Dynamiques chinoises - Etudes économiques du Crédit Agricole
Dynamiques chinoises - Etudes économiques du Crédit Agricole
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D I R E C T I O N D E S É T U D E S É C O N O M I Q U E S<br />
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
REVUE ÉDITÉE PAR CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />
DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES<br />
HORIZONS BANCAIRES – N U M É R O 3 2 3 - D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
C R É D I T A G R I C O L E S . A .<br />
<strong>Dynamiques</strong> <strong>chinoises</strong><br />
La Chine aujourd’hui<br />
Banques <strong>chinoises</strong> :<br />
des ambitions de titans<br />
La naissance d’un marché de l’assurance<br />
La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />
Les déséquilibres monétaires<br />
Chine/États-Unis<br />
Essilor :<br />
l’exemple d’un succès en Chine<br />
Le Groupe Crédit <strong>Agricole</strong> en Chine
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4
R<br />
E<br />
HORIZONS<br />
I<br />
A<br />
M<br />
<strong>Dynamiques</strong><br />
M<br />
Edito .................................................................................................................................................................................... 5<br />
RENÉ CARRON, PRÉSIDENT DE CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />
O<br />
S<br />
La Chine aujourd’hui ........................................................................................................... 7<br />
FRANCIS NICOLLAS, ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />
Vingt cinq ans après le début <strong>du</strong> processus de réformes,<br />
la Chine est devenue l’un des pays les plus dynamiques au monde.<br />
Mais elle n’est pas à l’abri de difficultés majeures...<br />
FINANCES EN CHINE<br />
Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans ................ 13<br />
SERGE OPPENCHAIM ET DANIELLE MONSIMIER,<br />
ÉCONOMISTES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />
En un quart de siècle, le secteur bancaire chinois a connu d’importantes<br />
transformations. Pour autant, les quatre grandes banques d’Etat en<br />
constituent toujours la clef de voûte. Elles sont aussi à l’origine <strong>du</strong><br />
gigantesque stock de créances douteuses que la Chine tente de résorber.<br />
Pour moderniser les banques, le gouvernement chinois doit mobiliser de<br />
colossales ressources financières et humaines. Il bénéficiera vraisemblablement<br />
<strong>du</strong> soutien de la communauté internationale en cas de nouveaux chocs,<br />
internes ou externes : en effet, tout risque de défaillance bancaire chinoise<br />
peut dorénavant se transformer en menace systémique.<br />
L’assurance renaît en Chine............................................................................. 31<br />
SERGE OPPENCHAIM, ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />
Assiste-t-on à la naissance d’un marché de l’assurance en Chine ? La réponse<br />
est « oui » au regard de la progression exceptionnelle et continue des primes<br />
collectées, de l’évolution de la réglementation ou encore des promesses<br />
d’ouverture <strong>du</strong> secteur souscrites lors de l’entrée de la Chine dans l’OMC.<br />
La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan .............................................................................. 39<br />
AMINA LAHRÈCHE-RÉVIL, CENTRE D’ÉTUDES PROSPECTIVES ET<br />
D’INFORMATIONS INTERNATIONALES (CEPII)<br />
La question <strong>du</strong> yuan doit être analysée à la fois dans son aspect institutionnel<br />
– quel est l’avenir de la fixité <strong>du</strong> yuan ? – et dans son aspect quantitatif<br />
– le taux de change <strong>du</strong> yuan est-il sous-évalué ? Et de combien ?
BANCAIRES – NUMÉRO 323 – DÉCEMBRE 2004<br />
<strong>chinoises</strong><br />
Les déséquilibres monétaires Chine / États-Unis .................................. 51<br />
ISABELLE JOB ET RÉMY CONTAMIN, ÉCONOMISTES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />
Paradoxalement, les déséquilibres monétaires entre les États-Unis et certains pays asiatiques<br />
présentent une certaine cohérence. Le rattrapage de la Chine s’en trouve notamment accéléré.<br />
La question est de savoir si cette situation sera longtemps soutenable.<br />
AGIR EN CHINE<br />
Essilor : l’exemple d’un succès en Chine ..................................................................... 67<br />
INTERVIEW DE XAVIER FONTANET, PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL, ESSILOR INTERNATIONAL<br />
LE GROUPE CRÉDIT AGRICOLE EN CHINE<br />
Calyon en Chine ................................................................................................................................................................ 71<br />
INTERVIEW D’HERVÉ DE FRESCHEVILLE, RESPONSABLE DE LA BANQUE CALYON EN CHINE<br />
Crédit <strong>Agricole</strong> Asset Management<br />
se tourne vers la Chine ........................................................................................................................................ 79<br />
INTERVIEW DE JEAN-YVES COLIN, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT,<br />
CRÉDIT AGRICOLE ASSET MANAGEMENT<br />
Sofinco se prépare au marché chinois ............................................................................... 85<br />
INTERVIEW DE PATRICK MAMOU MANI, DIRECTEUR ADJOINT,<br />
DIRECTION DES AFFAIRES INTERNATIONALES, SOFINCO<br />
Service aux lecteurs ...................................................................................................................................................... 89
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION<br />
Gilles Guitton<br />
DIRECTEUR DE LA RÉDACTION<br />
Pascal Blanqué<br />
RÉDACTEUR EN CHEF<br />
Danielle Monsimier<br />
SECRÉTARIAT DE RÉDACTION<br />
Véronique Champion-Faure<br />
SUIVI DU FICHIER<br />
Élisabeth Nicolas<br />
CONTACTS<br />
Crédit <strong>Agricole</strong> S.A.<br />
75710 Paris Cedex 15<br />
Tél. : 01 43 23 69 02 - Fax : 01 43 23 58 60<br />
Internet : http://www.credit-agricole.fr/ca/kiosque-eco/index.html<br />
CONCEPTION - MISE EN PAGES<br />
Bleu comme une Orange<br />
RÉALISATION<br />
CAG<br />
IMPRESSION<br />
Crédit <strong>Agricole</strong> S.A.<br />
COMMISSION PARITAIRE<br />
N° en cours<br />
« Cette publication reflète l’opinion <strong>du</strong> Crédit <strong>Agricole</strong>. Toutefois, les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de<br />
vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient donc engager la responsabilité <strong>du</strong> Crédit <strong>Agricole</strong> ou de l’une de ses filiales. Toute repro<strong>du</strong>ction<br />
totale ou partielle sans autorisation préalable ou expresse <strong>du</strong> Crédit <strong>Agricole</strong> en est expressément interdite. »<br />
“All rights reserved. This publication has been prepared by and reflects the current views of Crédit <strong>Agricole</strong>. It is provided for your information<br />
purposes only and it is not intented as an offer or solicitation for the purchase or sale of any financial instrument. The views, opinions,<br />
estimates reflected therein constitue our judgement. Neither Crédit <strong>Agricole</strong> or its affiliates nor any officer or employee thereof<br />
accepts any liability whatsoever for any direct or indirect loss arising from the use of this publication or its contents which may not be<br />
repro<strong>du</strong>ced or circulated without our prior written consent. Crédit <strong>Agricole</strong>, its affiliates and their respective officers, directors and<br />
employees including persons involved in the preparation of this document may from time to time, deal in, hold or act as market makers or<br />
advisors, brokers or investment or commercial bankers in relation to securities, derivatives, issuers or any persons mentioned herein.”<br />
4
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
E D I T O R I A L<br />
RENÉ CARRON<br />
PRÉSIDENT DE CRÉDIT AGRICOLE S.A (1) /...<br />
Au cœur de l’actualité internationale, la Chine constitue une force d’attraction<br />
considérable pour de nombreux acteurs économiques étrangers. Par sa taille – et<br />
donc l’ampleur de ses besoins –, mais aussi par son rythme de croissance. Performances<br />
économiques, exportations, infrastructures, dans ce pays-continent, tout<br />
croît plus rapidement et dans des proportions plus gigantesques que n’importe<br />
où ailleurs dans le monde.<br />
Cette attraction, née il y a une vingtaine d’années avec l’ouverture progressive<br />
<strong>du</strong> pays à l’économie de marché, s’est renforcée depuis 2001 avec l’adhésion à<br />
l’OMC. Pour autant, la Chine n’en demeure pas moins un pays en transition,<br />
confronté à des défis difficiles.<br />
L’adaptation <strong>du</strong> système bancaire et financier aux besoins d’une économie<br />
moderne reste ainsi l’un des chantiers majeurs. Réformes des structures, adaptation<br />
aux normes comptables internationales, formation à l’analyse financière,<br />
transparence des marchés financiers sont autant de projets à concrétiser pour<br />
apporter les garanties nécessaires au développement des entreprises et honorer le<br />
rendez-vous de la libéralisation promis pour fin 2006.<br />
En l’absence de marchés financiers étoffés, le système bancaire est toujours le<br />
seul outil de financement des activités et la clé de voûte de l’économie chinoise.<br />
Indépendamment des dispositions visant à la ré<strong>du</strong>ction drastique des stocks de<br />
crédits non performants, les autorités misent principalement sur les banques <strong>du</strong><br />
pays pour diffuser les meilleures pratiques d’allocation <strong>du</strong> capital à l’ensemble<br />
des acteurs de l’économie. Elles sollicitent aussi, officiellement, de grands acteurs<br />
bancaires mondiaux dûment sélectionnés pour devenir des « investisseurs stratégiques<br />
» ; leurs prises de participations minoritaires dans les principales banques<br />
<strong>chinoises</strong> devant contribuer à l’accélération de la convergence vers les standards<br />
internationaux de gestion.<br />
Le groupe Crédit <strong>Agricole</strong> est doublement concerné par la Chine : au titre de sa<br />
stratégie internationale tout d’abord, par sa vocation naturelle à accompagner les<br />
relations d’affaires de ses clients dans ce pays ensuite.<br />
Notre groupe a déjà en Chine une présence ancienne et significative (2) . Aujourd’hui,<br />
Calyon y compte cinq succursales et exerce, pour l’essentiel, ses activités<br />
sur la Chine en « off shore », à partir de Hong Kong, dans les métiers des marchés<br />
de capitaux, des financements structurés et de la banque commerciale.<br />
5
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
Sa filiale, CLSA, l’un des leaders en Asie <strong>du</strong> courtage actions, est également<br />
implantée en Chine. Par ailleurs, une approche prospective en asset management<br />
est en cours, CA-AM s’étant fixé comme objectif, d’aboutir à un partenariat en<br />
Chine continentale.<br />
L’enjeu stratégique chinois apparaît indéniable et le Crédit <strong>Agricole</strong> entend y<br />
prendre sa part. Car au-delà des activités de banque de gros, la question est aussi<br />
de voir comment une banque étrangère pourrait un jour capter une part plus<br />
importante de la chaîne de valeur qui passe inévitablement par la banque de<br />
proximité. D’autant plus qu’une classe moyenne de près de 250 millions d’indivi<strong>du</strong>s<br />
émerge en Chine.<br />
Outre sa solidité et sa notoriété, notre groupe possède deux formidables atouts à<br />
faire valoir en Chine : sa structure et son expérience. L’originalité de notre<br />
modèle, notre capacité démontrée à construire un grand groupe bancaire diversifié,<br />
décentralisé, proche de ses clients, notre respect des identités nationales et<br />
d’entreprise, constituent de notre point de vue, des facteurs clefs dans un pays<br />
où la gestion de la ruralité et les besoins des provinces intérieures sont des missions<br />
prioritaires, où les banques peuvent jouer un rôle fédérateur.<br />
Pour l’heure, les incertitudes auxquelles est confrontée la Chine rendent toute<br />
nouvelle approche longue et complexe. En Chine, chaque démarche s’inscrit<br />
nécessairement dans la <strong>du</strong>rée et requiert, au-delà des strictes considérations d’opportunité,<br />
la mise en place d’un dispositif spécifique de veille stratégique et une<br />
anticipation dans la gestion globale des ressources humaines.<br />
Il se trouve qu’au Crédit <strong>Agricole</strong>, nous avons pour pratique ancienne, d’agir<br />
dans la <strong>du</strong>rée. C’est une constante, caractéristique des grandes évolutions de notre<br />
groupe. Aussi, je ne doute pas que, s’agissant de notre approche de la Chine, nous<br />
saurons la con<strong>du</strong>ire avec détermination, volonté et sans précipitation.<br />
Cette démarche, pour être menée sérieusement, suppose également l’entretien<br />
régulier d’échanges au plus haut niveau. Mon récent déplacement en Chine<br />
vient d’ores et déjà, et à ma grande satisfaction, de nous permettre de les approfondir<br />
et de les consolider.<br />
(1) Ndlr : René Carron, président de Crédit <strong>Agricole</strong> S.A., a effectué un déplacement en Chine, fin<br />
octobre 2004. Ce voyage, qui l’a con<strong>du</strong>it à Pékin et Shanghai, lui a permis de prendre toute la<br />
mesure de la présence <strong>du</strong> groupe Crédit <strong>Agricole</strong> dans ce pays et de rencontrer quelques-uns des<br />
principaux responsables politiques, économiques et bancaires chinois.<br />
(2) Voir page 71 et suivantes : « Le groupe Crédit <strong>Agricole</strong> en Chine ».<br />
6
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
La Chine aujourd’hui<br />
FRANCIS NICOLLAS<br />
ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />
Vingt-cinq ans après le début <strong>du</strong> processus de réformes, la<br />
Chine est devenu un des pays les plus dynamiques, sinon le<br />
pays le plus dynamique <strong>du</strong> monde. Reste qu’elle n’est pas à<br />
l’abri de difficultés majeures.<br />
La croissance annuelle des dix dernières années dépasse 8 %<br />
l’an. Toutefois, les signes de surchauffe, la spéculation<br />
con<strong>du</strong>isent le gouvernement à ralentir quelque peu la<br />
machine. L’objectif des autorités est de ramener désormais la<br />
croissance annuelle à 7 %. Elles n’y arriveront pas cette<br />
année, la croissance étant atten<strong>du</strong>e à 9,3 %. Ni l’année prochaine,<br />
la plupart des analystes attendant un chiffre voisin de<br />
8 %, ce qui apparaît comme une victoire sur la surchauffe.<br />
Reste des données trimestrielles particulièrement élogieuses<br />
ces dernières années, avec un point bas atteint au cours <strong>du</strong><br />
deuxième trimestre 2003, lorsqu’à la suite <strong>du</strong> SRAS, la croissance<br />
est redescen<strong>du</strong>e en dessous de 8 % l’an. /...<br />
12<br />
10<br />
8<br />
6<br />
4<br />
2<br />
en % par an<br />
CROISSANCE EN RYTHME ANNUEL<br />
0<br />
T1 2000<br />
T1 2001<br />
T1 2002<br />
T1 2003<br />
T1 2004<br />
Source : IIF, CA sa<br />
7
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
Les derniers chiffres disponibles indiquent toutefois une atténuation<br />
des chiffres les plus problématiques : investissements<br />
et crédit intérieur. Les investissements ont progressé de<br />
29,5 % en rythme annuel de janvier à octobre 2004, alors<br />
qu’ils se trouvaient en début d’année sur une pente supérieure<br />
à 40 % l’an. Par ailleurs, le crédit intérieur, mesuré par la<br />
masse monétaire M2, progresse en octobre sur une base<br />
annuelle de 13,2 %, revenant ainsi d’une pente de 20 % l’an<br />
en début d’année. Pour autant, les autorités n’ont pas baissé<br />
la garde. Au contraire, elles ont relevé récemment les taux<br />
d’intérêt de 27 points de base (sur les dépôts et les crédits), ce<br />
qui n’était pas arrivé depuis neuf ans. Elles avaient par<br />
ailleurs relevé à plusieurs reprises, depuis le 2 e semestre 2003,<br />
le coefficient des réserves obligatoires, pensant que cette décision<br />
suffirait à ré<strong>du</strong>ire la demande de crédit. D’autres hausses<br />
de taux devraient suivre. Encore qu’il n’est pas évident que les<br />
hausses de taux calment les mécanismes spéculatifs qui se sont<br />
mis en place, en particulier dans l’immobilier. On peut imaginer<br />
que le niveau des taux soit au moins à trois points au-delà<br />
de l’inflation pour réellement calmer les mécanismes. On en<br />
est encore loin.<br />
La forte activité enregistrée ces derniers mois s’est accompagnée<br />
d’une résurgence de l’inflation, qui mesurée par les prix<br />
de détail, atteint aujourd’hui 5 % l’an, alors qu’elle était<br />
négative ces dernières années.<br />
Le commerce extérieur reste le point le plus positif de la trajectoire<br />
chinoise. Les exportations atteignent 552 milliards de<br />
dollars sur les douze derniers mois, en hausse de 37 % sur un<br />
an. L’excédent commercial atteint 35 milliards de dollars sur<br />
les douze derniers mois, malgré le renchérissement de la facture<br />
pétrolière (la Chine est le 3 e importateur mondial de<br />
brut). On observe malgré tout, en cette fin d’année, une trajectoire<br />
descendante avec un point haut qui semble avoir été<br />
touché <strong>du</strong>rant l’été. Quant à la politique de change suivie,<br />
elle reste marquée par la fixité <strong>du</strong> yuan contre dollar, malgré<br />
les pressions à la hausse subies depuis plusieurs trimestres. Le<br />
gouvernement a, jusqu’à présent, refusé d’envisager une rééva-<br />
8
La Chine aujourd’hui<br />
F R A N C I S N I C O L L A S<br />
luation <strong>du</strong> yuan. Mais il pourrait bientôt envisager d’en élargir<br />
les bandes de fluctuation (disons de + ou – 2 %) et sans<br />
doute de définir le yuan par rapport à un panier de monnaies<br />
comprenant outre le dollar, l’euro et le yen.<br />
55<br />
50<br />
45<br />
40<br />
35<br />
30<br />
25<br />
20<br />
Exportations<br />
Importations<br />
jan. 03<br />
mars 03<br />
mai 03<br />
juil. 03<br />
CROISSANCE DU COMMERCE EXTÉRIEUR<br />
sep. 03<br />
nov. 03<br />
jan. 04<br />
mars 04<br />
mai 04<br />
juil. 04<br />
sep 04<br />
Fort de cet excédent commercial et des flux toujours croissants<br />
d’investissements étrangers (60 milliards de dollars<br />
atten<strong>du</strong>s cette année), le pays empile des réserves de change.<br />
Celles-ci atteignaient, en septembre 2004, 519 milliards de<br />
dollars, soit le montant le plus élevé au monde après le Japon.<br />
Compte tenu de ces éléments, la situation financière extérieure<br />
de la Chine peut être considérée comme florissante. La dette<br />
extérieure atteint 206 milliards de dollars, dont 79 milliards à<br />
court terme. D’ailleurs, le pays peut lever s’il en éprouve le<br />
besoin, des capitaux à des marges inférieures à 50 centimes par<br />
rapport à l’emprunt de référence le moins cher.<br />
Il reste que la Chine n’est pas à l’abri de difficultés majeures<br />
pour le cas où elle perdrait le contrôle de la politique économique<br />
poursuivie, sur son système bancaire, sa politique de<br />
change, sur le contrôle des mécanismes spéculatifs. Car une spéculation<br />
existe, en outre attisée par la fixité <strong>du</strong> taux de change<br />
contre le dollar américain. En particulier sur l’immobilier et sur<br />
la bourse. C’est le défi majeur des années qui viennent.<br />
Source : IIF, CA sa<br />
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N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
Finances<br />
en Chine<br />
De nombreux signes marquent la volonté<br />
des dirigeants chinois de placer la réforme<br />
<strong>du</strong> système bancaire en tête de leurs priorités.<br />
Pour la Chine, cette réforme n’est pas le seul défi à relever.<br />
Les autorités auront un jour à statuer<br />
sur la question <strong>du</strong> niveau de change <strong>du</strong> renminbi.<br />
Le débat autour de la politique monétaire chinoise se poursuit...<br />
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Banques <strong>chinoises</strong> :<br />
des ambitions de titans<br />
SERGE OPPENCHAIM ET DANIELLE MONSIMIER<br />
ÉCONOMISTES, CRÉDIT AGRICOLE SA<br />
En un quart de siècle, le secteur financier chinois a connu une<br />
croissance exceptionnelle. Il est passé d’un état monolithique<br />
à un système comprenant plusieurs catégories d’acteurs,<br />
dont des étrangers, où les rôles sont plus clairement identifiés.<br />
Pour autant, les quatre grandes banques d’Etat en<br />
constituent toujours la clef de voûte. Elles sont à l’origine <strong>du</strong><br />
gigantesque stock de créances douteuses que la Chine tente<br />
de résorber. Elles écrasent la concurrence entre établissements,<br />
elle-même encore régie par des taux administrés et<br />
une réglementation contraignant l’innovation financière.<br />
Pour relever les défis auxquels le système financier chinois<br />
reste ainsi confronté, le gouvernement chinois doit mobiliser<br />
de colossales ressources financières et humaines. Il bénéficiera<br />
vraisemblablement <strong>du</strong> soutien de la communauté internationale<br />
en cas de nouveaux chocs, internes ou externes :<br />
tout risque de défaillance bancaire chinoise peut en effet se<br />
transformer, dorénavant, en menace systémique.<br />
L ’avenir de la banque chinoise constitue l’un des enjeux<br />
majeurs de la planète financière. Pour trois raisons : la taille<br />
<strong>du</strong> pays naturellement, à nulle autre pareille si ce n’est celle<br />
de l’Inde, les flux internationaux de financement et de trésorerie<br />
que son in<strong>du</strong>strie génère, les conséquences enfin de sa<br />
folle jeunesse économique. Parmi celles-ci figure le problème<br />
des créances douteuses et litigieuses : le montant à résorber<br />
s’élève officiellement à 374 mds USD et au double officieusement,<br />
ce qui en fait le stock le plus élevé <strong>du</strong> monde après<br />
celui <strong>du</strong> Japon (1) . /...<br />
(1) Des éléments d’information repris dans différentes parties de cet article sont issus des<br />
travaux réalisés par la Mission économique auprès de l’ambassade de France en République<br />
Populaire de Chine. Nous la remercions de nous avoir autorisé leur utilisation.<br />
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/...<br />
Aucun doute ne peut cependant planer sur la volonté <strong>du</strong> gouvernement<br />
chinois de nettoyer les scories <strong>du</strong> passé et de<br />
construire un système bancaire moderne : il en va de sa survie.<br />
Sa politique de développement régional homogène ne peut en<br />
effet réussir que si les réseaux bancaires se déploient et fonctionnent<br />
bien sur l’ensemble <strong>du</strong> pays. De même, sa crédibilité<br />
internationale ne peut souffrir la moindre perturbation des<br />
Jeux olympiques de 2008 et de l’Exposition universelle de<br />
2010, événements dont il a tant revendiqué l’organisation. Il<br />
fera donc tout pour éviter une crise. Bien plus, il essaiera de<br />
doter le pays d’un ou plusieurs établissements à vocation<br />
mondiale afin d’affirmer son statut de grande puissance.<br />
La stratégie employée tient à la fois <strong>du</strong> registre libéral et <strong>du</strong><br />
registre administratif. Ainsi, en interne, les banques domestiques<br />
sont mises en concurrence par le biais de leur cotation<br />
ou par l’élargissement de leur périmètre d’activités. Pourtant,<br />
les taux d’intérêt pratiqués demeurent encadrés et ne permettent<br />
pas une réelle tarification <strong>du</strong> risque. De même, la liberté<br />
d’établissement des banques étrangères, objet d’accords dans<br />
le cadre de l’OMC, a été contre-balancée par l’imposition de<br />
seuils de capital jugés dissuasifs.<br />
Les acteurs étrangers sont ainsi confrontés à une situation<br />
inédite. Il leur faut affronter un marché incomparablement<br />
plus grand que le leur, voire que leur zone d’action naturelle<br />
comme peut l’être l’Europe pour les banques françaises, et<br />
imaginer des voies de pénétration dans un pays où tout est à<br />
construire.<br />
LA LONGUE MARCHE DE LA BANQUE CHINOISE<br />
T rois étapes essentielles ont rythmé la marche <strong>du</strong> système<br />
bancaire chinois : la mise en mouvement pendant la décennie<br />
1980-1990, le début de clarification des structures mais aussi<br />
l’apparition des prêts non performants pendant les années<br />
1991-2000, l’insertion enfin dans le système financier international<br />
à la faveur de l’adhésion à l’OMC en 2001, avec en<br />
toile de fond le bon déroulement des Jeux olympiques de<br />
Pékin en 2008 et de l’exposition universelle de Shanghai en<br />
2010.<br />
• 1980-1990 : la mise en mouvement<br />
Avant les réformes des années 1980, le système bancaire chinois<br />
se résumait à une seule entité, la Banque populaire de<br />
Chine (People’s Bank of China - PBOC) qui assumait à la fois<br />
le rôle de Banque centrale et d’intermédiaire financier pour<br />
les entreprises. Son activité bancaire était pilotée par la Commission<br />
d’Etat au Plan.<br />
En 1984, la Chine a séparé les activités de Banque centrale,<br />
14
Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />
S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />
laissées à la PBOC, des activités de crédit confiées à quatre<br />
nouvelles banques d’Etat, chacune étant spécialisée dans un<br />
secteur économique particulier. Agricultural Bank of China<br />
(ABC), People’s Construction Bank of China (PCBC ou CCB),<br />
In<strong>du</strong>strial and Commercial Bank of China (ICBC) et Bank of<br />
China (BOC) restèrent ainsi sur leur pré carré pendant<br />
quelques années, avant d’être autorisées à se livrer une<br />
concurrence restreinte.<br />
Des sociétés de fi<strong>du</strong>cie et d’investissement, dont la principale<br />
fonction est de mobiliser des capitaux étrangers pour les autorités<br />
locales sous forme d’investissements directs, de prêts ou<br />
d’autres instruments financiers, ont également été créées. Leur<br />
nombre a rapidement augmenté et l’une d’entre elles, la GITIC,<br />
illustrera quelques années plus tard les dérives <strong>du</strong> système.<br />
• 1991-2000 : clarification des structures, génération des<br />
prêts non performants<br />
Jusqu’en 1994, la Banque centrale satisfait les besoins des<br />
banques et des entreprises publiques par de la création monétaire.<br />
L’inflation devenant de moins en moins maîtrisable, les<br />
autorités doivent réagir en <strong>du</strong>rcissant la contrainte budgétaire<br />
des entreprises d’Etat et le schéma d’allocation <strong>du</strong> crédit bancaire<br />
: la politique de défense de l’emploi public est mise au<br />
second plan, le refinancement des banques auprès de la PBOC<br />
est recentralisé, l’application <strong>du</strong> plan d’allocation <strong>du</strong> crédit<br />
perd son caractère indicatif pour redevenir obligatoire (2) .<br />
Enfin, la responsabilité des dirigeants de banques est engagée<br />
en matière de distribution <strong>du</strong> crédit.<br />
Une page importante sera tournée en 1995 avec deux nouvelles<br />
