
chômage des jeunes caractérise, malheureusement, aussi
bien des pays développés en voie de désindustrialisation
que des pays émergents, dont la main-d’œuvre est mal
adaptée à un marché du travail en mutation.
L’augmentation du nombre d’adolescents et de jeunes
adultes (20% de la population en Afrique contre 12% en
Europe) résulte des mouvements migratoires et de la
transition démographique 12 . De nombreux pays sont donc
devant une bombe démographique qui peut se
transformer en bombe politique… L’Inde est le pays dans
lequel la population des 15-24 ans est la plus importante
(équivalent au total de la population indonésienne) et le
Nigéria est l’un des pays où la transition démographique
a été la plus rapide en Afrique, pesant sur la progression
du PIB par habitant. Il y a aujourd’hui 32 millions de
Nigérians âgés de 15 à 24 ans et l’avenir du pays se
jouera sur sa capacité à réinvestir sa rente pétrolière
dans l’éducation, comme l’a fait l’Indonésie par exemple.
Encadré 1: Jeunes et urbains…
Partout, les jeunes urbains jouent un rôle politique de plus en
plus important. En Côte d’Ivoire ou en Afrique du Sud, leur
pauvreté et leur désœuvrement les ont rendus facilement
manipulables et ils se sont très vite mobilisés. En Russie, la
situation est différente mais là encore, ce sont les jeunes
urbains qui ont mobilisé les générations plus âgées. Ces jeunes
représentent la première génération « post-émergence » de la
Russie. Ils sont les enfants d’une classe moyenne née de
plusieurs années de croissance et d’un PIB par habitant proche
des 18 000 dollars (en parité de pouvoir d’achat). Ils ont parfois
(en milieu urbain) une meilleure éducation que leurs parents. Ils
sont plus consommateurs 13 , plus exigeants, mieux informés et
désormais… plus militants. Ainsi, après dix ans de hausse du
PIB, la classe moyenne jeune des pays émergents est en train
de faire évoluer la vie politique.
A partir de 2035, le taux de croissance du nombre
d’adolescents et de jeunes adultes va décliner, excepté
dans les pays les moins développés, et les populations
les plus jeunes vont se trouver en Afrique. Pour l’instant,
celle-ci concentre 17,5% du total mondial des
adolescents et jeunes adultes contre 61,9% en Asie, mais
ces proportions passeraient à 31,3% et 50,4% en 2050 14 .
De là à dire que le risque politique suivra…
10
Selon les Nations Unies, le pourcentage de population mondiale
vivant dans des zones urbaines devrait passer de 30% à 70% entre
1950 et 2050.
11
L. Earle, « Irregular Urbanization as a Catalyst for Radical Social
Mobilization”, WP 2011/15, UNU- WIDER.
12
Les taux de fertilité déclinant moins vite que les taux de mortalité,
le nombre de jeunes s’accroît.
13
La part des revenus consacrée à la consommation est passée à
80% en Russie en 2012.
14
Revue Finance and Development, “Youth in the Balance”, 2012.
Graphiques 3 – La répartition par âge de la population
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
en millions
0
15 à 35 ans pays développés
15 à 35 ans pays moins développés
35-65 ans pays développés
35-65 ans pays moins développés
Sources : Nations unies « World Population Prospects », Crédit
Agricole S.A. Pays développés : Europe, Amérique du Nord,
Australie/Nouvelle Zélande et Japon ; Pays moins développés :
Afrique, Asie (hors Japon), Amérique latine et Caraïbes.
4 – Les inégalités
L’évolution des revenus et des inégalités est un facteur
essentiel pour expliquer la connexion croissante entre les
risques sociaux et les risques politiques. Du contexte
international actuel, on retiendra plusieurs points, qui tous,
ont nourri l’instabilité politique globale :
Moins de pauvreté absolue, mais plus de pauvreté
relative. Même si la croissance des années 2000 et le
développement de programmes sociaux (au Brésil par
exemple) ont fait reculer la pauvreté absolue dans de
nombreux pays, ils n’ont pas résolu la pauvreté relative,
c’est-à-dire les inégalités. Celles-ci se sont même accrues
dans de nombreux pays développés, surtout anglosaxons
: aux Etats-Unis, les 1% de ménages les plus
riches possèdent 8% de la richesse globale en 1981 mais
17,4% en 2010 (niveau qui correspond à peu près à celui
de 1914 !). En France, ces chiffres passent de 6,9% en
1983 à 8,9% en 2006. La tendance est assez similaire en
Italie et en Espagne mais la dégradation est plus rapide au
Portugal. Dans le monde émergent, la situation est plus
hétérogène, comme les pays eux-mêmes. De plus, la
stratification sociale a été brutale, récente, liée à la fois aux
crises et à l’accélération de la croissance. En Afrique du
Sud, les 1% les plus riches contrôlent 16,5% du revenu
national en 2009. 15 En Russie 16 , la part des citoyens vivant
en dessous du seuil de pauvreté est passée de 20% en
2003 à 16% en 2011, mais les 10% les plus riches
possèdent 34% du revenu national (contre 26,8% en 2002).
