13.3. Digestion des lipides - Physiologie ENVT
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<strong>13.3.</strong> <strong>Digestion</strong> <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong><br />
<strong>13.3.</strong>1. Définition <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong><br />
On appelle lipide un ensemble de substances organiques caractérisées par la<br />
présence d'Aci<strong>des</strong> Gras (AG) aliphatiques à nombre de carbone supérieur à 4. Ce<br />
sont le plus souvent <strong>des</strong> esters d'aci<strong>des</strong> gras. Par extension, on considère comme<br />
lipide les aci<strong>des</strong> gras eux-mêmes, les phospholipi<strong>des</strong>, les stérols et leurs esters<br />
(cholestérol).<br />
Sur le plan physique, les lipi<strong>des</strong> sont insolubles dans l'eau mais solubles dans<br />
certains solvants organiques comme l'alcool.<br />
Les lipi<strong>des</strong> entrent dans la composition <strong>des</strong> régimes alimentaires et ils apportent de<br />
l'énergie. Les lipi<strong>des</strong> sont les substances les plus riches en hydrogène et l'oxydation<br />
d'un gramme de lipide apporte 9Kcal contre 4.5 pour les protéines.<br />
L'importance <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> sur le plan digestif revêt un caractère spécifique. Chez les<br />
herbivores, les lipi<strong>des</strong> ne représentent que 3-4% de la matière sèche ingérée car<br />
chez les végétaux, l'énergie est stockée sous forme de polysacchari<strong>des</strong> (amidon,<br />
cellulose). Chez les herbivores ingérant de l'herbe, les lipi<strong>des</strong> alimentaires sont<br />
représentés par <strong>des</strong> mono- et <strong>des</strong> digalactoglycéri<strong>des</strong>. Les graines peuvent<br />
accumuler <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> et apporter aux herbivores <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> ; on peut donner aux<br />
ruminants <strong>des</strong> aliments avec <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> protégés qui représentent 10% de la ration<br />
soit 30-40% de l'énergie de la ration.<br />
Chez les omnivores, et surtout les carnivores, les lipi<strong>des</strong> représentent une source<br />
majeure d'énergie (30-40% chez l'homme, 60% chez l'esquimau).<br />
Chez les jeunes, le lait est une source de lipi<strong>des</strong> à haute valeur car les triglycéri<strong>des</strong><br />
(TG) sont sous forme émulsifiée. Ils couvrent 23% <strong>des</strong> besoins énergétiques du<br />
poulain, 50% chez le veau, 75% chez le lapereau et 90% chez le phoque (lait à 53%<br />
de matière grasse).<br />
<strong>13.3.</strong>2. Particularités de la digestion <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong><br />
La digestion et l'absorption <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> présentent <strong>des</strong> particularités liées au<br />
caractère hydrophobe <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> car le milieu intestinal est aqueux. Cela<br />
136
explique deux différences majeures avec la digestion et l'absorption <strong>des</strong> gluci<strong>des</strong> et<br />
<strong>des</strong> protéines :<br />
1) La digestion <strong>des</strong> produits hydrosolubles comme les protéines et les gluci<strong>des</strong><br />
ne pose pas de problème particulier dans un milieu aqueux, en revanche, leur<br />
absorption devra se faire de façon active car les entérocytes ne laissent pas<br />
pénétrer facilement <strong>des</strong> produits hydrosolubles.<br />
2) Pour les lipi<strong>des</strong>, on aura une situation inversée : la digestion intraluminale<br />
est complexe à cause du caractère lipophile <strong>des</strong> molécules qui se retrouvent<br />
dans un milieu aqueux. En revanche, l'étape d'absorption par les entérocytes<br />
se fera par simple diffusion.<br />
La fig. 13.12 donne une vue générale de la digestion et de l'absorption <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong>.<br />
