Journal d'un parfumeur - Le Livre de Poche
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JEAN-CLAUDE ELLENA<br />
<strong>Journal</strong> d’un<br />
<strong>parfumeur</strong><br />
Suivi d’un abrégé d’o<strong>de</strong>urs<br />
SABINE WESPIESER ÉDITEUR
© Sabine Wespieser éditeur, 2011.<br />
ISBN : 978-2-253-16304-6 – 1 re publication LGF
L’o<strong>de</strong>ur est un mot, le parfum est la littérature.
Paris, jeudi 29 octobre 2009<br />
Plaisir<br />
Je ne suis pas à l’aise pour parler du plaisir, il<br />
m’est plus facile <strong>de</strong> parler du désir. Depuis que<br />
je compose <strong>de</strong>s parfums, j’ai appris, inventé <strong>de</strong>s<br />
« accroche-nez », comme ces premières phrases,<br />
premières notes <strong>de</strong> musique, premières images,<br />
que l’on travaille longuement pour captiver<br />
l’attention du lecteur, <strong>de</strong> l’auditeur, du spectateur.<br />
Pour lui donner envie d’aller plus loin, afin<br />
<strong>de</strong> prolonger le plaisir. Dans une société qui court<br />
après le temps, le parfum est jugé en <strong>de</strong>ux<br />
secon<strong>de</strong>s, aussi rapi<strong>de</strong>ment qu’un regard. Cette<br />
rapidité <strong>de</strong> jugement m’incommo<strong>de</strong> : un parfum<br />
ne se raconte véritablement que lorsqu’il est senti<br />
et porté.<br />
J’aime le plaisir quand il est partagé, c’est ma<br />
définition du luxe. Je transpose cette vision aux<br />
parfums que je crée et qui sont, pour la plupart,<br />
à partager. Si je compose un « masculin » pour<br />
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un large public, je n’oublie pas <strong>de</strong> glisser <strong>de</strong>s<br />
co<strong>de</strong>s féminins, et inversement pour un parfum<br />
dit « féminin ». <strong>Le</strong>s co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> sont<br />
inventés pour être transgressés, pour qu’on en<br />
joue ; aussi je ne crois pas aux parfums féminins,<br />
masculins, mixtes ou unisexes. Ce sont les gens<br />
qui les portent qui leur donnent un genre. En<br />
In<strong>de</strong>, les hommes portent Opium d’Yves Saint<br />
Laurent, Shalimar <strong>de</strong> Guerlain ou J’adore <strong>de</strong> Dior<br />
<strong>de</strong>puis leur création. Je fuis les mises en case, les<br />
mises en cage, je préfère laisser à chacun la liberté<br />
<strong>de</strong> choisir, <strong>de</strong> s’approprier chacune <strong>de</strong> mes créations.<br />
Plaisir, petit plaisir : j’aime les plaisirs volés au<br />
quotidien, ils éclairent la journée. Ils sont banals,<br />
ils ont le goût <strong>de</strong>s redites, ils sont rassurants. En<br />
faire l’impasse, ce serait se priver <strong>de</strong> ces joies qui<br />
ren<strong>de</strong>nt la vie supportable.<br />
Je prends plaisir à composer, mais il m’arrive<br />
que, certains matins, le plaisir ne soit plus dans<br />
le flacon. Physiquement, chimiquement, l’ébauche<br />
du parfum est la même, même température,<br />
même combinaison <strong>de</strong> matériaux, <strong>de</strong> molécules,<br />
mais je n’éprouve aucun plaisir en le sentant. Un<br />
sentiment <strong>de</strong> désespoir et <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> m’envahit<br />
alors, qu’il me faut taire. Partager ce sentiment,<br />
ce serait condamner le travail sur lequel je suis<br />
<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s semaines. Dans ce cas, je repose le<br />
flacon et je l’oublie quelques jours. Je sais que je<br />
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peux retrouver le plaisir initial ou l’idée poursuivie.<br />
Dans l’avion, samedi 31 octobre 2009<br />
Giono<br />
Je prends la navette, <strong>de</strong>stination Nice. Mon<br />
laboratoire est situé à Cabris. Pour tout bagage<br />
un sac, et un livre : <strong>Le</strong>s Trois Arbres <strong>de</strong> Palzem,<br />
