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ise 2 : Le marché s'anémie<br />

Si les activités de doublage peuvent sembler<br />

« discrètes" à ses citoyens, Montréal<br />

n'en est pas moins le centre du doublage<br />

au Canada. On y compte sept ou huit<br />

laboratoires, les mieux outillés du pays<br />

pour ce genre de travail. En fait, pratiquement<br />

tous les films canadiens<br />

doublés en français le sont à Montréal,<br />

où se trouvent réunies toutes les ressources<br />

matérielles et techniques essentielles,<br />

y compris les voix! Mais « tous les<br />

films canadiens ", c'est encore bien<br />

mince, compte tenu de la disette qui<br />

.sévit.<br />

Depuis cinq ou six ans, le volume d'affaires<br />

des entreprises de doublage a considérablement<br />

diminué. Les mises à pied<br />

se multiplient et les pigistes en particur<br />

(détecteurs, adaptateurs, calligraes),<br />

à qui l'on faisait régulièrement<br />

appel, voient leurs contrats s'espacer.<br />

Comment expliquer ce dépérissement?<br />

D'abord, l'achat de séries américaines<br />

télévisées diminue de beaucoup avec<br />

l'essor des productions authentiquement<br />

canadiennes qu'encourage le CRTC. Ce<br />

renversement rogne une part importante<br />

du marché du doublage. Finis les Autopatrouille,<br />

Centre médical et Patrouille<br />

du cosmos dont on pouvait produire<br />

jusqu'à 200 épisodes en français au<br />

début des années 70, lorsque les affaires<br />

étaient encore florissantes. Les<br />

temps, les goûts et... les politiques<br />

changent.<br />

Sur le plan des productions télé, les<br />

États-Unis considèrent le Canada,<br />

Québec compris, comme faisant partie<br />

de leur domestic market. Or, le cachet<br />

de tous les comédiens américains qui<br />

tournent une série télévisée pour le<br />

marché intérieur vaut pour deux passages<br />

télé seulement. Une fois la série<br />

américaine diffusée et aux États-Unis et<br />

au Canada anglais, la diffusion de la version<br />

française constituerait un troisième<br />

assage télé. Il faudrait donc payer un<br />

Jpplément aux comédiens américains,<br />

de qu'e ne peuvent se permettre les<br />

réseaux français, étant donné la taille<br />

du marché francophone.<br />

La France, par contre, est un marché indépendant.<br />

Elle peut sans difficulté s'offrir<br />

les séries américaines, les doubler et<br />

les diffuser. La taille du marché justifie<br />

d'ailleurs amplement l'investissement<br />

nécessaire. Au total, il arrive très<br />

souvent que les Français voient quatre<br />

ou cinq ans avant nous les séries américaines,<br />

dont ils nous vendent les versions<br />

doublées.<br />

On espérait beaucoup de la « télé<br />

payante ", mais les revers qu'elle a subis<br />

jusqu'à maintenant ont peu à peu désillusionné<br />

les entreprises de doublage.<br />

Premier choix, devenue Super-écran,<br />

maintenant seule à diffuser en français,<br />

a été rachetée, après maints déboires,<br />

par Bellevue Pathé (Qué.) Ltée, une<br />

entreprise de doublage qui pour l'instant<br />

suffit largement aux activités de doublage<br />

que réclame sa nouvelle acquisition.<br />

Les longs métrages seraient donc pour<br />

l'avenir la seule issue envisageable? Or,<br />

il se trouve que les films américains sont<br />

pour la grande majorité doublés en<br />

France. Forte de la suprématie que lui<br />

confèrent les traditions dans ce domaine,<br />

la France refuse pour sa part de présenter<br />

dans ses salles les doublages québécois,<br />

par mesure protectionniste. On ne<br />

peut donc espérer d'un film doublé ici<br />

qu'il fasse ses frais sur le marché français.<br />

De quoi décourager les mieux intentionnés<br />

!<br />