lois. La première fait de la PBOC une véritable Banque<br />
centrale, officiellement responsable de la politique monétaire<br />
et de la supervision <strong>du</strong> système financier. Son gouverneur,<br />
choisi par le Congrès national <strong>du</strong> Peuple sur proposition <strong>du</strong><br />
Premier ministre, est nommé par le Président et a rang de<br />
ministre. Le premier ayant occupé ce poste fut Zhu Rongji<br />
qui devint ensuite Premier ministre.<br />
La seconde loi concerne les banques commerciales. Elle crée<br />
trois banques de développement (policy banks) chargées des<br />
financements jugés prioritaires par l’Etat. Il s’agit de State<br />
Development Bank, d’Export-Import Bank of China et d’Agricultural<br />
Development Bank of China. Leur activité est censée<br />
être stratégique et non pas liée à des impératifs de rentabilité.<br />
On laisse donc aux quatre institutions préexistantes, renommées<br />
« banques commerciales d’Etat », le soin de s’exercer aux<br />
règles <strong>du</strong> marché et d’octroyer, officiellement <strong>du</strong> moins, les<br />
/...<br />
(2) Le plan central de crédit sera supprimé en 1998.<br />
15
E<br />
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
N<br />
R<br />
É<br />
S<br />
U<br />
M<br />
É<br />
/...<br />
Le système bancaire<br />
chinois comprend :<br />
1 banque centrale,<br />
People’s Bank of China<br />
(PBOC) ;<br />
4 grandes banques<br />
d’État : ICBC, BOC, CCB<br />
et ABC (part de marché :<br />
60 %) ;<br />
3 banques de<br />
développement<br />
spécialisées (part de<br />
marché : 8 %) ;<br />
123 banques<br />
commerciales :<br />
11 nationales et<br />
112 banques urbaines<br />
(part de marché : 14 %).<br />
4 500 coopératives de<br />
crédit rurales (part de<br />
marché : 9 %) et<br />
urbaines (part de<br />
marché : 5 %) ;<br />
62 banques étrangères,<br />
dont celles issues de<br />
Hong Kong, possédant<br />
191 structures locales,<br />
et 211 bureaux de<br />
représentation (part de<br />
marché : 1,3 %).<br />
S’y ajoutent des<br />
institutions financières<br />
non bancaires : sociétés<br />
de crédit-bail,<br />
d’investissement...<br />
crédits sur une base commerciale. Pour autant, leur statut<br />
juridique reste flou. Au nombre de 11, des « banques commerciales<br />
nationales » se développent également. Leur capital est<br />
détenu par la PBOC, les gouvernements provinciaux et des<br />
entreprises d’Etat.<br />
Devant l’accumulation des créances douteuses, les autorités<br />
interviennent directement en 1998 en recapitalisant les quatre<br />
grandes banques commerciales d’Etat pour 33 mds USD. En<br />
1999-2000, elles transfèrent à quatre structures de défaisance<br />
spécifiques (Asset Management Corporations ou AMC) 170 mds<br />
USD de créances douteuses nées avant 1995.<br />
2000 voit également la libéralisation des taux sur les dépôts et<br />
sur les emprunts en devises, tandis que les taux de crédit<br />
deviennent négociables dans une fourchette de 10 %. Les<br />
banques jugées les plus performantes sont autorisées à entrer<br />
en Bourse.<br />
• 2001-2010 : l’insertion dans le système bancaire international<br />
?<br />
La Chine entre à l’OMC en novembre 2001. Les banques<br />
étrangères auront progressivement accès aux opérations en<br />
monnaie locale. Cette ouverture se fera sur cinq ans et concernera<br />
tout le territoire. Le marché des entreprises <strong>chinoises</strong> leur<br />
sera accessible en 2004 et celui des particuliers en 2007 (3) .<br />
Une Commission de régulation des banques, China Banking<br />
Regulatory Commission (CBRC) est créée au printemps 2003.<br />
Elle prend le relais de la PBOC en matière de supervision et<br />
de réforme des banques <strong>chinoises</strong>. Officiellement, la PBOC<br />
ne s’occupe donc plus que de politique monétaire : fixation<br />
des taux d’intérêt, contrôle <strong>du</strong> marché interbancaire et des<br />
changes.<br />
La CBRC est dirigée par un fervent partisan de la transformation<br />
des banques en entités commerciales, et sa création<br />
illustre le souhait politique fort d’assainir le secteur, d’améliorer<br />
la corporate governance et le contrôle des risques. Cette<br />
volonté s’exprime en prévision de la libéralisation totale <strong>du</strong><br />
marché en 2007 et de l’ouverture à terme <strong>du</strong> compte de capital.<br />
Dès l’automne 2003, la CBRC a lancé des contrôles sur<br />
place. Ils ont pour objet de vérifier l’application des nouvelles<br />
normes comptables et des nouveaux objectifs de ré<strong>du</strong>ction des<br />
créances douteuses, qui sont désormais fixés en niveau et non<br />
plus en pourcentage de l’ensemble des prêts.<br />
Un second plan d’aide publique au système bancaire est mis<br />
(3) Néanmoins, l’application en parallèle de nouveaux critères prudentiels spécifiques<br />
(notamment des seuils de capitalisation exigés pour chaque filiale) amoindrit<br />
considérablement la portée pratique de ces engagements.<br />
16
Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />
S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />
en œuvre en janvier 2004. S’appuyant sur les 415,7 mds USD<br />
de réserves de change, les autorités recapitalisent la BOC et la<br />
CCB à hauteur de 45 mds USD. Elles renforcent simultanément<br />
le contrôle et les obligations des banques d’Etat : fin des<br />
contrats d’emploi à vie, obligations de résultat, intéressement<br />
au résultat, observation des ratios de solvabilité, fermeture des<br />
branches non rentables.<br />
UN MARCHÉ TYPÉ<br />
P arvenue à un stade intermédiaire de son développement,<br />
l’in<strong>du</strong>strie bancaire chinoise présente quatre caractéristiques<br />
essentielles.<br />
Un marché géographiquement fragmenté<br />
L’organisation de la banque chinoise réplique les fortes disparités<br />
régionales <strong>du</strong> pays. Elle s’est essentiellement développée<br />
dans les zones où la croissance économique a été la plus marquée,<br />
à savoir les provinces côtières de l’Est et <strong>du</strong> Sud. Sept<br />
de ces provinces, qui n’occupent que 14 % <strong>du</strong> territoire,<br />
regroupent 41 % de la population, reçoivent quelque 85 % des<br />
investissements directs étrangers, fournissent 89 % des exportations,<br />
sont responsables de 92 % des importations et comptent<br />
pour 58 % <strong>du</strong> PNB.<br />
Tournées vers les marchés mondiaux, ces régions sont dopées<br />
par les investissements étrangers et les capitaux locaux. Leur<br />
prospérité contraste avec les blocages socio-économiques et<br />
démographiques des régions intérieures et avec la marginalisation<br />
de l’Ouest qui garde cependant un intérêt stratégique<br />
majeur pour le pouvoir central. L’intérieur et l’Ouest, autrefois<br />
privilégiés grâce à de puissants transferts financiers et<br />
in<strong>du</strong>striels, subissent de plein fouet la refonte des in<strong>du</strong>stries<br />
d’Etat qui en constituent l’ossature. Les autorités ont affirmé<br />
leur volonté d’amoindrir ces disparités. L’un des enjeux<br />
majeurs de la banque sera d’accompagner cette politique économique<br />
en rééquilibrant la localisation de ses propres<br />
implantations.<br />
Un taux d’intermédiation élevé<br />
La Chine présente l’un des taux faciaux d’intermédiation les<br />
plus élevés <strong>du</strong> monde, puisque 90 % <strong>du</strong> financement se fait par<br />
les banques. En 2004, l’ensemble des crédits bancaires, hors<br />
ceux distribués depuis Hong Kong s’élevait à 2 068 mds USD.<br />
Cette activité place les banques <strong>chinoises</strong> loin derrière les<br />
japonaises, mais devant les coréennes et les indiennes. Le<br />
niveau des dépôts est parallèlement important et permet aux<br />
banques <strong>chinoises</strong> d’être extrêmement liquides.<br />
/...<br />
17
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
ENCOURS DE CRÉDITS BANCAIRES (2004, MDS USD)<br />
5 482<br />
2 068<br />
Chine<br />
448 364<br />
Corée<br />
Inde<br />
260 122 43,9<br />
Japon<br />
Hong Kong<br />
Malaisie<br />
441<br />
163 103 108<br />
Philippines<br />
Taiwan<br />
Thailande<br />
Singapour<br />
Indonésie<br />
Source : Mission économique française à Pékin, IFS, autorités nationales, estimations.<br />
Des banque commerciales tournées<br />
vers les entreprises d’Etat<br />
Conséquence de l’Histoire, les quatre grandes banques commerciales<br />
d’Etat sont la clef de voûte <strong>du</strong> système bancaire chinois.<br />
Elles détiennent quelque 55 % des actifs bancaires.<br />
RÉPARTITION DES ACTIFS BANCAIRES PAR TYPE DE BANQUE (%)<br />
Coopératives<br />
de crédit rurales<br />
Banques<br />
commerciales<br />
urbaines<br />
Banques étrangères<br />
Autres 1 %<br />
Banques de développement<br />
7 % 8 %<br />
10 %<br />
5 %<br />
Banques<br />
commerciales<br />
par actions<br />
14 %<br />
55 %<br />
Banques d’État<br />
Source : CRBC 2003, cité par CDC-IXIS<br />
Elles sont aussi la clef de voûte de l’attribution <strong>du</strong> crédit.<br />
Elles agissent prioritairement en faveur des entreprises d’État<br />
et les prêts bancaires remplacent les finances publiques<br />
comme outils de soutien. Bien que moins nombreuses ces dernières<br />
années, ces entreprises drainent en conséquence près<br />
des trois quarts de l’ensemble des crédits. Elles bénéficient<br />
également d’un accès privilégié aux marchés des fonds propres<br />
et des obligations.<br />
18
Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />
S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />
Cette situation révèle la persistance d’une longue tradition de<br />
crédit administré. Des années de comportements procé<strong>du</strong>raux,<br />
d’autorisations politiques et d’absence de contraintes de<br />
rentabilité ont <strong>du</strong>rablement marqué les organisations, jusqu’à<br />
créer ce que l’OCDE qualifie de « contre-culture <strong>du</strong> crédit ».<br />
Elle tient également aux collusions d’intérêts entre les dirigeants<br />
des banques et des entreprises publiques et les responsables<br />
locaux. Ces renvois d’ascenseur sont renforcés par la<br />
garantie, implicite ou perçue comme telle, d’une intervention<br />
publique en cas de défaillance.<br />
En l’absence d’amélioration de la gestion des engagements<br />
envers les entreprises d’État, les crédits qui leur sont octroyés<br />
sont susceptibles de former de nouvelles créances douteuses,<br />
en finançant des projets surcapacitaires et peu viables. Déjà<br />
vulnérable pour cause d’endettement élevé, la situation financière<br />
des entreprises d’Etat est en effet fragilisée par la proche<br />
maturité de la dette : 55 % des crédits distribués le sont à<br />
court terme. Devant cette situation bien connue, la Banque<br />
centrale a mis en place dès juin 2003 des mesures pour ralentir<br />
la progression des prêts, en particulier ceux destinés aux<br />
secteurs en surcapacité.<br />
Les entreprises non étatiques ne reçoivent, de leur côté,<br />
qu’une petite fraction des prêts des banques commerciales.<br />
Cette situation est aggravée dans les zones non côtières : principalement<br />
financés par la Banque agricole de Chine, les<br />
emprunts des entreprises de bourgs et de villages représentent<br />
moins de 3 % des engagements totaux des quatre banques<br />
commerciales d’État.<br />
Cette difficulté structurelle à accéder aux financements<br />
directs ou intermédiés préoccupe les PME-PMI <strong>chinoises</strong>. En<br />
effet, elles dépendent toujours très largement de l’autofinancement.<br />
Leur capital de départ est fourni par les fondateurs,<br />
les personnels d’origine et leur famille. Leurs investissements<br />
postérieurs sont financés sur ressources internes ou par<br />
recours à différents types d’institutions à la légalité plus ou<br />
moins assurée, telles que prêteurs sur gage ou fonds d’investissement<br />
boursiers et immobiliers (4) .<br />
Ce manque d’allant des banques envers les petites entités économiques<br />
tient à plusieurs facteurs. La concurrence limitée<br />
entre établissements, l’accent mis sur la ré<strong>du</strong>ction des<br />
/...<br />
(4) Le poids respectif des différentes sources de financement dépend évidemment de<br />
la taille de l’entreprise. À mesure qu’elle grandit, les sources internes tendent naturellement<br />
à perdre de leur importance tandis que les prêts des banques commerciales<br />
jouent un rôle grandissant. Celles-ci se placent aujourd’hui au second rang,<br />
après les bénéfices non distribués, comme source de capitaux des plus grandes entités<br />
relativement prospères.<br />
19
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... créances impro<strong>du</strong>ctives, la réglementation des taux d’intérêt (5)<br />
et des commissions, l’adoption par la Banque centrale d’un<br />
dispositif de « responsabilité indivi<strong>du</strong>elle » tenant les employés<br />
délivrant les crédits comme personnellement engagés par leur<br />
décision, sont autant de raisons dissuasives.<br />
Il tient également aux procé<strong>du</strong>res bancaires. Se plaignant souvent<br />
de la mauvaise qualité des projets présentés, les banques <strong>chinoises</strong><br />
sélectionnent les dossiers selon les garanties apportées et les relations<br />
personnelles au détriment de l’évaluation économique. Pour<br />
des raisons historiques, leurs grilles d’analyse se réfèrent en outre<br />
aux besoins supposés de l’entreprise d’Etat « moyenne ».<br />
Dans ces conditions, la constitution d’un dossier de demande de<br />
crédit est une opération complexe qui se transforme souvent en<br />
obstacle.<br />
Fréquemment, les entreprises privées sont en effet incapables<br />
de fournir les garanties financières exigées. Bien qu’en théorie<br />
un certain nombre d’actifs puissent être acceptés en garantie,<br />
il semble que les biens immobiliers soient, dans la pratique,<br />
les seuls à être pris en considération. Or, conséquence <strong>du</strong><br />
régime de propriété collective, beaucoup d’entreprises privées<br />
ne disposent pas encore des droits fonciers ou des immeubles<br />
susceptibles de constituer des sûretés.<br />
Autre handicap d’une particulière acuité, le défaut de transparence<br />
des entreprises privées <strong>chinoises</strong>. Parce qu’elles se sont développées<br />
dans un climat politique et économique incertain avec des règles<br />
qu’elles se donnaient elles-mêmes, les entreprises privées se sont<br />
entourées d’un mur d’opacité. Certaines se sont ainsi présentées<br />
comme entreprise collective ou entité étrangère pour être autorisées à<br />
fonctionner ou être mieux traitées par les autorités. D’où le manque<br />
d’information sur la propriété <strong>du</strong> capital et l’absence de structures de<br />
gestion qui se manifestent lors des demandes d’emprunt.<br />
Approche administrative des dossiers par les banques, opacité<br />
des entreprises, le dialogue banques-entreprises apparaît difficile.<br />
Des évolutions positives se dessinent néanmoins. Le gouvernement<br />
assouplit en effet progressivement la rigidité des<br />
taux d’intérêt pratiqués. En contrepartie, de récentes modifications<br />
de la législation comptable imposent à chaque entreprise<br />
in<strong>du</strong>strielle ou commerciale la tenue d’un seul jeu de<br />
(5) L’administration des taux d’intérêt permet aux banques de disposer d’un<br />
revenu minimum (le différentiel entre les taux débiteurs et créditeurs des dépôts est<br />
à son plus haut, soit à près de 2,5 %) dans un contexte de liquidités abondantes (les<br />
crédits représentent environ 70 % des dépôts et ce ratio continue à baisser). Par<br />
contre, elle ne leur donne pas les moyens de gérer efficacement leur portefeuille<br />
d’actifs. En particulier, les banques ne sont pas autorisées à augmenter leurs taux<br />
prêteurs dans une proportion suffisamment importante pour les inciter à prendre le<br />
risque PME-PMI.<br />
20
Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />
S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />
livres de comptes. De même, la Banque centrale exige l’inscription<br />
des entreprises emprunteuses sur un registre national.<br />
Une banque de détail balbutiante<br />
À défaut d’alternative, l’épargne domestique est captive <strong>du</strong> système<br />
bancaire. A fin avril 2004, la PBOC estimait l’ensemble<br />
des dépôts des institutions bancaires à 2 710 milliards USD.<br />
Le gouvernement s’appuie sur l’existence de cette masse de<br />
liquidités pour promouvoir sa politique de stimulation de la<br />
demande intérieure. Il encourage également les banques <strong>chinoises</strong>,<br />
en particulier les quatre grandes banques commerciales,<br />
à développer le crédit aux particuliers, que ce soit sous forme<br />
de crédit à l’habitat ou de crédit à la consommation. Les résultats<br />
ne se sont pas faits attendre. Inexistants il y a cinq ans,<br />
l’encours des prêts immobiliers, automobiles et électroménagers<br />
dépassait 120 mds USD dès 2003, soit plus de 8 % <strong>du</strong><br />
total des encours bancaires. En croissance d’environ 15 %, il<br />
est composé à 80 % de prêts à l’habitat.<br />
Le crédit à la consommation progresse quant à lui de près de<br />
50 % : dès 2001, il représentait 86 % des nouveaux prêts accordés<br />
par l’ICBC et 35 % de ceux accordés par les quatre<br />
« grandes ». Au total, le crédit bancaire aux particulier représente<br />
11 % <strong>du</strong> PIB.<br />
Cette croissance rapide est à double tranchant. Elle stimule la<br />
consommation intérieure mais, en l’absence d’un système de<br />
contrôle <strong>du</strong> risque de crédit au moins standardisé à l’échelle des<br />
provinces, elle expose les banques <strong>chinoises</strong> à un niveau élevé de<br />
défauts de paiement, notamment en matière de crédit automobile.<br />
Devenues plus méfiantes, les autorités envoient des signaux<br />
de prudence. Ainsi, le président de la CRBC exhorte depuis peu<br />
les banquiers chinois à « contenir et prévenir les prêts non performants<br />
en matière de crédit à la consommation ».<br />
Au total, la poursuite <strong>du</strong> développement de la banque de<br />
détail est conditionnée par une maîtrise réelle <strong>du</strong> risque et par<br />
l’émergence de couches socioprofessionnelles, urbaines et<br />
rurales, disposant de revenus d’un bon niveau et stables dans<br />
le temps (6) . D’où l’importance de la création de systèmes d’assurance,<br />
de protection sociale et de retraite.<br />
/...<br />
(6) Le Bureau des Statistiques de Pékin donnait les chiffres suivants pour 2003 : les revenus<br />
disponibles indivi<strong>du</strong>els moyens auraient été de 1 812 USD à Canton, 1 796 USD à Shanghai,<br />
1 677 USD à Pékin, 1 245,5 USD à Tianjin et 977,5 USD à Chongqing. Il s’agit ici <strong>du</strong><br />
« revenu disponible per capita » qui est, en principe, le revenu indivi<strong>du</strong>el moyen hors épargne<br />
longue, impôts et contributions obligatoires. C’est donc une mesure de pouvoir d’achat des<br />
citadins. Le concept n’est pas pertinent pour les ruraux qui ont un taux élevé d’autoconsommation.<br />
Asian Banker et Merril Lynch indiquent par ailleurs que la Chine compterait<br />
211 000 familles disposant en mars 2004 d’un patrimoine de plus d’un million USD.<br />
21
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... Une préoccupation vitale : que faire des créances<br />
douteuses ?<br />
Le secteur bancaire chinois serait aujourd’hui techniquement<br />
insolvable au regard des standards comptables internationaux.<br />
La raison en est connue puisqu’il s’agit des prêts non performants<br />
(PNP).<br />
Officiellement, l’encours de crédit des quatre grandes banques<br />
d’Etat comportait 21,6 % de prêts non performants à fin<br />
2003, soit 233 mds USD ou 16,5 % <strong>du</strong> PIB. La situation des<br />
Caisses rurales est encore plus dégradée : plus <strong>du</strong> tiers de leurs<br />
crédits sont irrécouvrables. Moins lourdement chargées mais<br />
plus petites, les banques commerciales urbaines comptent<br />
néanmoins 10 à 20 % de créances douteuses. À ces montants<br />
s’ajoutent les créances détenues par les autorités de défaisance.<br />
Au total, les PNP formellement recensés représentent plus de<br />
30 % <strong>du</strong> PIB. Officieusement, les estimations sont encore plus<br />
alarmantes puisqu’elles doublent quasiment les chiffres.<br />
CRÉANCES DOUTEUSES DES QUATRE GRANDES BANQUES<br />
COMMERCIALES D’ÉTAT, FIN 2003<br />
Montant<br />
(milliards $)<br />
% prêts % PIB<br />
Bank of China 42,8 16,3 3,0<br />
China Construction Bank 23,5 9,3 1,7<br />
In<strong>du</strong>strial and Commercial Bank of China 87, 6 21,5 6,2<br />
Agricultural Bank of China 79,5 24-27 5,6<br />
Total prêts non performants des 4 banques d’État 233,4 20,4 16,5<br />
Source : CRBC, bilan des banques, cité par CDC-IXIS<br />
Le problème de ces créances douteuses est pris en charge par<br />
les autorités publiques depuis 1999, mais avec un résultat<br />
mitigé. Cette année-là, le système de qualification des prêts<br />
non performants a été modifié. Auparavant répartis en quatre<br />
catégories fondées sur des critères temporels, les prêts sont<br />
désormais classés selon une échelle de risque de non-remboursement<br />
par l’emprunteur.<br />
Toujours en 1999, une partie des créances portées par les<br />
quatre grandes banques commerciales, et compromises par les<br />
mauvaises performances des entreprises d’Etat, ont été transférées<br />
à autant de structures de défaisance rattachées à ces<br />
banques.<br />
Depuis 2000, le montant global des créances douteuses a tendance<br />
à baisser, les banques affectant une part plus importante<br />
de leurs résultats à l’effacement des mauvais prêts. La<br />
règle <strong>du</strong> ministère des Finances limitant les provisions à 1 %<br />
des encours a en effet été abolie et les banques peuvent désormais<br />
provisionner à hauteur de la totalité de leurs profits.<br />
22
Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />
S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />
Ainsi, les banques ICBC et ABC consacrent plus de la moitié<br />
de leurs résultats à ré<strong>du</strong>ire leurs stocks de PNP.<br />
Le FMI constate cependant que la fiscalité actuelle handicape<br />
lourdement les banques, l’impôt qu’elles acquittent étant assis<br />
sur les intérêts bruts perçus et non pas sur les bénéfices. De<br />
même, elle n’incite pas au provisionnement des PNP, ce dernier<br />
n’étant pas dé<strong>du</strong>ctible.<br />
Au total, ces deux facteurs freinent la mise en place des<br />
mesures d’apurement et suscitent des interrogations sur l’amélioration<br />
effective des bilans bancaires. Les premiers résultats<br />
des contrôles sur place de la CBRC sont donc atten<strong>du</strong>s avec<br />
impatience, de même que les sanctions qu’elle serait amenée à<br />
prendre. Ses conclusions seront d’autant plus importantes que<br />
les autorités <strong>chinoises</strong> ont exprimé la volonté de faire baisser<br />
significativement la part des prêts non-performants (7) . A stock<br />
constant, ce rythme con<strong>du</strong>it cependant à un traitement d’au<br />
moins dix années.<br />
Les mesures à l’œuvre ne permettent donc pas une résorption<br />
rapide des prêts non performants existants. Par ailleurs, l’aléa<br />
moral qui pèse sur les banques et les pratiques actuelles de<br />
distribution <strong>du</strong> crédit alimentent le stock déjà constitué. Le<br />
pouvoir des banques pour apprécier leurs risques de crédit et<br />
décider librement de leurs engagements est en effet limité,<br />
compte tenu de la faiblesse des informations financières dont<br />
elles disposent sur leurs emprunteurs et <strong>du</strong> financement<br />
obligé des entreprises d’Etat. Leur capacité à se faire rembourser<br />
est également obérée par les tergiversations des dirigeants<br />
chinois à réviser une loi sur les faillites inadaptée aux mutations<br />
<strong>du</strong> secteur d’Etat.<br />
Cette réticence à traiter à fond les relations entre débiteurs et<br />
prêteurs illustre la complexité des interactions entre réforme<br />
financière et processus de transition. La fermeture des usines<br />
fonctionnant à perte arrêterait le flux de PNP. Elle montrerait<br />
également aux autres entreprises, publiques ou privées, qu’il n’y<br />
a pas de dérogations possibles aux règles de droit. Mais, comme<br />
on le sait, cette décision est conditionnée par la capacité <strong>du</strong><br />
Fonds de sécurité sociale à prendre à sa charge les obligations<br />
sociales jusqu’alors assumées par les entreprises publiques.<br />
Enfin, la mise en faillite rapide des entreprises d’État non rentables<br />
impliquerait la recapitalisation immédiate des banques. /...<br />
(7) Selon China Daily <strong>du</strong> 21 mai 2004, les AMC devraient à nouveau se voir transférer<br />
140 mds RMB de créances douteuses provenant de la BOC et 56,9 mds RMB<br />
provenant de la CCB. Il s’agirait d’un premier pas. L’accord de transfert comporterait<br />
un taux minimum de recouvrement. Le ministère des Finances a de plus ajouté<br />
à l’accord l’obligation pour les AMC de mettre en place des mécanismes de contrôle<br />
des risques.<br />
23
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... ASSAINIR LE MARCHÉ<br />
La résorption des créances douteuses et le développement <strong>du</strong><br />
marché des entreprises privées supposent que les trois acteurs<br />
concernés, les entreprises elles-mêmes, les banques et l’État,<br />
clarifient les règles <strong>du</strong> jeu.<br />
Du côté des entreprises privées, leur accès au financement<br />
externe, intermédié ou non, exige la transparence de leurs<br />
comptes et de leur structure de capital.<br />
De leur côté, les pouvoirs publics auraient à promouvoir des<br />
conditions d’accès efficaces et à donner aux banques des raisons<br />
de prêter au secteur privé. La poursuite de la libéralisation<br />
des taux d’intérêt commerciaux y contribuerait. Elle permettrait<br />
en effet une meilleure discrimination des<br />
emprunteurs en fonction des risques qu’ils présentent et une<br />
meilleure allocation des ressources en fonction de leur projet.<br />
La plus grande présence de banques privées, domestiques ou<br />
étrangères, serait également bienvenue. La structure de propriété<br />
<strong>du</strong> secteur réel, qui comprend de plus en plus d’acteurs<br />
privés, ne correspond pas en effet à celle <strong>du</strong> secteur financier,<br />
essentiellement public. Un rééquilibrage placerait les relations<br />
banques-entreprises sur des bases plus objectives.<br />
Comme le montre l’expérience, les nouveaux entrants bancaires<br />
auraient alors tendance à focaliser leurs efforts sur les<br />
segments de marché négligés, en particulier la petite entreprise<br />
et l’entreprise nouvelle, et à le faire de manière novatrice.<br />
Il va de soi que leur réussite passe par un « business<br />
model » parfaitement maîtrisé. En ce qui concerne les revenus,<br />
il leur faudra imposer la perception de commissions bancaires,<br />
puisque les crédits aux sociétés privées, souvent jeunes et de<br />
petite taille, entraînent des coûts de transaction unitaires élevés.<br />