recueil <strong>de</strong> chroniques écrites par Jean Giono, qui<br />
n’ont pas été reprises dans l’édition <strong>de</strong> la Pléia<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s Récits et essais. Lorsque je me sens « égaré »,<br />
je lis Giono pour retrouver mon chemin. Il<br />
m’habite, me sert <strong>de</strong> repère, d’« heureux père ».<br />
Je le lis du bout <strong>de</strong>s lèvres en articulant les mots<br />
en silence. J’ai besoin d’entendre dans ma tête la<br />
musique <strong>de</strong>s mots, le rythme <strong>de</strong>s phrases, les<br />
silences.<br />
J’aime sa plume, son inventivité, sa sensualité ;<br />
et, quand il s’exprime sur les o<strong>de</strong>urs, je suis admiratif.<br />
Ses pages sur La Littérature sont en résonance<br />
avec ma façon d’« écrire » les parfums. Je<br />
pense que les o<strong>de</strong>urs sont <strong>de</strong>s signes, que l’amateur<br />
<strong>de</strong> parfum les interprète à mesure que le<br />
parfum se développe sur lui ou sur une touche<br />
– languette <strong>de</strong> papier buvard – à sentir. Il le sent,<br />
le suit, l’abandonne, revient ; je ne sais qui du<br />
parfum ou <strong>de</strong> l’amateur est l’obligé <strong>de</strong> l’autre.<br />
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Parfumeur, quand je désire évoquer une o<strong>de</strong>ur,<br />
je me sers <strong>de</strong> signes qui, pris séparément, n’ont<br />
aucun rapport avec la chose exprimée : l’Eau Parfumée<br />
au thé vert <strong>de</strong> Bulgari n’a jamais contenu<br />
<strong>de</strong> thé, Un Jardin sur le Nil d’Hermès <strong>de</strong> mangue<br />
ni Terre d’Hermès <strong>de</strong> silex, pourtant le public les<br />
a « ressentis ». Pour invoquer Jean Giono, « le<br />
travail d’expression se fait dans l’intelligence du<br />
lecteur ; <strong>de</strong> là son plaisir et la satisfaction, le<br />
contentement, la joie qu’il en éprouve ». Si, traditionnellement,<br />
le <strong>parfumeur</strong> est comparé à un<br />
compositeur <strong>de</strong> musique, je me suis toujours senti<br />
écrivain d’o<strong>de</strong>urs.<br />
Cabris, lundi 2 novembre 2009<br />
L’atelier<br />
J’ai retrouvé ce matin l’atelier. Maison d’architecte<br />
bâtie à la fin <strong>de</strong>s années soixante, dans<br />
l’esprit <strong>de</strong> l’architecture concrète, qui cherchait<br />
à relier le bâti et la nature. Ici, le <strong>de</strong>hors est<br />
<strong>de</strong>dans, et le <strong>de</strong>dans se prolonge <strong>de</strong>hors, les <strong>de</strong>ux<br />
se conditionnant mutuellement. La maison est<br />
accrochée à <strong>de</strong>s roches grises et entourée d’un<br />
jardin sauvage planté <strong>de</strong> pins <strong>de</strong> Salzmann. <strong>Le</strong><br />
lieu pourrait paraître austère, mais il n’en est rien.<br />
<strong>Le</strong> soleil qui filtre à travers les pins inon<strong>de</strong> l’atelier<br />
d’une lumière apaisante. <strong>Le</strong> temps y est plus<br />
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lent, les saisons plus marquées. J’aime ce lieu. Je<br />
me sens en accord avec lui.<br />
Un visiteur, en regardant mon bureau, verrait<br />
éparpillés <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> petits flacons bien<br />
fermés, <strong>de</strong>s porte-touches en forme d’éoliennes,<br />
un dossier usé contenant une centaine <strong>de</strong> formules,<br />
un pot à crayons, quelques boîtes fourretout,<br />
un cadre-photo. Pourtant, le désordre<br />
n’existe pas tant que je sais retrouver la formule<br />
<strong>de</strong> cette ébauche que j’ai arrêtée il y a plusieurs<br />
mois, le crayon gris dont j’ai besoin, la boîte qui<br />
contient la gomme usée et les trombones, sans<br />
oublier les lunettes – celles pour lire et celles pour<br />
