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Rapport-expertise-SECAFI-CHSCT-DASSAULT-AVIATION-Version-D-finitive-04_10_2013

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Nom société<br />

Mission<br />

Bordeaux<br />

Lille<br />

Lyon<br />

Marseille<br />

Metz<br />

Nantes<br />

Paris<br />

Toulouse<br />

<strong>DASSAULT</strong> <strong>AVIATION</strong><br />

<strong>Rapport</strong> d’<strong>expertise</strong> <strong>CHSCT</strong><br />

Impacts des projets FARE et TARGET dans le cadre du plan<br />

ARP sur les conditions de travail des salariés du site<br />

d’Argenteuil<br />

<strong>SECAFI</strong> Changement Travail Santé<br />

(ex-ALPHA CONSEIL)<br />

agréé par le ministère du Travail<br />

et habilité IPRP<br />

Direction Régionale Midi Pyrénées :<br />

55, boulevard de l’Embouchure<br />

Central Parc (Bât C)<br />

BP 72081<br />

3<strong>10</strong>19 Toulouse Cedex 2<br />

Tel : 05 62 72 36 00<br />

www.secafi.com<br />

Le <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong>


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Remerciements<br />

Nous tenons à remercier l’ensemble des personnes que nous avons eu l’occasion de rencontrer<br />

pendant tout le déroulement de cette <strong>expertise</strong> pour leur accueil, leur disponibilité et la<br />

qualité des échanges que nous avons eus.<br />

Cette <strong>expertise</strong> a été dirigée par Olivier-Stéphane GAUTHIER, dont l’équipe était constituée<br />

par Lucile ERRERA, Bertrand HERMANS et Bruno ROUYER. Jean-François SIMONIN y a<br />

également participé.<br />

2


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Sommaire<br />

1. L’intervention 5<br />

1.1. Le contexte 6<br />

1.2. La demande 7<br />

1.3. L’analyse de la demande 12<br />

1.4. La démarche d’intervention 13<br />

1.4.1. Analyse documentaire 13<br />

1.4.2. Entretiens 14<br />

1.4.3. Analyse de l’activité en situation réelle 17<br />

1.4.4. Points d’étape intermédiaires avec les élus des <strong>CHSCT</strong> 17<br />

1.4.5. Réunions de travail 18<br />

2. Les projets dans leur contexte stratégique 19<br />

2.1. Le projet ARP et ses déclinaisons 20<br />

2.1.1. Genèse du projet ARP 20<br />

2.1.2. Le projet FARE 22<br />

2.1.3. Le projet TARGET 23<br />

3. L’analyse du projet pilote CAP 12 25<br />

3.1. Le montage du projet CAP 12 26<br />

3.2. CAP 12 aujourd’hui 28<br />

3.2.1. Des avancées certes, mais mitigées 28<br />

3.2.2. Des difficultés de synchronisation avec les secteurs amont 29<br />

3.2.3. Un principe d’organisation qui masque en partie les difficultés rencontrées 30<br />

3.2.1. Certains points de sécurité demeurent problématiques 32<br />

3.2.2. La disponibilité des pièces demeure perfectible 32<br />

3.2.3. Le système de nouvelles fiches d’instruction n’est pas encore opérationnel 33<br />

3.2.4. Le rôle effectif des référents 33<br />

3.2.5. Une visibilité accrue pour les Agents de Maîtrise 34<br />

3.2.6. Des interrogations quant à la santé des compagnons 35<br />

4. Les projets FARE et TARGET 38<br />

4.1. La construction des projets 39<br />

4.1.1. FARE 39<br />

4.1.2. TARGET 41<br />

4.2. Des conséquences humaines immédiates 45<br />

4.2.2. Une intégration des salariés de la production dans les projets mais pas sans coût. 46<br />

4.2.3. Une adhésion mitigée des compagnons. 46<br />

4.3. Les premières réponses des projets pour la réduction de certaines contraintes existantes. 49<br />

4.3.1. Mise à jour des fiches d’instruction (FI) 49<br />

4.3.2. ARP en réponse à la problématique récurrente de l’outillage 49<br />

4.3.3. Des améliorations de l’ergonomie des postes de travail mais une approche encore trop macro<br />

des contraintes physiques. 50<br />

4.4. Des contraintes existantes qui risquent de perdurer avec en outre l’émergence de nouvelles<br />

problématiques 55<br />

4.4.1. Une logistique perfectible qui risque d’être encore pénalisante 55<br />

3


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

4.4.2. Une nécessité de s’adapter à une nouvelle façon de travailler. 55<br />

4.4.3. Des rôles qui vont évoluer mais de quelle façon 56<br />

4.4.4. Des évolutions dans les relations professionnelles sont à prévoir. 58<br />

4.4.5. Risque d’impact sur le temps et le rythme de travail 59<br />

4.4.6. Sentiment de perte de compétences et/ou de savoir-faire. 60<br />

4.4.7. Une bonne adéquation charge / capacité 61<br />

4.4.8. Une incertitude sur l’avenir 62<br />

4.5. Les phases critiques de redémarrage et d’installation provisoire 63<br />

5. La prévention des risques 66<br />

5.1. L’organisation globale de la prévention des risques professionnels. 67<br />

5.1.1. TMS et vibration, une analyse construite et portée par la médecine du travail 67<br />

5.1.2. L’inaptitude en réponse à l’absence d’aménagement de poste 68<br />

(1) inclus les salariés renvoyés à leur domicile pour maladie par exemple. 68<br />