Ce chiffre est de 42,5% au Brésil. Enfin, si l’innovation et
l’entrepreneuriat ont créé de la croissance, ils ont aussi
creusé les différences de revenus 17 dans tous les pays.
En conclusion, presque partout dans le monde et malgré
des années de croissance, les changements de richesse
15
A. Alvaredo, S. Facundo, J. Atkinson, T. Piketty, “The World Top
Incomes Database”.
16 T. Sollogoub, « Russie, l’heure des choix », Revue Eclairage, 2011.
17
K. Rogoff, “Is modern capitalism sustainable?”, Project syndicate,
2011.
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les plus significatifs ont eu lieu dans les catégories de
revenus les plus élevées, creusant les inégalités.
De la pauvreté apparente à la frustration politique. Le
basculement dans une société où la consommation est
de plus en plus valorisée a rendu les attentes des
citoyens plus fortes, surtout pour ceux qui viennent
d’accéder à une certaine forme de richesse. Mais les
institutions politiques n’ont pas évolué avec la même
rapidité que les revenus, et la réponse aux attentes de
ces nouvelles classes moyennes n’a pas été donnée, que
ce soit en termes de consommation ou de représentation
politique. Au contraire, le spectacle quotidien d’un
partage inégal de la rente a véhiculé l’image de sociétés
bloquées, économiquement ou politiquement, surtout
dans les pays de gouvernements autoritaires. Cela
explique un point commun entre les manifestants russes,
arabes ou même européens : les foules descendues dans
la rue partagent une sensation d’« indignation » politique,
dans des sociétés où l’ascension sociale semble bloquée.
L’entrée en politique de cette génération, que deux
chercheurs 18 ont qualifiée de « frustrated achievers »,
montre que ce n’est pas tant l’évolution des niveaux de
vie en terme absolu qui compte, mais le niveau de vie en
termes relatifs, c’est-à-dire la comparaison que chacun
fait de son revenu avec les rémunérations les plus
élevées. On retrouve donc dans les pays émergents une
confirmation du paradoxe de R. Easterlin, qui met en
évidence le décalage entre la croissance des revenus et
celle du bien-être moyen de la population, celui-ci
augmentant moins vite que la consommation. Selon
Easterlin, la corrélation entre richesse et bien-être est
plus élevée pour les classes les plus aisées que pour les
populations de la classe moyenne 19 .
La frustration a été d’autant plus forte à travers le monde
que la progression des inégalités a été très rapide et que
les moyens de communication modernes, médias mais
surtout Internet, en ont fait la publicité. La question de la
« pauvreté apparente » (c’est-à-dire les inégalités
visibles) et des revenus relatifs est donc devenue très
importante politiquement dans les pays émergents
comme dans les pays développés. Ainsi, des sondages
montrent que 40% des Russes se considèrent comme
pauvres, soit à peu près le même niveau qu’en 1990, ce
qui ne correspond pas, en fait, à la réalité. 20
De la frustration à l’agitation politique. Les
changements de richesse ayant eu lieu surtout dans les
catégories de revenus supérieures, les plus pauvres ont
perdu une partie de leur « bargaining power » et de leur
représentation politique. A l’inverse, de l’autre côté de
l’échelle des revenus, les groupes les plus riches ont
acheté un pouvoir qui leur a permis de générer encore
plus de richesse. De rares pays, comme la Suède, ont
réussi à casser ce cercle vicieux sans causer de rupture
de croissance économique 21 , mais il faut dire que les
inégalités y étaient plus faibles, avec la part du revenu
national contrôlé par le 1% plus riche de la population
ramenée de 21% en 1917 à 7% en 2010…
L’endettement des ménages, une réponse politique à
la montée des inégalités. Le crédit facile et l’endettement
des ménages ont été les corollaires de la montée de ces
inégalités 22 . Ils ont été la réponse politique de certains
Etats à l’inégal partage de la rente. Ce phénomène avait
déjà été observé aux Etats-Unis en 1929, où la crise avait
été précédée non seulement par une forte augmentation
des inégalités de revenus et de richesse, mais aussi par
une hausse des ratios de dette/revenus des ménages à
revenus intermédiaires 23 . Pendant la crise des subprimes,
l’endettement des ménages et les bulles immobilières ont
fait partie des déséquilibres globaux majeurs pointés par
M. Obstfeld et K. Rogoff, comme déterminants du
caractère systémique de la crise financière 24 . En somme,
l’endettement des ménages est l’un des indicateurs qui
permet de faire le lien entre la mesure du risque
systémique financier et celle du risque politique.
Inégalités, chômage et violence politique… Les
inégalités conduisent à la violence politique 25 , car leur
perception est immédiate et partagée par toute la
population (le creusement des inégalités pendant la
transition russe a contribué à une hausse rapide du taux
d’homicides). Le repli sur soi de chaque groupe social
favorise également la peur des menaces externes, thème
qui nourrit les discours politiques extrémistes. Quant aux
chômeurs de longue durée, c’est parce qu’ils perdent leur
identité sociale qu’ils s’engagent dans des mouvements
politiques radicaux. Ce phénomène est d’ailleurs le même
sur toute la planète et les motivations des membres de
gangs à Chicago seraient ainsi identiques à celles des
groupes rebelles d’Amérique latine : il s’agit autant de la
recherche d’un statut social que d’un revenu.