voir <strong>de</strong> loin. <strong>Le</strong> désordre est pour moi lié à la<br />
mémoire. Quand tout est classé, alors j’oublie.<br />
Derrière le bureau – une table Ikea en hêtre<br />
verni –, un fauteuil, que j’utilise à la façon <strong>de</strong><br />
l’homme <strong>de</strong> l’agence <strong>de</strong> voyages dans Playtime <strong>de</strong><br />
Jacques Tati : tout est à portée <strong>de</strong> quelques pas<br />
glissés. De là, je peux contempler la Méditerranée.<br />
En réalité, quand je suis dans mes o<strong>de</strong>urs,<br />
mes formules, je ne vois rien, mais je sais qu’elle<br />
est présente. Il me suffit d’arrêter <strong>de</strong> sentir,<br />
d’arrêter d’écrire, et <strong>de</strong> relever la tête un instant,<br />
pour l’apprécier.<br />
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Cabris, vendredi 6 novembre 2009<br />
La poire<br />
Je sors épuisé <strong>de</strong> la création d’un parfum. <strong>Le</strong><br />
choix est enfin arrêté. Un lancement international<br />
est prévu pour avril <strong>de</strong> l’année prochaine. <strong>Le</strong><br />
nombre d’essais, d’ébauches, a été considérable<br />
– plusieurs centaines –, ce qui témoigne <strong>de</strong> la<br />
difficulté à trouver la ligne directrice, la forme<br />
qui exprime le concept. <strong>Le</strong> projet est audacieux<br />
et exigeant. <strong>Le</strong> flacon, une prouesse technique.<br />
Et puis vient la peur <strong>de</strong> ne pas rencontrer <strong>de</strong><br />
public. Chaque nouvelle histoire olfactive est un<br />
pari.<br />
Bien sûr j’ai d’autres projets en cours, mais mes<br />
travaux me paraissent fa<strong>de</strong>s, sans ampleur, sans<br />
présence, sans i<strong>de</strong>ntité. J’ai l’esprit maussa<strong>de</strong>. Je<br />
déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> prendre mon après-midi. Je téléphone<br />
à ma femme et lui propose que nous allions passer<br />
un peu <strong>de</strong> temps en Italie – qui n’est qu’à une<br />
heure <strong>de</strong> route –, partager un plat <strong>de</strong> pâtes et<br />
nous approvisionner en épicerie au marché <strong>de</strong><br />
Vintimille. <strong>Le</strong> marché <strong>de</strong> cette ville est une institution.<br />
Il est ouvert tous les vendredis et offre<br />
<strong>de</strong>s produits non seulement <strong>de</strong> saison, mais du<br />
jour, comme <strong>de</strong>s escargots ou <strong>de</strong>s champignons<br />
– pour peu qu’il ait plu le mardi ou le mercredi<br />
précé<strong>de</strong>nt –, sans oublier ces délices italiennes<br />
que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Nous<br />
venons là surtout pour l’offre variée <strong>de</strong> champi-<br />
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gnons séchés, <strong>de</strong> tomates séchées, semi-séchées<br />
ou confites et, surtout, pour un parmesan âgé <strong>de</strong><br />
plus <strong>de</strong> sept ans. Ce vendredi, <strong>de</strong> nombreux étals<br />
proposent <strong>de</strong>s poires d’hiver, petites poires carmin<br />
dont l’o<strong>de</strong>ur règne en maîtresse sur le marché.<br />
Je plonge mon nez dans un étal <strong>de</strong> fruits, ce<br />
qui surprend le marchand, qui me dit : « Signore<br />
guardate ma non toccate. » (Monsieur regar<strong>de</strong>z<br />
mais ne touchez pas.) Je lui réponds que je sens.<br />
L’o<strong>de</strong>ur est vaste et évi<strong>de</strong>nte, j’ai le sentiment<br />
brutal qu’elle peut me servir. J’éprouve une telle<br />
joie à la voler que je note dans mon carnet ce que<br />
je ressens, noms <strong>de</strong> matériaux, notes d’impressions,<br />
un début <strong>de</strong> formule. Ma mémoire complétera<br />
les détails que je n’ai pas écrits. <strong>Le</strong> portrait<br />
olfactif que je vais tirer au laboratoire ne sera pas<br />