Figure. 13.12.:Vue générale de la digestion et de l'absorption <strong>des</strong> triglycéri<strong>des</strong>.<br />
Les triglycéri<strong>des</strong> alimentaires ne sont pas absorbables et ce sont les aci<strong>des</strong> gras<br />
libres (AGL), les monoglycéri<strong>des</strong> et le cholestérol qui seront absorbés. La digestion<br />
<strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> implique l'intervention <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> biliaires et de leur sels pour<br />
émulsionner les gouttelettes de lipi<strong>des</strong> et de la lipase pancréatique qui va libérer <strong>des</strong><br />
monoglycéri<strong>des</strong> et <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras absorbables. Les monoglycéri<strong>des</strong> et AG forment<br />
<strong>des</strong> micelles qui sont absorbées de façon passive par l'entérocyte. Parvenus dans<br />
les entérocytes on observe une re-synthèse <strong>des</strong> triglycéri<strong>des</strong> qui seront éliminés <strong>des</strong><br />
entérocytes sous forme de chylomicrons via le système lymphatique<br />
137
L'étape gastrique de la digestion <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> présente <strong>des</strong> différences majeures chez<br />
les monogastriques et les polygastriques. Chez les monogastriques, l'étape<br />
gastrique présente <strong>des</strong> particularités chez le nouveau-né au régime lacté.<br />
Chez les monogastriques adultes, et plus particulièrement les carnivores, l'étape<br />
gastrique est négligeable. Il existe une lipase d'origine salivaire (glande d'Ebner à la<br />
base de la langue, pharynx). Elle agit à pH = 3.5 et son action ne nécessite pas<br />
d'acide biliaire. Elle entraîne une production limitée d'aci<strong>des</strong> gras ce qui aurait pour<br />
intérêt d'assurer une certaine émulsification <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> dans l'estomac et surtout dès<br />
leur arrivée dans le duodénum, de stimuler la sécrétion de cholécystokine (CCK)<br />
et partant une sécrétion pancréatique riche en enzymes lipolytiques. Ces aci<strong>des</strong> gras<br />
jouent le rôle "d'éclaireurs" et préparent la digestion dans l'intestin grêle.<br />
Chez les jeunes en alimentation lactée, les TG du lait sont déjà sous la forme<br />
d'une émulsion. L'émulsion est formée de gouttelettes de 0.1 à 10 µm entourées<br />
d'une membrane phospholipidique et de protéines ce qui évite aux TG du lait d'être<br />
attaqués par la lipase du lait. Cette émulsion est particulièrement fine chez le porc.<br />
138
Arrivée dans l'estomac du nouveau-né, les conditions de pH sont favorables à une<br />
action lipolytique (il faut un pH relativement élevé) car le lait a <strong>des</strong> propriétés<br />
tampons et la sécrétion de suc gastriques est limitée chez le nouveau-né. C'est ainsi<br />
que chez le porcelet, le pH stomacal est de l'ordre de 5 et il faut attendre 5 à 6<br />
semaines pour atteindre le pH de l'adulte. La chute du pH est notamment due à la<br />
prolifération de lactobacilles qui inhibent la sécrétion gastrique.<br />
Chez le veau, le lait arrive directement à la caillette (via la fermeture du repli ruminoréticulaire)<br />
et le pH dans la caillette passe de 2.5 à 6 avec un délai de 4-6h pour un<br />
retour à la normale. Dans la caillette, il y a une lipase qui libère environ 10% <strong>des</strong><br />
aci<strong>des</strong> gras du lait et jusqu'à 25% <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras à courte chaîne (chaîne dont la<br />
longueur est < à C 10 ). Pour les laits de remplacement, les chaînes d'aci<strong>des</strong> gras sont<br />
longues et la digestion gastrique est limitée.<br />
La digestion gastrique chez les ruminants est assurée par la microflore du rumen<br />
(lipase bactérienne). Cette digestion offre 2 particularités (i) elle est totale car les<br />
lipases bactériennes, à la différence <strong>des</strong> lipases mammaliennes, s'attaquent aussi<br />