Graphique 4 – Les inégalités conduisent à la violence politique
50
40
30
20
10
0
en %
chômage
recherche de sécurité/ de
pouvoir
croyance dans une
cause/revanche/injustice
participation à des groupes rebelles (Amérique latine)
participation dans des gangs (Chicago)
Sources : World Bank Report, Crédit Agricole S.A.
18
C. Graham, S. Pettinato, “Frustrated Achievers: Winners, Losers,
and Subjective Well Being in New Market Economies”, Brookings
Institution, 2000.
19
Le « paradoxe de l’abondance » a été mis en évidence à partir
d’un certain niveau de revenu, ce qui n’est pas le cas de tous les
pays cités dans cette étude.
20
K. Rousselet, « Les grandes transformations de la société russe»,
revue Pouvoirs N°112.
21 K. Rogoff, “Is Modern Capitalism Sustainable?”, Project Syndicate,
2011.
22
R. Rajan, “Fault Lines: How Hidden Fractures Still Threaten the
World”, Princeton University Press, 2010.
23
M. Kumhof, R. Rancière, IMF Working Paper, WP/10/268,
“Inequality, Leverage and Crises”, 2010.
24
M. Obstfeld, K. Rogoff, “Global Imbalances and the Financial Crisis
: Products of Common Causes”, 2009.
25
World Development Report 2009.
N° 19 – juin 2012
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5 - La globalisation des élites
La mutation des élites a également entretenu un terreau
favorable à la résurgence du risque politique. Comme
l’évoque E. Brezis, Aristote avait déjà insisté sur la façon
dont une société recrute ses élites, essentielle selon lui
dans la capacité à trouver une structure politique
optimale 26 . Or, la globalisation de l’éducation conduit
aujourd’hui au remplacement des élites nationales par
des élites transnationales, dont l’uniformité est
croissante. C’est le grand paradoxe de la seconde moitié
du vingtième siècle : des écoles d’élite s’affirment au
moment où l’accès à l’université se démocratise. Selon
E. Brezis 27 , 35% des politiques et 47% des élites du
business international seraient recrutés dans un nombre
très réduit d’écoles (à peine une cinquantaine), et ces
chiffres sont proches de 50% pour les pays de l’OCDE.
On pourrait espérer que cette concentration soit
compensée par le rôle plus fort donné à l’éducation
(contre l’héritage ou les origines sociales auparavant), ce
qui conduirait au développement d’une vraie méritocratie.
C’est d’ailleurs le sens des tests pratiqués par toutes les
universités qui ont peu à peu adopté la méthode de
sélection d’Harvard, privilégiant les aptitudes aux
connaissances. Malheureusement, la capacité à réussir à
ces tests reste corrélée avec l’éducation et le niveau de
richesse. Comme l’explique E. Brezis, le remplacement
de l’aristocratie par la méritocratie n’a pas changé la
nature des élites aux Etats-Unis. On voit mal aujourd’hui
comment les pays émergents, dont les classes
dirigeantes ont d’ores et déjà mis leurs enfants dans ces
écoles, échapperaient à ce schéma. Au contraire,
l’internationalisation de l’éducation profite aux classes
supérieures des pays émergents et cela a contribué à
creuser les inégalités. La globalisation est donc en train
de produire un système de recrutement des élites dans
les pays émergents propice au renforcement des
inégalités et au blocage des situations politiques
existantes (à terme porteur de risques). Cet immobilisme
est lié à la forte interconnexion de ces élites et au
caractère commun de leurs intérêts.
La révolte chilienne des étudiants en 2011 est l’un des
exemples de la stratification sociale sous-jacente à
l’œuvre, y compris en période de croissance. Les
étudiants protestaient en effet contre le coût de plus en
plus prohibitif de leurs études, qui reflète l’une des
sociétés les plus inégalitaires du monde, dans un pays
pourtant relativement prospère. On retrouve au Chili tous
les ingrédients d’une crise politique « à la russe » : une
contestation de l’usage de la rente (le cuivre),
l’enracinement des inégalités, et la frustration de jeunes
bien informés (rôle d’internet).
En Turquie, les structures éducatives ont perpétué la
segmentation du marché du travail. Les femmes, les
jeunes et les pauvres ont payé le prix de la croissance.
Les jeunes forment 18,5% de la population active mais
leur taux de chômage est de 35%. Les conditions de
placement à la sortie des écoles sont très inégales –
selon l’OCDE, la Turquie est l’un des pays qui enregistre
26
E. Brezis, P. Temin, « Elites and Economic Outcomes », New
Palgrave Encyclopedia, 2008.