la reproduction <strong>de</strong> ce que j’ai senti, mais l’image<br />
<strong>de</strong> l’o<strong>de</strong>ur mise en mémoire. Ces « rencontres<br />
olfactives » dont je tire parti me dopent à un tel<br />
point que j’en oublie généralement ma fatigue, et<br />
me sens d’un seul coup libéré et léger.<br />
Cabris, samedi 7 novembre 2009<br />
<strong>Le</strong> Mon<strong>de</strong><br />
Je suis abonné au Mon<strong>de</strong>, comme au moins<br />
<strong>de</strong>ux autres personnes dans le village <strong>de</strong> Spéracè<strong>de</strong>s<br />
qui abrite ma famille et qui compte près<br />
<strong>de</strong> mille électeurs. Je le sais car le postier s’est<br />
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déjà trompé par <strong>de</strong>ux fois dans sa distribution<br />
du journal, ce qui m’a donné l’occasion d’échanger<br />
avec lui quelques mots sur sa tournée.<br />
<strong>Le</strong> peintre Soulages faisait la une du Mon<strong>de</strong><br />
du vendredi 16 octobre à l’occasion <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong><br />
rétrospective consacrée à son œuvre au Centre<br />
Pompidou. Dans l’interview, Soulages parle <strong>de</strong>s<br />
peintres qui cherchaient, dans les années cinquante,<br />
à exprimer leurs émotions et à donner<br />
un sens à leurs toiles, ce qu’il ne comprend pas.<br />
« Mais le sens n’est pas donné définitivement : il<br />
se fait et se défait... », explique-t-il. Ses interrogations<br />
portent aussi sur le temps, sur l’impossibilité<br />
d’expliquer pourquoi une œuvre vieille <strong>de</strong><br />
plusieurs centaines d’années peut vous bouleverser,<br />
alors qu’il est certain qu’elle n’exprime plus<br />
l’intention <strong>de</strong> l’artiste à son époque dans le lieu<br />
d’origine où elle a été créée.<br />
Je me souviens d’une expérience similaire, non<br />
sur le temps, mais sur le sens. Au début <strong>de</strong>s<br />
années quatre-vingt, je m’étais retrouvé en Chine,<br />
avec pour mission d’étudier les capacités <strong>de</strong> fabrication<br />
d’une usine <strong>de</strong> parfumerie chinoise pour<br />
la société qui m’employait, et qui désirait monter<br />
un partenariat. Une « joint venture », telle était<br />
l’expression précise – elle me faisait sourire, car<br />
je partais pour ma part vraiment à l’aventure dans<br />
un pays qui m’intriguait, me fascinait et dont je<br />
n’avais que <strong>de</strong>s connaissances <strong>de</strong> gui<strong>de</strong> touristique.<br />
Vingt-six ans après, la Chine me fascine<br />
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encore. Shanghai avait à cette époque l’allure<br />
d’une ville coloniale. Des millions <strong>de</strong> bicyclettes<br />
noires circulaient le long <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s avenues<br />
bordées <strong>de</strong> platanes, dans un bruit assourdissant<br />
<strong>de</strong> sonnettes aigrelettes qui se mélangeait au<br />
chant perçant <strong>de</strong>s cigales. Seuls les officiels se<br />
déplaçaient en voitures, invariablement noires, et<br />
aux vitres fumées.<br />
L’appartement qui nous avait été dédié par le<br />
ministère <strong>de</strong> l’Industrie était décoré sobrement<br />
<strong>de</strong> meubles <strong>de</strong>s années trente, le sol recouvert <strong>de</strong><br />
tapis épais en soie aux motifs colorés. Sur les<br />
murs, <strong>de</strong>s calligraphies encadrées avec simplicité.<br />
Je fus plus particulièrement saisi par l’une d’entre<br />
elles, suffisamment pour que mes yeux s’embuent<br />
d’émotion. Incapable d’en comprendre le sens,<br />
puisqu’il m’était impossible <strong>de</strong> lire les signes,<br />
j’étais attiré par la couleur noire, par les pleins et<br />
les déliés, par les formes qui s’enchaînaient, mais<br />