En ce qui concerne les risques, il leur faudra acquérir une<br />
culture adaptée et ne pas prendre d’affaires insuffisamment<br />
documentées.<br />
L’essor <strong>du</strong> marché des entreprises passe enfin par la création<br />
d’alternatives au crédit bancaire, telles que le crédit-bail et<br />
l’affacturage. Ces deux dispositifs sont actuellement sousdéveloppés<br />
: la réglementation ne place pas en effet le créditbail<br />
sur un pied d’égalité avec les autres sources de financement,<br />
les arriérés de loyers sont monnaie courante et les<br />
normes comptables ne sont pas limpides. Leur développement<br />
permettrait pourtant de moderniser les relations inter-entreprises<br />
et d’améliorer l’information financière : l’intervention<br />
de factors obligerait en effet les acheteurs comme les fournisseurs<br />
à présenter des comptes vérifiables.<br />
Dans cette perspective, il faut relever les améliorations juridiques<br />
récemment intervenues dans le droit chinois des<br />
24
Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />
S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />
contrats, qui traite pour la première fois des principes fondamentaux<br />
des locations-acquisitions. Pour autant, une loi portant<br />
spécifiquement sur le crédit-bail reste toujours nécessaire.<br />
En ce qui concerne l’affacturage, le nouveau code<br />
permet d’attribuer des droits contractuels indépendamment<br />
de la prise en charge des obligations correspondantes et sans<br />
le consentement <strong>du</strong> débiteur. Cette mesure pourrait stimuler<br />
la mobilisation de créances.<br />
Un pari à haut risque<br />
Les autorités <strong>chinoises</strong> font ainsi le pari que des règles de<br />
droit plus modernes associées à une croissance forte rendront<br />
secondaire le problème des créances douteuses. À leurs yeux,<br />
le développement économique permet d’alléger le stock de<br />
prêts douteux hérité <strong>du</strong> passé, il n’y a donc aucune justification<br />
à sacrifier la croissance au profit d’un assainissement<br />
immédiat des banques. De même, le <strong>du</strong>rcissement des<br />
contrôles permet de limiter la constitution de nouvelles<br />
créances irrécouvrables. Ce schéma peut être qualifié d’idéal<br />
car il suppose un entraînement vertueux : la modernisation de<br />
la banque se fait au service des objectifs économiques <strong>du</strong> pays.<br />
En retour, la réalisation de ces objectifs donne à la banque les<br />
moyens de se développer.<br />
Pourtant, les sources de risques se multiplient : spéculation<br />
immobilière, bancarisation de nouvelles couches de la population,<br />
soutien financier à de « jeunes pousses », apprentissage de<br />
nouvelles techniques, conquête de nouvelles régions, ouvertures<br />
de nouveaux équipements... D’autres évolutions, plus explosives,<br />
doivent donc être envisagées. Leur point commun : un<br />
arrêt plus ou moins brutal de la croissance chinoise con<strong>du</strong>isant<br />
à des difficultés déjà rencontrées sous d’autres cieux. La Chine<br />
peut ainsi se trouver confrontée à un scénario à la japonaise, à<br />
la coréenne, à l’indonésienne, ou encore à la brésilienne.<br />
À la japonaise<br />
Flamboyant jusqu’à l’exposition universelle de Shanghai de<br />
2010, le développement s’étiole et débouche sur une décennie<br />
de stagnation. L’enchaînement de ce scénario pourrait être le<br />
suivant. L’apurement des malfaçons de la croissance (népotisme,<br />
mauvaise allocation des ressources...) n’est pas réalisé<br />
pendant la phase ascendante <strong>du</strong> cycle. Les problèmes non traités<br />
s’accumulent, tels le stock de créances irrécouvrables, la<br />
valorisation excessive des actifs, l’emprise de la corruption.<br />
Devenus trop importants, ils plombent la croissance. La<br />
Chine adopte une stratégie « douce » de résolution de la crise<br />
pour ne brutaliser ni les responsables ni le tissu social. Elle vit /...<br />
25
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... sur ses acquis pendant plusieurs années, se transforme de<br />
manière souterraine mais lente, avant de repartir grâce à ces<br />
évolutions.<br />
À la coréenne<br />
La Chine se brûle les doigts avec les nouveaux services et pro<strong>du</strong>its<br />
bancaires. Côté crédit, les risques ne sont pas correctement<br />
margés, les procé<strong>du</strong>res d’exécution sont inopérantes. Par<br />
mimétisme et compétition, les banques locales offrent des<br />
pro<strong>du</strong>its similaires à ceux des banques étrangères, mais sans<br />
en posséder la technicité. L’emballement des cartes de crédit<br />
nécessite la mise en place de fichiers emprunteurs, ajournée<br />
pour des motifs techniques et de guerre des prix. L’intro<strong>du</strong>ction<br />
des prêts immobiliers rend les ménages sensibles aux<br />
chocs socio-économiques (changement d’emploi, mobilité<br />
géographique...) et de taux d’intérêt. Les groupes in<strong>du</strong>striels,<br />
bâtis à coups d’effet de levier, étouffent sous la dette au<br />
moindre retournement. Côté épargne, les investisseurs, après<br />
avoir massivement placé, se précipitent alors pour retirer leurs<br />
dépôts. L’état d’urgence bancaire est décrété. Les opérations<br />
sont suspen<strong>du</strong>es.<br />
À l’indonésienne<br />
Scellée dans la corruption, l’alliance entre les pouvoirs locaux<br />
et centraux, les milieux chinois des affaires, dont la diaspora,<br />
et certains intérêts étrangers ne peut faire face à la faillite <strong>du</strong><br />
monde rural. Le pacte d’indifférence au despotisme politique<br />
et à la criminalité est rompu par la population, l’absence de<br />
retombée économique ne le légitimant plus. Le régime s’effondre<br />
dans la douleur.<br />
À la brésilienne<br />
La Chine demeure l’éternelle puissance montante, avant de se<br />
révéler incapable de tenir sa promesse. La société est divisée,<br />
ten<strong>du</strong>e, chaotique. Des poches de richesse extraordinaire<br />
nourrissent l’activité des banques « off shore » mais le pays<br />
26
Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />
S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />
reste globalement pauvre et instable. La prospérité n’est pas<br />
au rendez-vous.<br />
À QUEL SCÉNARIO CROIRE ?<br />
D éveloppement maîtrisé <strong>du</strong> système bancaire chinois ou<br />
incapacité à absorber les tensions inévitables ? À son actif, il<br />
faut constater qu’il a bien résisté aux crises financières <strong>du</strong> précédent<br />
millénaire et que lui-même n’a pas généré de désordre.<br />
À son passif, il faut compter l’importance des tensions structurelles<br />
accumulées.<br />
Pour juger la plausibilité des scénarios, il est cependant difficile<br />
de calquer les « business models » usuels sur le cas chinois. Ce<br />
dernier pose en effet des problèmes auxquels la communauté<br />
bancaire internationale, collectivement ou indivi<strong>du</strong>ellement,<br />
n’a jamais été confrontée. Chiffrons en effet le changement<br />
d’univers auquel nous assistons : si elles croissent de 20 % par<br />
an, les exportations <strong>chinoises</strong> s’élèveront à 2 700 milliards<br />
USD en 2013, soit dans moins de neuf ans, alors que les Etats-<br />
Unis exportent actuellement « seulement » 700 milliards USD<br />
par an. Donnons un autre élément d’appréciation : le FMI<br />
estime qu’il devra mobiliser, pour ce qui le concerne, 240 milliards<br />
USD pour aider la Chine en cas de crise financière au<br />
cours de la prochaine décennie.<br />
De telles perspectives montrent que l’avenir de la banque chinoise<br />
est une question systémique. Qu’elle réussisse à accompagner<br />
ce développement <strong>du</strong> commerce extérieur, et c’est la<br />
hiérarchie de la finance internationale qui est bouleversée.<br />
Qu’elle échoue, et c’est l’économie mondiale qui devra trouver<br />
de nouvelles voies de croissance.<br />
Ainsi, la réponse à la question « développement maîtrisé <strong>du</strong><br />
système bancaire chinois ou incapacité à absorber les tensions<br />
inévitables ? » se trouve non seulement à Beijing mais aussi<br />
dans les enceintes financières internationales qui devront<br />
décider, le moment venu, si elles veulent et peuvent aider la<br />
Chine à surmonter ses éventuelles difficultés bancaires.<br />
27
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
Les banques étran<br />
LES ÉTABLISSEMENTS BANCAIRES ÉTRANGERS ENTENDENT<br />
ÊTRE PRÉSENTS EN CHINE. MAIS LA LÉGISLATION RESTE<br />
CONTRAIGNANTE ET LA PART DE MARCHÉ DES OCCIDENTAUX MARGINALE<br />
Fin 2003, on comptait 62 banques étrangères en<br />
Chine, disposant de 191 succursales, auxquelles s’ajoutaient<br />
211 bureaux de représentation.<br />
De juin 2003 à juin 2004, les actifs des banques étrangères<br />
ont bondi à 85 milliards de yuans. Pour autant,<br />
leur part de marché globale reste marginale : de 1 % à<br />
3 % selon les banquiers, dont la moitié pour HSBC et<br />
Citigroup.<br />
En adhérant à l’OMC, la Chine s’est engagée à ouvrir<br />
progressivement dans le temps et dans l’espace son<br />
marché bancaire. Un calendrier d’élargissement progressif<br />
des activités autorisées aux banques étrangères<br />
a ainsi été arrêté par la Banque centrale (PBOC). Il<br />
con<strong>du</strong>ira à la levée de toute restriction géographique<br />
ou de clientèle en janvier 2007.<br />
TABLEAU 1<br />
LEVÉE DES RESTRICTIONS GÉOGRAPHIQUES<br />
Les opérations en monnaie locale vers les entreprises<br />
sont ou seront autorisées pour les banques<br />
étrangères selon le calendrier suivant :<br />
Depuis l’accession Shanghai, Shenzhen, Tianjin et Dalian<br />
OMC de 2001<br />
Depuis fin 2002 Guangzhou, Zhuhai, Qingdao,<br />
Nanjing et Wuhan<br />
Depuis fin 2003 Jinan, Fuzhou, Cheng<strong>du</strong> et Chongqing<br />
Fin 2004 Kunming, Beijing et Xiamen<br />
À partir de Shantou, Ningbo, Shenyang et Xian<br />
la fin 2005<br />
TABLEAU 2<br />
CHAMP ACTUEL DES CLIENTÈLES ET<br />
OPÉRATIONS OUVERT AUX BANQUES ÉTRANGÈRES<br />
Entreprises<br />
Particuliers<br />
Chinoises Étrangères<br />
Étrangers<br />
Chinois<br />
en Chine<br />
en Chine<br />
Opérations<br />
en devises<br />
Oui<br />
Opérations Oui Non<br />
en RMB (selon levée des (à partir<br />
restrictions de décembre 2006<br />
géographiques selon engagements<br />
ci-dessus)<br />
OMC)<br />
La clientèle des particuliers est exclue <strong>du</strong> champ jusqu’en<br />
décembre 2006. À cette date, toutes les restrictions<br />
géographiques et de clientèle devront être levées.<br />
• Les banques étrangères pourront créer leur réseau<br />
d’exploitation dans n’importe quelle ville et fournir des<br />
services à tous les clients chinois sans distinction. Les<br />
formalités d’approbation seront identiques à celles des<br />
banques <strong>chinoises</strong>.<br />
• Toutes les restrictions concernant le droit de propriété,<br />
le droit d’exploitation, ainsi que la forme d’installation<br />
des banques étrangères, disparaîtront.<br />
• La création d’institutions financières étrangères non<br />
bancaires accordant des prêts à la consommation sera<br />
autorisée. Elles jouiront des mêmes traitements que<br />
leurs homologues chinois.<br />
• Les banques étrangères pourront également octroyer<br />
des prêts aux particuliers chinois.<br />
• Les sociétés étrangères de leasing pourront fournir<br />
leurs services comme les sociétés <strong>chinoises</strong>.<br />
Aujourd’hui, les banques étrangères souffrent toujours<br />
des restrictions de la réglementation locale qui nécessite<br />
l’octroi d’une licence pour chaque activité, chaque<br />
succursale et chaque ville. On touche ici à l’ambiguïté<br />
de la stratégie d’ouverture des autorités <strong>chinoises</strong>, la<br />
promulgation d’un « règlement sur les institutions<br />
financières étrangères » ayant en 2002 partiellement<br />
remis en cause l’esprit des accords OMC, tout en en<br />
conservant la lettre. Certaines barrières réglementaires<br />
ont ainsi été renforcées :<br />
• Capital minimum requis de 500 millions RMB pour le<br />
périmètre d’activité autorisé le plus large.<br />
• Restriction <strong>du</strong> refinancement en devises : la SAFE,<br />
organisme de contrôle des changes, impose depuis<br />
juin 2004 aux banques étrangères opérant en Chine un<br />
ratio de dette à court terme en devises limité à cinqfois<br />
leur capital enregistré.<br />
•Instauration d’un délai d’une année entre deux ouvertures<br />
de succursales par une même banque étrangère ;<br />
•Enfin, toute banque étrangère doit également déposer<br />
30% de son fonds de roulement à la Banque centrale,<br />
avoir un ratio de solvabilité supérieur à 8 % y<br />
compris en RMB, et ses dépôts en devises de source<br />
chinoise ne doivent pas dépasser 70 % de l’ensemble<br />
de son actif en devises.<br />
Dans ce contexte, quelques grands groupes étrangers<br />
se distinguent. Déjà présents dans la banque de gros,<br />
HSBC et Citigroup affichent ainsi leur volonté de se<br />
développer dans la banque de détail et dans les services<br />
financiers aux particuliers chinois.<br />
HSBC est d’ores et déjà implantée à Pékin, Shanghai,<br />
Hong Kong, Canton, Shenzhen, Tianjin Dalian, Quigdao,<br />
Wuhan, Xiamen, Cheng<strong>du</strong> et Chongquing, soit un<br />
réseau couvrant la zone côtière mais aussi des régions<br />
que les autorités entendent développer. Elle a acquis<br />
cet été 19,9 % <strong>du</strong> capital de la Banque de la Communication,<br />
pour un montant en numéraire de 1,7 mds<br />
USD. Cette opération représente la plus importante<br />
<br />
28
Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />
S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />
gères en Chine<br />
<br />
prise de participation dans un établissement de crédit<br />
en Chine continentale par une banque étrangère. Elle<br />
détient également 9,9 % <strong>du</strong> capital de Ping An, société<br />
mère <strong>du</strong> 2 e assureur-vie et 3 e assureur non vie chinois.<br />
Via la Hang Seng Bank, elle est enfin actionnaire d’établissements<br />
provinciaux.<br />
Cette stratégie de pénétration <strong>du</strong> marché de détail est<br />
aussi caressée par Standard Chartered, qui vient par<br />
exemple de reprendre pour 105 millions d’euros un<br />
spécialiste de crédit à la consommation basé à Hong<br />
Kong.<br />
Du côté des banques françaises, BNP Paribas a récemment<br />
déclaré cibler également ce segment d’activités.<br />
Elle est déjà présente dans la gestion d’actifs, au travers<br />
d’une joint venture avec Shenyin & Wango.<br />
A noter que la Société générale s’est, quant à elle, associée<br />
avec le groupe sidérurgique Baosteel pour pénétrer<br />
le marché de la gestion d’actifs.<br />
Source : Mission économique française à Pékin, divers rapports et communiqués, China and World economy.<br />
LES PARTICIPATIONS ÉTRANGÈRES DANS LES BANQUES CHINOISES (2004)<br />
Les institutions étrangères sont encouragées à entrer au capital des banques locales, dans des limites<br />
indivi<strong>du</strong>elles et collectives bien définies : 20 % maximum par investisseur, 25 % maximum pour<br />
l’ensemble d’un pool.<br />
Banques <strong>chinoises</strong><br />
Institutions<br />
financières étrangères<br />
Transaction<br />
Nanking Commercial International Finance Nov. 2001 IFC acquiert 15 % <strong>du</strong> capital pour 27 Ms<br />
Bank Corporation (IFC) USD<br />
Bank of Shanghai Hong Kong et Shanghai Déc. 2001 HSBC acquiert 8 % <strong>du</strong> capital. Parts détenues<br />
Banking Corp, Ltd (HSBC)<br />
par les investisseurs étrangers (incluant<br />
HSBC, IFC et autres) = 18 % <strong>du</strong> capital<br />
Shanghai Pudong Citigroup Août 2002 Citigroup acquiert 4,6 % <strong>du</strong> capital<br />
Development Bank<br />
pour 67 Ms USD. Sa participation a<br />
augmenté de 5 % en 2003<br />
Xi’an Commercial IFC, Royal Bank of Sept. 2002 IFC a acquis 12,5 % <strong>du</strong> capital et RBC 12,4 %.<br />
Bank Canada (RBC) Ceci est la 1 re acquisition réalisée par une<br />
institution étrangère dans le capital d’une<br />
banque chinoise <strong>du</strong> nord-ouest <strong>du</strong> pays.<br />
Nanchong DEG, filiale de KFW Janv. 2003 1 re acquisition réalisée par une institution<br />
Commercial Bank<br />
étrangère dans le sud-ouest <strong>du</strong> pays.<br />
China Minsheng IFC Nov. 2003 IFC acquiert 1,6 % des parts.<br />
Banking Corp, Ltd<br />
Fujian In<strong>du</strong>strial Hang Seng Bank, IFC, Déc. 2003 La plus importante acquisition réalisée<br />
Bank Corp, Ltd Singapore Investment par des institutions étrangères à 24,98 %.<br />
Corp.<br />
Montant de l’opération le plus important.<br />
Ping An Bank HSBC, (avec assureur Mars 2004 HSCB et Pin An prennent le contrôle de<br />
local Ping An)<br />
Fujian Asian Bank et fonde Ping An Bank.<br />
Cette dernière prévoit de devenir une<br />
banque locale en 2007.<br />
Shenzhen Newbridge Asia, Mai 2004 Newbridge prévoit d’acquérir 17,9 %<br />
Development AIV III, LP <strong>du</strong> capital, auparavant détenu par<br />
Bank (SDB)<br />
4 actionnaires étatiques et de devenir<br />
l’actionnaire le plus important.<br />
Fin octobre 2004, Newbridge obtient l’aval<br />
de la SASAC pour acquérir cette part et<br />
pour 145 millions UDS.<br />
Bank of HSBC Eté 2004 Acquisition de 19,9 % des parts.<br />
Communication<br />
29
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
30
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
L’assurance renaît<br />
en Chine<br />
SERGE OPPENCHAIM<br />
ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE SA<br />
Assiste-t-on à la naissance d’un marché de l’assurance en<br />
Chine ? La réponse est « oui » au regard de la progression<br />
exceptionnelle et continue sur près d’un quart de siècle des<br />
primes collectées. La réponse est également positive si l’on<br />
observe l’évolution, gra<strong>du</strong>elle, de la réglementation ou<br />
encore les promesses d’ouverture <strong>du</strong> secteur souscrites lors<br />
de l’entrée de la Chine dans l’OMC.<br />
La progression <strong>du</strong> secteur de l’assurance est particulièrement<br />
spectaculaire en Chine. De 60 millions de dollars en 1979, la<br />
collecte des primes d’assurance a atteint 47 mds USD en<br />
2003, soit un montant qui se rapproche à grands pas de celui<br />
généré par le marché coréen. Ces performances, les progrès de<br />
la réglementation, les prévisions d’ouverture en font aujourd’hui<br />
un secteur clé de la croissance nationale.<br />
Pour autant, cette naissance n’est pas facile. Le secteur<br />
demeure opaque et certainement gangrené par des pratiques<br />
douteuses. Les malversations révélées à la suite de la cotation<br />
de China Life en Bourses de Hong Kong et de New York en<br />
témoignent. Le secteur est également fragilisé par des erreurs<br />
techniques, telles la distribution de contrats à rendement<br />
garanti con<strong>du</strong>isant à des marges négatives.<br />
Des assureurs étrangers ont décidé de parier sur ce potentiel<br />
et sur la résorption des risques liés à l’arriération actuelle <strong>du</strong><br />
marché. Leurs raisons sont aussi bien historiques que prospectives.<br />
Avant la Seconde guerre mondiale, la Chine était en<br />
effet un très grand pays de l’assurance ouvert aux opérateurs<br />
étrangers. L’adaptant au contexte et aux hommes actuels, une<br />
compagnie comme AIG joue maintenant à plein de la<br />
connaissance <strong>du</strong> monde chinois qu’elle a alors acquise et<br />
qu’elle n’a cessé d’entretenir depuis Hong Kong. /...<br />
31
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
Quant aux compagnies trop jeunes pour avoir travaillé sous<br />
l’ancien régime, leur stratégie peut se schématiser ainsi :<br />
« L’assurance est un métier de long terme, ne se prêtant guère<br />
aux opérations opportunistes. Un assureur doit donc être capable<br />
de traverser plusieurs cycles : quel que soit le moment choisi pour<br />
entrer sur un marché, il aura en effet à affronter des périodes<br />
d’activités favorables, et des périodes défavorables. Concernant le<br />
marché chinois, autant s’y installer à son ouverture, de manière<br />
prudente, pour participer à sa structuration. » De leur côté, les<br />
autorités <strong>chinoises</strong> profitent de la rivalité entre compagnies<br />
étrangères soucieuses d’obtenir une licence et elles restent<br />
maîtresses des modalités et <strong>du</strong> rythme d’ouverture <strong>du</strong> marché.<br />
Le scénario le plus probable est donc celui d’un développement<br />
contrôlé de l’assurance, même si des accidents comme<br />
ceux de China Life ne sont pas à exclure. Ni thérapie de choc<br />
« à la russe », ni ouverture totale « à la polonaise » : l’assurance<br />
chinoise cherche à inventer sa propre voie.<br />
UN POTENTIEL DE CROISSANCE ÉLEVÉ<br />
En 2003, les primes vie et non-vie <strong>chinoises</strong> se sont élevées à<br />
46,9 mds USD, contre 37 mds USD en 2002. Cette collecte<br />
représente une part de marché mondiale de 1,6 % contre<br />
1,4 % l’année précédente. En comparaison, la Corée a collecté<br />
aux mêmes époques 59,7 mds USD et 56,7 mds USD, soit<br />
une part de marché passant de 2,11 % à 2,03 % (1) .<br />
L’assurance-vie est le véritable moteur de cette progression :<br />
elle est passée de 25,2 mds USD à 32,4 mds USD, soit, calculée<br />
en monnaie d’origine et corrigée de l’inflation, une croissance<br />
ces deux dernières années de 27,2 % et de 60,5 %. La<br />
branche « dommages » n’est pas en reste : elle est passée de<br />
11,8 mds USD à 14,5 mds USD, signant une croissance de<br />
21,6 %.<br />
Cette performance est largement supérieure à la fois à celle de<br />
l’économie chinoise dans son ensemble, ce qui renforce l’attrait<br />
<strong>du</strong> secteur, et à celle de l’assurance dans les autres pays.<br />
Les secteurs de l’assurance des pays « mûrs » ont en effet augmenté<br />
de l’ordre de 3 %, comme aux États-Unis et en Allemagne,<br />
à 8 % comme au Canada et en Italie, quand ils ne<br />
reculaient pas comme en Espagne et au Royaume-Uni. Ceux<br />
des pays émergents ont connu des rythmes de développement<br />
allant de – 12 % en Afrique <strong>du</strong> Sud à 22 % en Egypte.<br />
Fait remarquable, les perspectives de rattrapage <strong>du</strong> marché<br />
chinois de l’assurance sont <strong>du</strong> même ordre de grandeur statistique<br />
que celles observées dans des pays de l’Europe centrale<br />
(1) Nous remercions la Suisse de Ré pour ces données et les suivantes.<br />
32
L’assurance renaît en Chine<br />
S E R G E O P P E N C H A I M<br />
ou <strong>du</strong> bassin méditerranéen. Mesuré en pourcentage <strong>du</strong> PIB,<br />
le poids économique de l’assurance est en effet de 3,33 % en<br />
Chine, dont 2,30 % en vie et 1,03 % en non-vie, tandis<br />
qu’elle se situe par exemple à 3,02 % en Pologne, dont 1,12 %<br />
en vie et 1,90 % en non-vie. De même, le montant de primes<br />
par habitant est en moyenne de 36,3 USD en Chine, dont<br />
25,1 USD pour l’assurance-vie et 11,2 USD pour l’assurance<br />
dommages, à comparer avec les 42,8 USD par habitant au<br />
Maroc, se répartissant en 12 USD pour la vie et 30,8 USD<br />
pour les dommages.<br />
UN SECTEUR STRATÉGIQUE POUR LE PAYS<br />
Comme dans tous les pays, et plus encore dans les pays en<br />
voie de développement, l’assurance concentre des responsabilités<br />
stratégiques. À elle, en effet, de participer au financement<br />
de l’économie, de contribuer à la transformation sociale<br />
<strong>du</strong> pays en proposant des mécanismes de protection se substituant<br />
aux interventions étatiques, d’œuvrer à la stabilité en<br />
justifiant la confiance des épargnants chinois. À elle aussi de<br />
permettre l’insertion de la Chine dans le système financier<br />
international.<br />
Au regard de ces objectifs, le bilan est contrasté.<br />
• La croissance <strong>du</strong> marché, extrêmement sé<strong>du</strong>isante,<br />
demeure concentrée sur les zones côtières.<br />
Près des deux tiers de l’activité sont en effet réalisés dans dix<br />
régions, dont les six régions côtières représentant 350 millions<br />
d’habitants, soit un quart de la population chinoise.<br />
Ainsi, les régions de Beijing ou de Shanghai représentent chacune<br />
8,5 % <strong>du</strong> marché de l’assurance-vie et 5,8 % de celui de<br />
l’assurance dommages. Autre illustration de ces disparités, le<br />
montant moyen de cotisation par habitant : il varie de 116 Renminbi<br />
dans le Sichuan à 1 785 Renminbi à Shanghai et Beijing,<br />
c’est-à-dire de 14 USD à 210 USD.<br />
• Le marché est dominé par l’assurance-vie.<br />
On l’a vu, l’assurance-vie représente depuis quelques années<br />
plus des deux tiers de l’activité totale. En 1990, les proportions<br />
étaient inverses. Plusieurs facteurs expliquent ce retournement<br />
: l’augmentation des revenus des ménages, la réforme<br />
des systèmes de protection sociale, la crainte des habitants<br />
face au risque d’épidémies telles la pneumonie atypique... On<br />
peut également y voir le fruit <strong>du</strong> lancement de nouveaux pro<strong>du</strong>its<br />
et de l’arbitrage réalisé par des épargnants constatant la<br />
faible rémunération des dépôts bancaires. Par contre, les compagnies<br />
ont engrangé un nombre important de contrats à ren-<br />
/...<br />
33
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
dement garanti, d’où un risque de marge négative sur leurs<br />
portefeuilles, à l’image de ce que connaissent leurs homologues<br />
japonaises.<br />
Les perspectives de l’assurance dommages demeurent cependant<br />
prometteuses. L’exemple des pays de l’Est confirme en<br />
effet que la diffusion de la propriété privée, celle <strong>du</strong> logement<br />
comme celle de l’automobile, incite les particuliers à s’assurer.<br />
Ce phénomène pourrait s’accentuer avec la volonté des autorités<br />
d’accélérer l’urbanisation de leur pays.<br />
• Trois acteurs contrôlent chacune des branches.<br />
Le marché est entièrement aux mains des compagnies nationales<br />
: il y en a neuf en assurance-vie et treize en non vie.<br />
Paradoxalement plus nombreuses, les étrangères réalisent<br />
moins de 2 % de l’activité.<br />
En assurance-vie, trois acteurs domestiques dominent la situation<br />
en détenant 87 % <strong>du</strong> marché. China Life diffuse 51 %<br />
des pro<strong>du</strong>its indivi<strong>du</strong>els et 18 % des pro<strong>du</strong>its collectifs, Ping<br />
An 18 % et 44 %, China Pacific Life CPIC, enfin, 9 % et<br />
21 %.<br />
En assurance dommages, PICC contrôle 68 % <strong>du</strong> marché,<br />
China Pacific Property Insurance CPIC 13 % et Ping An P&C<br />
10 %, soit 91 % au total. L’activité dommages provenant à<br />
62 % de la vente d’assurances automobile, la quasi-absence des<br />
étrangers s’explique en partie par l’interdiction qui leur est<br />
actuellement faite de proposer ce type de couverture. Ils se<br />
trouvent ainsi exclus d’un segment essentiel <strong>du</strong> marché.<br />
D’autres facteurs amplifient leurs difficultés de pénétration :<br />
complexité <strong>du</strong> marché, langues, us et coutumes... Enfin, China<br />
Re détient le monopole des activités de réassurance.<br />