5.1.3. Les indicateurs suivis par les différents acteurs de la prévention 68<br />

5.1.4. La prévention des risques psychosociaux (RPS). 70<br />

5.2. La prévention des risques professionnels dans le projet ARP principalement axée sur les risques liés<br />

aux contraintes physiques 74<br />

6. Préconisations 76<br />

6.1. Entreprendre un retour d’expérience approfondi de CAP 12 77<br />

6.2. Envisager un recadrage des calendriers de FARE et TARGET pour intégrer le retour d’expérience CAP<br />

12 78<br />

6.3. Accélérer le travail sur la disponibilité des pièces 78<br />

6.4. Faciliter la transition entre l’organisation actuelle du travail et le fonctionnement Lean 79<br />

6.5. Donner une meilleure vision globale des projets aux compagnons 79<br />

6.6. Renforcer l’approche ergonomique sur les postes 81<br />

6.7. Poser clairement la question de la disponibilité des outils/outillages 82<br />

6.8. Mener une réflexion et clarifier les (nouveaux) rôles et responsabilités de chacun 83<br />

6.9. Interroger l’impact de la démarche Lean sur les relations professionnelles. 84<br />

6.<strong>10</strong>. Prévenir le risque de surcharge de travail 85<br />

6.11. Rester en veille sur les phases de redémarrage et d’installation provisoire 85<br />

6.12. Compléter l’analyse des risques professionnels 86<br />

7. Annexes 88<br />

7.1. Le « Lean Manufacturing » 89<br />

7.2. Quelques repères sur les Risques Psychosociaux 94<br />

8. Ressources documentaires <strong>10</strong>1<br />

Secafi Changement Travail Santé<br />

(ex-ALPHA CONSEIL)<br />

agréé par le ministère du Travail<br />

et habilité IPRP<br />

4<br />

Direction Régionale Aquitaine :<br />

29, rue de l’Ecole Normale


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

1. L’intervention<br />

5


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

1.1. Le contexte<br />

L’établissement de Dassault Aviation Argenteuil compte un effectif total de 967 salariés.<br />

La production est axée sur des sous-ensembles de deux grandes familles d’avions :<br />

- Falcon (F900, F2000, F7X et bientôt SMS),<br />

- Rafale.<br />

Le site est inscrit depuis plusieurs années dans une démarche ARP (Amélioration de la<br />

Réactivité en Production) qui vise à améliorer la technicité, la qualité, les conditions de travail<br />

et la performance en termes de délais et de coûts. Cette démarche est nationale et entend<br />

parvenir à élaborer une méthode qui lui soit propre et la capitaliser pour les projets de futurs<br />

avions.<br />

Pour le site d’Argenteuil, un premier projet Pilote CAP 12 (Chaine d’Assemblage Pilote T12)<br />

a démarré en 2011 pour s’achever fin 2012, avec comme ambition de créer une ligne unique<br />

tous Falcon (y compris le futur SMS) et définir un référentiel ARP de production.<br />

Deux autres projets sont inscrits dans sa continuité :<br />

- FARE (Fabrication Améliorée des Revêtements Equipés), faisant directement suite à<br />

CAP 12, dédié au Falcon, « remontant » le flux de production après celui portant sur le<br />

T12 ; Ce projet est axé sur la mise en ligne, l’organisation après assemblage, la<br />

robotisation et la fiabilisation des délais. Les objectifs annoncés sont :<br />

o d’améliorer la ponctualité,<br />

o de diminuer les temps de cycle de 20 à 50 %,<br />

o d’améliorer l’ergonomie et l’organisation,<br />

o de maîtriser les coûts.<br />

- TARGET 1-25, sur le Rafale. Les objectifs annoncés sont :<br />

o Etre compatible avec les hypothèses d’un éventuel contrat Rafale Export,<br />

o Réduire les coûts de 40 % et les cycles de 50 %,<br />

o Améliorer l’ergonomie des postes de travail.<br />

Deux autres projets sont inscrits dans sa continuité : PPU (Pièces Primaires Usinées) et 33-<br />

0141 Rafale qui débuteront respectivement à l’automne <strong>2013</strong> et au début 2014<br />

6


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

1.2. La demande<br />

Le recours à l’<strong>expertise</strong> s’est déroulé en deux étapes. Un premier vote des élus a eu lieu le <strong>04</strong><br />

Juin <strong>2013</strong> pour décider du recours à l’<strong>expertise</strong> proprement dite.<br />

Deux projets de délibérations distinctes étaient prévus :<br />

<strong>CHSCT</strong> N°1<br />

Le 26 mars <strong>2013</strong> le Comité d’Entreprise de <strong>DASSAULT</strong> Argenteuil a confié au <strong>CHSCT</strong>,<br />

conformément à l’article L 2323-28 du code du Travail, l’analyse des conséquences sur<br />

l’organisation et les conditions de travail des projets d’Amélioration de la Réactivité en<br />

Production (ARP).<br />

Depuis plusieurs semaines le <strong>CHSCT</strong> n° 1 de <strong>DASSAULT</strong> Argenteuil est informé du projet<br />

FARE lequel s’inscrit dans le cadre de l’ARP. Ce projet FARE constitue un projet important<br />

au sens de l’article L 4612-8 du code du Travail pour lequel l’instance doit être consultée<br />

préalablement à sa mise en œuvre.<br />

Les enjeux du projet FARE tel qu’il est présenté sont les suivants :<br />

- Maîtriser les coûts<br />

- Diminuer les cycles de 20 à 50%<br />

- Avoir une organisation « robuste et flexible à tous les aléas ou toutes les évolutions »<br />

- Pérenniser les savoir-faire et les compétences<br />

Il s’agit manifestement d’un projet important qui va modifier les conditions de travail dans<br />

des proportions considérables. Les élus du <strong>CHSCT</strong> ont donc posé plusieurs questions à la<br />

direction concernant les modalités opérationnelles envisagées pour le déploiement du projet.<br />

Les réponses apportées jusqu’ici par la direction ne sont que des « éléments de réponse<br />

génériques » et n’éclairent en rien le questionnement des élus du <strong>CHSCT</strong>.<br />

De plus, il a été précisé que « les problèmes rencontrés peuvent amener à recaler le projet<br />

dans le temps sans jamais remettre en cause la méthode » et que « l’important est de suivre la<br />

méthode ». Ces positions nous paraissent dogmatiques et nient potentiellement les réalités du<br />

terrain et le travail réel. Les élus du <strong>CHSCT</strong> tiennent à comprendre toutes les conséquences<br />

de ce projet et à faire des préconisations pour la prise en compte des conditions de travail des<br />

salariés.<br />

Par conséquent, les élus du <strong>CHSCT</strong> N°1 s’inquiètent des impacts sur les conditions de travail<br />

des salariés, en particulier les modifications pouvant toucher :<br />

7


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

• L’organisation et la planification du travail : le passage d’opérations organisées en<br />

séquence à une mise en parallèle de la réalisation des sous-ensembles va-t-il<br />

conduire à devoir synchroniser finement les activités, avec le risque pour les<br />

compagnons de devoir ajuster leur rythme de travail pour répondre à cette exigence <br />

