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- C’est la fois de trop.<br />

El<strong>le</strong> se détesta d’être à ce point irritab<strong>le</strong>. De retour dans ses appartements, el<strong>le</strong><br />

se jeta sur <strong>le</strong> lit et essaya d’y voir clair. El<strong>le</strong> ne voulait plus penser : el<strong>le</strong> y avait passé<br />

des heures, en vain. Après cette nuit blanche, ses yeux se fermèrent et la jeune femme<br />

sombra dans une inconscience p<strong>le</strong>ine de phrases : « La mort n’est pas une<br />

disparition », « D’où tirez-vous que je <strong>le</strong>s châtie », « Je suis doux comme un<br />

agneau », « Je suis inoffensif ».<br />

El<strong>le</strong> sou<strong>le</strong>va <strong>le</strong>s paupières et se parla à haute voix : « C’est vrai que je n’ai pas<br />

peur de lui. Et si j’avais raison »<br />

Soudain, el<strong>le</strong> se redressa, <strong>le</strong>s yeux écarquillés : « Il ne <strong>le</strong>s a pas tuées ! Les<br />

colocataires ont disparu, ça <strong>le</strong>s regarde, sans doute ne sait-il pas où el<strong>le</strong>s sont ! El<strong>le</strong>s<br />

sont allées dans la chambre noire, el<strong>le</strong>s l’ont déçu, mais il ne <strong>le</strong>s a pas punies. C’est<br />

son mépris qui <strong>le</strong>s a amenées à s’en al<strong>le</strong>r. »<br />

Toutes <strong>le</strong>s conversations qu’ils avaient eues défilèrent. Même <strong>le</strong> sinistre « Si<br />

vous entriez dans cette chambre, je <strong>le</strong> saurais et il vous en cuirait » n’était pas une<br />

menace, mais un avertissement. Et si cette transgression <strong>le</strong>ur avait porté malheur, don<br />

E<strong>le</strong>mirio n’y était pour rien. Que pouvait-il donc y avoir dans cette satanée chambre<br />

noire En tout cas, pas <strong>le</strong>s huit cadavres, contrairement à ce qu’el<strong>le</strong> n’avait pas cessé<br />

de penser. Sans doute un secret terrifiant. Pourquoi l’Espagnol n’aurait-il pas <strong>le</strong> droit<br />

d’avoir un secret terrifiant <br />

Saturnine se demanda s’il était possib<strong>le</strong> de cacher un secret terrifiant sans être<br />

coupab<strong>le</strong>. Il lui parut que oui. Par exemp<strong>le</strong>, il aurait pu y conserver <strong>le</strong>s preuves d’une<br />

atroce agression qu’il aurait subie. Ou alors, il aurait créé une œuvre d’art d’un goût<br />

abject, mais indispensab<strong>le</strong> à son équilibre mental. Son imagination ne lui permettait pas<br />

de dénombrer toutes <strong>le</strong>s hypothèses.<br />

Combien de fois don E<strong>le</strong>mirio n’avait-il pas tenté de lui expliquer son innocence <br />

El<strong>le</strong> n’avait jamais voulu l’entendre. El<strong>le</strong> lui avait imposé <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce, el<strong>le</strong> l’avait injurié,<br />

el<strong>le</strong> avait médit de lui sans aucune preuve, et lui, il ne s’était pas même énervé d’être<br />

ainsi calomnié.<br />

Saturnine en conclut qu’el<strong>le</strong> était amoureuse d’un malade mental, d’un homme<br />

infatué, d’un être parfaitement biscornu, mais pas d’un assassin. Et el<strong>le</strong> en éprouva, audelà<br />

du soulagement, une joie inconnue.<br />

« Garde la tête froide, songeait-el<strong>le</strong>. Tu passes d’un extrême à l’autre. S’il y a<br />

présomption d’innocence, il n’y a pas de certitude non plus. La seu<strong>le</strong> vérité, c’est que tu<br />

ne sais pas à qui tu as affaire et que la prudence s’impose. »<br />

Par où l’on voit que don E<strong>le</strong>mirio avait au moins raison sur un point : Saturnine<br />

était placée sous l’égide d’Athéna.

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