LES LEADERS DE L’ASSURANCE VIE<br />
China Life Insurance<br />
Company<br />
Ping An Life<br />
China<br />
Pacific CPIC<br />
Life<br />
Statut Etatique Actionnariat Actionnariat<br />
Date de création 1949 1988 1991<br />
Part de marché<br />
assurances<br />
indivi<strong>du</strong>elles 51 % 18 % 9 %<br />
Nombre<br />
d’entités<br />
opérationnelles 3 500 34 43<br />
34
L’assurance renaît en Chine<br />
S E R G E O P P E N C H A I M<br />
LES LEADERS DE L’ASSURANCE DOMMAGES<br />
People’ insurance<br />
Company of China - PICC<br />
China Pacific Property<br />
Insurance – CPIC Ping An P&C<br />
Statut Etatique Actionnariat Actionnariat<br />
Date de création 1949 1991 1988<br />
Part de marché 68 % 13 % 10 %<br />
Nombre<br />
d’entités<br />
opérationnelles 2000 43 34<br />
• Les compagnies étrangères tentent d’élaborer<br />
des stratégies d’implantation.<br />
L’extrême faiblesse <strong>du</strong> chiffre d’affaires réalisé par les assureurs<br />
étrangers sur le marché chinois ne doit pas masquer leur<br />
volonté de s’y implanter. Venant de 17 pays, plus d’une centaine<br />
ont ouvert 200 bureaux de représentation dans les principales<br />
villes de Chine continentale.<br />
De plus, une trentaine d’assureurs étrangers détiennent<br />
65 filiales ou succursales. Parmi eux figurent Aviva, Allianz, la<br />
CNP, Generali, ING, Aegon, Axa en assurance-vie et, en<br />
assurance dommages, Allianz, Royal & Sun Alliance et Winterthur.<br />
Toutes opèrent sous forme de joint ventures, à l’exception<br />
de AIG et de Munchen Ruck, qui ont obtenu des<br />
autorités centrales le droit d’ouvrir des succursales. La CNP a<br />
ainsi établi un partenariat commercial avec la Poste chinoise :<br />
après avoir acquis une licence d’assurance-vie en septembre<br />
2001, elle a établit une joint venture avec son partenaire pour<br />
lancer la société Cogun, opérationnelle depuis 2003. Son<br />
objectif est de réaliser 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires<br />
en 2008. Autre exemple de stratégie, la banque HSBC<br />
est devenue première actionnaire de Ping An, qui est la<br />
société coiffant Ping An Life (2 e assureur-vie chinois) et Ping<br />
An P & C (3 e assureur dommages). HSBC détient en effet<br />
9,99 % <strong>du</strong> capital à l’issue de l’entrée en bourse de Ping An.<br />
Les deux partenaires ont également l’intention de lancer des<br />
initiatives dans les services financiers, dont les cartes de paiement<br />
et les prêts hypothécaires.<br />
L’adhésion de la Chine à l’OMC devrait formellement susciter<br />
de nouveaux projets de la part des intervenants étrangers.<br />
La Chine s’est en effet engagée à lever en 2005 les restrictions<br />
géographiques ou de portefeuilles de pro<strong>du</strong>its qui limitent<br />
leurs activités. Ainsi, les opérateurs étrangers pourront sous- /...<br />
35
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... crire des affaires sur tout le territoire et dans l’ensemble des<br />
branches. De même, les réassureurs pourront exercer sans restrictions<br />
en Chine. Les autorités viennent enfin d’abaisser le<br />
montant <strong>du</strong> capital nécessaire pour ouvrir une implantation.<br />
Dans le même mouvement, elles ont relevé le plafond de<br />
détention des compagnies <strong>chinoises</strong> par des étrangers. Il reste<br />
à voir quelle sera la pratique effective des autorités, comment<br />
les licences nécessaires seront délivrées et quel en sera l’impact<br />
commercial.<br />
• La projection à l’étranger des assureurs chinois<br />
reste à faire.<br />
Soucieuse d’assurer sa notoriété et de se procurer des fonds<br />
propres, China Life s’est intro<strong>du</strong>ite en Bourse de Hong Kong<br />
et de New York en 2003. Très favorablement accueillie par<br />
des investisseurs ayant largement sursouscrit, elle a ensuite<br />
refroidi ses actionnaires par les malversations révélées par la<br />
SEC. Cette tentative de se développer financièrement ou<br />
commercialement à l’étranger ne devrait cependant pas rester<br />
sans suite. Il est en effet peu probable que le gouvernement<br />
chinois ouvre son propre secteur financier sans se donner les<br />
moyens de faire émerger un ou plusieurs champions nationaux<br />
présents sur les différentes places internationales.<br />
UN BESOIN CONSIDÉRABLE D’EXPERTISE<br />
L a croissance actuelle de l’assurance est propice aux dérapages<br />
si elle ne s’accompagne pas d’un renforcement des capacités<br />
des compagnies.<br />
Capacités techniques d’abord, dans tous les domaines de la<br />
pro<strong>du</strong>ction d’assurance : conception des pro<strong>du</strong>its, souscription,<br />
actuariat, gestion financière des actifs et des passifs,<br />
pilotage des relations avec la clientèle, transparence des<br />
comptes, contrôle... Augmenter l’expertise des personnels et<br />
des dirigeants, et plus généralement mieux gérer les ressources<br />
humaines, devient ainsi un passage-clé pour la transformation<br />
<strong>du</strong> secteur. Elle implique également une évolution des organisations<br />
et des fonctionnements pour que les compagnies<br />
soient en phase avec la nouvelle demande des particuliers et<br />
des entreprises, sans pour autant la suivre aveuglément sur le<br />
plan commercial notamment.<br />
Capacités financières ensuite, pour que la solvabilité des<br />
sociétés ne puisse être mise en doute ni faire défaut le cas<br />
échéant.<br />
Dans cette perspective, l’Etat maintiendra vraisemblablement<br />
36
L’assurance renaît en Chine<br />
S E R G E O P P E N C H A I M<br />
son contrôle sur les compagnies existantes, quitte à faire<br />
entrer au capital des partenaires étrangers. Ceux-ci devront<br />
apporter des fonds propres mais aussi leur expertise technique<br />
et managériale. Suivant quels schémas cette montée en capacité<br />
pourrait-elle se faire ?<br />
• Comme on l’a vu, seulement trois acteurs significatifs sont<br />
présents dans chacune des branches « vie » et « dommages », et<br />
un seul en « réassurance ». Il est peu vraisemblable qu’un assureur<br />
étranger obtienne des relations exclusives avec l’un ou<br />
l’autre de ces acteurs, car cela reviendrait à lui offrir une clé<br />
en or pour accéder au marché chinois. Plus probablement,<br />
chacune des compagnies <strong>chinoises</strong> nouera des accords financiers,<br />
commerciaux ou techniques avec plusieurs partenaires<br />
étrangers et entretiendra une certaine rivalité entre eux.<br />
• L’attitude des petites compagnies <strong>chinoises</strong>, nées ou à naître,<br />
sera naturellement différente. Elles seront tentées de trouver<br />
un partenaire exclusif, mais n’apporteront qu’un fonds de<br />
commerce initial limité.<br />
• Sauf pour quelques grands noms décidés, comme AIG, à se<br />
doter aussi d’un accès autonome à la clientèle, le partenariat<br />
avec des réseaux locaux sera la voie de pénétration privilégiée.<br />
Les difficultés à opérer en direct devraient en effet <strong>du</strong>rablement<br />
persister.<br />
• Dans cette prospection aux réseaux de distribution locaux,<br />
les intervenants étrangers pourraient être aidés par la marche<br />
de la Chine vers la « bancassurance / assurfinance ». Des jalons<br />
balisant la constitution de groupes financiers polyvalents se<br />
mettent en effet en place. La possibilité a ainsi été donnée aux<br />
banques en 2001 de commercialiser des pro<strong>du</strong>its d’assurancevie,<br />
et l’autorité de contrôle des assurances, la China Insurance<br />
Regulatory Commission (CIRC), n’exclut pas de<br />
fusionner avec ses homologues <strong>du</strong> secteur bancaire et des marchés<br />
financiers lorsque les frontières entre les différents<br />
métiers s’atténueront. Des accords croisés entre banques<br />
étrangères et assureurs chinois, et symétriquement entre assureurs<br />
étrangers et banques <strong>chinoises</strong>, s’observent déjà. La<br />
CNP, on l’a vu, a ainsi noué un accord avec la Poste chinoise,<br />
tandis que la banque HSBC devient le premier actionnaire de<br />
l’assureur Ping An.<br />
Au total, l’assurance chinoise n’a pas encore stabilisé le chemin<br />
qu’elle entend prendre pour se moderniser. La manière<br />
dont seront appliqués les engagements pris lors de l’adhésion<br />
à l’OMC, et notamment l’octroi de licences, donnera une<br />
indication sur la direction et sur la vitesse retenues.<br />
37
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
38
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />
AMINA LAHRÈCHE-RÉVIL<br />
CENTRE D’ÉTUDES PROSPECTIVES<br />
ET D’INFORMATIONS INTERNATIONALES (CEPII)<br />
La question <strong>du</strong> yuan doit être analysée à la fois dans son<br />
aspect institutionnel – quel est l’avenir de la fixité <strong>du</strong> yuan ? –<br />
et dans son aspect quantitatif – le taux de change <strong>du</strong> yuan<br />
est-il sous-évalué ? Et de combien ?<br />
La polémique sur le niveau <strong>du</strong> change en Chine a commencé<br />
au milieu de l’année 2003. L’énorme déficit courant bilatéral<br />
des États-Unis par rapport à la Chine (plus de 100 milliards<br />
de dollars en 2002) nourrissait alors la crainte de la désin<strong>du</strong>strialisation<br />
de l’économie américaine. Le glissement <strong>du</strong> dollar,<br />
la résurgence de l’inflation en Chine et le ralentissement prévisible<br />
de la croissance dans ce pays, ont contribué à alléger<br />
les pressions sur le yuan (1) . Pourtant, le taux de change de la<br />
monnaie chinoise reste un enjeu de la coopération monétaire<br />
internationale : lorsqu’en février 2004, réuni à Boca Raton, le<br />
G7 appelait à plus de flexibilité des monnaies, il visait de fait<br />
la Chine ; il en était de même après la réunion <strong>du</strong> G20 à Berlin<br />
en novembre 2004.<br />
Le débat monétaire international se focalise donc sur le<br />
régime de change de la Chine, dont la monnaie est fixe par<br />
rapport au dollar depuis 1995. Mais c’est le niveau <strong>du</strong> yuan<br />
qui est fondamentalement en cause : la très grande majorité<br />
des analyses conclut en effet à la sous-évaluation <strong>du</strong> yuan,<br />
dans une fourchette qui reste large, puisqu’elle va de 5 %<br />
(Eichengreen, 2004) à 40 % (Coudert et Couharde, 2004).<br />
Le régime de change est mis en cause dans le cas de la Chine<br />
car il contribue à entretenir la sous-évaluation : compte tenu<br />
d’une part de sa très forte croissance, et d’autre part des<br />
entrées de capitaux qu’elle enregistre, la Chine devrait<br />
connaître une élévation <strong>du</strong> niveau de ses prix ou une appréciation<br />
de son taux de change nominal, et dans tous les cas<br />
une appréciation de son taux de change réel. La période de /...<br />
(1) La monnaie chinoise est le renminbi, le yuan étant le nom de l’unité de compte.<br />
Mais c’est ce terme qui s’est diffusé, et c’est celui que l’on utilise dans cet article.<br />
39
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... quasi-déflation qu’a connue le pays a empêché les prix relatifs<br />
d’évoluer dans ce sens, et la fixité <strong>du</strong> change par rapport au<br />
dollar a interdit au taux de change nominal de s’apprécier, et<br />
de réaliser par conséquent l’appréciation réelle normalement<br />
atten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> yuan. En outre, la dépréciation <strong>du</strong> dollar par rapport<br />
aux grandes monnaies entraîne le yuan dans son sillage,<br />
comme les monnaies de tous les pays ancrés sur le dollar, et<br />
nourrit la sous-évaluation « globale » de la monnaie chinoise.<br />
La question <strong>du</strong> yuan doit donc être analysée à la fois dans son<br />
aspect institutionnel – quel est l’avenir de la fixité <strong>du</strong> yuan ? –<br />
et dans son aspect quantitatif – le taux de change <strong>du</strong> yuan estil<br />
sous-évalué ? et de combien ?<br />
Cet article rappelle d’abord les origines <strong>du</strong> choix d’un régime<br />
de change fixe en Chine. Il présente ensuite différentes<br />
mesures qui permettent de porter un diagnostic sur la sousévaluation<br />
<strong>du</strong> yuan. Il s’interroge enfin sur les conséquences<br />
d’une éventuelle appréciation <strong>du</strong> yuan.<br />
UN RÉGIME DE CHANGE FLEXIBLE POUR LE YUAN ?<br />
Le yuan est fixe de facto par rapport au dollar depuis 1994<br />
(cf. graphique 1), et ceci même si les autorités <strong>chinoises</strong> déclarent<br />
un change flottant au FMI depuis la même époque.<br />
Le régime monétaire chinois, entièrement administré avant<br />
1980, s’est ouvert progressivement, grâce à la mise en place<br />
d’un système <strong>du</strong>al, unifié en 1994 par la dévaluation <strong>du</strong> taux<br />
de change nominal officiel, amené à parité avec le cours <strong>du</strong><br />
marché libre. Depuis 1995, le taux de change <strong>du</strong> yuan est<br />
resté stable par rapport au dollar, à 8,27 RMB/$, dans une<br />
fourchette de variation extrêmement limitée (± 0,18 %).<br />
graphique 1<br />
10<br />
9<br />
8<br />
7<br />
6<br />
5<br />
4<br />
3<br />
2<br />
1<br />
0<br />
sept. 87<br />
sept. 88<br />
TAUX DE CHANGE NOMINAL (OFFICIEL) DU YUAN PAR RAPPORT<br />
AU DOLLAR AMÉRICAIN (NOMBRE DE YUAN PAR USD)<br />
sept. 89<br />
sept. 90<br />
sept. 91<br />
sept. 92<br />
sept. 93<br />
sept. 94<br />
sept. 95<br />
40<br />
sept. 96<br />
sept. 97<br />
sept. 98<br />
sept. 99<br />
sept. 00<br />
sept. 01<br />
sept. 02<br />
sept. 03<br />
Source : FMI, Statistiques financières internationales
La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />
A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />
La fixité de facto <strong>du</strong> change et la convertibilité de la monnaie<br />
pour les opérations courantes imposent à la Banque populaire<br />
de Chine (BPC) d’intervenir sur le marché des changes.<br />
Depuis la fin des années 1990, l’afflux massif d’investissements<br />
directs étrangers (la Chine est le premier récipiendaire<br />
asiatique d’IDE, et le premier parmi les pays émergents) surfinance<br />
le solde courant chinois, et impose à la BPC d’accumuler<br />
des réserves de change de plus en plus importantes : si le<br />
gouvernement américain considère que la Chine ne détient<br />
que 174 milliards de dollars de bons <strong>du</strong> Trésor, selon certains<br />
analystes, les réserves pourraient s’élever aujourd’hui à<br />
500 milliards de dollars (2) . Quel qu’en soit le montant exact,<br />
cette accumulation de réserves n’est pas soutenable à long<br />
terme (Aglietta et Rzepkowski, 2004), et justifie les appels à<br />
davantage de flexibilité : l’appréciation prévisible <strong>du</strong> yuan à<br />
court terme soulagerait la politique monétaire.<br />
Pourtant, si les autorités <strong>chinoises</strong> admettent volontiers que le<br />
yuan devra progressivement évoluer vers davantage de flexibilité,<br />
elles opposent pour l’instant une assez forte résistance à<br />
tout mouvement dans cette direction. Pour une part, cela<br />
s’explique par leur peu d’entrain à céder à la pression extérieure.<br />
En outre, comme de nombreux pays en change fixe, la<br />
Chine est confrontée à la question de la sortie de l’ancrage<br />
dans une situation où les échanges de capitaux se libéralisent :<br />
tant que le contrôle des capitaux est strict, un régime de<br />
change fixe est viable, même si les politiques économiques <strong>du</strong><br />
pays concerné sont très différentes de celles <strong>du</strong> reste <strong>du</strong><br />
monde. Lorsque le compte de capital devient poreux, un<br />
grand pays comme la Chine doit s’orienter vers la flexibilité.<br />
Mais il est alors très difficile de trouver le « bon » moment et<br />
le « bon » calendrier.<br />
Dans le contexte actuel d’inquiétude sur le marché des<br />
changes, la pression sur le régime de change de la Chine est<br />
moindre, car l’ancrage de facto <strong>du</strong> pays sur le dollar soutient<br />
la demande mondiale de monnaie américaine, et stabilise<br />
donc le marché des changes. Il est par conséquent probable<br />
que le projet affiché par les autorités <strong>chinoises</strong> d’un glissement<br />
de l’ancrage vers un panier euro-dollar ne se fera pas « à<br />
chaud ». Le choix <strong>du</strong> calendrier de libéralisation pose moins<br />
de problèmes : à court terme, les structures institutionnelles<br />
<strong>du</strong> pays ne permettent pas d’instaurer rapidement un flottement<br />
complet. Ceci n’exclut pas pour autant davantage de<br />
flexibilité dans la gestion <strong>du</strong> change (Eichengreen, 2004). /...<br />
(2) Source : Barclays Capital, cité par l’International Herald Tribune <strong>du</strong><br />
26 novembre 2004 ; http://www.iht.com/articles/2004/11/26/business/dollar.html<br />
41
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... Plus fondamentalement, il est difficile de déterminer le<br />
niveau de flexibilité optimal pour l’économie chinoise, extrêmement<br />
hétérogène. La Chine apparaît en effet comme un<br />
pays intermédiaire en termes d’ouverture, entre l’Inde et les<br />
économies émergentes d’Asie <strong>du</strong> Sud-Est (tableau 1). Cependant,<br />
en raison de la concentration géographique <strong>du</strong> secteur<br />
exportateur, le taux d’ouverture est élevé dans les régions<br />
côtières et à Canton, tandis que les provinces de l’intérieur<br />
sont très fermées. Ainsi, les provinces côtières bénéficient <strong>du</strong><br />
régime de change fixe qui stabilise les prix et attire les investissements<br />
directs étrangers, tandis que la Chine prise dans<br />
son ensemble doit être traitée comme un grand pays relativement<br />
peu ouvert, pour lequel un taux de change flexible se<br />
justifierait. Le choix <strong>du</strong> régime de change est donc indissociable<br />
de la stratégie de développement de la Chine (limitation<br />
des inégalités régionales ou renforcement de la croissance<br />
des zones côtières).<br />
tableau 1<br />
EXPORTATIONS DE BIENS ET SERVICES, 2001<br />
(EN % DU PIB)<br />
Pays ouverts à moins de 50 % Pays ouverts à plus de 50 %<br />
Chine 23 Japon 10 Vietnam 55<br />
Provinces Inde 14 Thaïlande 66<br />
Canton 74 Indonésie 41 Malaisie 116<br />
Côtières 33 Corée <strong>du</strong> Sud 43 Hong Kong 144<br />
Intérieur 6 Philippines 49 Singapour 174<br />
Sources : Banque mondiale, World Development Indicators, China Statistical Yearbook 2002.<br />
Ainsi, la nécessité d’instaurer à terme davantage de flexibilité<br />
dans la gestion <strong>du</strong> yuan paraît faire l’objet d’un consensus<br />
assez général, même si des considérations de court terme<br />
con<strong>du</strong>isent à reporter la décision.<br />
L’autre incertitude qui entoure la question de la réforme <strong>du</strong><br />
régime de change chinois porte sur l’ampleur de l’ajustement<br />
qui devra se réaliser sur le niveau de la monnaie chinoise.<br />
LA QUESTION DE LA SOUS-ÉVALUATION<br />
DU TAUX DE CHANGE DU YUAN<br />
L e diagnostic de sous-évaluation <strong>du</strong> yuan n’est guère<br />
contesté : l’accumulation des réserves de change, la croissance<br />
des exportations <strong>chinoises</strong> (malgré une croissance encore plus<br />
rapide des importations), le surfinancement <strong>du</strong> solde courant<br />
par les entrées de capitaux sont autant de signes macro-économiques<br />
de la sous-évaluation de la monnaie chinoise.<br />
L’ampleur de la sous-évaluation fait en revanche l’objet d’esti-<br />
42
La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />
A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />
mations plus divergentes : sur le marché des non-deliverable<br />
forward, l’appréciation anticipée n’a pas dépassé 5 % au plus<br />
fort de la pression de l’été 2003, ce qui semble appuyer l’estimation<br />
de Wang (2004), qui considérait qu’en 2003 le taux<br />
de change réel <strong>du</strong> yuan était à son niveau d’équilibre. Mais<br />
d’autres travaux (Goldstein, 2003, Artus, 2003, Coudert et<br />
Couharde, 2004) concluent au contraire à une forte sous-évaluation<br />
de la monnaie chinoise.<br />
On dispose de nombreux outils pour mesurer la distorsion <strong>du</strong><br />
taux de change réel (encadré page 48). Au CEPII, les travaux<br />
en cours s’appuient sur le modèle théorique développé par<br />
Alberola et al. (2002) et Alberola (2003), dans lequel le taux<br />
de change d’équilibre dépend de l’effet Balassa-Samuelson,<br />
synthétisé dans l’évolution des prix relatifs <strong>du</strong> secteur abrité<br />
et <strong>du</strong> secteur exposé, et de l’évolution de la position extérieure<br />
nette.<br />
L’équation estimée est donc la suivante : q t = f(nfa t , relp t ) (1)<br />
avec q t le logarithme <strong>du</strong> taux de change effectif réel, nfa t la<br />
position extérieure nette rapportée au PIB et relp t le logarithme<br />
des prix relatifs internes.<br />
Le taux de change réel doit s’apprécier avec l’amélioration de<br />
la position extérieure nette, car l’accumulation de créances<br />
internationales engendre des revenus <strong>du</strong> capital, qui permettent<br />
de soutenir des prix relatifs plus élevés et un déficit commercial.<br />
Le taux de change réel doit également s’apprécier<br />
avec l’augmentation relative de pro<strong>du</strong>ctivité dans le secteur<br />
exposé, synthétisée dans le ratio des prix à la consommation<br />
aux prix à la pro<strong>du</strong>ction (3) .<br />
En raison de la définition <strong>du</strong> taux de change réel (une hausse<br />
signale une dépréciation réelle), les signes atten<strong>du</strong>s sont négatifs<br />
sur les deux variables.<br />
Il est relativement aisé d’estimer une telle équation sur un<br />
échantillon de pays de l’OCDE, pour lesquels on dispose de<br />
séries temporelles relativement longues – et donc d’informations<br />
relativement abondantes. Mais pour étudier une telle<br />
relation dans le cas de la Chine, il est difficile de ne s’appuyer<br />
que sur les informations fournies par les statistiques de ce<br />
pays : avant la période de libéralisation, elles ont peu de sens,<br />
et l’on ne peut donc guère travailler qu’à partir des années /...<br />
(3) D’après l’effet Balassa-Samuelson, les gains de pro<strong>du</strong>ctivité dans le secteur<br />
exposé doivent con<strong>du</strong>ire à l’élévation <strong>du</strong> niveau général des prix par le biais d’une<br />
hausse des prix dans le secteur abrité. Puisque l’indice des prix à la consommation<br />
est majoritairement composé de biens non-échangeables, et l’indice des prix à la<br />
pro<strong>du</strong>ction de biens échangeables, le rapport prix de consommation/prix de pro<strong>du</strong>ction<br />
est utilisé comme approximation des prix relatifs internes.<br />
43
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... 1990. La solution est alors d’exploiter, en plus de la dimension<br />
temporelle propre au pays considéré, une dimension géographique,<br />
en incluant ce pays dans un échantillon plus large<br />
: c’est l’analyse de panel, qui permet de repérer les comportements<br />
communs à un ensemble de pays. Lorsque l’échantillon<br />
est constitué essentiellement de pays in<strong>du</strong>strialisés, on peut<br />
considérer qu’il fournit une information sur la dynamique de<br />
long terme des économies. En revanche, il est possible que la<br />
dynamique indivi<strong>du</strong>elle diffère, et dans ce cas, on peut l’identifier<br />
à un comportement de moyen terme (voir Egert et al.,<br />
2004). C’est cette approche qui est retenue ici dans le cas de<br />
la Chine.<br />
L’étude des taux de change d’équilibre est donc réalisée sur<br />
données annuelles, sur un échantillon de pays représentant<br />
l’ensemble des pays <strong>du</strong> G20. Ce groupe, créé en 1999, rassemble<br />
les grands pays in<strong>du</strong>strialisés et les principales économies<br />
émergentes. Il constitue donc l’échantillon de référence,<br />
au sein <strong>du</strong>quel on isole le comportement de la Chine (4) .<br />
L’équation (1) est estimée sur l’ensemble de l’échantillon (5) ,<br />
avec des coefficients par pays contraints à être identiques.<br />
L’équation de taux de change réel obtenue est la suivante :<br />
q it = – 0,64 nfa it – 0,93 relp it + u i + ε it (2)<br />
Les deux coefficients estimés présentent le signe atten<strong>du</strong> : une<br />
hausse de 1 % des prix relatifs pro<strong>du</strong>it une appréciation de<br />
près de 1 % <strong>du</strong> taux de change réel ; une amélioration de<br />
1 point de pourcentage de la position extérieure nette apprécie<br />
également le taux de change réel, de l’ordre de 0,6 %.<br />
Quel diagnostic peut-on alors porter sur la Chine ?<br />
Le graphique 2 compare le comportement <strong>du</strong> taux de change<br />
réel d’équilibre de la Chine (LCHF, en pointillés) et celui <strong>du</strong><br />
taux de change réel observé (LCH, traits pleins). Rappelons<br />
que ces résultats supposent que la Chine se comporte sur<br />
toute la période structurellement comme l’ensemble des pays<br />
de l’échantillon, et que, pour chaque pays, le taux de change<br />
réel effectif est par construction à sa valeur d’équilibre en<br />
moyenne sur la période d’estimation.<br />
Le taux de change effectif réel de la Chine est systématique-<br />
(4) On fait l’hypothèse que les déséquibres macro-économiques au sein de ce groupe<br />
ne peuvent être résolus qu’entre les pays qui le constituent : ils ne peuvent être absorbés<br />
par le « reste <strong>du</strong> monde », ce qui implique que le taux de change effectif réel n’est<br />
mesuré que sur les pays <strong>du</strong> G20, les pondérations sommant par conséquent à 1.<br />
(5) Elle inclut des effets fixes indivi<strong>du</strong>els ui. Le panel étant non-stationnaire, on<br />
réalise une analyse de co-intégration. Pour les détails techniques, se reporter à<br />
Bénassy-Quéré et al. (2004b).<br />
44
La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />
A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />
graphique 2<br />
4<br />
2<br />
0<br />
– 2<br />
– 4<br />
– 6<br />
– 8<br />
LCHF_CHN<br />
LCH_CHN<br />
TAUX DE CHANGE EFFECTIF RÉEL DE LA CHINE<br />
ESTIMATION DE PANEL<br />
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00<br />
Source : calculs des auteurs, à partir de l’équation (2). Une augmentation signale une dépréciation.<br />
Le taux de change d’équilibre figure en pointillés, le taux de change observé en trait plein<br />
ment supérieur à son niveau d’équilibre depuis la libéralisation<br />
de l’économie, ce qui signale une sous-évaluation chronique<br />
de la monnaie chinoise. La sous-évaluation se ré<strong>du</strong>it<br />
depuis le milieu des années 1990, ce qui est le résultat de la<br />
combinaison d’un taux de change fixe par rapport au dollar,<br />
et d’une inflation longtemps plus importante que celles des<br />
principaux partenaires commerciaux de la Chine. La sous-évaluation<br />
s’est renforcée à la fin des années 1990 et au début<br />
des années 2000, en raison à la fois de la quasi-déflation<br />
observée en Chine et de la dépréciation <strong>du</strong> dollar.<br />
En 2001, le taux de sous-évaluation effectif mesuré est de<br />
16 %. Entre 2001 et la mi-2004, le taux de change <strong>du</strong> yuan<br />