• Les flux matières et humains : la disparition des stocks intermédiaires entre postes ne<br />

risque-t-elle pas d’entrainer un besoin de coordination supplémentaire entre<br />

compagnons et va s’accompagner d’un manque de souplesse (création d’une relation<br />

client/fournisseur interne et accroissement du fonctionnement en flux tendus) <br />

• L’intensité du travail : l’objectif de supprimer tous les temps morts (ou qualifiés<br />

d’inutiles, comme les déplacements par exemple) va se traduire par la diminution de<br />

ces temps de micro-récupération et l’ajout d’opérations supplémentaires. D’autre<br />

part, avec la diminution des temps de cycle annoncée, les élus craignent que les<br />

salariés ne doivent travailler plus.<br />

• Les temps de récupération physique et les rythmes de travail : l’intensification du<br />

travail, l’augmentation des contraintes temporelles liées à la coordination entre<br />

postes et la disparition des temps de repos informels pourraient occasionner des<br />

atteintes possibles à la santé physique et mentale pour les salariés.<br />

• Les aspects psychosociaux, les collectifs de travail : en quoi l’augmentation de la<br />

dépendance organisationnelle entre les postes (absence de stock, flux tendus)<br />

pourrait générer des tensions entre compagnons et/ou équipes <br />

• Le rapport et l’intérêt au travail : le passage à un travail organisé selon le principe<br />

d’opérations élémentaires, de bonnes pratiques à généraliser et de modes opératoires<br />

encore plus standardisés amène à se questionner quant à la perte d’intérêt des<br />

compagnons vis-à-vis de leur travail et interrogent leurs qualifications.<br />

• Les salariés relevant du régime horaire : par exemple, quel est l’avenir de la plage<br />

d’horaires variables dans le cadre de la nouvelle organisation du travail envisagée <br />

• L’avenir de l’encadrement : quels seront les impacts sur les fonctions d’encadrement,<br />

dans la mesure où le projet évoque « un impact sur le plan qualitatif à minima »<br />

(périmètres de responsabilité nombre de postes d’encadrement impactés )<br />

• Une plus grande polyvalence est demandée aux salariés afin de répondre au besoin de<br />

réactivité et flexibilité. Quid des salariés qui ne pourront pas s’adapter à ces<br />

nouvelles contraintes <br />

Les membres du <strong>CHSCT</strong> rappellent que selon l'article L 4612-1 du Code du travail, le Comité<br />

a pour mission de favoriser l’amélioration des conditions de travail et de contribuer à la<br />

prévention des risques professionnels.<br />

8


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Ainsi, afin de pouvoir exprimer un avis motivé, conformément à l’article L 4612-8 du Code<br />

du Travail, les membres réunis ce jour en session ont besoin d’une information autonome et<br />

de l’avis d’un expert pour pouvoir se prononcer.<br />

L’expert aura à éclairer les membres du <strong>CHSCT</strong> sur tous les impacts éventuels liés à ce<br />

projet de modification de l’organisation du travail sur la santé physique et mentale, et la<br />

sécurité des salariés, notamment sur les différents points cités plus haut en référence.<br />

Pour éclairer les membres du <strong>CHSCT</strong>, il devra considérer les spécificités de l’établissement<br />

au regard des contextes historiques, culturels, organisationnels et sociaux.<br />

Les membres du <strong>CHSCT</strong>, conformément à l’article L 4614-12, désignent le cabinet <strong>SECAFI</strong>,<br />

55 boulevard de l’Embouchure, à Toulouse, expert agréé par le Ministère de Travail pour<br />

mener cette mission d’<strong>expertise</strong>.<br />

Mandat est donné au Secrétaire du <strong>CHSCT</strong>, M. Sébastien Ricoux pour prendre contact avec<br />

l’expert désigné et représenter l’instance pour ester en justice si nécessaire.<br />

Les membres du <strong>CHSCT</strong> demandent au Président du Comité, M. Fabrice DEMELIER, de<br />

créer les conditions optimales de réalisation de cette mission et de communiquer au cabinet<br />

d’<strong>expertise</strong> l’ensemble des données et documentations relatives à ce projet, afin de lui<br />

permettre de réaliser au mieux cette mission ».<br />

<strong>CHSCT</strong> N°2<br />

Le 26 mars <strong>2013</strong> le Comité d’Entreprise de <strong>DASSAULT</strong> Argenteuil a confié au <strong>CHSCT</strong>,<br />

conformément à l’article L 2323-28 du code du Travail, l’analyse des conséquences sur<br />

l’organisation et les conditions de travail des projets d’Amélioration de la Réactivité en<br />

Production (ARP).<br />

Depuis plusieurs semaines le <strong>CHSCT</strong> n° 2 de <strong>DASSAULT</strong> Argenteuil est informé du projet<br />

TARGET lequel s’inscrit dans le cadre de l’ARP. Ce projet TARGET constitue un projet<br />

important au sens de l’article L 4612-8 du code du Travail pour lequel l’instance doit être<br />

consultée préalablement à sa mise en œuvre.<br />

Les enjeux du projet TARGET tel qu’il est présenté sont les suivants :<br />

- Réduire les coûts de 40 %<br />

- Diminuer les temps de cycles de 50%<br />

- Avoir une organisation « robuste et flexible à tous les aléas ou toutes les évolutions »<br />

- Pérenniser les savoir-faire et les compétences<br />

Il s’agit manifestement d’un projet important qui va modifier les conditions de travail dans<br />

des proportions considérables. Les élus du <strong>CHSCT</strong> ont donc posé plusieurs questions à la<br />

direction concernant les modalités opérationnelles envisagées pour le déploiement du projet.<br />