27
E. Brezis, “Globalization and the Emergence of a Transnational
Oligarchy”, WP 2010, UNU-WIDER.
la plus forte divergence de niveau entre écoles dans les
études PISA 28 . Cette divergence a été renforcée par le
développement des écoles privées et des écoles
confessionnelles (dont le taux de placement est
particulièrement faible mais dans lesquelles les études sont
moins chères). Quant aux femmes, elles payent aussi le
prix du « modèle turc ». Une femme adulte sur cinq est
illettrée. Une fille sur dix ne va pas à l’école primaire et
trois sur dix ne vont pas à l’école secondaire.
6 – Le risque politique est un risque
systémique 29
L’interconnexion des hommes et des structures a produit
un monde où les effets de contagion sont si puissants, si
rapides et si globaux qu’on pourrait presque parler de
risque de système, les idées ou les évènements politiques
jouant le même rôle que la liquidité pour les systèmes
financiers : le risque se diffuse immédiatement au monde
entier, restant néanmoins singulier dans ses manifestations
nationales. Pour cela, il a fallu de nouveaux outils et de
nouveaux acteurs.
La contagion (diffusion !) des idées est évidemment liée à
internet mais aussi aux ONG, qui ont acquis une taille
mondiale, et qui contribuent à la naissance d’une société
civile globale, surtout au sein des jeunes générations.
Véhiculées par la diffusion de l’anglais, par
l’alphabétisation croissante de la population et par la
généralisation des réseaux sociaux, ces idées ont mobilisé
des populations qu’on disait apathiques politiquement. Les
manifestations russes ont ainsi rendu évidentes deux
nouvelles dimensions du risque politique. En effet, les
russes se sont mobilisés alors que le taux de chômage
était faible et que la démographie n’avait rien à voir avec
celle des pays des printemps arabes. Ils sont descendus
dans la rue alors qu’on les disait peu intéressés par la
politique, incapables de fédérer une opposition unie, et plus
consuméristes que citoyens. Deux choses avaient été
sous-estimées. La première, c’est la puissance,
l’universalité et la rapidité de mobilisation des réseaux
sociaux, quel que soit le profil du pays. La seconde, c’est
que dans un monde dorénavant globalisé, les idées le sont
aussi. Le risque de « contagion politique » existe donc, né
de la globalisation des idées, à l’instar du risque
systémique en économie, né de la globalisation financière.
Contagion de proximité et aussi contagions plus lointaines,
jusque dans les rues de Bakou 30 ou de Moscou. 31
28 Program for International Student Assessment, OCDE.
29 M. Aglietta définit deux types d’événements systémiques. Le
premier est un choc sur une institution ou un marché financier, qui se
répercute sur d’autres institutions et marchés. Le second est un choc
macro-économique qui affecte simultanément un grand nombre
d’acteurs, qui vont tous réagir négativement. Le risque de système a
des incidences macro-économiques.
30
L’Azerbaïdjan a été confronté à des manifestations de faible
ampleur en 2011, directement influencées par les printemps arabes.
31 Ce n’est pas le premier exemple de contagion dans l’histoire du
risque politique : la révolution française de 1848 avait généré des
mouvements contestataires dans toute l’Europe (le « printemps des
peuples »). Et au XX e siècle, les idées de Mai 68 se sont propagées
de façon parfois violente (Mexique). Mais les nouvelles technologies
de l’information ont radicalement changé les formes et la spontanéité
des mouvements sociaux.
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Encadré 2 : L’humour comme arme politique ou
quand internet change le monde.
La Russie est le pays émergent où le nombre d’utilisateurs
d’Internet pour 100 habitants est le plus élevé. En Chine, 35%
de la population est sur la Toile mais surtout, la moitié des
utilisateurs d’internet consultent aujourd’hui des blogs contre
seulement 13,8% l’an dernier. Cependant, le taux de pénétration
reste très variable d’une région à l’autre et 80% des internautes
ont entre 10 et 39 ans.
Pour tous les régimes autoritaires du monde, la question du
contrôle d’Internet va donc se poser de façon d’autant plus
aigüe que Moscou a prouvé le retard des services secrets dans
ce domaine. Mais que transmet Internet ? À quoi servent les
réseaux sociaux ? Certainement pas à structurer une vie
politique ou une société civile au sens où l’entendent les
politologues traditionnels. Internet transmet pour l’instant trois
choses importantes. D’abord, une sensation d’appartenance à
une communauté, ce qui a d’ailleurs renforcé la scission
générationnelle. Ensuite, des messages qui sont différents de
ceux des medias traditionnels, moins contrôlés, plus libres, plus
audacieux. Dans les pays autoritaires, l’irrespect des réseaux
sociaux a même été le seul moyen de casser la peur ambiante,
l’humour étant une arme politique puissante. Enfin, les réseaux
sociaux ont été un moyen de mobiliser, vite et largement. Mais
la forte mobilisation dans un contexte de manque d’alternative
politique est également dangereuse : elle libère les énergies
sans les structurer, ce qui peut conduire à toutes les
récupérations. En ouvrant le champ politique, les réseaux
sociaux le libèrent mais le fragilisent.