s’est apprécié en termes effectifs réels de 10 %. En supposant<br />
que le taux de change d’équilibre fondamental est resté stable,<br />
la sous-évaluation effective <strong>du</strong> yuan serait beaucoup plus<br />
faible à la mi-2004, de l’ordre de 6 %. Notons cependant<br />
qu’il s’agit d’un taux de change effectif, et les distorsions bilatérales<br />
(par exemple, entre le yuan et le dollar) peuvent être<br />
différentes.<br />
De fait, il est possible de dériver les taux de change bilatéraux<br />
d’équilibre à partir des taux de change effectifs. Le yuan apparaît<br />
alors massivement sous-évalué par rapport au dollar en<br />
2001, autour de 40 %. Jusqu’à la fin de l’année 2003, la faiblesse<br />
de l’inflation en Chine a contribué à déprécier encore la<br />
monnaie en termes réels par rapport au dollar. Depuis la fin de<br />
2003, ce phénomène s’est cependant inversé, et le différentiel<br />
d’inflation dépassait les 2 % en juillet 2004 (graphique 3),<br />
l’appréciation réelle au début de l’année 2004 atteignant alors /...<br />
45
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... 1,4 %. Ceci est évidemment tout à fait insuffisant pour combler<br />
la sous-évaluation <strong>du</strong> yuan par rapport au dollar, mais<br />
indique que le mouvement de dépréciation continue pourrait<br />
être aujourd’hui interrompu.<br />
graphique 3<br />
États-Unis<br />
déc. 00<br />
mars 01<br />
DIFFÉRENTIEL D’INFLATION (EN %) ENTRE LA CHINE<br />
ET LES ÉTATS-UNIS DEPUIS 2001<br />
6 Chine<br />
5<br />
4<br />
3<br />
2<br />
1<br />
0<br />
– 1<br />
– 2<br />
juin 01<br />
sept. 01<br />
déc. 01<br />
mars 02<br />
juin 02<br />
sept. 02<br />
déc. 02<br />
mars 02<br />
juin 03<br />
sept. 03<br />
déc. 03<br />
mars 04<br />
juin 04<br />
sept. 04<br />
Source : FMI, Statistiques financières internationales<br />
On a jusqu’à présent fait l’hypothèse que la Chine se comportait<br />
comme l’ensemble des pays de l’échantillon. Pourtant,<br />
une analyse pays par pays (6) montre que certains pays présentent<br />
des comportements particuliers. En général, on confirme<br />
presque systématiquement la présence d’un effet Balassa-<br />
Samuelson. La réaction <strong>du</strong> taux de change réel à l’amélioration<br />
de la position extérieure nette est plus différenciée : dans<br />
quelques pays émergents (Corée, Mexique, Turquie), une<br />
dégradation des actifs extérieurs nets est associée à une appréciation<br />
<strong>du</strong> change. Ce phénomène est aujourd’hui assez bien<br />
documenté, en particulier dans le cas des pays d’Europe centrale<br />
et orientale, et peut s’expliquer par le fait que domine<br />
dans ces pays une dynamique de moyen terme : les rendements<br />
élevés <strong>du</strong> capital dans les pays émergents attirent en<br />
effet les capitaux étrangers, ce qui fait s’apprécier le taux de<br />
change. On peut donc observer simultanément une appréciation<br />
<strong>du</strong> change – liée aux entrées de capitaux et aux gains de<br />
pro<strong>du</strong>ctivité – et une dégradation de la position extérieure<br />
nette. À plus long terme, le remboursement de la dette<br />
implique des sorties de capitaux. Le taux de change doit donc<br />
se déprécier pour réaliser un excédent commercial et assurer la<br />
soutenabilité des flux de capitaux à long terme.<br />
On pourrait s’attendre à ce que la Chine présente un profil<br />
(6) Non présentées ici. Voir Bénassy-Quéré et al., (2004), op. cit.<br />
46
La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />
A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />
proche de celui des pays d’Europe centrale et orientale : l’économie<br />
s’est récemment libéralisée, est de facto assez ouverte<br />
aux flux de capitaux internationaux. Mais s’il y a bien une<br />
asymétrie entre la Chine et les autres pays de l’échantillon,<br />
celle-ci ne porte pas sur la réaction <strong>du</strong> taux de change réel aux<br />
variations de la position extérieure nette, mais sur la mesure<br />
de l’effet Balassa-Samuelson. En effet, l’estimation propre à la<br />
Chine fournit le résultat suivant :<br />
q it = 2,41 nfa it + 1,82 relp it + ui + ε it (3)<br />
Une augmentation des prix (pro<strong>du</strong>ctivité) relatifs s’accompagne<br />
d’une dépréciation <strong>du</strong> taux de change réel. Autrement<br />
dit, l’effet Balassa-Samuelson ne se manifeste pas en Chine. Si<br />
cette asymétrie existe pour d’autres pays de l’échantillon<br />
(Australie, Japon, Turquie), c’est en Chine que la valeur absolue<br />
<strong>du</strong> coefficient estimé est la plus élevée.<br />
Compte tenu de la réaction particulière <strong>du</strong> taux de change<br />
réel aux variations de prix relatifs, la distorsion de change<br />
mesurée en Chine avec les estimations par pays est assez différente<br />
de celle que l’on obtient avec les estimations de panel.<br />
La Chine reste sous-évaluée, mais de l’ordre de 5 % seulement<br />
pour le taux de change effectif.<br />
Selon la technique d’estimation, on obtient ainsi des ordres<br />
de grandeur très différents pour l’année 2001 : sous-évaluation<br />
de 16 % en termes effectifs, ou quasi-équilibre. La source<br />
principale de dissonance entre les diagnostics de moyen et de<br />
long terme se trouve dans la mesure de l’effet Balassa. Les<br />
estimations réalisées sur la Chine seule rendent compte des<br />
caractéristiques propres à l’économie chinoise, en particulier<br />
la très forte élasticité de l’offre de travail, la segmentation <strong>du</strong><br />
marché <strong>du</strong> travail, et peut-être le contrôle des prix.<br />
Toutes ces particularités sont autant de sources qui perturbent<br />
la transmission des gains de pro<strong>du</strong>ctivité relative dans les<br />
prix, et qui bloquent à court/moyen terme un mécanisme<br />
d’ajustement <strong>du</strong> taux de change réel en Chine.<br />
À long terme cependant, la libéralisation de l’économie chinoise<br />
devrait rendre possibles ces ajustements, et le taux de<br />
change réel devrait se comporter comme dans la plupart des<br />
pays avancés. Ainsi, on peut avancer que l’équation estimée<br />
sur des données <strong>chinoises</strong> rend compte de la distorsion de<br />
moyen terme <strong>du</strong> taux de change réel <strong>du</strong> yuan, tandis que<br />
l’équation estimée sur l’ensemble de l’échantillon fournit une<br />
mesure de la distorsion de change qui devra être résorbée à<br />
plus long terme. /...<br />
47
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... CONCLUSION : QU’ATTENDRE<br />
DE L’APPRÉCIATION RÉELLE DU YUAN ?<br />
En 2003, l’appréciation <strong>du</strong> yuan était considérée aux États-<br />
Unis comme un moyen de résoudre, au moins partiellement,<br />
l’énorme déficit courant bilatéral <strong>du</strong> pays avec la Chine. Pourtant,<br />
il était déjà certain que l’appréciation de la monnaie chinoise<br />
ne permettrait pas de résorber ce déficit courant, d’une<br />
part, car l’appréciation <strong>du</strong> yuan, si elle avait ré<strong>du</strong>it les volumes<br />
importés par les États-Unis, aurait aussi entraîné une hausse<br />
des prix, l’effet global sur la valeur des importations américaines<br />
étant neutre ; et d’autre part, car les exportations américaines<br />
en Chine étaient trop faibles pour rééquilibrer le solde<br />
courant (voir Bénassy-Quéré et al., 2003).<br />
La question <strong>du</strong> taux de change <strong>du</strong> yuan a ensuite progressivement<br />
basculé : le problème, d’américain, est devenu européen.<br />
En effet, la stabilité nominale <strong>du</strong> yuan empêche que le déficit<br />
courant américain ne se résorbe vis-à-vis de la Chine. L’ajustement<br />
doit donc se reporter sur le taux de change <strong>du</strong> dollar<br />
par rapport à d’autres monnaies, en particulier sur le taux de<br />
change euro-dollar. Selon nos calculs, la rigidité nominale (et<br />
réelle, en raison <strong>du</strong> faible différentiel d’inflation longtemps<br />
observé entre la Chine et les États-Unis) con<strong>du</strong>it à un supplément<br />
de sur-évaluation <strong>du</strong> taux de change de l’euro par rapport<br />
au dollar de l’ordre de 10 % (Bénassy-Quéré et al., 2004<br />
a et b). Dans cette perspective, une appréciation réelle <strong>du</strong><br />
yuan relâcherait la tension qui s’exerce aujourd’hui sur le taux<br />
de change de l’euro par rapport au dollar.<br />
La référence à la parité des pouvoirs d’achat est<br />
abandonnée depuis longtemps lorsqu’il s’agit de<br />
déterminer le taux de change d’équilibre réel pour<br />
les pays en développement, car le rattrapage économique<br />
doit en principe pro<strong>du</strong>ire une appréciation<br />
réelle qui est un phénomène d’équilibre : avec les<br />
gains de pro<strong>du</strong>ctivité dans le secteur concurrencé,<br />
les salaires s’élèvent, ce qui finit par élever également<br />
la rémunération <strong>du</strong> travail dans les secteurs<br />
abrités, et pro<strong>du</strong>it à terme une hausse des prix (c’est<br />
l’effet Balassa-Samuelson).<br />
La hausse des revenus pro<strong>du</strong>it également une<br />
hausse de la demande, dont la pression se porte en<br />
grande partie sur le secteur abrité, et en fait augmenter<br />
les prix relatifs, con<strong>du</strong>isant là encore à une<br />
appréciation réelle. Pour ces deux raisons, le taux<br />
de change réel doit s’apprécier dans les pays en<br />
croissance, et devrait donc s’apprécier en Chine.<br />
L’évolution des soldes courants doit également affecter<br />
le comportement prévisible <strong>du</strong> taux de change<br />
réel. Lorsque l’on tient compte de ce mécanisme, il<br />
faut définir le taux de change d’équilibre comme<br />
celui qui assure la réalisation simultanée de l’équilibre<br />
interne et de l’équilibre externe. L’équilibre interne<br />
est obtenu lorsque la pro<strong>du</strong>ction atteint son niveau<br />
potentiel, et cela peut comporter la prise en compte<br />
de l’effet Balassa-Samuelson. L’équilibre externe est<br />
réalisé lorsque le solde courant est financé par des<br />
flux de capitaux soutenables à long terme. À partir de<br />
cette définition, on peut déterminer les taux de<br />
change d’équilibre soit en simulant des modèles<br />
macro-économétriques (Coudert et Couharde, 2004),<br />
soit en estimant des équations de forme ré<strong>du</strong>ite, ce<br />
qui a été fait au CEPII.<br />
48
La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />
A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />
RÉFÉRENCES<br />
M. AGLIETTA ET B. RZEPKOWSKI (2004) : « Les<br />
banques centrales asiatiques et le dollar », La<br />
Lettre <strong>du</strong> CEPII, n° 230, janvier.<br />
E. ALBEROLA (2003) : « Misalignment, liabilities<br />
dollarization and exchange rate adjustment<br />
in Latin America », Banco de España<br />
documento de trabajo, n° 0309.<br />
E. ALBEROLA, S. G. CERVERO, H. LOPEZ, A.<br />
UBIDE (2002) : « Quo vadis euro ? », European<br />
Journal of Finance, 8 (4), décembre.<br />
P. ARTUS (2003) : « De combien faut-il réévaluer<br />
le yuan chinois ? », Flash, CDC-Ixis Capital<br />
market, n°2003-156.<br />
A. BÉNASSY-QUÉRÉ, F. LEMOINE ET A. LAH-<br />
RÈCHE-RÉVIL (2003) : « Le yuan doit-il être<br />
réévalué ? », La Lettre <strong>du</strong> CEPII, n°227,<br />
octobre.<br />
A. BÉNASSY-QUÉRÉ, A. LAHRÈCHE-RÉVIL ET<br />
V. MIGNON (2004 a) : « Le dollar et le G20 »,<br />
La Lettre <strong>du</strong> CEPII, n°238, octobre.<br />
A. BÉNASSY-QUÉRÉ, A. LAHRÈCHE-RÉVIL,<br />
V. MIGNON, ET P. DURAND-VIGNERON<br />
(2004 b) : « Burden Sharing and Exchange-<br />
Rate Misalignments within the Group of<br />
Twenty », Document de travail <strong>du</strong> CEPII,<br />
n° 2004-13, septembre.<br />
V. COUDERT ET C. COUHARDE (2004) :<br />
« Exchange-Rate Policy, Real Exchange Rate<br />
and Regional Disparities in China », Document<br />
de travail <strong>du</strong> CEPII, à paraître.<br />
B. EGERT, A. LAHRÈCHE-RÉVIL ET K. LOM-<br />
MATZSCH (2004) : « The Stock-Flow Approach<br />
to the Real Exchange Rate of CEE Transition<br />
Economies », Document de travail <strong>du</strong> CEPII<br />
n° 2004-15, novembre.<br />
B. EICHENGREEN (2004) : « Chinese Currency<br />
Controversies », CEPR Discussion Paper,<br />
n° 4375, mai.<br />
M. GLODSTEIN (2003) : « China’s Exchange<br />
Rate Regime », Testimony before the<br />
Subcommittee on Domestic and International<br />
Monetary Policy, Trade and Technology<br />
Committe on Financial Services, US House<br />
of Representatives, Washington, D.C.,<br />
1 er octobre 2003. Disponible sur www.iie.<br />
com/publications/papers/goldstein1003.htm<br />
(téléchargé le 15 septembre 2004).<br />
WANG T. (2004) : « Exchange Rate Dynamics<br />
», in Prasad, E., ed., china’s Growth and<br />
Integration intro the World Economy, Prospects<br />
and Challenges, IMF Occasional Paper,<br />
n° 232, 21-24.<br />
49
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
50
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
Les déséquilibres monétaires<br />
Chine/États-Unis<br />
ISABELLE JOB ET RÉMY CONTAMIN<br />
ÉCONOMISTES, CRÉDIT AGRICOLE SA<br />
Paradoxalement, les déséquilibres monétaires entre les<br />
États-Unis et certains pays asiatiques présentent une certaine<br />
cohérence. Le rattrapage de la Chine s’en trouve<br />
notamment accéléré. La question majeure est de savoir si<br />
cette situation sera longtemps soutenable.<br />
Déséquilibres financiers et globalisation vont de pair : l’interdépendance<br />
croissante entre les nations vise justement à<br />
compenser la demande excédentaire d’investissement de certains<br />
pays par les excédents d’épargne dégagés ailleurs. La<br />
croissance globale s’en trouve accrue par rapport à une situation<br />
plus fermée, à condition toutefois que des déséquilibres<br />
cumulatifs ne dégénèrent pas en crise.<br />
La période de globalisation actuelle affiche cependant ses<br />
propres particularités. Traditionnellement, l’excédent<br />
d’épargne domestique des pays développés est exporté vers le<br />
reste <strong>du</strong> monde, ces transferts de capitaux étant à la fois un<br />
vecteur de la globalisation et de développement. Aujourd’hui,<br />
une majorité des capitaux est réallouée au sein même des pays<br />
développés, les États-Unis surtout. Le système semble ainsi<br />
quelque peu perverti, au sens où la première puissance mondiale<br />
accumule des déficits extérieurs récurrents et croissants,<br />
financés, en majeure partie, par les excédents dégagés par les<br />
pays émergents d’Asie.<br />
Dans le même temps, ces déséquilibres entre des États-Unis<br />
consommateurs en dernier ressort et des pays asiatiques où la<br />
sous-évaluation des taux de change favorise les entrées de<br />
capitaux et les exportations, présentent une certaine cohérence.<br />
Le rattrapage d’un pays comme la Chine s’en trouve<br />
accéléré alors qu’à l’autre bout de la chaîne les États-Unis<br />
peuvent maintenir un rythme de croissance soutenu face à<br />
une demande européenne structurellement faible. /...<br />
51
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
VIVRE AU-DESSUS DE SES MOYENS<br />
GRÂCE AUX DEVISES CLEFS<br />
En quelques années, la contrepartie réelle <strong>du</strong> déficit courant<br />
américain et son financement ont radicalement changé. Alors<br />
que des capitaux longs finançaient l’investissement dans le secteur<br />
des biens échangeables dans les années 90, des capitaux de<br />
plus en plus courts ont été nécessaires pour financer la<br />
demande des ménages ayant soutenu la croissance américaine<br />
et mondiale depuis 2001. D’où l’image d’Américains consommateurs<br />
en dernier ressort et l’intuition selon laquelle la formation<br />
d’une bulle immobilière aurait largement compensé les<br />
effets de la crise des entreprises et <strong>du</strong> dégonflement de la bulle<br />
boursière. Au niveau macro-économique, un twin deficit plus<br />
traditionnel (déficits public et courant) a remplacé celui prévalant<br />
à la fin des années 90 (déficits privé et courant). Les<br />
comptes publics se sont creusés sous l’effet des stabilisateurs<br />
automatiques et des baisses d’impôts, le déséquilibre majeur<br />
restant la faiblesse <strong>du</strong> taux d’épargne des ménages.<br />
6<br />
4<br />
2<br />
0<br />
– 2<br />
– 4<br />
– 6<br />
% <strong>du</strong> PIB<br />
COMPTE COURANT AMÉRICAIN ET ÉQUILIBRE<br />
ÉPARGNE-INVESTISSEMENT<br />
– 8<br />
60 63 66 69 72 75 78 81 84 87 90 93 96 99 02<br />
Balance courante<br />
Épargne nette public<br />
Épargne nette privée<br />
Source : Datastream, CAsa<br />
L’offre croissante de titres publics américains a jusque-là été<br />
absorbée par des achats de plus en plus massifs des non-résidents,<br />
essentiellement les banques centrales asiatiques, sans<br />
que cela ne pèse sur les taux d’intérêt américains et mondiaux.<br />
Devise clé, le dollar permet ainsi aux États-Unis de s’endetter<br />
dans leur propre monnaie, donc de vivre au-dessus de leurs<br />
moyens dans des conditions financières très favorables.<br />
Exportant davantage, le reste <strong>du</strong> monde bénéficie également<br />
d’une croissance accrue.<br />
Des comptes extérieurs américains<br />
structurellement déficitaires<br />
L’histoire rappelle cependant que les devises clés sont mortelles.<br />
Un débat oppose ainsi actuellement ceux pour lesquels<br />
52
Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />
I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />
les fragilités soulignées plus haut (endettement plus court des<br />
États-Unis finançant des dépenses améliorant peu la compétitivité<br />
de l’économie) nécessitent d’accorder une probabilité<br />
plus élevée aux scénarios de rechute de la croissance, à des<br />
économistes défendant l’idée qu’une nouvelle cohérence <strong>du</strong><br />
SMI permet de supporter plus <strong>du</strong>rablement ces déséquilibres.<br />
Auteurs d’importants travaux sur ce qu’ils qualifient de « nouveau<br />
régime de Bretton Woods », M.P Dooley, D. Folkerts-<br />
Landau et P. Garber sont à l’origine de cette deuxième thèse,<br />
qui formalise les relations entre des régions définies fonctionnellement<br />
: un centre ayant le rôle d’intermédiaire financier<br />
(les États-Unis hier comme aujourd’hui) et une périphérie<br />
composée de deux groupes de pays (1) . Les premiers adoptent<br />
des stratégies de croissance par les exportations et sont peu<br />
soucieux des risques de perte en capital sur les réserves accumulées<br />
par leurs banques centrales en contrepartie des excédents<br />
de leur balance de base (l’Asie actuellement). Les<br />
seconds sont plus ouverts sur le plan financier et attentifs au<br />
rendement pondéré des risques de leurs investissements<br />
(Europe, Canada, Australie et Amérique latine aujourd’hui).<br />
Grossièrement, le cercle vertueux entre une consommation<br />
américaine dynamique financée par émission de dollars d’un<br />
côté et un modèle de croissance asiatique basé sur les exportations<br />
de l’autre (2) s’apparenterait à celui qui prévalait entre les<br />
États-Unis et une Europe en phase de reconstruction après<br />
1945. Cette dernière maintenait un taux de change sous-évalué<br />
grâce aux contrôles de capitaux et bénéficiait de financements<br />
longs des Etats-Unis, tout en accumulant des réserves<br />
sur ce pays.<br />
Les États-Unis retrouvent aujourd’hui en partie cette position<br />
d’intermédiaire financier, avec deux différences majeures :<br />
d’une part un compte courant structurellement déficitaire,<br />
d’autre part un privilège monétaire encore supérieur à celui<br />
<strong>du</strong> régime de Bretton Woods en l’absence totale de garantie<br />
contre l’inéluctable dépréciation <strong>du</strong> dollar (l’or ayant joué<br />
artificiellement ce rôle jusqu’à la fin des années 1970).<br />
L’Asie et la Chine au cœur de la cohérence <strong>du</strong> système<br />
En accumulant des créances sur les États-Unis, l’Europe est<br />
évidemment un acteur important <strong>du</strong> SMI. Mais la demande<br />
volontaire et potentiellement illimitée d’actifs en dollar des<br />
pays asiatiques place ces derniers au cœur de la cohérence <strong>du</strong><br />
/...<br />
(1) Cf. Dooley M.P., Folkerts-Landau D. & Garber P., « An essay on the revived Bretton<br />
Woods system », NBER WP, n°9971, septembre 2003.<br />
(2) Les banques centrales asiatiques se portant acheteuses des excès de liquidité<br />
internationale pour empêcher l’appréciation de leurs devises.<br />
53
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
système. Notre analyse portera donc sur les déséquilibres qui<br />
se sont forgés sur un axe États-Unis/Asie, avec une référence<br />
particulière à la Chine. En effet, le bouclage de l’équilibre<br />
épargne-investissement au niveau mondial dépend ces dernières<br />
années de manière cruciale <strong>du</strong> financement par la<br />
Chine d’une large partie <strong>du</strong> déficit courant américain. Après<br />
avoir rappelé brièvement le fonctionnement <strong>du</strong> SMI pendant<br />
Bretton Woods, nous reviendrons sur l’analogie qui peut être<br />
faite avec la situation prévalant actuellement entre la Chine et<br />
les États-Unis. Nous discuterons enfin des fragilités inhérentes<br />
à ces déséquilibres.<br />
L’HÉGÉMONIE DU DOLLAR<br />
A u sortir de la Seconde guerre mondiale, un nouvel ordre<br />
monétaire a émergé suite aux négociations remplaçant l’étalon<br />
or par un système plus flexible mais garant de la stabilité<br />
monétaire et financière mondiale (3) . Ce système a conservé un<br />
ancrage ultime, l’or, la convertibilité <strong>du</strong> dollar en or se faisant<br />
à un prix fixe établi à 35 $ l’once et les autres pays maintenant<br />
une parité fixe par rapport au dollar dans une fourchette<br />
de +/- 1 %. Pour intro<strong>du</strong>ire plus de flexibilité, ces parités<br />
étaient également ajustables sous certaines conditions (notamment<br />
lorsque des déséquilibres structurels de balance des paiements<br />
devaient être corrigés). Le dollar a donc acquis, au<br />
cours de cette période, le statut de monnaie de réserve internationale.<br />
La demande captive de dollar en découlant a permis<br />
aux États-Unis de vivre, déjà à cette époque, au-dessus de<br />
leurs moyens en leur permettant à la fois de financer leurs<br />
importations, de se porter acquéreurs d’entreprises à l’étranger<br />
et de maintenir leur effort militaire (4) .<br />
Un privilège exorbitant<br />
Avec la fin de la convertibilité <strong>du</strong> dollar en or au début des<br />
années 70, le billet vert est progressivement devenu la devise<br />
clef <strong>du</strong> SMI en cumulant les fonctions d’unité de compte, de<br />
moyen de paiement et de réserve de valeur au niveau international.<br />
Environ 50 % des dollars circulent ainsi en dehors de<br />
leur base d’émission.<br />
(3) Entre les deux Guerres, le bref épisode de retour aux changes flottants a été<br />
ponctué de crises financières. D’où l’idée de retour à un ancrage monétaire, garant<br />
de davantage de stabilité.<br />
(4) L’Europe et le Japon ont également tiré partie de ce système. En effet, dans la<br />
phase de reconstruction, la stratégie de développement de ces pays a consisté à promouvoir<br />
l’investissement (via une épargne forcée) et les exportations au détriment<br />
des salaires et de la consommation. Ce « pacte social » synonyme de renonciation à<br />
une consommation immédiate devait être compensé à terme par une croissance<br />
future plus forte, source de davantage de revenu. Durant toute la période, ces pays<br />
ont résisté à l’appréciation de leur monnaie.<br />
54
Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />
I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />
Ce statut de référence <strong>du</strong> dollar confère un avantage certain<br />
aux États-Unis, principal pays capable de s’endetter dans sa<br />
propre monnaie. Les créances américaines sur l’étranger étant<br />
libellées en partie en devises et les dettes entièrement en dollar,<br />
une dépréciation <strong>du</strong> billet vert a ainsi comme effet d’accroître<br />
la valorisation des actifs nets qu’ont les Etats-Unis sur<br />
le reste <strong>du</strong> monde.<br />
Leurs créanciers internationaux sont, au contraire, exposés au<br />
risque dollar. Ils dégagent des excédents vis-à-vis <strong>du</strong> reste <strong>du</strong><br />
monde mais ne peuvent accumuler de créances sur l’étranger<br />
dans leur propre monnaie. Ils sont donc contraints de recycler<br />
ces excédents sous forme d’achats d’actifs libellés en grande<br />
partie en dollars. Ayant un niveau d’épargne domestique<br />
élevé, ces économies vertueuses se trouvent dans la situation<br />
inverse des États-Unis. Or, le taux de change étant un prix<br />
censé équilibrer les déséquilibres de balance des paiements, la<br />
tendance naturelle <strong>du</strong> dollar est baissière alors que celle des<br />
monnaies des pays dont l’épargne est excédentaire est haussière.<br />
Le stock d’actifs en dollar des pays excédentaires ne cessant<br />
de croître, cela les rend vulnérables à l’appréciation<br />
inexorable de leur monnaie domestique.<br />
Quand les anticipations se focalisent sur ce risque, les réajustements<br />
de portefeuille en découlant, qui prennent la forme de<br />
conversions de dollars en monnaie nationale, précipitent l’ajustement<br />
de parité. Au-delà de la perte de compétitivité à l’exportation<br />
subie par ces économies en cas d’appréciation de leur monnaie,<br />
c’est aussi un risque de crise financière qui peut se profiler.<br />
Une réponse politique pour stopper les ventes d’actifs en dollar<br />
est de rendre ce placement suffisamment attractif, en<br />
abaissant le rendement offert sur les actifs en monnaie locale,<br />
via des ré<strong>du</strong>ctions de taux d’intérêt. Si cela s’avère insuffisant,<br />
les agents continuant d’anticiper une hausse de la monnaie<br />
domestique, ou impossible à réaliser lorsque les taux arrivent<br />
à leur plancher. La banque centrale est alors obligée d’intervenir<br />
directement sur le marché des changes en rachetant à guichet<br />
ouvert tous les dollars qui s’y présentent. Ce syndrome<br />
de la « vertu conflictuelle », selon les termes de R. McKinnon,<br />
semble donc bien être une raison supplémentaire poussant les<br />
pays créanciers, comme en Asie, à amasser des stocks importants<br />
d’actifs en dollar à des fins de stabilisation <strong>du</strong> taux de<br />
change (5) . Cela garantit en retour la valeur de leur richesse<br />
accumulée en devise, en plus des avantages traditionnels de<br />
prévention contre les crises de change. /...<br />
(5) McKinnon R.I., “The World Dollar Standard and Globalization, New Rules for<br />
the Game?”, Standford University, août 2003.<br />
55
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... Le risque dollar : le prix à payer<br />
pour les pays excédentaires<br />
Le fait que la croissance mondiale soit assise sur des déséquilibres<br />
financiers croissants pose néanmoins question.<br />
B. Eichengreen(6), en réponse à l’article de Dooley et al.,<br />
propose quelques pistes de réflexion.<br />
Tout d’abord sous l’ère de Bretton Woods, les comptes<br />