bien aux liaisons α et β (voir plus loin); (ii) il y aura une hydrogénation totale <strong>des</strong><br />
aci<strong>des</strong> gras polyinsaturés. C'est ainsi que les aci<strong>des</strong> linoléiques et linoléniques<br />
qui représentent 50% <strong>des</strong> AG végétaux disparaissent au profit de l'acide stéarique.<br />
Cela pose <strong>des</strong> problèmes de qualité nutritionnelle pour les TG <strong>des</strong> ruminants car les<br />
AG polyinsaturés sont "essentiels" et ils proviennent de l'alimentation (prévention<br />
<strong>des</strong> maladies cardiovasculaires chez l'homme). Dans le rumen, il y aura une<br />
synthèse de lipi<strong>des</strong> bactériens (AG ramifiés, phospholipi<strong>des</strong>) et 10% <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> qui<br />
arrivent dans l'abomasum ont cette origine. C'est donc un mélange d'aci<strong>des</strong> gras et<br />
de lipi<strong>des</strong> bactériens qui arrive dans la caillette, les AG étant fixés sur les parois<br />
bactériennes. Ensuite les AG parviennent dans l'intestin grêle <strong>des</strong> ruminants et <strong>des</strong><br />
lipi<strong>des</strong> bactériens donnent <strong>des</strong> AG ramifiés grâce à la lyse bactérienne.<br />
<br />
Chez les monogastriques, la majeure partie de la digestion <strong>des</strong> graisses s'effectue<br />
dans l'intestin grêle. La digestion repose sur l'action lipolytique de la lipase<br />
pancréatique qui se trouve déversée par l'arrivée <strong>des</strong> TG dans l'intestin grêle avec<br />
139
une sécrétion accrue de suc pancréatique (500 mL/j chez le chien, 1 L/j chez<br />
l'homme, 7 à 8 L chez le porc). Le suc pancréatique a une teneur en matières sèches<br />
variant de 1 à 10% et son pH est alcalin ce qui va favoriser la lipolyse qui ne peut<br />
s'effectuer qu'à un pH relativement alcalin (de 6 à 8).<br />
Le suc pancréatique contient différentes enzymes lipolytiques dont la plus importante<br />
est la lipase. Il s'agit d'une glycoprotéine d'un PM de 45000. La richesse du suc<br />
pancréatique en lipase est sous le contrôle de la CCK. Il est à noter que la lipase<br />
pancréatique n'a pas été retrouvée chez le cheval et sa concentration est très<br />
faible ou nulle chez la vache (en revanche il y a une phospholipase). L'action de<br />
la lipase qui sera décrite sera donc celle <strong>des</strong> omnivores et <strong>des</strong> carnivores.<br />
A côté de la lipase, on retrouve d'autres enzymes lipolytiques dont les<br />
phospholipases (retrouvées chez les herbivores).<br />
La bile<br />
La seconde sécrétion digestive impliquée dans la digestion <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> est la bile.<br />
Sécrétée par le foie, la production de bile atteint un volume de l'ordre de 1L/J chez<br />
l'homme et de 10 L/J chez le porc (voir chapitre 16). Les éléments essentiels de la<br />
bile pour la digestion <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> sont les sels biliaires. Les sels biliaires sont<br />
synthétisés par les hépatocytes à partir du cholestérol. Cela donne en parties plus ou<br />
moins égales, les aci<strong>des</strong> choliques et l'acide chénodéoxycholique qui seront<br />
conjugués soit à la glycine (surtout chez les carnivores) soit à la taurine (surtout<br />
chez les ruminants), pour donner les aci<strong>des</strong> glyco- et taurocholiques qui sont<br />
sécrétés dans la bile.<br />
Chez l'homme le foie fabrique environ 0.5 g de sels biliaires par jour. Les sels<br />
biliaires sont <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> faibles dont le pKa est de 4.4 pour l'acide glycocholique et<br />
de 1.4 pour l'acide taurocholique. Cela veut dire qu'au pH intestinal, ils sont sous<br />
forme ionisée c'est-à-dire sous la forme de sels de sodium.<br />
Les aci<strong>des</strong> biliaires ont pour rôle l'émulsification (fig. 13.13) c'est-à-dire la division<br />
en fines particules les lipi<strong>des</strong> (rôle de détergent). Cela est rendu possible grâce à<br />
leurs propriétés amphiphiles avec une double polarité<br />