Finalement, Internet crée des espaces nouveaux de liberté
d’expression. La Toile mobilise des foules disparates dans leurs
idées mais unanimes dans leur manifestation, elle bouleverse la
vie politique, mais ne la structure pas. Cependant le principal
message a bien été reçu par tous les régimes autoritaires du
monde : elle les fragilise.
Graphique 5 – Quand internet change le monde
peut évoquer les 70 000 membres de gang en Amérique
centrale, bien plus nombreux que toutes les forces
militaires de la région…
QUELLE MESURE DU RISQUE POLITIQUE
AUJOURD’HUI ?
Toutes ces évolutions conduisent donc à un monde où
le risque politique va avoir une influence plus forte sur
les équilibres macroéconomiques. La prise en compte
de ce risque doit changer au sein des ratings
souverains.
En fait, le risque politique n’a jamais été absent du radar
des ratings souverains. Son importance s’est même accrue
depuis vingt ans. Construit au départ autour des risques
classiques du type guerre, révolution ou changement de
régime, il acquiert dans les années 2000 une importance
plus forte grâce à la légitimité accrue accordée à
l’économie des institutions. Ainsi, la Banque mondiale
produit-elle aujourd’hui des indicateurs utilisés dans tous
les ratings, qui tentent de mesurer la stabilité relative d’un
Etat, le niveau de la corruption où la qualité des lois 32 . Les
questions politiques ont également pris une importance
considérable avec l’essor des investissements directs
depuis les années 1990, pour lesquels la visibilité
institutionnelle à long terme est déterminante. En 2007, les
investisseurs 33 identifiaient ainsi le risque politique comme
la principale contrainte à leur implantation dans un pays 34 .
Et enfin, dans les banques, la perception du risque
politique s’est élargie à mesure que s’affirmaient les
questions de risque de réputation ou de finance
responsable.
Que vont apporter les crises de 2011 à la mesure du risque
politique ? En premier lieu, elles ont revalorisé certains
indicateurs et mis en lumière les interconnections
croissantes entre les variables économiques et politiques
(voir encadré 3). En second lieu, elles ont rappelé le rôle
majeur des variables institutionnelles dans les périodes de
crise politique, car ce sont ces dernières qui expliquent la
spécificité des évènements d’un pays à l’autre. En effet
l’analyse institutionnelle insiste plutôt sur les singularités
nationales, les héritages (La « dépendance au chemin » de
North) ou les fonctionnements institutionnels (ce que
Williamson appelait les règles du jeu – les droits de
Malheureusement, la contagion ne s’arrête pas à la
démocratie. Ainsi, l’impact des conflits politiques est plus
fort qu’avant, notamment à cause du nombre plus
important de personnes déplacées (multiplié par 3 en
30 ans selon la Banque mondiale), dont 75% sont
hébergées par des pays voisins. La déstabilisation
récente du Mali et du Soudan en est un des meilleurs
exemples, liée au retour des mercenaires de Lybie,
immédiatement recrutés par les groupes rebelles locaux.
De la même façon, l’extension des réseaux mafieux
contribue à l’internationalisation des risques politiques en
faisant apparaître des acteurs d’une telle dimension qu’ils
ne sont plus contrôlables et que les frontières ne veulent
plus dire grand-chose pour eux. Pour s’en convaincre, on
32 La Banque mondiale mesure depuis 1996 la gouvernance globale
dans 213 pays à partir de six indicateurs agrégés issus de 31 sources
différentes (indicateurs KKZ). Les six dimensions notées sont : 1) la
capacité des citoyens à s’exprimer, 2) la stabilité politique et l’absence
de violence, 3) l’efficacité des pouvoirs publics dans leur capacité à
mettre en place une politique, 4) la qualité de la réglementation,
5) l’état de droit, 6) le degré de corruption.
33
Le risque politique est sensiblement différent pour un investisseur et
pour un prêteur. Pour le premier, il s’apparente surtout au risque
réglementaire et plus généralement de gouvernance (l’un des risques
les plus forts étant l’expropriation). Il est à comparer avec le coût de
sortie d’un pays, très important pour un investisseur direct. Pour un
prêteur, le risque politique se mesure par son impact sur le risque de
non remboursement d’un engagement.
34
“How Managing Political Risk Improves Global Business
Performance”, PwC Advisory and Eurasia Group, “Performance
Improvement”.
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propriété par exemple – et la façon de jouer le jeu – la
gouvernance, les relations contractuelles, etc.) 35 . Dans
les ratings, la mesure du risque politique doit donc
analyser les interactions entre des idées partagées dans
le monde entier et des caractéristiques institutionnelles
nationales.
Encadré 3 : Quelques indicateurs relus à la lumière
des printemps arabes
Certains indicateurs se sont révélés très importants pour
comprendre les printemps arabes : ils étaient déjà utilisés dans
les ratings mais sans doute pas assez pondérés. Il y a aussi
des effets de seuil à mettre en valeur (passage d’un certain
niveau de revenu, de chômage structurel, etc.). Et les pays
n’ont enfin pas tous la même sensibilité aux différents risques
(de même, les pays n’ont pas tous les mêmes seuils de
tolérance historique à la dette publique 36 …). Parmi ces
indicateurs devenus essentiels, on peut citer :
1 - Des caractéristiques structurelles communes dans le
domaine démographique. Les travaux de E. Todd et Y.