courants américains sont restés excédentaires (7) . On ne peut<br />
donc parler, pour cette période, d’insuffisance chronique<br />
d’épargne. Un déficit courant américain atteignant les<br />
550 mds $ en 2003 (soit 5 % <strong>du</strong> PIB) accroît considérablement<br />
le risque de dépréciation <strong>du</strong> dollar.<br />
À l’autre extrémité de la chaîne, les créances accumulées sur<br />
l’étranger par les pays asiatiques atteignent de tels niveaux<br />
qu’on doit s’interroger sur le degré d’exposition de ces économies<br />
en cas d’effondrement <strong>du</strong> dollar, compte tenu des pertes<br />
en capital qui en découleraient.<br />
Pour illustrer ce propos et compte tenu <strong>du</strong> rôle croissant joué<br />
par la Chine dans le bouclage des comptes extérieurs américains,<br />
il est intéressant de regarder les grandeurs en jeu. Il existe deux<br />
manières d’appréhender le stock de créances liquides en dollars<br />
que sont susceptibles de détenir les résidents chinois :<br />
• soit directement, en additionnant les actifs nets étrangers détenus<br />
par le système bancaire, les réserves officielles et également les<br />
fuites de capitaux. Ce dernier poste est constitué des erreurs et<br />
omissions de la balance des paiements, qui correspondent bien à<br />
des créances sur l’étranger, et rassemble le plus souvent les dollars<br />
sortis illégalement <strong>du</strong> pays (revenus des exportations non rapatriées,<br />
transferts de devises vers les banques de Hong Kong...).<br />
CHINE – BALANCE COURANTE ET FLUX D’IDE (CUMUL)<br />
700<br />
600<br />
500<br />
400<br />
300<br />
200<br />
100<br />
0<br />
mds USD<br />
91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03<br />
Flux nets d’IDE<br />
Balance courante<br />
Source : EIU, IIF, CAsa<br />
(6) Eichengreen B., « Global imbalances and the lessons of Bretton Woods », NBER<br />
WP, n°10497, mai 2004.<br />
(7) À l’exception notable de l’année 1959 où les craintes d’une dévaluation ont fragilisé<br />
le régime monétaire.<br />
56
Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />
I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />
• soit indirectement, en cumulant la somme des excédents<br />
courants et des flux nets d’IDE, ce qui revient à calculer les<br />
entrées de capitaux longs étrangers devant être recyclés sous la<br />
forme d’achats d’actifs liquides en devises.<br />
CHINE – ACTIFS NETS LIQUIDES EN DEVISES (STOCKS)<br />
mds USD<br />
750<br />
650<br />
550<br />
450<br />
350<br />
250<br />
150<br />
50<br />
– 50<br />
91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03<br />
Forex Fuite de Kx Actifs nets des banques<br />
Source : EIU, IIF, CAsa<br />
Ces deux approches donnent des résultats sensiblement équivalents,<br />
avec au total un stock de créances en dollar évalué, fin<br />
2003, autour de 650 mds $, soit environ 45 % <strong>du</strong> PIB chinois.<br />
La Banque Populaire de Chine paraît la plus exposée au risque<br />
de change avec plus de 400 mds $ de réserves, dont la majorité<br />
est détenue sous forme de titres publics américains.<br />
Toutes choses égales par ailleurs, une dévaluation soudaine de<br />
25 % <strong>du</strong> dollar se tra<strong>du</strong>irait par des pertes en capital de<br />
100 mds $ sur ces réserves, soit un coût équivalent à près de<br />
7 points de PIB ! Le bilan agrégé <strong>du</strong> secteur bancaire fait par<br />
ailleurs apparaître un actif net d’un montant de 67 mds $,<br />
équivalant à moins de 5 % <strong>du</strong> PIB. Enfin, les flux transfrontaliers<br />
illégaux représentent en cumulé plus de 189 mds $<br />
(soit 13 % <strong>du</strong> PIB).<br />
Les banques centrales acheteuses<br />
en dernier ressort de titres américains<br />
Depuis 2001, alors que les créanciers privés se sont détournés<br />
progressivement des titres américains, la banque centrale chinoise<br />
semble clairement avoir pris le relais (8) . Cette période<br />
correspond peu ou prou au revirement des anticipations en<br />
faveur d’une appréciation de la devise chinoise. Avec les afflux<br />
/...<br />
(8) Rappelons que deux facteurs expliquent ce désengagement des créanciers<br />
privés : la crise des grandes entreprises américaines et la substitution rapide d’un<br />
déficit public aux déficits privés d’une part, le fort mouvement de baisse des taux<br />
d’intérêt d’autre part.<br />
57
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
de capitaux étrangers et les excédents courants récurrents, les<br />
pressions haussières sur le change semblaient en effet plaider<br />
pour une réévaluation <strong>du</strong> yuan.<br />
Les mouvements spéculatifs, théoriquement prohibés <strong>du</strong> fait de<br />
la non convertibilité de la monnaie chinoise pour les transactions<br />
financières, sont restés en pratique possibles étant donné<br />
la porosité <strong>du</strong> contrôle des changes, reflétée dans l’importance<br />
<strong>du</strong> poste « erreurs et omissions » de la balance des paiements.<br />
Très schématiquement, pour un résident chinois, la décision<br />
de détenir un actif en dollar (de manière illicite ou non) par<br />
rapport à son équivalent en yuan, dépend <strong>du</strong> différentiel de<br />
rendement anticipé. Or, depuis août 2001, les taux d’intérêt<br />
sur les avoirs en dollar sont devenus inférieurs aux taux chinois.<br />
Cette situation, couplée à des anticipations d’appréciation<br />
de la devise chinoise, a ren<strong>du</strong> les actifs libellés en dollar<br />
moins attractifs et alimenté des demandes de conversion de<br />
ces avoirs en yuan. Il a bien fallu que la banque centrale<br />
absorbe ces ventes de dollar pour éviter toute menace sur la<br />
stabilité <strong>du</strong> change.<br />
Cette tendance, qui s’est poursuivie au début de l’année 2004,<br />
serait néanmoins freinée voire interrompue dans un contexte de<br />
remontée des taux d’intérêt américains. Le différentiel de rendement<br />
anticipé s’inverserait, à condition toutefois que les<br />
anticipations d’appréciation <strong>du</strong> yuan ne soient pas trop fortes.<br />
On se trouve bien dans la situation évoquée plus haut, où les<br />
autorités souhaitent limiter la conversion des avoirs en devises<br />
en monnaie locale, afin de limiter les tensions à l’appréciation<br />
de la monnaie domestique (ou de garantir le système de change<br />
fixe comme dans le cas chinois). Si le pays ne peut pas ré<strong>du</strong>ire<br />
le rendement anticipé sur les opérations en monnaie locale, ce<br />
qui peut être le cas lorsque la baisse des taux d’intérêt domestiques<br />
alimente une dynamique de crédit interne insoutenable,<br />
alors les banques centrales sont contraintes d’acheter tous les<br />
dollars qu’on leur propose. Selon nos calculs, on peut estimer<br />
qu’en Chine, les capitaux rapatriés de l’étranger et la liquidation<br />
des portefeuilles en devises (compte tenu <strong>du</strong> risque de<br />
dépréciation des créances en dollar face à une réévaluation <strong>du</strong><br />
yuan) ont atteint en deux ans environ 40 mds $, montant qui<br />
reste toutefois relativement faible eu égard au stock accumulé<br />
jusqu’à présent (i.e. 650 mds fin 2003).<br />
UN SYSTÈME GARANT D’UNE CROISSANCE<br />
FORTE ET DE RATTRAPAGE<br />
N éanmoins, ce n’est sans doute pas aveuglément que les<br />
banques centrales asiatiques poursuivent cette course effrénée<br />
d’achat de billets verts. Dans le cas de la Chine, la persistance<br />
58
Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />
I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />
des grands déséquilibres financiers internationaux a une cohérence<br />
au regard des énormes enjeux auxquels est confrontée<br />
l’économie.<br />
L’Empire <strong>du</strong> Milieu accepte en effet d’accumuler des actifs en<br />
dollar en dépit de toute considération micro-économique de<br />
couple risque/rendement, car les gains à retirer d’une telle<br />
stratégie lui paraissent probablement bien plus élevés en<br />
termes de croissance macro-économique. Avec un taux de<br />
chômage urbain de l’ordre de 8 % et une population de<br />
migrants potentiels autour 200 millions de paysans, ce sont<br />
des dizaines de millions d’emplois que le marché <strong>du</strong> travail<br />
doit créer chaque année pour maintenir un équilibre social<br />
déjà précarisé par le creusement des inégalités. La Chine doit<br />
aller vite, très vite... et cela n’a pas de prix...<br />
Pour les autres pays d’Asie et notamment pour le Japon, la<br />
problématique se pose moins en termes de rattrapage qu’en<br />
termes de potentiel de croissance. La région s’est en effet<br />
développée selon un même schéma d’in<strong>du</strong>strialisation par les<br />
exportations, stratégie elle-même fondée sur l’idée qu’il existe<br />
un cycle des pro<strong>du</strong>its d’exportations avec une progressive<br />
montée en gamme (mesurée par le degré de valeur ajoutée<br />
pro<strong>du</strong>ite localement incorporée dans les pro<strong>du</strong>its exportés).<br />
Dans les années 50 et 60, le Japon et Singapour étaient de<br />
grands pays ateliers, les firmes multinationales occidentales<br />
ayant cherché à tirer partie des avantages comparatifs de ces<br />
pays dans les activités d’assemblage, compte tenu de la faiblesse<br />
de leurs coûts salariaux. À partir <strong>du</strong> milieu des années<br />
1980, dans un contexte de réévaluation <strong>du</strong> yen, cette logique<br />
d’intégration verticale des processus pro<strong>du</strong>ctifs a poussé les<br />
Japonais à déplacer les activités d’assemblage vers d’autres<br />
pays d’Asie, principalement Singapour, Hong Kong, Taiwan<br />
et la Corée qui offraient une main d’œuvre de qualité<br />
meilleure marché. À mesure de leur développement, ces économies<br />
sont elles-aussi passées de simples activités d’assemblage<br />
à des processus de pro<strong>du</strong>ction de plus en plus complexes.<br />
Les in<strong>du</strong>striels japonais en ont profité pour cesser<br />
d’approvisionner leurs usines d’assemblages implantées localement<br />
en composants fabriqués au Japon pour se les procurer<br />
directement sur place. De leur côté, les dragons d’Asie ont à<br />
leur tour commencé à délocaliser les stades de pro<strong>du</strong>ction à<br />
faible valeur ajoutée vers les pays de l’ASEAN puis vers la<br />
Chine. Ces délocalisations en cascade, servies par un fort<br />
accroissement des échanges, ont posé les bases d’un réseau de<br />
pro<strong>du</strong>ction régionale.<br />
L’émergence de la Chine sur la scène régionale a permis aux<br />
nations in<strong>du</strong>strialisées d’Asie, ayant des coûts salariaux /...<br />
59
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... incomparablement plus élevés, de retrouver un second souffle<br />
en termes de compétitivité internationale. Grâce aux délocalisations<br />
des activités intensives en main d’œuvre vers l’Empire<br />
<strong>du</strong> milieu, ces pays profitent aujourd’hui d’une base de pro<strong>du</strong>ction<br />
et d’assemblage ultra-compétitive qui alimente le<br />
dynamisme de leurs exportations et enclenche un cercle vertueux<br />
de croissance.<br />
Pour exemple, le Japon, qui a connu une décennie de faible<br />
croissance après l’éclatement de la bulle financière de la fin des<br />
années 80, ne doit son salut qu’à cet arrimage croissant avec<br />
l’Asie et la Chine en particulier. Ses moteurs internes de croissance<br />
restent en effet grippés. Les contraintes structurelles<br />
liées au vieillissement démographique, à la déflation rampante<br />
et aux déséquilibres financiers domestiques (notamment la<br />
masse des prêts non performants logés au sein des bilans bancaires<br />
hérités <strong>du</strong> dégonflement de la bulle) continuent de brider<br />
les bases purement domestiques de la croissance. De fait,<br />
le cycle d’activité au Japon est intimement lié à ses performances<br />
à l’exportation, qui ont connu un regain de dynamisme<br />
depuis 2001, date d’entrée de la Chine dans l’OMC.<br />
La réalisation progressive de ces potentiels de croissance,<br />
« illimitée » dans le cas de la Chine, devrait générer des revenus<br />
suffisants pour venir éroder les ratios de dette publique /<br />
PIB en partie accrus par l’absorption future des pertes en<br />
capital que les banques centrales asiatiques réaliseront sur<br />
leurs réserves (cf. graphique ci-après). Implicitement, ceci suppose<br />
comme scénario central un effritement tendanciel <strong>du</strong><br />
billet vert.<br />
Une crise <strong>du</strong> dollar pousserait en revanche momentanément à<br />
la hausse ces ratios d’endettement, sans pour autant mettre en<br />
péril la solvabilité des Etats tant que la croissance de leur économie<br />
empêche l’enclenchement de dynamiques explosives<br />
d’endettement. La prise en charge totale des pertes en capital<br />
par les Etats asiatiques serait de plus une hypothèse raisonnable<br />
dans la mesure où les banques centrales ne peuvent faire<br />
défaut. Pour les acteurs privés qui détiennent des créances<br />
liquides en dollar et qui souhaitent se prémunir contre le<br />
risque de perte en capital, une dépréciation <strong>du</strong> billet vert les<br />
pousserait à liquider à grande échelle leur portefeuille en<br />
devises, ce qui pourrait fragiliser les bilans bancaires ou <strong>du</strong><br />
moins obligerait les banques centrales à acheter à guichet<br />
ouvert tous ces dollars.<br />
60
Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />
I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />
RÉSERVES DE CHANGE DE NEUF PAYS D’ASIE<br />
1 800<br />
Données trimestrielles, mds de $<br />
1 600<br />
1 400<br />
1 200<br />
1 000<br />
800<br />
600<br />
400<br />
200<br />
0<br />
95 96 97 98 99 00 01 02 03 04<br />
CH JP HK TH PH KO SG MY TW<br />
Source : IMF, Crédit <strong>Agricole</strong>, S.A.<br />
Le coût ne se limiterait donc pas aux pertes en capital encourues<br />
sur les réserves de change déjà accumulées. Dans le cas<br />
chinois toujours, une baisse <strong>du</strong> dollar contre yuan de 25 %<br />
impliquerait finalement aujourd’hui un coût supérieur à<br />
10 points de PIB. Ce montant est loin d’être négligeable, mais<br />
a priori gérable compte tenu <strong>du</strong> potentiel de croissance de la<br />
Chine. Enfin, le long délai de convergence de la Chine, à<br />
laquelle se joindront ensuite sur le même mode de développement<br />
d’autres pays comme l’Inde, suggère à Dooley et al. que<br />
ce régime monétaire et donc les déséquilibres financiers globaux<br />
actuels sont soutenables pendant plusieurs décennies.<br />
VIABILITÉ DU SMI : UNE COORDINATION<br />
SANS COOPÉRATION ?<br />
La thèse de ces auteurs ne pouvait évidemment laisser indifférents<br />
les spécialistes d’économie internationale. Dans sa critique,<br />
B. Eichengreen met notamment l’accent sur le risque d’un défaut<br />
de coordination entre les banques centrales asiatiques.<br />
À cet égard, à l’époque de Bretton Woods, le système en place<br />
était institutionnalisé. Lorsqu’au début des années 60, avec la<br />
détérioration patente des comptes extérieurs américains, le<br />
risque de dévaluation est devenu plus fort, les achats spéculatifs<br />
d’or contre dollar ont commencé à l’ébranler. Ce qui était<br />
indivi<strong>du</strong>ellement rationnel menaçait cependant la stabilité<br />
globale, l’intérêt collectif étant de maintenir l’ancrage <strong>du</strong> dollar<br />
à l’or. Synonyme de ralentissement aux États-Unis (9) , une<br />
dévaluation aurait également impacté à plusieurs titres la /...<br />
(9) Si on suppose des élasticités faibles des exportations et des importations, le pays<br />
aurait dû ré<strong>du</strong>ire son train de vie en consommant moins ; les taux d’intérêt<br />
seraient également montés avec l’inflation importée...<br />
61
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... périphérie émergente (Europe et Japon) : perte de compétitivité,<br />
ré<strong>du</strong>ction des débouchés extérieurs, pertes en capital sur<br />
les réserves. Afin de coordonner leurs actions, les banques<br />
centrales ont décidé de former un « pool de l’or » dont l’objectif<br />
était de maintenir la convertibilité en or <strong>du</strong> dollar au prix<br />
fixé par les accords de Bretton Woods. Afin de lutter contre<br />
les conséquences globalement néfastes de leur comportement<br />
respectif, les institutions ont mis en place des mécanismes<br />
pour promouvoir une collective.<br />
Aujourd’hui en Asie, la faiblesse des institutions régionales<br />
pourrait con<strong>du</strong>ire à des problèmes de coordination, faisant<br />
voler en éclat une alliance de pure circonstance. Le bloc Asie<br />
est loin d’être homogène en raison notamment des stades de<br />
développement très différents entre les pays. Si la Chine se<br />
trouve bien dans une logique de décollage économique et de<br />
rattrapage, ce n’est évidemment plus le cas <strong>du</strong> Japon. À cet<br />
égard, il faudrait creuser les motivations qui poussent l’archipel<br />
et les autres tigres d’Asie à jouer le jeu chinois...<br />
Un autre grand risque concerne les déséquilibres internes qui<br />
semblent se former aux deux extrémités <strong>du</strong> système. D’une<br />
part, l’inflation des bases monétaires domestiques en Asie a<br />
alimenté une croissance forte et rapide des agrégats de crédit<br />
dans toute la région. Ce flux de financement a servi aux secteurs<br />
pro<strong>du</strong>ctifs, parfois au prix d’une accumulation de surcapacités,<br />
mais il s’est également déversé sur les marchés immobiliers,<br />
avec une croissance immodérée des prix dans certains<br />
villes. La difficulté à stériliser les réserves de change en Asie<br />
appelle ainsi probablement d’autres politiques de change.<br />
D’autre part, de bas taux d’intérêt aux États-Unis ont eu tendance<br />
à gonfler une bulle obligataire et une bulle immobilière.<br />
Et surtout, le déficit courant américain se gonfle inexorablement<br />
sous l’influence conjointe d’une consommation<br />
privée toujours soutenue et <strong>du</strong> basculement des finances<br />
publiques d’un excédent de 2,5 % en 2000 à un déficit de<br />
4,5 % en 2004.<br />
Néanmoins, même un ajustement baissier important <strong>du</strong> dollar<br />
ne semble pouvoir autoriser un rééquilibrage suffisant des<br />
comptes extérieurs américains, compte tenu de contraintes<br />
d’ordre structurel qui insensibilisent une part <strong>du</strong> déficit commercial<br />
aux mouvements relatifs des prix des biens échangeables<br />
internationalement. Du côté des exportations, la perte<br />
de compétitivité de l’in<strong>du</strong>strie américaine s’est accompagnée<br />
d’un redéploiement de la base manufacturière en Asie, alors<br />
62
Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />
I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />
que les échanges de services au niveau mondial, spécialité des<br />
États-Unis, ne progressent qu’à pas lents. La baisse <strong>du</strong> dollar<br />
ne pourrait inverser cette tendance structurelle.<br />
En revanche, ces changements au niveau de la spécialisation<br />
internationale impliquent que les importations américaines<br />
sont sensibles à la croissance de la demande interne et ce quel<br />
qu’en soit le prix (élasticité volume supérieure à l’élasticité<br />
prix), la base de pro<strong>du</strong>ction domestique n’étant plus adaptée à<br />
la demande de biens de consommation des ménages américains.<br />
Au final, les États-Unis ne pourront sans doute pas faire<br />
l’économie d’un ralentissement <strong>du</strong>rable, voire d’une récession<br />
(forcée ou non) pour restaurer leurs équilibres extérieurs.<br />
Pour limiter l’impact récessif global, un rééquilibrage de la<br />
croissance mondiale en direction des pays en position de<br />
créanciers nets internationaux serait souhaitable. Mais,<br />
comme le souligne M. Aglietta (10) , la résorption des déséquilibres<br />
actuels, selon un schéma progressif idéal, appelle une<br />
coordination au niveau mondial des politiques macroéconomiques<br />
qui a peu de chances de se pro<strong>du</strong>ire. Même si le pire<br />
n’est jamais certain, ceci semble laisser peu d’issue à moyen<br />
terme pour corriger les excès <strong>du</strong> système financier international.<br />
On ne doit donc pas négliger la possibilité d’un ajustement<br />
douloureux via un mouvement ample et désordonné des<br />
changes, accompagné d’un risque de récession mondiale.<br />
En définitive, la globalisation financière ne doit être ni diabolisée<br />
ni encensée. Elle a sans doute contribué à nourrir la<br />
croissance tout au long de la dernière décennie, et ce en dépit<br />
d’accidents de parcours qui, pris isolément, restent dramatiques<br />
(Amérique latine, Indonésie...).<br />
L’essor de la Chine sur la scène internationale rappelle que les<br />
pays émergents peuvent, en respectant préalablement certaines<br />
conditions et en s’ouvrant progressivement, tirer partie<br />
de l’intégration croissante des marchés des biens et <strong>du</strong> capital.<br />
Mais cette expansion a également alimenté de lourds déséquilibres.<br />
Certains ont été purgés dans la douleur, comme en<br />
témoigne la violence des crises financières à répétition dans<br />
les pays émergents. D’autres, on le sait, devront être tôt ou<br />
tard corrigés. La fuite en avant de l’économie américaine ne<br />
pourra se poursuivre indéfiniment sans déboucher sur un<br />
ajustement qui pourrait s’avérer périlleux (sa forme, son<br />
ampleur et son timing restant néanmoins très aléatoires et<br />
dans tous les cas imprévisibles). La globalisation financière<br />
semblant propice aux bulles et aux crises financières, il /...<br />
(10) Aglietta M., « La dangereuse fuite en avant de l’économie », Sociétal, n° 45,<br />
2004.<br />
63
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... convient d’agir soit de manière préemptive en freinant la<br />
montée des déséquilibres financiers, soit, le cas échéant, en<br />
stoppant les dynamiques cumulatives qui accompagnent leur<br />
débouclage. Dans un contexte d’interdépendances croissantes,<br />
les politiques macroéconomiques doivent donc être pensées à<br />
l’échelle mondiale. Mais pour arriver à ce degré de coopération<br />
internationale, des instances légitimes de gouvernance<br />
macroéconomique mondiale restent encore à inventer (ou à<br />
réinventer [11] )!<br />
(11) Le G7/8, qui n’accueille que la Russie comme pays émergents, émet effectivement<br />
des recommandations de politique macro-économique. Néanmoins, les déséquilibres<br />
financiers globaux ne cessant de gonfler, on peut s’interroger sur sa capacité<br />
à régenter l’économie mondiale. Ces allusions répétées quant à la<br />
sous-évaluation et à la manipulation des taux de change en Asie sont par exemple<br />
restées lettre morte.<br />
64
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
Agir en Chine<br />
Bon nombre de groupes in<strong>du</strong>striels<br />
et bancaires français sont d’ores<br />
et déjà implantés en Chine.<br />
Essilor et le Groupe Crédit <strong>Agricole</strong><br />
en sont deux exemples.<br />
Avec un point commun : l’expertise,<br />
fondée sur une expérience de longue date<br />
et sur la compréhension des mécanismes économiques<br />
et de la culture <strong>du</strong> pays.<br />
65
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
66
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
Essilor :<br />
l’exemple d’un succès<br />
en Chine<br />
I NTERVIEW DE XAVIER FONTANET<br />
PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL, ESSILOR INTERNATIONAL<br />
Depuis dix ans, Essilor déploie en Chine une stratégie d’implantation<br />
particulièrement dynamique. Pourriez-vous brièvement<br />
nous en retracer l’historique ? Quels objectifs successifs<br />
avez-vous poursuivis ?<br />
L’histoire d’Essilor en Chine a commencé il y a déjà dix ans.<br />
Nous avions décidé de nous déployer en 1994 hors des pays<br />
développés. Nous hésitions alors entre la Chine, l’Inde et la<br />
Russie.<br />
Notre choix s’est porté sur la Chine, parce qu’à l’époque nous<br />
avions eu des soucis en Russie et que l’Inde n’occupait pas le<br />
devant de la scène. Nous avions enfin eu vent de belles performances<br />
réalisées par deux ou trois entreprises françaises en<br />
Chine.<br />
Fallait-il acheter une grande entreprise chinoise qui fabriquait<br />
des verres ? Fallait-il s’engager seul ou en partenariat ? Finalement,<br />
nous avons décidé de pénétrer le marché en joint venture,<br />
en implantant une usine de verre organique, pro<strong>du</strong>it<br />
alors inconnu en Chine.<br />
Nous avons donc signé un partenariat avec l’une des quatre<br />
grandes banques <strong>chinoises</strong>, la Citicorp, sur une base de 75/25<br />
et avons démarré une usine. Nous avons opté pour la ville de<br />
Shanghai qui nous permettait de loger correctement nos expatriés.<br />
Les salaires y étaient plus élevés, mais faire venir des<br />
équipes de techniciens dans des contrées très éloignées n’était<br />
pas réaliste.<br />
Nous avons rapidement racheté les parts de notre partenaire<br />
pour avoir la main sur les stratégies et les opérations. /...<br />
67
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
Les autorités <strong>chinoises</strong> ont été, avec nous, en tout point d’une<br />
diligence remarquable. L’affaire s’est développée progressivement.<br />
Dans un premier temps, l’usine a eu une vocation<br />
essentiellement exportatrice. Nous avons d’abord cherché à<br />
créer une masse de pro<strong>du</strong>ction pour obtenir des coûts bas permettant<br />
d’attaquer ensuite le marché chinois.<br />
Quelles sont, pour vous, les particularités les plus étonnantes<br />
<strong>du</strong> marché chinois ? Quelles adaptations impliquent-elles<br />
pour votre entreprise ?<br />
Dans notre métier « un œil chinois est un œil européen. »<br />
Quel que soit l’endroit au monde, il s’agit toujours <strong>du</strong> même<br />
organe. Il y a beaucoup plus d’unité dans la vue que dans l’estomac.<br />
Un estomac n’est pas un estomac, les goûts ne sont<br />
pas identiques, par contre la vision demeure la même. En<br />
Chine, tous les gens sont myopes, parce que les yeux sont<br />
trop grands. Nous avons donc là un important marché de<br />
verres finis.<br />
Sur le plan de la dynamique, le marché a évolué d’un point de<br />
vie technologique beaucoup plus vite qu’on ne le pensait.<br />
Quand nous sommes arrivés, ce marché était essentiellement<br />
minéral (1) . En général, il faut compter une vingtaine d’années<br />
pour voir le marché passer <strong>du</strong> verre minéral au verre plastique.<br />
Dans le cas de la Chine, cela a pris seulement dix ans !<br />
Cette caractéristique nous a beaucoup étonnés, de même que<br />
la vitesse avec laquelle les concurrents locaux sont apparus. La<br />
Chine est un pays capable de créer des concurrents.<br />
La partie sera désormais plus sévère pour les acteurs chinois<br />
car Essilor est désormais partenaire <strong>du</strong> numéro 1 coréen.<br />
Aujourd’hui, nous pénétrons en effet le marché chinois par le<br />
biais d’un second canal avec une société coréenne partenaire,<br />
