210x270 Myoline N° 1 - Institut de Myologie
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HISTORIQUE<br />
© D.R.<br />
Découverte à La Réunion d’un groupe <strong>de</strong> patients atteints d’une dystrophie<br />
musculaire <strong>de</strong> type Erb<br />
gés ; une absence <strong>de</strong> toute hypertrophie ; la présence<br />
<strong>de</strong> rétractions modérées, en particulier achilléennes<br />
; un déficit modéré <strong>de</strong> la fonction respiratoire<br />
et une intégrité <strong>de</strong> la fonction cardiaque.<br />
Ces personnes n’avaient pas été longuement<br />
scolarisées, mais leur développement intellectuel<br />
apparaissait tout à fait satisfaisant. Leur faiblesse<br />
musculaire s’était manifestée initialement vers l’âge<br />
<strong>de</strong> 10 ans en moyenne et avait progressé régulièrement,<br />
plusieurs personnes ayant perdu la marche<br />
autour <strong>de</strong> vingt ans se trouvaient en fauteuil roulant :<br />
une évolution conforme à la <strong>de</strong>scription proposée<br />
par J.N. Walton en 1954.<br />
Dresser leurs arbres généalogiques ne fut pas aisé,<br />
car les mêmes patronymes se retrouvaient très<br />
souvent chez leurs ascendants et il existait à l’évi<strong>de</strong>nce<br />
entre ces personnes une forte consanguinité<br />
à chaque génération. Toutes appartenaient à la<br />
communauté dite <strong>de</strong>s « Petits Blancs <strong>de</strong>s Hauts »,<br />
initialement composée <strong>de</strong> personnes qui, en raison<br />
<strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> transmission et <strong>de</strong> division <strong>de</strong>s<br />
terres familiales, avaient été confinées dans les<br />
régions acci<strong>de</strong>ntées sur les pentes montagneuses<br />
<strong>de</strong> l’île. Ces personnes avaient, dit-on, aussi souhaité<br />
se soustraire à la loi <strong>de</strong> 1848 sur l’abolition <strong>de</strong><br />
l’esclavage. Elles avaient cherché à reproduire, sur<br />
les pentes <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> l’île, les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie<br />
et <strong>de</strong> propriété qu’elles avaient connus le long <strong>de</strong><br />
la Côte Océane. Mais cette tentative fut un échec<br />
économique. Elles vécurent dans <strong>de</strong>s conditions<br />
précaires, quelquefois misérables, se marièrent<br />
entre elles (fratries souvent très nombreuses). En<br />
remontant la généalogie <strong>de</strong> ces familles, il paraissait<br />
même possible qu’elles aient toutes un ancêtre<br />
commun, un certain Antoine Payet, lequel avait<br />
débarqué dans l’île en 1647.<br />
Cinq personnes acceptèrent une biopsie <strong>de</strong> leur<br />
muscle <strong>de</strong>ltoï<strong>de</strong>. Les lésions étaient celles d’une<br />
dystrophie musculaire, sans gran<strong>de</strong> particularité<br />
morphologique, mais étudiées à <strong>de</strong>s sta<strong>de</strong>s différents<br />
<strong>de</strong> la maladie, elles permettaient <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssiner<br />
à grands traits l’évolution histologique <strong>de</strong> cette<br />
dystrophie. Pour prendre date, un abstract fut rédigé<br />
pour le Congrès International <strong>de</strong> Neurologie qui se<br />
tint à New Delhi (Far<strong>de</strong>au et al, 1989). L’analyse<br />
détaillée <strong>de</strong> ces familles ne sera publiée que<br />
quelques années plus tard dans la revue Brain,<br />
après obtention <strong>de</strong> la solution génétique <strong>de</strong> cette<br />
énigme (Far<strong>de</strong>au et al, 1996).<br />
Initiation <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> génétique moléculaire<br />
J.S. Beckmann, M. Far<strong>de</strong>au<br />
Toutes ces données plaidaient en faveur du lancement<br />
rapi<strong>de</strong> d’une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> liaison génétique.<br />
Les outils pour <strong>de</strong> telles analyses étaient en plein<br />
essor. De nouveaux marqueurs, <strong>de</strong> type RLP, étaient<br />
décrits régulièrement. La carte génétique s’étoffait.<br />
Mais pour cela, il fallait d’abord collecter les ADN.<br />
La chance voulait qu’une collègue, Dominique<br />
Hillaire, ingénieur <strong>de</strong> recherche à l’Inserm, vienne<br />
d’obtenir sa mutation au Centre Départemental <strong>de</strong><br />
Transfusion Sanguine (CDTS) <strong>de</strong> St-Denis <strong>de</strong> La<br />
Réunion avec pour mission l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la pathologie<br />
héréditaire propre à cette île. Aussitôt contactée, elle<br />
se dit très motivée pour abor<strong>de</strong>r ce nouveau travail.<br />
Elle constitua rapi<strong>de</strong>ment un premier registre <strong>de</strong>s<br />
personnes atteintes. Avec l’ai<strong>de</strong> du Cercle généalogique<br />
<strong>de</strong> Bourbon (Mme Thazard), elle reconstitua<br />
les généalogies sur treize générations (soit<br />
jusqu’aux premiers arrivants). Aidée par le réseau<br />
<strong>de</strong> bénévoles qu’elle avait créé, elle collecta les<br />
prélèvements sanguins <strong>de</strong>s personnes atteintes et<br />
<strong>de</strong> leurs proches vivant dans les petits bourgs<br />
dispersés autour <strong>de</strong> Saint-Pierre et sur les flancs <strong>de</strong><br />
la Fournaise : le Tampon, Petite Ile, l’Entre-Deux…<br />
L’île <strong>de</strong> La Réunion<br />
Il fallait souvent se fier à <strong>de</strong> simples indications<br />
orales pour découvrir l’emplacement exact du<br />
domicile <strong>de</strong> ces personnes… L’ADN et les cultures<br />
6 N°2 AVRIL 2010 Les cahiers <strong>de</strong> myologie