- pôle stérol : lipophile<br />
- pôle ionisé : hydrophile.<br />
Le pool total de sels biliaires est de 4 g chez l'homme et après avoir joué un rôle<br />
dans l'intestin grêle, la quasi-totalité (94%) sont réabsorbés de façon active par<br />
140
l'iléon. Il y a donc un cycle entérohépatique <strong>des</strong> sels biliaires, une molécule<br />
faisant en moyenne une vingtaine de cycles avant d'être éliminée par les fèces.<br />
Parvenus dans le sang portal, ils sont totalement extraits par le foie par effet de<br />
premier passage. De là, ils sont re-sécrétés par les hépatocytes.<br />
Les aci<strong>des</strong> biliaires interviennent à 3 niveaux :<br />
1) lipolyse <strong>des</strong> TG<br />
2) le détachement <strong>des</strong> AG à partir <strong>des</strong> particules alimentaires chez les<br />
polygastriques<br />
3) dans l'absorption <strong>des</strong> produits terminaux de la digestion par la formation de<br />
micelles.<br />
Figure 13.13. Emulsification <strong>des</strong> globules gras par les aci<strong>des</strong> biliaires. Les<br />
aci<strong>des</strong> biliaires possèdent un pôle hydrophile et une pôle hydrophobe. Ils entourent<br />
la gouttelette de triglycéride ce qui la rend accessible à la lipase pancréatique.<br />
Les triglycéri<strong>des</strong><br />
Un triglycéride est une molécule de glycérol sur laquelle est fixée 1, 2 ou 3 aci<strong>des</strong><br />
gras ce qui forme les mono, di- ou triglycéri<strong>des</strong>. Les AG peuvent être saturés ou<br />
insaturés et ils sont de différentes longueurs.<br />
Les AG insaturés se fixent sur la fonction alcool centrale du glycérol c'est-à-dire<br />
en position β alors que les 2 autres fonctions alcool c'est-à-dire les 2 positions α<br />
fixent <strong>des</strong> AG saturés. Un TG est donc formé par 2 AG saturés (périphériques) et<br />
un AG insaturé (central).<br />
141
La lipase est une protéine hydrosoluble et pour agir sur les TG, il importe que ces<br />
derniers subissent une émulsification c'est-à-dire se présentent physiquement<br />
comme une suspension de micro-gouttelettes. Cela implique une diminution de la<br />
tension superficielle du milieu grâce à l'action <strong>des</strong> sels biliaires ainsi que <strong>des</strong><br />
premiers produits de la dégradation <strong>des</strong> TG c'est-à-dire <strong>des</strong> AG et <strong>des</strong><br />
monoglycéri<strong>des</strong>. Cela va former <strong>des</strong> gouttelettes d'un diamètre de l'ordre de 1 µm.<br />
les sels biliaires (et les AG) formant une couche périphérique stabilisant la<br />
gouttelette (pôle hydrophobe central ou "pôle stérol" et pôle ionisé à la périphérie). Il<br />
s'agit d'un rôle identique à celui du savon lors du lavage <strong>des</strong> mains qui fragmente le<br />
gras et forme une interface avec l'eau (cela multiplie par 1000 la surface de<br />
l'interface) (fig.13.14 et 13.15).<br />
Figure 13.14. Action de la lipase pancréatique. La gouttelette de lipide émulsifiée<br />
par les aci<strong>des</strong> biliaires et la lécithine devient accessible à la lipase pancréatique (1)<br />
qui peut attaquer les aci<strong>des</strong> gras en position α (saturé) (2) ce qui libère <strong>des</strong><br />
monoglycéri<strong>des</strong> insaturés et <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras (saturés) (3) les monoglycéri<strong>des</strong> et les<br />
AG vont former <strong>des</strong> micelles.<br />
1 2 3<br />
142
Figure 13.15. Action de la lipase pancréatique sur les aci<strong>des</strong> gras en position<br />
alpha<br />
Cette action émulsifiante <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> biliaires explique que leur absence entraîne une<br />
réduction de la digestion avec un syndrome de malabsorption avec comme première<br />
manifestation une carence en vitamines K.<br />
La lipase va se fixer dans la phase liquide entourant le globule gras. La lipase va<br />
alors pouvoir s'attaquer de façon préférentielle aux AG en position α (saturés) ce qui<br />