Chemi, qui s’attaque directement aux concurrents chinois, et<br />
ceci avec un succès qui nous étonne et nous ravit.<br />
Essilor occupe le haut <strong>du</strong> marché avec ses marques Essilor et<br />
Varilux(r). Chemi rentre en concurrence directe avec les Chinois<br />
et les autres Coréens. La stratégie à deux marques a complètement<br />
libéré Essilor qui ne cherche pas à tout couvrir, et<br />
Chemi sait aussi très clairement où se diriger et fait preuve<br />
d’une efficacité remarquable. Les Chinois aiment les pro<strong>du</strong>its<br />
coréens.<br />
Je suis donc confiant dans les perspectives <strong>du</strong> groupe sur le<br />
long terme. Nous sommes déjà leader en valeur. Nous pouvons<br />
l’être en volume fin 2006 ou dans le courant de 2007.<br />
1. Verres en « verre ».<br />
68
Essilor : l’exemple d’un succès en Chine<br />
X A V I E R F O N T A N E T<br />
Le débat sur les délocalisations reste vif dans le paysage social<br />
français. Sur ce registre, comment s’explique le choix d’Essilor<br />
de pro<strong>du</strong>ire en Chine et que répondriez-vous à vos éventuels<br />
détracteurs ?<br />
Essilor a commencé à délocaliser il y a trente ans parce que<br />
l’un de nos concurrents japonais, Hoya, avait développé ses<br />
usines en Thaïlande pour attaquer l’Europe.<br />
Bien sûr, cette décision ne fut pas facile à prendre pour nos<br />
prédécesseurs. Tout le monde disait : « Pourquoi allez-vous<br />
vous fatiguer dans ces aventures lointaines ? Essilor fait de<br />
l’argent ! Prenez votre temps ! » Heureusement, ces choix ont<br />
été faits il y a trente ans ! Depuis quinze ans, nous avons<br />
amplifié cette politique.<br />
Aujourd’hui 70 % de notre pro<strong>du</strong>ction de verres finis et semifinis<br />
viennent de la délocalisation – que je préfère appeler<br />
relocalisation – La finition des verres, elle se fait toujours en<br />
Europe et aux États-Unis localement. Nous gardons une<br />
importante valeur ajoutée locale qui est même en croissance,<br />
puisque les verres sont de plus en plus sophistiqués.<br />
Tout cela s’est passé de manière harmonieuse et les effectifs<br />
français ont toujours été légèrement croissants. Il y a eu un<br />
énorme changement dans la composition des effectifs. Nous<br />
avons de plus en plus d’ingénieurs, d’informaticiens, de commerçants<br />
et de logisticiens et il est certain que la population<br />
ouvrière a décrû.<br />
Il va sans dire que sans la délocalisation, Essilor n’existerait<br />
plus ou serait au mieux une société faible !<br />
On entend des choses très inexactes sur la délocalisation. Sur<br />
un plan général, en France, on s’y est souvent pris trop tard,<br />
et c’est la raison pour laquelle cela se passe mal... Mais si l’on<br />
anticipe, on se fait également mal voir. Les gens n’agissent<br />
que dans la nécessité et ne voient la nécessité que dans la<br />
crise.<br />
La délocalisation est un phénomène qui touche tout le<br />
monde. C’est un fait, ce n’est pas un objet de débat.<br />
Je rappelle toujours que nous avons réalisé ces relocalisations<br />
sur trente ans. Cela n’a pas été fait brutalement, mais de<br />
manière progressive, en laissant aux gens le temps de s’adapter.<br />
Le vrai sujet dans toute cette affaire est d’avoir des systèmes<br />
é<strong>du</strong>catifs qui permettent aux enfants d’ouvriers de devenir<br />
ingénieurs ou commerçants. En s’y prenant à l’avance on a<br />
largement le temps d’y parvenir.<br />
C’est vrai au niveau de l’entreprise comme au niveau <strong>du</strong> pays. /...<br />
69
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... Quel accompagnement attendez-vous d’une banque dans la<br />
con<strong>du</strong>ite de votre développement international ?<br />
Nous sommes une société très peu endettée. Nous investissons<br />
surtout à partir de nos fonds propres, mais il est évident que<br />
de grandes banques aux raisonnements mondiaux se révèlent<br />
être d’une grande aide, que ce soit pour les prêts à court<br />
terme, la trésorerie et tout ce qui est couverture de change.<br />
Nous nous sentons confortables avec nos banques en France.<br />
Le Crédit <strong>Agricole</strong> en particulier nous connaît très bien et<br />
nous accompagne depuis longtemps partout dans le monde.<br />
Comment expliquez-vous votre réussite en Chine et quels<br />
enseignements tirez-vous de votre expérience ?<br />
La réussite n’est pas acquise bien sûr, mais je trouve que c’est<br />
bien parti ! Chaque marché est différent, chaque clientèle est<br />
différente, mais fondamentalement l’économie de marché est<br />
en train de se développer partout en Chine. On se retrouve<br />
très rapidement en terrain concurrentiel.<br />
Je pense que nous avons pris le problème par le bon bout – en<br />
pro<strong>du</strong>cteur, en direct – l’approche avec deux canaux est un<br />
coup d’accélération formidable. Nous allons commencer à<br />
pousser avec nos laboratoires de proximité pour nos verres<br />
progressifs. Ce sera la troisième étape de l’implantation d’Essilor<br />
en Chine.<br />
Les échanges commerciaux franco-chinois restent fortement<br />
déséquilibrés, en faveur de la Chine. Comment l’expliquezvous<br />
? Est-ce le résultat d’une politique commerciale française<br />
plutôt pensée en termes de grands contrats ? Les PME françaises<br />
s’impliquent-elles suffisamment dans la dynamique chinoise<br />
?<br />
Les échanges sont inégaux. La monnaie est si bon marché que<br />
c’est un déséquilibre tout à fait normal.<br />
Vous dites que la politique commerciale française est fondée<br />
sur les grands contrats. C’est vrai que la France est très performante<br />
dans les domaines de l’équipement, de l’énergie, des<br />
transports, et dans tout ce qui est services aux collectivités,<br />
mais on constate aussi la présence de nombreuses PME.<br />
Les Français sont très dégourdis quand ils opèrent à l’international,<br />
surtout dans les pays compliqués où il faut faire preuve<br />
d’initiative. Il y a certainement un retard que nous devons<br />
combler. Les aventures comme celle d’Essilor montrent que<br />
cela est possible.<br />
70
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
LE GROUPE CRÉDIT AGRICOLE EN CHINE<br />
Calyon en Chine<br />
I NTERVIEW<br />
D’HERVÉ DE FRESCHEVILLE<br />
RESPONSABLE DE LA BANQUE CALYON EN CHINE<br />
La Chine ambitionne de se doter d’un système bancaire et<br />
financier efficace. Après une première vague de réformes et<br />
des résultats insuffisants, une nouvelle phase plus incisive est<br />
en cours. Quelles en sont les avancées les plus significatives ?<br />
Avec quelles répercussions concrètes sur les activités d’une<br />
banque étrangère ?<br />
La création de la China Banking Regulatory Commission<br />
(CBRC) dirigée par Liu Mingkang, un banquier chevronné et<br />
reconnu, a amené une accélération des réformes <strong>du</strong> système<br />
bancaire. L’entrée dans l’OMC et l’instauration d’une période<br />
de transition jusqu’à la fin 2006, avant l’ouverture totale <strong>du</strong><br />
marché aux banques étrangères, facilitent la tâche de cette<br />
institution dont le souci est de professionnaliser ce secteur<br />
vital de l’économie. Cependant, il ne faut pas sous-estimer le<br />
puissant lobbying des banques locales à l’encontre des<br />
banques étrangères et l’imagination des Chinois pour préserver<br />
leur pré carré.<br />
L’une des avancées les plus significatives a été la recapitalisation<br />
de deux grandes banques <strong>chinoises</strong> BOC et CCB (22,5<br />
mds USD chacune) (1) . Il faut également mentionner le respect<br />
plus rigoureux des consignes gouvernementales par les<br />
banques. Nous l’avons par exemple constaté en mai dernier,<br />
avec la décision <strong>du</strong> gouvernement de limiter les prêts aux secteurs<br />
en surchauffe et l’apparition de problèmes de financement.<br />
Enfin, nous observons que nos interlocuteurs sont<br />
aujourd’hui plus attentifs aux risques. Le président Liu a de<br />
nouveau insisté auprès des banques locales pour qu’elles suivent<br />
les procé<strong>du</strong>res de management <strong>du</strong> risque inscrites dans<br />
les accords de Bâle II.<br />
Les banques étrangères ont elles aussi bénéficié de quelques<br />
avancées. Sur le plan géographique, cinq nouvelles villes leur /...<br />
1 La recapitalisation des banques ICBC et ABC est également envisagée.<br />
71
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
ont été ouvertes en décembre 2003 pour les financements en<br />
monnaie locale, à savoir Pékin, Kunming, Xiamen, Xian et<br />
Shenyang. Sur le plan des pro<strong>du</strong>its, le marché des dérivés leur<br />
est devenu accessible, ainsi que la vente de pro<strong>du</strong>its d’assurance.<br />
Dans le même temps, de nouvelles normes freinent les<br />
velléités des banques étrangères : quotas de financement offshore<br />
pour ces banques, ou de volumes de trading en RMB<br />
pour accéder aux couvertures à terme en RMB, ou bien<br />
encore de plafond sur le marché monétaire en fonction de<br />
leur capital local. En Chine, nous sommes donc toujours dans<br />
une période de transition au profit des banques locales.<br />
Un appel officiel a été lancé aux banques étrangères de renom<br />
par les autorités <strong>chinoises</strong>. Quelles raisons voyez-vous à cette<br />
recherche active d’investisseurs stratégiques ?<br />
La recherche de partenaires étrangers appartient à cette vision<br />
chinoise qui tend à considérer les banquiers extérieurs comme<br />
un aiguillon pouvant aider à la restructuration des banques<br />
locales, à la mise en place de méthodes de management, au<br />
développement des affaires. La participation étrangère autorisée<br />
reste minoritaire, avec un plafond à 25 % et il est peu<br />
probable que ce pourcentage augmente. L’expérience de l’Europe<br />
de l’Est, dont le secteur bancaire est maintenant aux<br />
mains des étrangers, a fait réfléchir les autorités de ce pays.<br />
L’expérience internationale de Calyon et votre propre expertise<br />
vous permettent-elles d’établir une comparaison entre la<br />
modernisation <strong>du</strong> système bancaire chinois et celle intervenue<br />
dans d’autres pays ?<br />
Les Chinois ont bien compris qu’il fallait se doter d’une économie<br />
moderne et puissante pour espérer compter sur le plan<br />
de la politique internationale. Si la réforme des sociétés d’Etat<br />
(SOE) a été bien engagée sous le précèdent gouvernement,<br />
celle <strong>du</strong> système bancaire n’a pas accompli de progrès<br />
notables, en dépit de la création des structures de défaisance.<br />
Avec la mise en place de la Commission bancaire, avec un<br />
suivi et une action <strong>du</strong> Conseil d’État, le nouveau gouvernement<br />
a désormais réellement pris la question à son plus haut<br />
niveau et entrepris de réformer. Chacun sait que la banque est<br />
un « mal nécessaire » mais qu’elle n’en demeure pas moins un<br />
maillon essentiel pour soutenir l’économie et la croissance.<br />
En me référant à l’Indonésie que je connais mieux, je soulignerai<br />
que les dirigeants chinois ont une vision à la fois stratégique<br />
et à long terme. Pragmatiques et bien renseignés, car<br />
voyageant beaucoup, ils savent parfaitement comment<br />
con<strong>du</strong>ire des réformes, en choisir le rythme et surtout préser-<br />
72
Calyon en Chine<br />
H E R V É D E F R E S C H E V I L L E<br />
ver leurs intérêts nationaux. Un dérapage est toujours possible,<br />
mais depuis des décennies, ils ont montré qu’ils savaient<br />
naviguer de Charylde en Scylla. Au lieu de financer les SOE<br />
par déficit public, ils ont fait en sorte que les banques se substituent<br />
à l’Etat, suscitant ainsi de mauvaises habitudes qu’il<br />
est aujourd’hui difficile de modifier rapidement.<br />
Le concept de « Grande Chine » englobe Hong Kong, la Chine<br />
continentale et Taiwan, soit trois pôles ayant leur propre<br />
dynamique bancaire. De fortes convergences apparaissent, par<br />
exemple en termes de flux. Quelle évolution pourrait-on imaginer<br />
dans les prochaines années ?<br />
Effectivement, des flux de plus en plus importants transitent<br />
depuis Taiwan vers la Chine, avec notamment des investissements<br />
qui changent de taille, dans le domaine de l’électronique<br />
avec des fonderies pour composants (plusieurs centaines<br />
de millions de $ l’unité), dans le secteur chimique...<br />
Les flux allant de Hong Kong vers la Chine sont également<br />
substantiels mais « pollués » par les incitations fiscales instaurées<br />
par les Chinois pour attirer les investissements étrangers.<br />
En effet, ce dispositif est tel qu’il pousse bon nombre d’entreprises<br />
<strong>chinoises</strong> à créer leurs structures « off-shore » pour en<br />
bénéficier.<br />
À mon sens, la volonté des autorités <strong>chinoises</strong> est en fait de<br />
montrer que le dogme « un pays, deux systèmes « fonctionne<br />
bien avec Hong Kong, surtout tant que Taiwan n’a pas rejoint<br />
le giron chinois. Pékin n’a pas intérêt à précipiter le transfert<br />
de compétences bancaire et financière de Hong Kong (au<br />
risque de déstabiliser Hong Kong) vers Shanghai, même si les<br />
Chinois sont capables d’assumer un tel transfert, en créant<br />
notamment à Shanghai le même environnement juridique et<br />
comptable.<br />
Imaginer la situation pour les années à venir n’est pas chose<br />
aisée. Il est cependant probable que le RMB sera de plus en<br />
plus utilisé à Hong Kong, et de fait convertible. Quant à<br />
envisager, une même parité puis une même monnaie... D’ici<br />
là, il faudra que les Chinois aient une véritable politique<br />
monétaire. Pour le moment, ils ont d’autres priorités et<br />
n’agissent jamais sous la pression.<br />
Les banques étrangères implantées en Chine n’y détiennent<br />
encore qu’une part marginale <strong>du</strong> marché. L’ouverture <strong>du</strong><br />
marché prévue fin 2006 apportera-t-elle de nouvelles opportunités<br />
? Avec quelles contraintes ? Et pour quelles banques ?<br />
En ouvrant certains secteurs un peu trop rapidement dans le<br />
passé, les Chinois ont vu leur marché capturé par les étrangers /...<br />
73
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... (exemple de Procter&Gamble). Ils en tiré les leçons. À ce<br />
titre, la « mauvaise expérience » d’autres pays comme la<br />
Pologne où les banques sont, dit-on, à 80 % aux mains des<br />
étrangers, les incite à la prudence. Les Chinois admettent fort<br />
bien qu’un étranger puisse gagner de l’argent en Chine, mais<br />
de manière discrète et raisonnable. Les déclarations de certaines<br />
grandes banques étrangères faisant de la Chine leur terrain<br />
de chasse ont eu le don d’irriter le nationalisme chinois.<br />
Ce pays dit « oui » au développement des entreprises étrangères,<br />
si celui-ci est contrôlé par les Chinois et à condition<br />
que des champions locaux, ayant appris des étrangers, émergent<br />
et atteignent de surcroît une stature internationale.<br />
Quelles contraintes faut-il intégrer ? Il y a toujours en Chine<br />
un rapport de force, de puissance. Toutes les banques étrangères<br />
veulent venir en Chine, ce que ne souhaitent pas forcément<br />
les Chinois qui savent aussi que les stratégies des étrangers<br />
à leur égard peuvent fluctuer. Ceci explique pourquoi ils<br />
sont intéressés par l’arrivée des plus grandes banques mondiales<br />
et pourquoi ils placent la barre, en termes de taille de<br />
bilan et de capital à investir, à un niveau élevé, bien plus<br />
élevé que dans tous les autres pays. En France, un capital de<br />
5 millions d’euros suffit pour obtenir une licence de banque<br />
universelle et pouvoir ouvrir autant d’agences qu’on le souhaite.<br />
En Chine, il faut investir 12 millions USD par agence<br />
ouverte, ce qui ouvre droit à une licence, par exemple pour<br />
travailler en devises avec des multinationales. Il faut à nouveau<br />
y ajouter 12 millions USD pour chaque licence supplémentaire.<br />
Le pays est donc ouvert à ceux ayant une stratégie à<br />
long terme et de l’argent.<br />
Le marché porteur de la banque de détail intéresse aujourd’hui<br />
les banques étrangères. Est-ce à juste titre ? Avec quels<br />
arbitrages ?<br />
La banque de détail chinoise fait rêver bon nombre d’établissements<br />
bancaires étrangers. On le comprend, compte tenu de<br />
l’importance de la population. Une population de consommateurs<br />
de l’ordre de 200 millions d’indivi<strong>du</strong>s, dont la moitié<br />
consomme régulièrement. Cette tranche de population croît<br />
rapidement, de l’ordre de 10 millions par an. Deux millions<br />
de personnes gagnent plus de 2 300 euros/mois, 10 millions<br />
gagnant plus de 1000 euros et 65 millions entre 500 et 1000<br />
euros par mois. Les Chinois épargnent également beaucoup :<br />
le taux d’épargne (40 % des revenus) est le plus élevé au<br />
monde après le Japon. Par ailleurs, les riches sont « très »<br />
riches.<br />
À ce jour, l’arbitrage que peut réaliser une banque étrangère<br />
74
Calyon en Chine<br />
H E R V É D E F R E S C H E V I L L E<br />
est le suivant : soit elle crée son propre réseau en satisfaisant<br />
aux conditions requises (60 millions USD par agence), ce qui<br />
ne favorise pas les économies d’échelle compte tenu <strong>du</strong><br />
nombre limité d’agences ; soit elle investit dans une banque<br />
locale, en sachant qu’elle y restera minoritaire. Les grandes<br />
banques universelles choisissent aujourd’hui les deux options.<br />
Le Groupe Crédit <strong>Agricole</strong> est présent en Chine, essentiellement<br />
au travers de sa filiale Calyon (voir encadré). Quelle est<br />
la position de Calyon face aux autres banques étrangères exerçant<br />
dans ce pays. Quels sont ses avantages compétitifs ?<br />
Calyon bénéficie en Chine d’une très bonne réputation liée à<br />
une longue expérience dans le pays. Sa présence remonte à<br />
1981 et Calyon est souvent perçu comme pionnier, dans les<br />
domaines <strong>du</strong> financement d’avions, de projets ou de syndication/financements<br />
en monnaie locale. Nous sommes situés<br />
dans le deuxième tiers puisque nos activités sont focalisées sur<br />
le corporate, tandis que d’autres banques se sont tournées vers<br />
le particulier ou davantage vers la clientèle chinoise. Nous<br />
avons la réputation de bien suivre notre clientèle étrangère et<br />
d’être dynamique. Sur le plan opérationnel, nous appliquons<br />
les standards internationaux de management et apportons par<br />
conséquent une plus grande sécurité par rapport aux banques<br />
<strong>chinoises</strong>.<br />
Quel bilan pourriez-vous dresser de votre pratique de la<br />
banque en Chine ?<br />
Nous sommes encore dans un pays d’hommes et pas encore<br />
dans un pays de droit, même s’il existe une abondante législation<br />
(l’exequatur d’une décision de justice, voire d’un jugement,<br />
peut sembler aléatoire, et en tout cas loin d’être uniformément<br />
compris). Nous sommes aussi dans un pays où rien<br />
n’est figé et où l’intention est importante. Du côté des autorités,<br />
la qualité des interlocuteurs est de plus en plus grande et<br />
leur souci de trouver des solutions de plus en plus marqué. Le<br />
dialogue dans le respect est une nécessité pour que les choses<br />
avancent. Les opportunités d’affaires sont multiples et le véritable<br />
souci de reconnaissance recherché par les Chinois sur le<br />
plan international engendre une relative protection de vos<br />
intérêts.<br />
En quoi la pratique de la banque à l’internationale est-elle<br />
différente dans ce pays ?<br />
La réglementation, en particulier celle des changes, est sujette<br />
à interprétation <strong>du</strong> fait de la persistance de zones grises et<br />
d’une règle qui veut que ce qui n’est pas interdit est autorisé. /...<br />
75
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... Les nombreux éclaircissements fournis font trop rarement<br />
l’objet d’écrit et les interlocuteurs changent. Il est donc<br />
important d’avoir une bonne relation et une relation suivie<br />
avec les organismes qui travaillent avec notre banque. C’est<br />
une nécessité pour pouvoir arguer de notre bonne foi, au cas<br />
où une interprétation différente serait ultérieurement retenue.<br />
En Chine, une décision est souvent prise après un large<br />
consensus, d’où notre difficulté à obtenir des réponses précises<br />
et rapides. Mais là encore, l’esprit qui préside à telle ou<br />
telle opération reste primordial.<br />
La notion de soutien abusif ou de retrait abusif de crédit<br />
n’existe pas comme en France et pour le banquier, c’est une<br />
sorte de soulagement. La Chine reste cependant un pays où<br />
une vigilance de tous les instants est de mise, où les bilans, en<br />
caricaturant un peu, sont ceux que vous voulez bien voir,<br />
mais où seront les multinationales de demain. L’ambition des<br />
Chinois d’avoir 100 entreprises parmi les 500 plus grandes<br />
entreprises mondiales n’est pas un vain mot, et je suis<br />
convaincu qu’ils y parviendront plus rapidement que les<br />
Occidentaux ne l’imaginent. Il est proche aussi le temps où de<br />
grands noms européens seront rachetés par des entreprises<br />
<strong>chinoises</strong> (2) .<br />
Quel accompagnement Calyon assure-t-il sur le marché chinois<br />
pour les entreprises françaises clientes des Caisses régionales ?<br />
Nous avons vocation à accompagner tous les clients <strong>du</strong><br />
Groupe en Chine. Nous les recevons donc tous de la même<br />
façon et n’hésitons pas à les guider dans les méandres de ce<br />
pays, à les mettre en contact avec les personnes pouvant aider<br />
leurs démarches, à agir comme banquier. Il est tout aussi<br />
important, et les clients le comprennent bien, que le suivi soit<br />
fait en liaison rapprochée avec les Caisses régionales qui agissent<br />
en tant que pilote de la relation et qui sont les mieux à<br />
même d’analyser le risque. Car la Chine reste une aventure<br />
dans laquelle il faut, et à moyen terme, investir des moyens<br />
financiers et humains. Une aventure qui s’avère aujourd’hui<br />
indispensable à un nombre croissant d’entreprises.<br />
2. Ndlr : Début décembre 2004, IBM a cédé sa division PC au groupe chinois Lenovo,<br />
pour 1,75 mds USD, en numéraire, actions et reprise de dette. Le constructeur<br />
chinois s’offre ainsi une présence dans 160 pays et se hisse à la 3 e place mondiale.<br />
76
Calyon en Chine<br />
H E R V É D E F R E S C H E V I L L E<br />
LES ACTIVITÉS DE CALYON EN CHINE<br />
• Héritier d’une longue présence séculaire en Chine (Banque d’Indochine,<br />
1875), le réseau de Calyon en Chine comprend aujourd’hui les cinq succursales<br />
de Pékin, Shanghai, Canton, Xiamen et Tianjin ainsi que le bureau de représentation<br />
de Shenzhen (1) .<br />
• Les équipes de Calyon y exercent des activités de marchés de capitaux et de<br />
banque de financement et investissement. En Chine, Calyon a mené à bien de<br />
nombreux projets de financement et a été l’une des premières banques étrangères<br />
à obtenir la licence pour les opérations en renminbi, la devise chinoise.<br />
• Le Groupe a développé ses activités sur la Chine continentale en « off-shore », à<br />
partir de Hong Kong et dans trois grands métiers : les marchés de capitaux (70 %<br />
<strong>du</strong> PNB 2003, essentiellement pour les entités souveraines et les banques<br />
publiques et aujourd’hui pour quelques entreprises), les financements structurés<br />
et spécialisés (énergie, télécommunications, infrastructures, bateaux/avions,<br />
financement export des groupes européens) et la banque commerciale, indispensable<br />
à la relation au quotidien.<br />
• Notons enfin qu’un peu moins de 200 personnes travaillent actuellement pour<br />
le Groupe en Chine continentale.<br />
CLSA, filiale de Calyon basée à Hong Kong et leader reconnu en courtage actions<br />
en Asie, est présent en Chine depuis 1993 à travers ses bureaux de Pékin, Shanghai<br />
et Shenzhen.<br />
CLSA est renommé pour l’indépendance et la qualité de sa recherche, une référence<br />
pour les investisseurs institutionnels, les courtiers et les banques d’investissement<br />
de la zone. En Chine, la recherche CLSA a été classée numéro 2 en 2003<br />
par Asiamoney. De plus, CLSA a créé avec Xiangcai Securities, la joint-venture<br />
CESL (China Euro Securities Limited), dotée d’une licence domestique lui permettant<br />
de monter des intro<strong>du</strong>ctions en Bourse. Pour compléter ce champ d’intervention,<br />
une licence de courtage d’« actions A » a récemment été sollicitée.<br />
(1) Calyon est également implanté à Hong Kong, en tant qu’agence dédiée au marché local mais<br />
également en tant que siège régional gérant les activités de la banque dans les treize pays <strong>du</strong><br />
réseau Asie-Pacifique.<br />
77
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
78
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
LE GROUPE CRÉDIT AGRICOLE EN CHINE<br />
Crédit <strong>Agricole</strong> Asset Management<br />
se tourne vers la Chine<br />
I NTERVIEW DE JEAN-YVES COLIN<br />
DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT<br />
DE CRÉDIT AGRICOLE ASSET MANAGEMENT (CA-AM)<br />
Pourriez-vous dresser un rapide historique <strong>du</strong> développement<br />
international de CA-AM ?<br />
Le développement international de CA-AM est le fruit de son<br />
histoire. En 1997, un premier rapprochement entre Segespar,<br />
filiale de gestion d’actifs de Crédit <strong>Agricole</strong> S.A. et d’Indosuez<br />
Asset Management, filiale <strong>du</strong> même métier de la banque<br />
Indosuez, permet à Indocam, la nouvelle entité née de cette<br />
fusion, de tirer parti de l’expérience acquise sur les marchés<br />
internationaux, notamment en Asie. Pour autant, entre 1997<br />
et 1999, les centres de gestion asiatiques restent essentiellement<br />
Hong Kong et Singapour, deux implantations dont le<br />
réel succès tenait à la vente de pro<strong>du</strong>its Asie émergente, ainsi<br />
que le Japon.<br />
Hormis l’Asie, Indocam poursuit, <strong>du</strong>rant toute cette période,<br />
sa croissance en Europe. En effet, la banque Indosuez avait<br />
commencé à développer des centres de gestion d’actifs,<br />
notamment en Espagne et en Italie. De plus, Segespar et<br />
Indosuez Asset Management avaient, tout au long de leur histoire<br />
respective, cherché à conquérir des clients étrangers via<br />
leurs équipes internationales basées à Paris.<br />
Une seconde phase de développement se dessine à partir de<br />
1999. D’une part, Indocam et Crédit <strong>Agricole</strong> Indosuez<br />
entreprennent une consolidation de leurs bases européennes,<br />
en Espagne et en Italie, grâce à la création de joint ventures.<br />
D’autre part, Indocam décide de s’implanter à Londres, pour<br />
y installer à la fois une équipe de gérants obligataires internationaux,<br />
des analystes et une partie de sa structure alternative,<br />
Crédit <strong>Agricole</strong> Alternative Investment Pro<strong>du</strong>cts (CA AIPG).<br />
Enfin, Indocam prend l’initiative de relancer son développement<br />
asiatique en s’appuyant sur les structures existantes. /...<br />
79
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
