210x270 Myoline N° 1 - Institut de Myologie
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CAS CLINIQUE<br />
Figure A Figure B<br />
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CAS CLINIQUE<br />
Déficit en thymidine kinase <strong>de</strong> type 2 :<br />
un diagnostic à évoquer aussi chez l’adulte<br />
ANTHONY BEHIN, CLAUDE JARDEL, KRISTL CLAEYS, NORMA ROMERO, BRUNO EYMARD, ANNE LOMBÈS<br />
Le déficit en thymidine kinase <strong>de</strong> type 2, codée par le gène TK2, est responsable d’une<br />
myopathie mitochondriale à début pédiatrique précoce, d’évolution extrêmement sévère,<br />
associée à une déplétion profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ADN mitochondrial (ADNmt) musculaire. Nous<br />
présentons ici le cas d’un adulte ambulatoire atteint d’une myopathie mitochondriale<br />
avec déplétion <strong>de</strong> l’ADNmt consécutive à <strong>de</strong>ux mutations du gène TK2. Cette observation<br />
élargit le spectre <strong>de</strong>s déficits en TK2 et souligne l’importance <strong>de</strong> la biopsie musculaire pour<br />
orienter le diagnostic.<br />
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Biopsie musculaire <strong>de</strong>ltoïdienne colorée en SDH (A) montrant <strong>de</strong> nombreuses<br />
fibres présentant <strong>de</strong>s anomalies mitochondriales (flèches) et en COX (B)<br />
montrant <strong>de</strong>s fibres dépourvues d’activité cytochrome oxydase.<br />
Anthony Behin<br />
Bruno Eymard<br />
Clau<strong>de</strong> Jar<strong>de</strong>l<br />
Kristl Claeys<br />
Norma Romero<br />
Anne Lombès<br />
GH Pitié-Salpêtrière,<br />
Paris<br />
Contact<br />
anthony.behin@psl.aphp.fr<br />
Observation<br />
Le patient, âgé <strong>de</strong> 31 ans, consulta en raison d’un<br />
ptosis et d’une faiblesse musculaire progressive. Sa<br />
naissance et son enfance s’étaient déroulées sans<br />
difficulté, en <strong>de</strong>hors d’une tendance à dormir les<br />
yeux entr’ouverts. Il avait pu mener <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s<br />
secondaires et obtenir un travail. Il n’y avait aucune<br />
notion d’épilepsie, <strong>de</strong> baisse d’audition, <strong>de</strong> neuropathie<br />
périphérique ou d’ataxie, ni <strong>de</strong> consanguinité<br />
évi<strong>de</strong>nte. Les <strong>de</strong>ux frères aînés du patient ainsi que<br />
ses parents ne présentaient pas <strong>de</strong> symptômes neuromusculaires.<br />
L’histoire commença par un ptosis<br />
vers l’âge <strong>de</strong> 13 ans, une dysarthrie sans trouble <strong>de</strong><br />
déglutition vers l’âge <strong>de</strong> 15 ans, puis un déficit musculaire<br />
proximal <strong>de</strong>s membres inférieurs vers l’âge<br />
<strong>de</strong> 25 ans, avec <strong>de</strong>s difficultés pour se lever d’un<br />
siège bas, pour monter les escaliers en l’absence <strong>de</strong><br />
rampe ou pour marcher sur terrain inégal et une<br />
intolérance à l’effort modérée. A l’âge <strong>de</strong> 31 ans, le<br />
ptosis était bilatéral, symétrique et non fluctuant,<br />
avec une limitation du regard vers le haut. Le<br />
patient, à la voix hypophonique et rauque, présentait<br />
un morphotype grêle. Au testing musculaire, le déficit<br />
était axial, prédominant sur les fléchisseurs du<br />
cou avec impossibilité <strong>de</strong> soulever la tête du plan du<br />
lit et les abdominaux. Il atteignait, avec une faiblesse<br />
modérée, les muscles distaux <strong>de</strong>s quatre membres<br />
(extenseurs <strong>de</strong>s doigts et releveurs du pied à 3/5) et<br />
les muscles proximaux <strong>de</strong>s membres inférieurs<br />
(psoas et ischiojambiers à 4/5). Les autres muscles,<br />
<strong>de</strong> force normale ou subnormale, permettaient une<br />
bonne qualité <strong>de</strong> vie. Il n’y avait pas d'atteinte cardiaque.<br />
Par contre, il existait une insuffisance respiratoire<br />
restrictive avec une capacité vitale forcée<br />
mesurée à 62% <strong>de</strong> la normale théorique (2,86 litres).<br />
Les CPK sériques étaient à 3 fois la normale et la<br />
lactacidémie à 2 mmol/l à jeun (n < 1.8). La créatininémie<br />
était basse à 30 µmol/l (n > 62), témoignant<br />
d’une diminution globale <strong>de</strong> la masse musculaire.<br />
L’EMG montrait <strong>de</strong>s tracés myogènes en détection et<br />
aucune anomalie en stimulodétection.<br />
Une biopsie musculaire <strong>de</strong>ltoïdienne révéla <strong>de</strong>s<br />
anomalies mitochondriales patentes, comportant un<br />
grand nombre <strong>de</strong> fibres rouges déchiquetées (RRF)<br />
au trichrome <strong>de</strong> Gomori et 4% <strong>de</strong> fibres COX négatives.<br />
De nombreuses fibres anormales étaient visibles<br />
en SDH, avec <strong>de</strong>s anomalies non spécifiques :<br />
variation <strong>de</strong> la taille <strong>de</strong>s fibres, augmentation du<br />
nombre <strong>de</strong>s noyaux internalisés, fibres segmentées,<br />
prédominance <strong>de</strong>s fibres <strong>de</strong> type 1 et une fibre en<br />
nécrose. L’analyse spectrophotométrique <strong>de</strong> la<br />
chaîne respiratoire sur un fragment musculaire<br />
congelé montrait <strong>de</strong>s valeurs dans la limite <strong>de</strong> la<br />
normale. L’analyse <strong>de</strong>s gènes d’ARN <strong>de</strong> transfert<br />
<strong>de</strong> la leucine et <strong>de</strong> la lysine montra l’absence <strong>de</strong>s<br />
mutations MERRF et MELAS. La quantification <strong>de</strong><br />
l’ADNmt par PCR quantitative révéla une déplétion<br />
modérée, à environ 30% <strong>de</strong> la valeur normale<br />
(3 500 copies d’ADNmt/cellule), accompagnée <strong>de</strong><br />
délétions multiples <strong>de</strong> l’ADNmt mises en évi<strong>de</strong>nce<br />
par PCR longue. Le séquençage direct du gène TK2<br />
montra que le patient était hétérozygote composite.<br />
14 N°2 AVRIL 2010 Les cahiers <strong>de</strong> myologie