Courbage, qui mettent en rapport la baisse des taux de fertilité
avec la montée des taux d’alphabétisation (moins d’enfants,
mais mieux éduqués que leurs parents, ce qui peut bouleverser
les structures d’autorités traditionnelles, les règles d’héritages,
les relations claniques), avaient déjà pointé la Tunisie, le
Pakistan ou la Libye comme étant dans une situation de
transition démographique pouvant les conduire à une crise
politique. 37
2 - Les fondamentaux sociaux (chômage des jeunes, seuils de
pauvreté, répartition de la richesse, indicateurs de
développement, existence ou non d’une classe moyenne) à
analyser au regard de la nature de l’oligarchie et la répartition de
la rente.
3 - La nature du régime politique (durée du régime dictatorial,
degré d’oppression politique, rôle de l’armée).
4 – L’existence d’une diaspora, active ou non politiquement.
5 - Le degré de corruption et surtout la nature de la corruption.
Jusqu’à présent, on utilise dans les ratings des indicateurs
globaux, centrés sur l’intensité de la corruption. Mais il faudrait
distinguer les différents types de corruption – passive, active,
petite, grande, publique, privée, etc. – et surtout ses
conséquences sur la croissance, les équilibres politiques et
sociaux, les investisseurs étrangers. Cela permettrait de mieux
discriminer les pays dans les ratings de gouvernance et de
mieux anticiper les risques politiques, notamment dans les pays
à régimes autoritaires.
La définition, la perception et la mesure du risque
politique par les agences de rating ont évolué en 2011.
Par exemple, les agences se sont penchées sur un
facteur que les banquiers connaissaient depuis
longtemps : il n’y a pas systématiquement connexion
entre l’état objectif de solvabilité d’un pays et la
probabilité de défaut de paiement. C’est là que le risque
politique intervient, dans sa dimension de « volonté de
payer » (« willingness to pay ») bien que celle-ci soit
difficile à formaliser. Elle renvoie notamment à la
perception que les citoyens d’un Etat ont de l’importance
du droit international comme instrument de régulation. Des
travaux d’économie historique y ont vu l’héritage du droit
foncier romain ou du code civil napoléonien (qui
influencerait la perception que les individus ont de la
relation contractuelle). D’autres auteurs évoquent le degré
de dépendance vis-à-vis des créanciers extérieurs, les pays
possédant une rente étant sensiblement plus mauvais
payeurs (l’Argentine est un bon exemple) que les pays
dépendant des capitaux externes pour leur développement,
très sensibles à leur risque de réputation.
Mais ce qui ferait basculer un pays dans le défaut de
paiement unilatéral, c’est finalement la qualité de sa
cohésion politique nationale et la comparaison des coûts
respectifs à payer, soit en honorant ses engagements
externes au prix d’un ajustement, soit en faisant défaut de
paiement au bénéfice d’une plus grande popularité interne.
Reinhard et Rogoff ont défini le profil type des pays « serial
defaulter » 38 en montrant que chaque défaut en entraîne un
autre à travers l’affaiblissement des institutions qu’il
provoque. En effet, le premier défaut entraîne un discrédit
sur la politique économique qui l’a provoqué, mais il rend
aussi plus difficile la formation d’un consensus ultérieur sur
les politiques menées… et il rend donc plus probable un
autre défaut ! Dans un tel raisonnement, le premier défaut
de paiement est toujours le plus coûteux, mais à chaque
nouvel accident de paiement, le potentiel de risque de
réputation à perdre est également plus faible et rapproche
du scénario de défaut unilatéral.
En 2011 39 , la dernière révision méthodologique de Standard
and Poor’s a intégré la notion de volonté de payer dans sa
méthodologie. Elle a mis en avant deux critères : les arriérés
de paiement sur la dette publique et l’existence, ou non, d’un
discours politique qui questionne la légitimité de la dette
contractée par l’administration précédente (considérée comme
une « dette odieuse » 40 ). La prise en compte du risque de
dénonciation de la « dette odieuse » par les créanciers devrait
d’ailleurs les conduire à être plus attentifs à l’usage qui est fait
par les gouvernements des fonds qui leur sont prêtés.
Encadré 4 : La définition du risque politique par les
banques
La définition du risque politique dans les banques a été très
inspirée par celle des agences de rating, à savoir l’impact d’une
situation ou d’un évènement politique donné sur le risque
souverain. Trois situations intéressent particulièrement la banque:
un risque de changement radical et adverse de la politique
économique, un risque de période prolongée d’incertitude, un
risque de sanctions, de nationalisations, etc… Par ailleurs,
l’intensité du risque sera estimée selon l’impact direct sur le
portefeuille de créances ou l’impact indirect à travers la situation
de la clientèle. En fait, l’intégration du risque politique dans les
notations pays n’a pas été immédiate. Le Crédit Lyonnais a créé
les premiers modèles bancaires au début du XX e
siècle 41 , avec
une approche très comptable des comptes publics. Mais dès
35
La perception que les économistes eux-mêmes ont de ce lien
n’est pas non plus une constante ! Clairement, ils y sont plus
attentifs dans les périodes marquées par de grands
bouleversements politiques, alors qu’ils ont tendance à le négliger en
phase de croissance.