Cette seconde phase va s’étendre sur quatre années et correspondre<br />
à des investissements qui porteront leurs fruits dès<br />
2002. Entre-temps, Indocam est devenu Crédit <strong>Agricole</strong> Asset<br />
Management (CA-AM) (1) , nouvelle dénomination née en 2001<br />
qui marque la volonté <strong>du</strong> Groupe d’amplifier ses développements<br />
dans le domaine de la gestion d’actifs et permet à la<br />
nouvelle entité de capitaliser sur la notoriété <strong>du</strong> nom Crédit<br />
<strong>Agricole</strong>, notamment à l’international.<br />
Quelles priorités avez-vous jusqu’à présent retenues en Asie ?<br />
Notre développement asiatique a été relancé à partir de 1999,<br />
depuis le Japon. À cette époque, la question s’est posée de<br />
savoir si notre présence devait ou non y être maintenue. Nous<br />
y sommes finalement restés et avons sollicité une licence pour<br />
y vendre des pro<strong>du</strong>its de gestion à des particuliers.<br />
Nous avons donc conclu un accord de partenariat avec Daiwa<br />
Bank Holdings, qui a elle-même ensuite fusionné avec Asahi<br />
Bank, pour constituer Resona, le cinquième groupe bancaire<br />
nippon.<br />
Ce partenariat a largement contribué à la vente de pro<strong>du</strong>its<br />
structurés et alternatifs, désormais assurée à travers trois pôles<br />
de distribution : principalement le groupe Resona que je viens<br />
de mentionner, les banques régionales et enfin les courtiers.<br />
Ce développement japonais nous a montré que l’on pouvait<br />
vendre des pro<strong>du</strong>its de gestion collective en direct, non seulement<br />
à des investisseurs institutionnels, mais aussi à des particuliers<br />
comme le font en France les réseaux Crédit <strong>Agricole</strong> et<br />
Crédit Lyonnais, à travers des distributeurs tiers.<br />
Nous avons ensuite cherché à renouveler cette expérience en<br />
Corée, en créant une société commune de gestion de portefeuille<br />
avec NACF (National Agricultural Cooperative Federation),<br />
une des principales institutions financières coréennes.<br />
Cette joint venture (40 % CA-AM, 60 % NACF) née en avril<br />
2003 est un succès. Elle a une double fonction : d’une part,<br />
être un centre de gestion externalisé pour le compte de NACF<br />
(nous apportons notre expertise à la fois en termes de gestion<br />
et de supports organisationnels ou techniques), d’autre part,<br />
servir de base de développement commercial auprès des<br />
réseaux de NACF, des investisseurs institutionnels et des<br />
entreprises proches de cette banque. Ce qui ne nous empêche<br />
pas, à travers CA-AM Hong Kong, de vendre nos pro<strong>du</strong>its aux<br />
institutionnels coréens, de manière totalement indépendante.<br />
1. Suite au rapprochement entre Crédit <strong>Agricole</strong> et Crédit Lyonnais, une nouvelle<br />
société de gestion d’actifs combinant les forces, expertises et savoir-faire respectifs<br />
de ces deux entités a été créée le 1 er juillet 2004<br />
80
Crédit <strong>Agricole</strong> Asset Management se tourne vers la Chine<br />
J E A N - Y V E S C O L I N<br />
Par ailleurs, les orientations stratégiques mises en œuvre par<br />
nos équipes de Hong Kong et Singapour ont aussi évolué<br />
<strong>du</strong>rant la période 1997-2004. Ces équipes fabriquaient des<br />
pro<strong>du</strong>its Asie <strong>du</strong> Sud-Est, à très grande majorité actions. Ils<br />
étaient ven<strong>du</strong>s par des commerciaux européens, à des institutionnels<br />
européens notamment d’Europe <strong>du</strong> Nord, et accessoirement<br />
à des institutionnels japonais et américains. Cette<br />
activité a faibli dans le temps, la période 1997-2004 ayant été<br />
marquée, en Asie, par une succession de crises.<br />
À partir de 1999-2000, nous avons opté pour une autre stratégie<br />
: constituer une base commerciale propre à Hong Kong<br />
et Singapour pour solliciter des investisseurs institutionnels<br />
de la région, cette dernière étant comprise au sens large<br />
comme allant de la Corée <strong>du</strong> Sud jusqu’à la pointe sud de<br />
l’Asie <strong>du</strong> Sud-Est. Ce long travail est aujourd’hui récompensé<br />
puisque notre clientèle comprend désormais de grands institutionnels<br />
asiatiques.<br />
Les banques étrangères s’intéressent aujourd’hui aux marchés<br />
naissants, dont la Chine. Le Crédit <strong>Agricole</strong>, déjà implanté<br />
dans ce pays à travers sa filiale Calyon, pourrait être la prochaine<br />
banque occidentale à se développer sur le marché chinois<br />
de la gestion d’actifs. Vous avez en effet récemment<br />
annoncé être à la recherche d’un partenaire local sur ce marché.<br />
Quelles précisions pouvez-vous apporter à ce sujet ?<br />
Pour CA-AM, l’éventualité d’un projet chinois est apparue fin<br />
2003-début 2004, au vu de trois constats. Le premier tient<br />
naturellement au potentiel immense offert par ce pays en très<br />
forte croissance aux établissements bancaires étrangers. Qui<br />
aurait cette forme d’audace de ne pas s’y intéresser ? Il est<br />
aujourd’hui banal de le rappeler, même s’il faut se garder<br />
d’assimiler la croissance économique chinoise et le développement<br />
de son secteur bancaire et financier. Ce sont deux univers<br />
distincts. Nous avons d’un côté un gigantesque pôle de<br />
1,3 milliard d’indivi<strong>du</strong>s en plein boom économique, in<strong>du</strong>striel<br />
et commercial – un boom visible dont la presse occidentale<br />
rend compte – et de l’autre côté, l’évolution progressive<br />
d’un système bancaire et financier à l’origine totalement<br />
public et dont l’actuelle configuration résulte, d’une certaine<br />
manière, <strong>du</strong> démembrement il y a vingt ans des structures et<br />
fonctions des autorités financières <strong>chinoises</strong>.<br />
Le second constat est qu’il ne nous semble pas, aujourd’hui,<br />
raisonnable de penser qu’on puisse être présent à Hong Kong,<br />
tout en ignorant la Chine continentale. Notre présence à<br />
Hong Kong doit prendre son sens au regard même de la clientèle<br />
chinoise. Dans ce contexte, et au vu de nos expériences /...<br />
81
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... réussies au Japon et en Corée, la question d’une société de<br />
gestion d’actifs en Chine s’est tout naturellement posée pour<br />
nous. Notre présence à Hong Kong nous a permis de mieux<br />
connaître la Chine, ses investisseurs et ses besoins et parallèlement,<br />
de mieux percevoir ce qui pouvait y être éventuellement<br />
réalisé. Il est clair que dans ce pays, rien ne peut être<br />
fait en agissant seul. La réglementation ne l’autorise pas et<br />
quand bien même elle le ferait, cette stratégie serait probablement<br />
absurde, au sens pratique <strong>du</strong> terme. Cela signifie donc<br />
pour CA-AM la recherche d’un partenaire local pour créer<br />
une joint venture dans un environnement réglementaire en<br />
rapide mutation mais toujours incertain. C’est bien cette<br />
démarche que nous avons entamée en approchant divers opérateurs<br />
: des sociétés d’assurances, d’in<strong>du</strong>strie, de courtage et<br />
des sociétés que l’on pourrait qualifier de « développement<br />
régional ». Une récente évolution de la réglementation permet<br />
désormais aux grandes banques commerciales <strong>chinoises</strong> d’envisager<br />
la création d’une société de gestion d’actifs en partenariat<br />
avec une banque étrangère. Par conséquent, nous<br />
explorons aussi cette piste.<br />
Plus concrètement, qu’est-ce que la gestion d’actifs aujourd’hui<br />
en Chine ?<br />
Nous ne considérons pas devoir obligatoirement réitérer exactement<br />
en Chine notre modèle japonais ou coréen. Chaque<br />
pays a ses propres particularités. Ainsi, je crois qu’il faut<br />
observer avec circonspection la création d’une nouvelle<br />
société dans un pays qui reste relativement pauvre, où les<br />
inégalités sociales sont importantes. L’épargne y est ou bien<br />
extraordinairement investie en dépôts bancaires simples ou<br />
bien, de façon plus spéculative, sur des pro<strong>du</strong>its actions avec<br />
des titres cotés ayant des très hauts et éventuellement... des<br />
très bas. Ce n’est donc pas un marché de la gestion d’actifs<br />
entièrement mûr, ce dont témoignent les chiffres : au troisième<br />
trimestre 2004 et pour les fonds collectifs, le marché<br />
représentait un peu plus de 36 mds USD d’actifs sous gestion,<br />
auxquels il faut ajouter les mandats des institutionnels estimés<br />
à deux fois ce montant. Ce qui représente par conséquent un<br />
total d’environ 100 Mds de dollars. Ce marché est certes en<br />
forte croissance, si l’on compare ces 36 mds USD aux 21 mds<br />
USD <strong>du</strong> même trimestre 2003, mais en dépit de ces progrès,<br />
les montants restent modestes par rapport aux importants<br />
gisements d’épargne que constituent l’Europe, les Etats-Unis,<br />
le Japon, voire la Corée, et au regard de la masse de la population<br />
correspondante.<br />
82
Crédit <strong>Agricole</strong> Asset Management se tourne vers la Chine<br />
J E A N - Y V E S C O L I N<br />
Aujourd’hui, il existe 37 sociétés de gestion d’actifs en Chine,<br />
dont la plupart sont domestiques et émanent de firmes de<br />
courtage. Huit joint ventures ont été constituées avec des partenaires<br />
étrangers parmi lesquels on trouve Allianz, ING,<br />
ABM Amro, BNP Paribas ou Fortis, la plus importante.<br />
Bon nombre de banques étrangères sont donc déjà présentes<br />
sur le marché chinois de la gestion d’actifs. Comment gérer la<br />
concurrence ?<br />
Entrer sur ce marché en pleine croissance ne peut être un jeu<br />
à somme nulle. À vrai dire, la question de la concurrence ne<br />
se pose pas réellement. Chaque établissement, qu’il s’agisse de<br />
BNP Paribas, Fortis ou ING, a sa propre histoire au regard de<br />
la Chine. Certains y sont présents depuis longtemps, d’autres<br />
ont eu des priorités différentes. Je ne considère donc pas<br />
qu’un retard puisse exister entre établissements. Chacun a pris<br />
son propre rythme, en utilisant un dispositif réglementaire<br />
qui évolue rapidement. Le dynamisme <strong>du</strong> marché fait que<br />
chacun devrait y trouver sa place. D’autant plus que les<br />
potentialités de ce nouveau marché viennent encore de s’élargir<br />
avec l’irruption des banques commerciales <strong>chinoises</strong>. Cet<br />
élargissement est un véritable sujet pour les autorités <strong>chinoises</strong><br />
car il contient une forme de contradiction. Jusqu’à présent,<br />
ces autorités ont en effet plutôt favorisé le développement<br />
des marchés de capitaux et la mise en place de sociétés<br />
de gestion d’actifs indépendantes. Alors que par définition,<br />
l’ouverture des banques <strong>chinoises</strong> implique que la société de<br />
gestion d’actifs qu’elles créent s’adosse à sa banque fondatrice<br />
et à son réseau. C’est un problème délicat que le pragmatisme<br />
des Chinois parviendra certainement à résoudre. Dans le<br />
domaine de la gestion d’actifs, ceux-ci cherchent en réalité<br />
leur voie entre un système d’architecture totalement ouverte<br />
et un système d’architecture non pas totalement fermée mais<br />
adossée, comme ils le font aussi et plus généralement pour<br />
leur système bancaire, entre le modèle de banque universelle<br />
européenne et celui plutôt inspiré des banques anglosaxonnes.<br />
Quels sont, pour vous, les risques majeurs attachés au marché<br />
chinois ?<br />
Nous décelons un premier risque lié à la relative immaturité<br />
<strong>du</strong> marché de la gestion d’actifs lui-même et à celle des établissements<br />
bancaires ou autres acteurs sur ce métier.<br />
Un autre risque tient à l’inexpérience des indivi<strong>du</strong>s. Une sorte<br />
de choc pourrait naître <strong>du</strong> côtoiement entre deux catégories /...<br />
83
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... d’indivi<strong>du</strong>s : ceux n’ayant pas de vraie connaissance de ce<br />
qu’est une société de gestion d’actifs et ceux, qu’ils soient des<br />
chinois ou des étrangers, avec un savoir-faire et une technicité<br />
éprouvés.<br />
Un troisième risque est inhérent à la Chine elle-même, un<br />
pays où les chiffres, le droit sont parfois encore des éléments<br />
incertains. On peut certes l’expliquer par la jeunesse de certaines<br />
réglementations. Celle concernant les OPCVM par<br />
exemple date de 2004, mais il demeure manifestement des<br />
facteurs très aléatoires de cette nature qui font que des projets<br />
n’ont pu démarrer ou bien se sont enrayés.<br />
Hormis ces risques, il existe, comme ailleurs, celui plus diffus<br />
de la corruption. Un scandale est toujours possible de la part<br />
d’une société, ce qui peut avoir pour conséquence de nuire à<br />
l’image de notre métier. Cette éventualité concerne aussi la<br />
Chine où le capital de certaines sociétés de gestion d’actifs<br />
reste assez flou et émane de personnes physiques. L’ouverture<br />
<strong>du</strong> marché chinois de la gestion d’actifs devra corriger cette<br />
faiblesse. Les engagements pris dans le cadre de l’OMC et<br />
l’arrivée des banques étrangères y contribueront. L’ouverture<br />
<strong>du</strong> capital des joint ventures aux étrangers amène des partenaires<br />
dont la contribution à l’amélioration <strong>du</strong> contrôle des<br />
risques, des techniques et de la gouvernance pourrait être<br />
déterminante.<br />
84
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
LE GROUPE CRÉDIT AGRICOLE EN CHINE<br />
Sofinco se prépare<br />
au marché chinois<br />
I NTERVIEW DE PATRICK MAMOU MANI<br />
DIRECTEUR ADJOINT DE LA DIRECTION<br />
DES AFFAIRES INTERNATIONALES, SOFINCO.<br />
Sofinco, filiale <strong>du</strong> groupe Crédit <strong>Agricole</strong> spécialisée dans le<br />
crédit à la consommation s’est développée à l’international<br />
par le biais de participations dans des sociétés comparables à<br />
l’étranger. L’Europe est jusqu’à présent restée la zone privilégiée.<br />
Pour quelles raisons et avec quels résultats ?<br />
Il est parfaitement exact, qu’à l’heure actuelle, Sofinco est<br />
présent, outre la France, dans neuf pays étrangers. Huit sont<br />
européens : Allemagne, Espagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pays-<br />
Bas, Pologne (filiale détenue par le Crédit <strong>Agricole</strong>) et Portugal.<br />
S’y ajoute le Maroc, notre présence dans ce pays faisant<br />
figure d’heureuse exception...<br />
Le développement à l’international de Sofinco s’explique par<br />
trois raisons. Tout d’abord, le marché <strong>du</strong> crédit à la consommation<br />
en France peut être considéré comme un marché mûr,<br />
avec une croissance de l’ordre de 5 % par an. Fortement<br />
concentré, il est contrôlé, pour l’essentiel, par des filiales de<br />
groupes bancaires, ce qui laisse peu d’opportunités pour des<br />
opérations de croissance externe.<br />
Le marché français est également en avance sur d’autres marchés<br />
et nous faisons partie des leaders. Nous avons ainsi développé<br />
des expertises fortes dans les domaines clés de la gestion<br />
<strong>du</strong> crédit à la consommation : politique et organisation commerciale,<br />
politique d’acceptation et gestion <strong>du</strong> risque de crédit,<br />
système d’information, service après-vente, informatique,<br />
politique de refinancement et gestion actif/passif. Ce qui nous<br />
donne la possibilité d’exporter nos savoir-faire et nos modèles<br />
de développement. /...<br />
85
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/...<br />
Dernière raison enfin : nos partenaires de la distribution, le<br />
plus souvent à dimension internationale, cherchent le soutien<br />
d’établissements de crédit disposant à la fois d’un savoir-faire<br />
reconnu et d’une surface financière de premier rang pour<br />
accompagner, sur le long terme, le développement de leurs<br />
ventes. Pour faciliter la <strong>du</strong>plication de leur modèle de développement<br />
à l’étranger, voire proposer à leur clientèle une<br />
offre internationale, en terme de financement des ventes, les<br />
distributeurs font appel à des établissements de crédits – euxmêmes<br />
multinationaux. En effet, compte tenu des spécificités<br />
de tous ordres (réglementaires, culturelles, commerciales,<br />
techniques...) qui différencient les marchés nationaux, il n’est<br />
pas encore possible d’exercer l’activité de crédit à la consommation<br />
dans un pays sans y être présent.<br />
La focalisation sur l’Europe s’explique donc naturellement par<br />
le fait que nos partenaires à dimension internationale sont<br />
français et européens et qu’ils ont commencé leur expansion à<br />
l’étranger par l’Europe. Il est en effet plus aisé de transférer<br />
des savoir-faire – entre autres au travers de détachement d’experts<br />
– vers des pays dont les cultures sont historiquement et<br />
géographiquement proches de la nôtre, ce rapprochement<br />
étant accentué par la mise en place d’une réglementation<br />
européenne commune.<br />
Outre ces facteurs, liés à l’environnement <strong>du</strong> métier <strong>du</strong> crédit<br />
à la consommation, notre « tropisme européen » est également<br />
la conséquence de notre stratégie privilégiée d’implantation.<br />
En effet, pour accélérer le développement de la filiale locale,<br />
nous préférons nous allier à une grande banque nationale qui<br />
fera aussi bénéficier la filiale commune de ses intro<strong>du</strong>ctions<br />
dans le monde de la distribution. Or, le Crédit <strong>Agricole</strong> a<br />
développé une stratégie internationale plutôt centrée sur l’Europe.<br />
Il a présenté à Sofinco les groupes bancaires dans lesquels<br />
il détenait des participations (Intesa, Bes, Emporiki<br />
Bank), ce qui a donc renforcé notre orientation européenne.<br />
Les résultats de cette stratégie peuvent être illustrés par<br />
quelques chiffres. Ainsi, nous pouvons rappeler que :<br />
• Cinq de nos neuf filiales font parties des trois premiers établissements<br />
de crédit de leur pays.<br />
• La pro<strong>du</strong>ction de nos implantations à l’étranger représentait,<br />
en 2003, 34 % de la pro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> groupe Sofinco, en<br />
croissance de 27 % par rapport à l’exercice précédent.<br />
• La contribution des filiales étrangères représentait, en 2003,<br />
17 % <strong>du</strong> résultat consolidé 2003.<br />
• Les effectifs des filiales étrangères s’élèvent à environ 2 500<br />
personnes.<br />
86
Sofinco se prépare au marché chinois<br />
P A T R I C K M A M O U M A N I<br />
Le plan d’action à moyen terme 2004-2008 de Sofinco met<br />
notamment l’accent sur le renforcement des métiers de base de<br />
l’entreprise et sur la montée en puissance de ses grands<br />
accords de partenariats. On comprend que le développement à<br />
l’international ait lui-aussi à rester en ligne avec ces orientations<br />
stratégiques. Quelles « innovations » pourraient cependant<br />
se dessiner ?<br />
Dans le domaine <strong>du</strong> développement international, le plan<br />
moyen terme a réaffirmé la priorité donnée à l’Europe, en<br />
fixant pour objectif à Sofinco de devenir l’un des leaders<br />
européens <strong>du</strong> crédit à la consommation en 2008. Outre la<br />
continuation <strong>du</strong> développement de nos filiales actuelles qui se<br />
situent sur des marchés représentant déjà 65 % <strong>du</strong> potentiel<br />
européen, atteindre cet objectif nécessitera d’ouvrir de nouveaux<br />
marchés. En particulier vers le Royaume-Uni qui représente<br />
à lui seul 28 % <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> crédit à la consommation<br />
en Europe et vers les pays d’Europe centrale et orientale, avec<br />
priorité donnée à l’implantation en République tchèque et<br />
son développement logique en Slovaquie.<br />
Toutefois ce même plan stratégique a déterminé un objectif<br />
complémentaire : la préparation de l’implantation de Sofinco<br />
en Chine pour 2008.<br />
Avec 300 à 400 millions de consommateurs solvables, le marché<br />
chinois <strong>du</strong> crédit à la consommation est d’ores et déjà une<br />
réalité que l’on ne peut ignorer. Le potentiel <strong>du</strong> pays est<br />
immense. En tant qu’opérateur français, quelles opportunités<br />
y décelez-vous mais aussi quels risques ?<br />
En Chine, le crédit à la consommation en est encore à ses premiers<br />
balbutiements. Dans les villes où nous avons effectué<br />
les premières études de marché – il n’y a pas un marché chinois<br />
mais des marchés vue l’immensité <strong>du</strong> pays –, nous<br />
n’avons pas trouvé d’offre de financement sur les points de<br />
vente non automobile. Des offres de financement existent<br />
bien dans les points de ventes automobiles, faites autant par<br />
des captives (quatre captives automobiles ont été autorisées)<br />
que par des banques mais les conditions d’octroi restent très<br />
restrictives. En effet, après un démarrage enthousiaste en<br />
1997, les établissements de crédit ont été échaudés par une<br />
montée des impayés qui n’avait pas été anticipée. Le crédit à<br />
la consommation reste donc encore l’apanage des banques<br />
généralistes qui financent leurs clients.<br />
De nombreux obstacles empêchent un développement immédiat<br />
d’une stratégie de spécialistes dans le crédit à la consommation<br />
: culture peu développée <strong>du</strong> respect des obligations /...<br />
87
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
/... contractuelles, importance de la fraude, absence de système de<br />
compensation interbancaire (virements et prélèvements automatiques),<br />
lenteur des procé<strong>du</strong>res judiciaires et difficultés de<br />
mises en exécution... L’absence de protection sociale amortissant<br />
les conséquences des accidents de la vie (chômage, maladie...)<br />
a également pour conséquence naturelle un taux<br />
d’épargne élevé et une préférence de tous les acteurs pour un<br />
paiement comptant.<br />
Autre obstacle : la réglementation bancaire qui limite la part<br />
<strong>du</strong> capital qu’un acteur étranger peut détenir dans un établissement<br />
de crédit en Chine, ainsi que le périmètre d’intervention<br />
de cet établissement de crédit (monnaie, zone géographique...).<br />
Pour un opérateur étranger, l’approche de ce<br />
marché est de surcroît ren<strong>du</strong> plus complexe par la quasiimpossibilité<br />
d’apprendre la langue chinoise, et par la prépondérance<br />
de la relation interpersonnelle dans les rapports<br />
sociaux. Toutefois, le système évolue rapidement, en termes<br />
réglementaire et d’organisation de place (création de fichiers<br />
centraux...).<br />
Quelle pourrait être, par conséquent, l’approche la plus appropriée<br />
pour participer à la croissance de ce nouveau marché ?<br />
Compte tenu de l’éloignement des cultures, nous avons donné<br />
la priorité au facteur humain. Mais plutôt que de chercher à<br />
former des experts de notre métier à la culture locale, ce que<br />
nous faisons habituellement, nous recrutons actuellement,<br />
dans les différents secteurs de l’entreprise (finance, informatique,<br />
risque), des cadres d’origine chinoise. Ceux-ci auront<br />
vocation à rejoindre la filiale au moment de sa création, de<br />
façon à adapter le modèle de développement de Sofinco aux<br />
réalités <strong>chinoises</strong>. Ces cadres sont susceptibles de rester jusqu’à<br />
trois ans dans les services de l’entreprise avant d’être<br />
détachés dans la filiale.<br />
Au cours de l’année prochaine, des missions d’exploration<br />
permettront de préciser la stratégie d’implantation. Il n’est<br />
d’ailleurs pas impossible, compte tenu de la fluidité et de<br />
l’évolution <strong>du</strong> contexte juridique, qu’il soit nécessaire d’examiner<br />
simultanément plusieurs pistes avant d’arrêter celle qui<br />
devra être finalement retenue.<br />
88
N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />
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Pour obtenir un de ces dossiers, entourez le numéro qui vous intéresse.<br />
Le prix de chaque numéro est de 7 l.<br />
Nous demandons de bien vouloir régler de préférence<br />
par chèque bancaire ou CCP.<br />
273 Les agricultures est-européennes,<br />
la transition vers le marché<br />
274 L’immobilier : les raisons d’une crise<br />
275 L’Europe de l’épargne vers l’intégration<br />
276 Agriculture française : l’après-GATT<br />
277 Les systèmes bancaire à l’Est<br />
en pleine mutation<br />
278 Relation banque entreprise :<br />
la nouvelle donne<br />
279 Aménagement <strong>du</strong> territoire :<br />
la nouvelle équation<br />
280 Le réveil des matières premières<br />
281 Quelle innovation en agriculture ?<br />
282 Les impacts de l’UEM sur le système<br />
bancaire<br />
283 La banque face aux progrès<br />
technologiques<br />
284 Les nouveaux marchés<br />
de la carte bancaire<br />
285 Les nouvelles tendances<br />
de la distribution bancaire<br />
286 L’évolution des exploitations agricoles<br />
287 L’Amérique latine en pleine mutation<br />
288 Les marchés mondiaux de pro<strong>du</strong>its<br />
agricoles à l’aube <strong>du</strong> XX e siècle<br />
289 Les banques à l’heure<br />
des concentrations<br />
290 Nouveaux défis pour<br />
les collectivités locales<br />
291 Ambitions et atouts de l’agriculture<br />
française<br />
292 La Chine après Deng Xiaoping<br />
293 Le commerce extérieur français<br />
294/ Stratégies bancaires à l’aube<br />
295 <strong>du</strong> XXI e siècle<br />
296 Nourrir l’humanité<br />
297 La protection sociale à la recherche<br />
d’un équilibre.<br />
298 Protection de l’environnement<br />
et lutte contre la pollution<br />
299 Nouvelle donne pour les entreprises<br />
300 Investissement immobilier :<br />
stratégies pour demain<br />
301 Les mutations de l’agriculture française<br />
302/ Stratégies bancaires : nouvelles<br />
303 dynamiques européennes<br />
304 Une nouvelle architecture<br />
<strong>du</strong> système financier international ?<br />
305 L’agriculture française :<br />
dix ans pour l’an 2000<br />
306 Développement économique<br />
et collectivités locale<br />
307 Vent de reprise en Asie<br />
308 Le financement de l’agriculture<br />
en France et en Europe<br />
309 L’Europe bancaire en mouvement<br />
310 Le passage à l’euro fi<strong>du</strong>ciaire<br />
311 Le crédit à la consommation<br />
en France et en Europe<br />
312 Acteurs et stratégies<br />
de l’Europe bancaire hors France<br />
313 Banque et risque<br />
314 L’Europe centrale<br />
aux portes de l’Union<br />
315 La gestion d’actifs :<br />
bilan d’un succès<br />
316 Banque et nouvelles technologies<br />
317 Banque et immobilier<br />
318 L’Europe des services bancaires<br />
et financiers<br />
319 Le secteur bancaire et financier,<br />
acteur <strong>du</strong> développement <strong>du</strong>rable<br />
320 Les nouveaux aux territoires<br />
de la bancassurance<br />
321 De nouvelles exigences<br />
pour les banques<br />
322 Vers un marché unique<br />
<strong>du</strong> crédit immobilier en Europe ?<br />
323 <strong>Dynamiques</strong> <strong>chinoises</strong><br />
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