9


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Les éléments apportées jusqu’ici sont trop « génériques » et ne répondent que partiellement<br />

au questionnement des élus du <strong>CHSCT</strong>.<br />

De plus, il a été précisé que « les problèmes rencontrés peuvent amener à recaler le projet<br />

dans le temps sans jamais remettre en cause la méthode » et que « l’important est de suivre la<br />

méthode ». Ces positions nous paraissent dogmatiques et nient potentiellement les réalités du<br />

terrain et le travail réel. Les élus du <strong>CHSCT</strong> tiennent à comprendre toutes les conséquences<br />

de ce projet et à faire des préconisations pour la prise en compte des conditions de travail des<br />

salariés.<br />

Par conséquent, les élus du <strong>CHSCT</strong> N°2 s’inquiètent des impacts sur les conditions de travail<br />

des salariés, en particulier les modifications pouvant toucher :<br />

• L’organisation et la planification du travail : le passage d’opérations organisées en<br />

séquence à une mise en parallèle de la réalisation des sous-ensembles va-t-il<br />

conduire à devoir synchroniser finement les activités, avec le risque pour les salariés<br />

de devoir ajuster leur rythme de travail pour répondre à cette exigence <br />

• Les flux matières et humains : la disparition des stocks intermédiaires entre postes ne<br />

risque-t-elle pas d’entrainer un besoin de coordination supplémentaire entre salariés<br />

et va s’accompagner d’un manque de souplesse (création d’une relation<br />

client/fournisseur interne et accroissement du fonctionnement en flux tendus) <br />

• L’intensité du travail : l’objectif de supprimer tous les temps morts (ou qualifiés<br />

d’inutiles, comme les déplacements par exemple) va se traduire par la diminution de<br />

ces temps de micro-récupération et l’ajout d’opérations supplémentaires. D’autre<br />

part, avec la diminution des temps de cycle annoncée, les élus craignent que les<br />

salariés ne doivent travailler plus que l’augmentation des contraintes temporelles<br />

liées à la coordination entre postes et la disparition des temps de repos informels<br />

occasionnent des atteintes possibles à la santé physique et mentale pour les salariés.<br />

• Les aspects psychosociaux, les collectifs de travail : en quoi l’augmentation de la<br />

dépendance organisationnelle entre les postes (absence de stock, flux tendus)<br />

pourrait générer des tensions entre salariés et/ou équipiers <br />

• Le rapport et l’intérêt au travail : le passage à un travail organisé selon le principe<br />

d’opérations élémentaires, de bonnes pratiques à généraliser et de modes opératoires<br />

encore plus standardisés amène à se questionner quant à la perte d’intérêt des<br />

salariés vis-à-vis de leur travail et interrogent leurs qualifications.<br />

• Les salariés relevant du régime horaire : par exemple, quel est l’avenir de la plage<br />

d’horaires variables dans le cadre de la nouvelle organisation du travail envisagée <br />

<strong>10</strong>


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

• Les agents de maîtrise et personnels forfaits jour : quels seront les impacts sur les<br />

fonctions d’encadrement, dans la mesure où le projet évoque « un impact sur le plan<br />

qualitatif à minima » (périmètres de responsabilité nombre de postes<br />

d’encadrement impactés )<br />

• Une plus grande polyvalence est demandée aux salariés afin de répondre au besoin de<br />

réactivité et flexibilité. Quid des salariés qui ne pourront pas s’adapter à ces<br />

nouvelles contraintes <br />

Les membres du <strong>CHSCT</strong> rappellent que selon l'article L 4612-1 du Code du travail, le Comité<br />

a pour mission de favoriser l’amélioration des conditions de travail et de contribuer à la<br />

prévention des risques professionnels.<br />

Ainsi, afin de pouvoir exprimer un avis motivé, conformément à l’article L 4612-8 du Code<br />

du Travail, les membres réunis ce jour en session ont besoin d’une information autonome et<br />

de l’avis d’un expert pour pouvoir se prononcer.<br />

L’expert aura à éclairer les membres du <strong>CHSCT</strong> sur tous les impacts éventuels liés à ce<br />

projet de modification de l’organisation du travail sur la santé physique et mentale, et la<br />

sécurité des salariés, notamment sur les différents points cités plus haut en référence.<br />

Pour éclairer les membres du <strong>CHSCT</strong>, il devra considérer les spécificités de l’établissement<br />

au regard des contextes historiques, culturels, organisationnels et sociaux.<br />

Les membres du <strong>CHSCT</strong>, conformément à l’article L 4614-12, désignent le cabinet <strong>SECAFI</strong>,<br />

55 boulevard de l’Embouchure, à Toulouse, expert agréé par le Ministère de Travail pour<br />

mener cette mission d’<strong>expertise</strong>.<br />

Mandat est donné au Secrétaire du <strong>CHSCT</strong>, M. Romain CLERC pour prendre contact avec<br />

l’expert désigné et représenter l’instance pour ester en justice si nécessaire.<br />

Les membres du <strong>CHSCT</strong> demandent au Président du Comité, M. Fabrice DEMELIER, de<br />

créer les conditions optimales de réalisation de cette mission et de communiquer au cabinet<br />

d’<strong>expertise</strong> l’ensemble des données et documentations relatives à ce projet, afin de lui<br />

permettre de réaliser au mieux cette mission ».<br />

Compte tenu de la similarité entre les deux délibérations et le fait que les deux projets<br />

s’inscrivent dans une démarche commune (ARP), il a été convenu entre élus et direction que<br />

les deux demandes d’<strong>expertise</strong> seraient regroupées en une seule qui comporterait deux volets<br />

portant sur le périmètre de chaque <strong>CHSCT</strong>. Les délibérations n’ont donc pas été utilisées dans<br />

leur forme initiale.<br />

La demande d’<strong>expertise</strong> a été votée à l’unanimité (*) en <strong>CHSCT</strong> extraordinaire le <strong>04</strong> Juin <strong>2013</strong>.<br />

La désignation du Cabinet Secafi a ensuite été votée à l’unanimité (*) lors d’un <strong>CHSCT</strong><br />

extraordinaire le 13 Juin <strong>2013</strong> ( (*) Unanimité des membres élus présents lors des votes)<br />

11


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

1.3. L’analyse de la demande<br />

Les projets FARE et TARGET 1-25 s’inscrivent dans un projet plus global ARP visant à<br />

impulser une nouvelle dynamique industrielle en s’appuyant sur les principes du Lean<br />