36
C. M. Reinhart, K. Rogoff, M.A. Savastano, “Debt Intolerance”,
Working Paper 9908, NBER.
37
Y. Courbage, E. Todd, “Le rendez-vous des civilisations”, Seuil.
38 C. M. Reinhart, K. Rogoff, M.A. Savastano, “Debt Intolerance”,
Working Paper 9908, NBER.
39
“Sovereign Government Rating Methodology And Assumption”,
Standard and Poor’s.
40
H. de Vauplane, « Dettes souveraines : la question des dettes
odieuses”, revue Banque, mars 2011.
41
M. Flandreau, “Caveat emptor: coping with sovereign risk without
the multilaterals”, discussion paper N°2004, CEPR, 1998.
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cette époque, les analystes ont eu l’intuition de l’importance des
institutions en constatant que la récurrence des défauts de
paiement ne renvoyait pas seulement à une analyse de
solvabilité mais aussi au comportement d’une administration et
à la perception plus ou moins forte qu’un pays a de son risque
de réputation.
Pendant longtemps, les évaluations du risque politique dans les
ratings bancaires ont été fondées sur l’utilisation d’indicateurs
extérieurs. Mais ceux-ci ont parfois conduit à des
approximations. Ce fut le cas, par exemple, avec la notation de
Transparency international qui n’est finalement qu’une note de
perception de la corruption. Les travaux plus sophistiqués de la
Banque mondiale ont produit des indicateurs plus variés, du
type KKZ, mais là encore, certaines confusions ont parfois
existé entre les notions de gouvernance et de risque politique.
Plus récemment, confrontés à la montée en puissance du
risque politique, de nombreux établissements ont introduit des
distinctions entre rating pays et rating souverain dans leurs
outils internes de contrôle du risque, leur permettant de sortir
d’une vision trop comptable du risque souverain, réduit à la
solvabilité de l’Etat. Les classements pays englobent le risque
souverain mais proposent une vision plus large et à long terme,
en pondérant à la hausse des critères de risque politique et de
gouvernance mais aussi de stabilité des performances et de
résistance aux chocs (santé du secteur bancaire par exemple).
Mais cette révision méthodologique ne supprime pas un
problème non résolu dans la notation du risque
politique par les agences : la surpondération du critère de
la stabilité, qui favorise tendanciellement les régimes
autoritaires ! Car le paradoxe de ces régimes, c’est que
leur stabilité apparente cache la collusion des élites, la
montée de la corruption et des inégalités. Le critère de la
stabilité d’un régime peut donc devenir fallacieux : il
masque les risques de ruptures institutionnelles. Il
masque aussi la perte d’efficacité qui est l’une des
constantes des régimes autoritaires, car le recrutement
des cadres dans les cercles restreints du pouvoir limite la
capacité d’action et d’innovation des Etats. Cette question
est très importante pour tous les pays rentiers à tendance
autoritaire, car l’accumulation de liquidités liées à la rente
(quand les prix augmentent) améliore très rapidement les
ratios de liquidité et de solvabilité de l’Etat. Pour le rating
souverain de ces pays, il est donc essentiel de
survaloriser la notation politique. Mais celle-ci doit
s’appuyer non pas sur un critère de stabilité de l’Etat,
mais sur la qualité des institutions, seul facteur capable
de transformer la rente en moteur de croissance, et
d’éviter les crises liées au Dutch Disease politique.
La deuxième évolution méthodologique de Standard and
Poor’s en 2011 dans le domaine du risque politique
consiste à mieux valoriser la capacité d’un Etat à mettre
en œuvre une politique. Mais cette évolution a contribué
à la dégradation… des Etat-Unis, de la Grèce ou de
l’Italie sans remettre en cause le statut d’investment
grade du Kazakhstan par exemple. A l’évidence, cette
situation n’est pas satisfaisante car l’absence de
démocratie est historiquement un facteur aggravant du
risque politique, même si la présence de celle-ci n’est pas
une garantie de stabilité (au Pérou par exemple, ou en
Argentine, en Afrique du Sud, en Thaïlande…).
Dani Rodrick justifie ainsi la supériorité économique des
démocraties par leur capacité à produire du consensus
social, ce qui leur permet de mieux absorber les chocs
conjoncturels externes. Concrètement, on pourrait donc
intégrer la nature des régimes politiques dans les ratings,
en tant que facteur objectif de meilleure résistance à long
terme aux chocs conjoncturels. La capacité à produire un
consensus politique joue sur les anticipations des
consommateurs et des investisseurs et c’est un facteur de
stabilité. Amartya Sen y voit un moteur puissant de
développement qui n’est pourtant pas, à ce jour, pris en
compte dans les ratings.