aussi par le rythme qui s’en dégageait. Cette expérience<br />
est toujours vive dans mon esprit. Avec le<br />
temps, j’ose croire que l’émotion venait <strong>de</strong> l’intuition<br />
<strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> la main, <strong>de</strong> la chorégraphie<br />
du geste, qui est le prolongement du corps et<br />
celui <strong>de</strong> la pensée.<br />
De fait, je crois n’être jamais véritablement<br />
parvenu à me dégager du sens. Peut-être que je<br />
n’y tiens pas, « l’abstraction » signifiant la volonté<br />
<strong>de</strong> se libérer complètement du signe. Pourtant,<br />
j’aime la peinture abstraite, et n’idolâtre en aucun<br />
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cas la réalité – je lui préfère <strong>de</strong> beaucoup l’imaginaire,<br />
l’illusion, le leurre, entendus en un sens<br />
ludique, « inventifs », et non pas « trompeurs ».<br />
Depuis <strong>de</strong>s années, je tiens à jour un cahier <strong>de</strong><br />
notes olfactives, résultat d’expériences solitaires<br />
et silencieuses, un abrégé d’o<strong>de</strong>urs, énoncés <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux à cinq composants que je juxtapose pour<br />
créer <strong>de</strong>s illusions olfactives que j’utilise au gré<br />
<strong>de</strong> mes besoins. J’ai ainsi réduit à la plus petite<br />
expression olfactive les o<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> notre quotidien<br />
et <strong>de</strong> notre environnement. La nature est complexe<br />
– cinq cents molécules pour l’o<strong>de</strong>ur d’une<br />
rose, plus pour le goût du chocolat, moins pour<br />
l’ail. J’ai entrepris ce jeu pour me libérer <strong>de</strong> la<br />
représentation naturelle, organisant ainsi une<br />
forme <strong>de</strong> sémantique olfactive afin <strong>de</strong> combiner<br />
ces signifiés en o<strong>de</strong>urs complexes, en parfums. Je<br />
suis conscient que le travail sur lequel je bâtis un<br />
« propos olfactif » n’a pas l’assurance d’être<br />
reconnu ni accepté.<br />
Quelques exemples <strong>de</strong> mes « leurres » :<br />
LILAS<br />
alcool phényléthylique<br />
héliotropine<br />
indole<br />
clous <strong>de</strong> girofle (essence)<br />
L’alcool phényléthylique et l’héliotropine suffisent<br />
à rendre l’o<strong>de</strong>ur du lilas blanc <strong>de</strong> début <strong>de</strong><br />
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saison. <strong>Le</strong>s fleurs épanouies quant à elles réclament<br />
<strong>de</strong> l’indole, et le lilas mauve <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong><br />
girofle.<br />
Ou, plus simplement, à partir <strong>de</strong> l’essence<br />
d’orange douce :<br />
ORANGE AMÈRE<br />
orange (essence douce)<br />
indole<br />
ORANGE SANGUINE<br />
orange (essence douce)<br />
éthyle maltol<br />
Cabris, lundi 9 novembre 2009<br />
La préface<br />
Parmi les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s en cours, la préface d’un<br />
livre consacré aux mains, à la vigne et au vin.<br />
J’aime cette nature <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>, qui m’oblige<br />
à me pencher sur un sujet que je ne connais pas<br />
et, parfois, à établir <strong>de</strong>s liens avec mon métier.<br />
J’ai accepté cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en souvenir d’un passage<br />
dans le Bor<strong>de</strong>lais lors duquel j’avais renoué<br />
contact avec une photographe <strong>de</strong> talent. Comme<br />
artisan et artiste, je suis sensible au propos <strong>de</strong>s<br />
mains, et, comme homme, à la confiance que l’on<br />
m’accor<strong>de</strong>, aux hommages que l’on m’adresse :<br />
<strong>de</strong> fait, le souci <strong>de</strong> ne pas décevoir. Mais voilà<br />
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