Manufacturing avec comme visées principales :<br />

- D’importantes réductions des temps de cycle<br />

- Des réductions de coûts substantielles.<br />

Un premier projet, CAP 12, a déjà été conduit sur un secteur.<br />

Ce projet a suscité, à l’époque, quelques inquiétudes et questionnements de la part des salariés<br />

et des élus aux <strong>CHSCT</strong> car ils n’avaient pas une vision sur le futur, mais son périmètre était<br />

très bien circonscrit.<br />

En revanche, FARE et TARGET 1-25 laissent planer une certaine opacité sur :<br />

- Le nombre réel de postes impactés (notamment au regard de ceux pouvant être<br />

réinternalisés ou au contraire externalisés vers des prestataires),<br />

- La réorganisation de certains services supports (logistique, qualité, pièces primaires)<br />

qui parait nécessairement découler des modifications à venir dans les secteurs de<br />

production proprement dits,<br />

- Le devenir de certaines fonctions d’encadrement.<br />

De plus, le fait que les salariés connaissent désormais mieux la démarche Lean avec<br />

l’antériorité de CAP 12 et le fait que le projet « mère » ARP soit clairement présenté comme<br />

devant, à terme, s’appliquer à l’ensemble des secteurs (un calendrier de déploiement est<br />

d’ores et déjà présenté pour les projets à suivre) conduit au sentiment de voir les choses se<br />

précipiter sans avoir eu assez de recul pour apprécier tous les impacts de cette évolution<br />

majeure de l’organisation du travail.<br />

En d’autres termes, les inquiétudes portent sur le sentiment de donner carte blanche à<br />

« l’industrialisation de la méthode » sans avoir pu en apprécier au préalable tous les tenants et<br />

aboutissants et le cas échéant, sans l’avoir éventuellement amendé sur des questions relatives<br />

aux conditions de travail.<br />

12


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Les élus attendent du travail de l’expert que celui-ci les éclaire sur :<br />

- L’évolution des contraintes physiques (ergonomie des postes, intensification du temps<br />

de travail…)<br />

- Les exigences mentales (intérêt du travail, capacités d’adaptation…) liées aux<br />

transformations du travail,<br />

- Le sens et l’intérêt du travail (morcellement d’activité, positionnement des postes<br />

d’encadrement, évolution des qualifications requises),<br />

- La modification des interactions entre postes et secteurs (remodelage de la relation<br />

client/fournisseur interne et externe avec un besoin accru de coordination des temps de<br />

cycles),<br />

- L’organisation des phases de transition entre l’organisation actuelle du travail et celle<br />

projetée dans les deux projets,<br />

- Une analyse critique de la gestion de projet mise en œuvre.<br />

1.4. La démarche d’intervention<br />

Afin de mener cette intervention le cabinet <strong>SECAFI</strong> s’est appuyé sur plusieurs niveaux de<br />

recueil de données : documentaires, d’entretiens individuels avec les salariés, le management,<br />

la gestion de projet et les acteurs de la prévention et enfin une analyse de l’activité par<br />

observations en situation réelle de travail.<br />

1.4.1. Analyse documentaire<br />

L'analyse documentaire a été réalisée à partir des documents fournis par l'entreprise :<br />

- procès-verbaux des réunions de <strong>CHSCT</strong> ordinaires et extraordinaires ayant traités du<br />

projet ainsi que les documents utilisés lors de ces réunions,<br />

- document Unique de Prévention des Risques,<br />

- les 3 derniers bilans annuels de la médecine du travail,<br />

- bilans sociaux sur les 3 dernières années,<br />

- les données HSCT : absentéisme, arrêts maladies, accidents du travail,… sur les 3<br />

dernières années,<br />

- les données sur les effectifs des périmètres concernés : pyramide des âges, ancienneté,<br />

statut, fonctions, sexe,…<br />

- les descriptifs d’activités et les organigrammes détaillés pour l’ensemble des services<br />

des périmètres concernés,<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- les Compte Rendus d’avancement des projets ARP, FARE et TARGET,<br />

- l’accès à la base de données des observations réalisées lors des projets ARP, FARE et<br />

TARGET 1-25,<br />

- les plans d’atelier actuels et les implantations prévisionnelles liées aux projets,<br />

- les analyses de postes réalisées par l’ergonome dédié aux projets.<br />

1.4.2. Entretiens<br />

Avec les responsables des projets<br />

Des entretiens individuels de 2h00 ont été conduits avec différents acteurs de la conduite des<br />

projets afin d’appréhender plus en détails les objectifs poursuivis, les postes de travail<br />

concernés, les plannings de déploiement ainsi que les méthodes de travail utilisées. Nous<br />

avons rencontré :<br />

- Le responsable du projet ARP,<br />

- Le directeur Opérationnel Industrie,<br />

- Le responsable du projet FARE,<br />

- Le responsable du projet TARGET,<br />

- Le représentant local de la société Geolean.<br />

- Les pilotes Lean (société Geolean) des projets FARE et TARGET<br />

Avec les acteurs de la prévention des risques<br />

Des entretiens individuels de 1h30 ont été conduits avec différents acteurs de la prévention<br />

des risques afin de recueillir leur point de vue sur les projets, la façon dont ils ont été<br />

interpellés sur le dossier, les avis formulés, les retours éventuels. Nous avons rencontré :<br />

- Le directeur d’établissement,<br />

- Le responsable des Ressources Humaines,<br />

- la Médecine du travail,<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- le responsable HSE,<br />

- l’ergonome projet (société AFPI).<br />

Avec le management<br />

Des entretiens individuels de 1h00 ont été conduits avec les managers afin de recueillir leur<br />

point de vue sur les projets, leurs positionnements actuels et futurs vis-à-vis de leur rôle<br />

d’encadrement.<br />

Nous avons rencontré :<br />

- Le responsable de l’UASR,<br />

- Le chef d’atelier de l’UASR,<br />

- Le responsable du secteur tronçon 1-25,<br />

- Le responsable du secteur Tronçons 7-21 et 21-25,<br />

- Le responsable du secteur Peinture,<br />

- Le responsable de l’UPR,<br />

- Le chef d’atelier UPR,<br />

- Le responsable du secteur Equipements Revêtements (panneaux T1),<br />

- Le responsable du secteur Equipements Revêtements (panneaux T2),<br />

- Le responsable du Contrôle Qualité rattaché au projet FARE,<br />

- Le responsable du Contrôle Qualité rattaché au projet TARGET.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Avec des salariés impactés par le projet CAP 12<br />