Non seulement les circonstances jouentelles<br />

contre les entreprises de doublage<br />

québécoises, mais les producteurs s'en<br />

mêlent à l'occasion. Ainsi, qui peut savoir<br />

pourquoi Bonheur d'occasion a<br />

été, en partie, post-synchronisé à New<br />

York ou comment il se fait que Les bons<br />

débarras ait été doublé en anglais à Paris?<br />

Seul un aspect du travail de doublage<br />

semble ne pas fluctuer: il s'agit du doublage<br />

de documentaires et de films industriels,<br />

médicaux ou destinés à la formation,<br />

réalisés pour les entreprises. Ces<br />

contrats ne représentent toutefois<br />

qu'environ 5 % du volume d'affaires<br />

global.<br />

Qu'en est-il alors des autres secteurs<br />

d'activité de l'industrie? Selon Mme Lauzon,<br />

le sous-titrage ne constitue qu'une<br />

très faible part de ces activités. Une seule<br />

entreprise montréalaise s'y prête, et en<br />

amateur. Il s'en fait davantage à New<br />

York, mais la véritable capitale du soustitrage,<br />

c'est Amsterdam. Quant à la postsynchro<br />

(enregistrement en studio de la<br />

bande sonore originale), on évalue qu'elle<br />

représente moins de 5 % du volume de<br />

travail des maisons de doublage.<br />

Prise 3 : L'industrie réagit ;<br />

le gouvernement intervient<br />

Devant ces sombres perspectives, il n'est<br />

pas étonnant que les maisons de doublage<br />

aient décidé de mettre fin à leurs<br />

actions erratiques et se soient regroupées<br />

et unies à l'Association des producteurs<br />

de films du Québec et aux entreprises<br />

qui desservent le cinéma et la<br />

télévision, afin de défendre leurs intérêts<br />

et de faire front commun pour réclamer<br />

du gouvernement une intervention qui<br />

protégerait le marché québécois.<br />

La Loi sur le cinéma a-t-elle répondu à<br />

leurs attentes? Beaucoup trop timidement,<br />

au dire de Mme Lauzon.<br />

L'article 83, qui porte sur le doublage,<br />

stipule que la Régie du cinéma (organisme<br />

judiciaire institué par la loi) appose<br />

son visa aux films en « version autre<br />

qu'en français" s'ils sont présentés avec<br />

une copie sous-titrée ou doublée en français.<br />

Mais elle accorde aussi son visa<br />

aux films autres qu'en français, moyennant<br />

l'assurance (sur présentation d'un<br />

contrat) qu'ils seront présentés en version<br />

française dans un délai « raisonnable<br />

". Mieux encore, la Régie accorde un<br />

visa« temporaire" aux films autres qu'en<br />

français pour une période de 60 jours à<br />

compter de la date de la première présentation.<br />

Or, la majorité des films en anglais,<br />

si l'on en juge par l'expérience, prennent<br />

l'affiche dans les cinémas québécois<br />

pour moins de 60 jours; la loi n'a par<br />

conséquent aucun effet dans la plupart<br />

des cas. En outre, les films qui reçoivent<br />

un visa temporaire peuvent obtenir un<br />

visa permanent après avoir fait relâche<br />

pendant 180 jours à compter de la date<br />

d'expiration du premier visa. En somme,<br />

on ne constate, depuis un an, aucune<br />

augmentation du nombre de films<br />

doublés au Québec.<br />

L'organisme chargé de veiller à l'application<br />

de la loi (la Régie du cinéma, équivalent<br />

de l'ancien Bureau de surveillance)<br />

n'en est toujours qu'à l'état de<br />

projet.<br />

Pour l'instant, aucune intervention nouvelle<br />

n'est prévue de la part de l'Assocfation<br />

québécoise des industries techniques<br />

du cinéma et de la télévision,<br />

qui demeure cependant attentive à l'évolution<br />

du dossier. Doit-on espérer que<br />

le temps arrangera les choses? ~<br />

<strong>CI</strong>RCUIT - DÉCEMBRE 19<strong>84</strong>· 11

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