libère <strong>des</strong> diglycéri<strong>des</strong> et <strong>des</strong> monoglycéri<strong>des</strong> (qui seront insaturés). Cette spécificité<br />
de l'attaque vaut pour les AG à longue chaîne mais pas pour les AG à courte chaîne.<br />
De 25 à 50% <strong>des</strong> TG seraient complètement hydrolysés en AG et glycérol et le reste<br />
est essentiellement formé de mono- et diglycéri<strong>des</strong>. Au total, 70% <strong>des</strong> AG sont<br />
libérés par la lipolyse.<br />
En absence de suc pancréatique, les ¾ <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> seront éliminés par les fèces.<br />
Cas particulier <strong>des</strong> ruminants<br />
Chez les ruminants, il n'y a pas de TG d'origine alimentaire qui arrivent dans l'intestin<br />
grêle mais <strong>des</strong> AG liés aux particules alimentaires. La digestion va correspondre<br />
au détachement <strong>des</strong> AG <strong>des</strong> particules et à ce niveau, c'est la bile qui joue un rôle<br />
essentiel. Le suc pancréatique joue un rôle plus mo<strong>des</strong>te (phospholipase). Il n'y a<br />
pas de lipase chez le bovin.<br />
143
- pas de lymphatiques intestinaux<br />
- lipi<strong>des</strong> : voie sanguine<br />
o pas de chylomicrons<br />
o VLDL<br />
- Arrivent directement au foie<br />
- La lipogenèse est hépatique (foie gras)<br />
- Le glucagon est la principale hormone lipolytique.<br />
<strong>13.3.</strong>3. Absorption <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong><br />
L'absorption <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> se fera essentiellement dans l'intestin grêle et notamment<br />
dans sa première moitié. En revanche , les aci<strong>des</strong> biliaires ionisés (déconjugués)<br />
seront absorbés en aval dans l'iléon. La question posée est de savoir ce qui est<br />
absorbé c'est-à-dire, la nature chimique (AG, mono ou diglycéride ou TG).<br />
Actuellement, nos conceptions portent sur l'idée centrale que ce sont <strong>des</strong> micelles<br />
qui seront absorbées. Par l'analyse du chyme intestinal (centrifugation) on peut<br />
retrouver les lipi<strong>des</strong> dans 2 fractions : le surnageant avec <strong>des</strong> gouttelettes en<br />
émulsion (diamètre de 1 à 500 µm) et le sous-nageant avec les micelles ayant un<br />
diamètre de 50 à 100 Å (1Å = 10 -10 m) ou 2-5 nanomètres (fig. 13.16).<br />
Une micelle se définit comme étant le plus petit agrégat de molécules ayant la<br />
propriété d'un corps.<br />
144
Figure 13.16. Les micelles. Les monoglycéri<strong>des</strong> et les aci<strong>des</strong> gras libérés par la<br />
lipase forment <strong>des</strong> micelles qui seront absorbés par la cellule intestinale.<br />
AB<br />
AB<br />
Pôle<br />
stérol<br />
lipophile<br />
AB<br />
AB<br />
AB<br />
AB<br />
Pôle<br />
stérol<br />
lipophile<br />
Monoglycéri<strong>des</strong><br />
Vitamines<br />
lipophiles<br />
AB<br />
AB<br />
Micelle de sels biliaires (5 nm)<br />
AG<br />
AB<br />
5-10 nm<br />
AB<br />
Si une concentration critique est atteinte, les molécules d'acide biliaire forment <strong>des</strong><br />
complexes polymoléculaires de forme sphérique.<br />
L'analyse <strong>des</strong> micelles a montré qu'elles ne contenaient que <strong>des</strong> AG, <strong>des</strong><br />
monoglycéri<strong>des</strong> et <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> biliaires mais jamais de di- ou triglycéri<strong>des</strong>.<br />
Ce sont ces micelles qui seront absorbées par un mécanisme de diffusion car les AG<br />
et les monoglycéri<strong>des</strong> sont lipophiles et ils peuvent aisément passer de la micelle à la<br />
membrane de l'entérocyte. Cela laisse libre les aci<strong>des</strong> biliaires qui peuvent recapter<br />
d'autres AG et mono-glycéri<strong>des</strong> (rôle de navette <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> biliaires).<br />
Il est à noter que les TG et diglycéri<strong>des</strong> ne sont pas absorbables car ils ne<br />
peuvent être incorporés dans les micelles.<br />
145