Des entretiens individuels de 1h00 ont été conduits avec un échantillon de salariés ayant<br />

participé à la mise en œuvre du projet CAP 12 afin de recueillir leur point de vue sur leur<br />

intégration dans la démarche, la nature des améliorations réalisées et leur ressenti quant à<br />

l’évolution de leur travail.<br />

Nous avons rencontré :<br />

- 2 compagnons du secteur T12 et Pointe avant ayant participé au projet CAP 12,<br />

- 2 compagnons du secteur T1 ayant participé au projet CAP 12,<br />

- 1 agent de maîtrise ayant participé au projet CAP 12,<br />

- 4 compagnons travaillant dans le secteur impacté par CAP 12 et n’ayant pas participé<br />

au projet.<br />

Avec des salariés associés au projet TARGET<br />

Des entretiens individuels de 1h00 ont été conduits avec des compagnons ayant participé aux<br />

études du projet TARGET afin de recueillir leur point de vue sur leur intégration dans la<br />

démarche, la nature des améliorations proposées, retenues et refusées et leur ressenti quant à<br />

l’évolution de leur travail.<br />

Nous avons rencontré :<br />

- 4 compagnons intégrés au projet TARGET 1-25,<br />

- 4 compagnons ne participant pas au projet,<br />

- 1 Agent de Maîtrise.<br />

Avec des salariés associés au projet FARE<br />

Des entretiens individuels de 1h00 ont été conduits avec des compagnons ayant participé aux<br />

études du projet FARE afin de recueillir leur point de vue sur leur intégration dans la<br />

démarche, la nature des améliorations proposées, retenues et refusées et leur ressenti quant à<br />

l’évolution de leur travail.<br />

Nous avons rencontré :<br />

- 2 compagnons intégrés au projet FARE,<br />

- 2 compagnons ne participant pas au projet,<br />

- 1 Agent de Maîtrise.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Le choix des salariés a été établi par le seul cabinet <strong>SECAFI</strong> sur la base d’une liste du<br />

personnel anonyme. La participation à ces entretiens s’est faite sur la base du volontariat et<br />

dans le respect de la confidentialité.<br />

1.4.3. Analyse de l’activité en situation réelle<br />

Des observations sur différents postes de travail ont été organisées en cours d’intervention<br />

pour confronter les situations réelles de travail aux éléments d’analyses utilisés par le projet et<br />

documentés dans la base de données. Ces observations ont pris la forme de suivis d’activités<br />

et d’entretiens directement aux postes de travail :<br />

- Postes du périmètre FARE : <strong>10</strong> juillet<br />

- Postes du périmètre TARGET : 11 juillet<br />

Nb : Nous n’avons pas été autorisés à faire des photographies sur les postes de travail pour<br />

des raisons de confidentialité.<br />

1.4.4. Points d’étape intermédiaires avec les élus des <strong>CHSCT</strong><br />

Des points d’étape hebdomadaire ont été réalisés tout au long du déroulement de la mission.<br />

Ils visaient à :<br />

- S’assurer du bon déroulement des différentes phases de travail (disponibilités des<br />

interlocuteurs, des ressources demandées…)<br />

- S’assurer de l’adéquation des modalités d’intervention initialement retenues en<br />

fonction d’éventuelles contraintes mises à jour ultérieurement,<br />

- Mettre en avant la nécessité de procéder à d’éventuels aménagements tant sur le plan<br />

méthodologique que sur le déroulement temporel de l’intervention,<br />

- Permettre d’alerter au plus vite sur des situations ou décisions jugées critiques et dont<br />

la mise en œuvre dans l’état pourrait représenter un risque pour les conditions de<br />

travail des salariés,<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Initier la montée en compétences des élus du <strong>CHSCT</strong> sur leurs prérogatives en matière<br />

de prévention des risques et d’amélioration des conditions de travail par<br />

l’appropriation d’éléments des méthodes d’analyses utilisées par l’expert, pour<br />

faciliter un transfert de compétence utile pour les projets futurs.<br />

Ces points d’étape ont été assurés par le responsable de mission ou un des consultants<br />

intervenant dans la mission selon l’actualité. Ils ont été conduits sur place ou par<br />

audioconférence selon la présence des consultants.<br />

Des points hebdomadaires de suivi ont été organisés tout au long de l’intervention :<br />

Avec les élus :<br />

- 11 Juillet à 9h00<br />

- 16 Juillet à 8h30<br />

- 24 Juillet à 8h00<br />

Avec la direction :<br />

- 11 Juillet à 18h00<br />

- 16 Juillet à 18h00<br />

- 24 Juillet à 18h00<br />

1.4.5. Réunions de travail<br />

Des réunions de travail avec le <strong>CHSCT</strong> ont été organisées sous forme de réunions de<br />

l’instance :<br />

- présentation de l’ensemble des travaux de l’expert, de ses analyses et de ses<br />

préconisations :<br />

- en réunion préparatoire avec les élus (durée 3h00) : le 19 Septembre<br />

<strong>2013</strong><br />

- en réunion préparatoire avec la Direction (durée 3h00) : le 19<br />

Septembre <strong>2013</strong><br />

- en réunion plénière des <strong>CHSCT</strong> réunie en séance extraordinaire de<br />

restitution de l’<strong>expertise</strong> (durée 2h00) : le 20 Septembre <strong>2013</strong><br />