Alors : pour noter le risque politique, faut-il/peut-on noter la
nature du régime politique lui-même ? Cette question est
d’autant plus importante qu’elle prend une dimension
nouvelle dans un monde où plusieurs gouvernements
démocratiques européens sont tombés sous la pression
conjointe (et corrélée) des notations souveraines et des
marchés (mais on avait déjà vu cela dans des pays
émergents…). Les agences peuvent-elles s’exonérer plus
longtemps d’une prise en compte de la nature des régimes
politiques ? La Banque mondiale a déjà fait ce saut
analytique. Elle nous propose en effet une définition du
risque politique qui questionne la légitimité des régimes :
ce risque résulterait en effet de « la combinaison d’une
exposition à des stress externes avec la force du ʺsystème
immunitaireʺ interne des pays, c’est-à-dire leur capacité
sociale de faire face à ces menaces, capacité liée à la
légitimité des institutions nationales… » Et cette légitimité
est définie à partir de deux critères : le processus de
décision (« the way in which decision are made ») et la
capacité d’un Etat à produire des biens collectifs. Le mot
légitimité est enfin prononcé.
Encadré 5 : Plus ou moins de démocraties ?
C’est une idée parfois répandue : « La démocratie et la globalisation
vont main dans la main » 42 . Les échanges de biens et de services
entraîneraient les échanges d’idées et dans les économies ouvertes
financièrement, les marchés exigeant plus de transparence des
Banques centrales, cette exigence serait propice à la démocratie. Ainsi
entre 1975 et 2002, le nombre de démocraties a été multiplié par 4 et
la part du commerce dans le PIB mondial est passée de 7,7% à
19,5%. La part des pays ouverts aux flux financiers internationaux
(mesurée par le FMI) est passée de 25 à 38%. Pourtant, les causalités
entre démocratie, ouverture et globalisation n’ont jamais été prouvées
et de nombreux travaux économétriques ont montré qu’il n’y avait pas
d’impact obligatoire entre ouverture et démocratie 43 .
Empiriquement, on peut aussi constater qu’après un point haut en
1977, le nombre d’autocraties dans le monde a diminué et
parallèlement, les démocraties se sont multipliées. Mais cette période
est aussi caractérisée par la diffusion d’un nouveau modèle, celui des
« anocraties » – régimes instables situés à mi-chemin entre les
démocraties et les autocraties, dans lesquels le pouvoir central est de
plus en plus faible, au profit d’élites en compétition les unes par
rapport aux autres et d’autorités locales corrompues dans un régime
fédéral dévoyé (les seigneurs de la guerre en Somalie, les compagnies
minières transnationales chinoises en Afrique, les collectivités locales
mexicaines, etc.) 44 . Or ces anocraties finissent plus souvent par se
transformer en régimes autocratiques qu’en démocraties (50% d’entre
elles enregistrent ainsi des changements de régime de ce type au bout
de cinq ans, 70% au bout de dix ans). Au final, les anocraties sont
souvent des régimes apparemment stables et bien ancrés comme les
démocraties, mais leur légitimité n’est pas la même, et ce critère n’est
pas (ou pas assez !) pris en compte par les ratings.
42
B. Eichengreen, D. Leblang, “Democracy and Globalization”, NBER
WP12450, 2006.
43
R. Rigobon, D. Rodrik , “Rule of Law, Democracy, Openness and
Income: Estimating the interrelationships,” NBER Working Paper
10750, 2004.
44
Center for Systemic Peace, Global Report, 2009.
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En conclusion, nous sommes entrés dans un
nouveau monde qui sera marqué par un renouveau
du risque politique. Car la globalisation a accéléré la
circulation des hommes, des marchandises et des
capitaux, mais aussi des idées.
Ce nouveau monde politique est né, entre autre, de la
maturité économique de certains pays émergents,
dans lesquels la croissance économique a pris de
cours l’évolution plus lente des institutions. Ce
décalage a dessiné les lignes de faille des risques
politiques d’aujourd’hui et de demain.
Mais ce nouveau monde est né également de
transformations plus profondes, à l’œuvre
souterrainement depuis cinquante ans, qui ont
produit des sociétés très inégalitaires : transition
démographique, essor de l’alphabétisation, rupture
des équilibres sociaux traditionnels.
Les interactions du politique et de l’économique sont
donc à repenser. Elles sont plus étroites, plus rapides,
plus globales. Le risque politique se nourrit des
échanges désormais permanents entre des idées qui
circulent vite et partout, avec des institutions,
politiques et sociales, qui restent encore
profondément nationales.
Enfin, dans ce contexte nouveau, la nature des
régimes politiques pourrait être intégrée dans les
ratings pays, leur permettant de stopper la dérive
actuelle vers une vision très comptable de la
solvabilité souveraine.
« Les ratings ne produisent que des opinions », se
défendent les agences de notation quand leur
légitimité est mise en doute. Mais ces opinions créent
des normes de marché. A partir de là, la responsabilité
institutionnelle des agences existe. •
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Achevé de rédiger le 23 mai 2012
N° 19 – juin 2012
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