Après avoir pénétré dans les cellules le sort <strong>des</strong> AG sera différent selon la longueur<br />
de leur chaîne. Les aci<strong>des</strong> gras à longue chaîne ainsi que les monoglycéri<strong>des</strong> sont<br />
pris en charge par une protéine de transport (fatty acid binding protein) et ils<br />
gagnent le réticulum endoplasmique pour servir à la re-synthèse de TG (fig. 13.17).<br />
Figure 13.17. Re-synthèse de triglycéri<strong>des</strong> dans l'entérocyte et formation de<br />
chylomicrons.<br />
Les TG seront refabriqués à partir <strong>des</strong> monoglycéri<strong>des</strong> soit à partir du glycérol<br />
synthétisés à ce niveau par la voie α-glycérophosphate. Chez les carnivores et les<br />
omnivores, la voie <strong>des</strong> monoglycéri<strong>des</strong> est majoritaire (80%). En revanche, la voie du<br />
glycérophosphate est essentiellement chez les ruminants (pas de monoglycéri<strong>des</strong>).<br />
La voie du glycérophosphate exige de l'énergie. Les TG (et les phospholipi<strong>des</strong> chez<br />
les ruminants), s'accumulent pour former dans l'entérocyte de larges globules. Ces<br />
globules vont se retrouver entourés d'une β-lipoprotéine et éliminés par exocytose<br />
sur les parois latérales de l'entérocyte. Cet ensemble lipi<strong>des</strong>-protéines forme les<br />
chylomicrons (fig. 13.18). Ils vont gagner la lymphe via les capillaires<br />
lymphatiques de la villosité intestinale (fig. 13.19 et 13.20). Il est à noter qu'un<br />
déficit génétique de la β-lipoprotéine fait que l'exocytose devient impossible et que<br />
les globules gras s'accumulent dans l'entérocyte (abéta-lipoprotéinémie).<br />
146
Les AG à courte chaîne (et le glycérol qui aura été libéré dans l'entérocyte) ne<br />
présentent pas d'affinité pour la protéine de transport. Ils quittent rapidement<br />
l'entérocyte pour gagner la circulation sanguine (veine porte).<br />
Les chylomicrons sont <strong>des</strong> complexes lipoprotéiques d'un diamètre de 0.3 à 3<br />
µm. Ils sont responsables du transport <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> de l'intestin grêle vers les tissus.<br />
Parvenus dans les tissus, les chylomicrons seront dégradés par la lipoprotéinelipase.<br />
L'étude de la circulation <strong>des</strong> chylomicrons et de façon plus générale <strong>des</strong><br />
lipoprotéines est à voir dans le cours de nutrition. Disons simplement que les<br />
chylomicrons transportent les lipi<strong>des</strong> de l'intestin vers le foie et le tissu adipeux, que<br />
les very low density lipoproteins (VLDL) transportent le triacylglycérol<br />
nouvellement synthétisé par le foie vers le tissu adipeux, que les LDL (low density<br />
lipoprotein) transportent le cholestérol du foie vers les autres cellules de l'organisme<br />
(d'où le nom de "mauvais cholestérol") par opposition aux HDL (high density<br />
lipoprotein) qui ramènent le cholestérol vers le foie (d'où le nom de "bon<br />
cholestérol).<br />
Il est à noter que chez les monogastriques, une fraction moins importante <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong><br />
passe dans la lymphe sous forme de lipoprotéine de basse densité (diamètre de 0.05<br />
µm) ; ce sera la forme préférentielle d'élimination lorsque les gouttelettes renferment<br />
beaucoup de phospholipi<strong>des</strong> ce qui est le cas chez les polygastriques (élimination de<br />
75% <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> sous cette forme).<br />
Remarque : chez les ruminants, la lymphe est toujours lactescente car l'absorption<br />
est continue (chez le mouton le débit lymphatique est de 2-3 L/jour avec 200-400 g<br />
de lipi<strong>des</strong>).<br />
Figure 13.18 : Structure et composition d'un chylomicron<br />
147
Figure 13.19. : Capillaire lymphatique de la villosité intestinale<br />
Figure 13.20. : Circulation lymphatique. La lymphe drainée en périphérie et<br />
notamment du tube digestif remonte le circuit lymphatique pour se jeter dans la<br />
jugulaire droite.<br />
148