18


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

2. Les projets dans leur contexte<br />

stratégique<br />

19


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

2.1. Le projet ARP et ses déclinaisons<br />

2.1.1. Genèse du projet ARP<br />

La réflexion sur l’ARP (Amélioration de la Réactivité en Production) remonte à 2008. La<br />

crise financière de l’été 2007 débouche rapidement sur une crise économique sans précédent<br />

qui frappe l’ensemble de la filière aéronautique présente sur le segment de l’aviation<br />

d’affaires. Ce segment de marché est en effet étroitement corrélé au niveau de la croissance<br />

mondiale et à la santé financière des entreprises. Dassault Aviation, comme la plupart de ses<br />

concurrents, est touché de plein fouet par cette crise. Elle se traduit par des annulations de<br />

commandes et un asséchement brutal du carnet Falcon, qui passe de 468 appareils à fin 2008 à<br />

241 appareils à fin 2009, puis 144 appareils à fin 20<strong>10</strong>. Durant cette même période,<br />

l’entreprise est en train de procéder à la phase de montée en cadence de production de son<br />

nouvel avion F7X. L’entreprise décide alors de porter sa production mensuelle de <strong>10</strong> à 2<br />

appareils, de procéder à du chômage partiel dans ses établissements et à stopper la majeure<br />

partie de sa sous-traitance capacitaire. Cette situation conduit la direction de l’entreprise à<br />

mener une réflexion sur la pertinence et la compétitivité de son modèle industriel et<br />

notamment sur la réactivité de son outil de production face à des perturbations et les impacts<br />

de son cycle de production sur les valeurs d’exploitation (stocks et en-cours). Le Projet ARP<br />

est ainsi initialisé en 20<strong>10</strong> afin de permettre d’améliorer globalement la performance<br />

industrielle des produits de la gamme Falcon en termes de délais, de qualité et de coûts, alors<br />

même que la complexité s’accroit du fait de l’augmentation potentielle du nombre de modèles<br />

à produire après la décision de lancement à fin 20<strong>10</strong> du SMS. Le projet pointe avant (CAP12)<br />

lancé en 2011 est la première déclinaison du projet ARP.<br />

En janvier 2012, Dassault Aviation est informé que son offre de Rafale est placée en position<br />

privilégiée par le gouvernement indien dans le cadre de l’appel d’offre M-MRCA (Medium<br />

Multi Rôle Combat Aircraft) qui vise l’acquisition de 126 appareils. Cette décision conduit à<br />

un rééquilibrage du projet ARP entre la gamme Falcon et le programme Rafale. En effet,<br />

l’outil industriel actuel du Rafale et le planning du contrat sont jugés incompatibles avec les<br />

conditions de l’offre du Rafale Inde qui prévoit, outre l’acquisition des avions, l’acquisition<br />

du savoir-faire pour produire une partie des appareils en Inde : l’offre stipule que les 18<br />

premiers appareils seront totalement produits et assemblés en France, que les 20 suivants le<br />

seront partiellement (tronçon produits en France et assemblés en Inde) et que le solde sera<br />

produit et assemblé quasi exclusivement sur le sol indien.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

La durée du projet ARP est estimée à 5 ans. Il fait l’objet d’une déclinaison dans chacun des<br />

sites de production sous la forme d’un plan triennal par établissement qui fixe les objectifs et<br />

les principaux jalons techniques, financiers et calendaires. Selon votre direction, le degré<br />

d’avancement du projet est à la date d’aujourd’hui d’environ 15 à 20 %. Son objectif est<br />

d’avoir une couverture de la majorité des fabrications à l’horizon 2017-2018.<br />

L’analyse de <strong>SECAFI</strong><br />

Le projet ARP est avant tout un projet visant à améliorer la compétitivité industrielle de<br />

Dassault Aviation afin de lutter plus efficacement contre une concurrence qui s’est intensifiée.<br />

Il apparait en effet que l’entreprise a pu prendre un certain retard par rapport à ses concurrents<br />

ou même partenaires et fournisseurs impliqués dans la production des gammes d’avions<br />

Falcon et Rafale. Depuis sa création, Dassault Aviation est reconnu sur le marché pour ses<br />

réalisations d’avions sophistiqués et performants, fruits des développements menés par un<br />

bureau d’étude particulièrement brillant. L’adage selon lequel « un bel avion est un bon<br />

avion » a d’ailleurs longtemps imprégné la culture de l’entreprise. L’efficacité industrielle<br />

reposait alors en grande partie sur la motivation et la technicité des compagnons impliqués<br />

dans la production des avions. L’intensification de la concurrence sur le segment de l’aviation<br />

d’affaires haut de gamme, sur lequel Dassault Aviation occupe encore aujourd’hui une<br />

position de leader mondial devant Bombardier et Gulfstream, conduit l’entreprise à se<br />

réinterroger sur ses facteurs clé d’efficacité industrielle, gage de compétitivité coût et de<br />

« time to market » et « time to delivery » réduits (délais de mise sur le marché et délais de<br />

livraison au client).<br />

Dassault Aviation a par le passé conduit plusieurs projets d’amélioration continue sur ses<br />

différents sites de production, mais ils se sont tous étiolés au bout de quelques années. Le<br />

projet ARP n’est donc pas le premier projet d’amélioration de la compétitivité en production,<br />

mais il semble s’en distinguer par la volonté affichée de faire évoluer durablement la culture<br />

d’organisation de la production et son style de management (co-construction, clarification des<br />

rôles et responsabilité, résistance à la dérive).<br />

Le principal défi du projet ARP n’est donc pas technique, mais lié à la conduite du<br />

changement avec une question centrale : comment faire évoluer la motivation du collectif de<br />

travail de la technicité vers la participation à l’amélioration des processus tout en veillant au<br />

maintien des emplois et des compétences <br />

21


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

2.1.2. Le projet FARE<br />

Le projet FARE (Fabrication Améliorée des Revêtements Equipés) s’inscrit dans la continuité<br />

du projet CAP12 (Chaine d’Assemblage Pilote T12) et vise le re-engineering complet de la<br />

production des panneaux équipés destinés aux différents tronçons de fuselage des avions de la<br />

gamme Falcon actuelle (F900, F2000, F7X) et à venir (SMS, F7X+). Les objectifs affichés de<br />

ce projet sont d’améliorer la réponse aux attentes du client en termes de ponctualité de<br />

livraison et de coût associé à cette prestation technique.<br />

La réponse technique apportée est une refonte complète de la ligne d’assemblage des<br />

panneaux (bâtis, outillages) et de l’organisation des opérations qui s’y<br />

rattachent (redécoupage des opérations, avancement du flux, polyvalence des opérateurs).<br />

Cette refonte, prenant appui sur une démarche de type Lean, a également pour objectif<br />

d’améliorer l’ergonomie des postes.<br />

L’analyse de <strong>SECAFI</strong><br />

L’objectif principal de ce projet est de fluidifier la sortie des panneaux équipés Falcon afin de<br />

permettre une meilleure prise en compte du besoin client en termes de mix produit (type de<br />

panneaux) et de délai de livraison (interne ou externe). L’atteinte de cet objectif principal<br />

devrait se traduire par une diminution sensible du coût de production (optimisation des heures<br />

produites par panneau) et des valeurs d’exploitation (optimisation des stocks) qui participent<br />

donc à améliorer la compétitivité des offres commerciales et/ou améliorer le niveau de<br />

profitabilité opérationnelle des affaires (ces gains estimés ne nous ont pas été communiqués).<br />

Ces informations, bien qu’en dehors du périmètre d’information du <strong>CHSCT</strong> nous semblent<br />

importantes pour comprendre les enjeux stratégiques qui sous-tendent le projet. Le CCE, de<br />

par ses prérogatives économiques, devrait pouvoir disposer de celles-ci.<br />

Les objectifs de gain de cycle affichés (20 à 50 %) sont particulièrement ambitieux.<br />

Néanmoins, l’écart actuel entre le cycle moyen global d’un panneau à l’UPR (1,5 mois) et le<br />

nombre d’heures moyen à réaliser par panneaux (50 à <strong>10</strong>0h dans l’organisation actuelle, 50 à<br />

60h demain ) laissent entrevoir d’importantes marges de manœuvres sur la réduction de<br />

cycle.<br />

L’utilisation du gain de temps généré par cette réingénierie de production nous apparait plus<br />

problématique. En effet, dans la mesure ou aucune hausse de cadence de production n’est<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

attendue à court ou moyen terme (la production de panneaux SMS venant cannibaliser celles<br />

des Falcon 2000/ 900), les heures économisées se traduiront par une surcapacité théorique de<br />

l’atelier. Des mesures de rapatriement de sous-traitance sont d’ores et déjà envisagées<br />

(panneaux F2000 T1 droite et gauche, porte pax ), mais l’adéquation charge/capacité<br />

résultante n’est semble-t-il pas connue à ce jour car trop dépendante des gains réels obtenus.<br />

La phase de définition des postes devrait permettre d’éclairer ce point.<br />

2.1.3. Le projet TARGET<br />

Le projet TARGET vise le re-engineering complet de la production des tronçons équipés 1-25<br />

de la chaine Rafale. Les objectifs généraux affichés du projet sont de réduire de façon sensible<br />

les coûts et le cycle de cette prestation en prenant en compte une contrainte supplémentaire<br />

liée aux exigences d’un éventuel contrat export (Inde,…). Une des contraintes du futur contrat<br />

export avec l’Inde est qu’il prévoit une livraison des premiers avions dans un délai plus court<br />

que le temps de cycle actuel de production du Rafale (temps de cycle mesuré entre le<br />

lancement des pièces primaires avions et la sortie de l’avion à Mérignac).<br />

La réponse technique apportée est une refonte de la définition du produit (modifications de<br />

pièces et/ou de procédés de fabrication de pièces primaires), une refonte de la ligne<br />

d’assemblage du tronçon (bâtis, outillages) et de l’organisation des opérations qui s’y<br />

rattachent (équipement des 2 demi-coquilles avant assemblage). Cette refonte, au même titre<br />

que sur le projet FARE, a également pour objectif d’améliorer l’ergonomie des postes.<br />

L’analyse de <strong>SECAFI</strong><br />

L’objectif principal de ce projet est double. Il s’agit de :<br />

- réduire le coût de production du tronçon T12 afin de revenir, à minima, dans l’enveloppe de<br />

coût objectif compatible du contrat France qui prévoit une décroissance du prix de vente des<br />

appareils,<br />

- d’optimiser l’industrialisation du produit pour atteindre le coût objectif du contrat Inde.<br />

Derrière le discours sur la volonté d’améliorer très significativement les conditions de travail<br />

sur les postes, volonté que nous ne remettons pas en cause, la nécessité de réduction de coût et<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

de cycle nous apparaît comme la donnée la plus dimensionnante du projet. Les données<br />

économiques du projet, bien que n’entrant pas dans le champ de compétence du <strong>CHSCT</strong>, nous<br />

semblent être au cœur même des orientations prises sur le projet. Seule la connaissance du<br />

gap à combler pour atteindre les coûts objectifs, permettrait d’objectiver les conséquences<br />

éventuelles du projet sur la charge de travail du site, de même que les conséquences<br />

éventuelles du retard du ou des contrats export.<br />

La Loi de Programmation Militaire (LPM) a en effet fixé le niveau de la dernière commande<br />

de Rafale France à un niveau extrêmement bas (26 appareils sur 6 ans), mais avec une<br />

possible revisite du calendrier de livraison, voire même de la dotation, en cas de retards sur<br />

les contrats export.<br />

Les objectifs de gain de cycle affichés (40 à 50 %) sont là également particulièrement<br />

ambitieux. Selon votre direction, le tronçon 7-21 est actuellement le tronçon le plus long en<br />

cycle car il conjugue complexité de réalisation et accessibilité réduite. De ce fait, la réduction<br />

du temps de cycle de ce tronçon entrainera une réduction sensible du cycle de fabrication de<br />

l’appareil complet (les objectifs visés ne nous ont pas été communiqués).<br />

Conclusion intermédiaire<br />

Les projets FARE et TARGET, au-delà de leurs dimensions sur l’évolution des conditions de<br />

travail, comportent des volets importants en termes de réduction de coût et de cycle qui ne<br />

sauraient être sans conséquence sur l’adéquation charge/capacité du site. Un examen plus<br />

approfondi avec les instances adéquates (CCE Dassault Aviation) permettrait d’objectiver si<br />

ces problématiques ont été analysées à leur juste mesure et leurs conséquences éventuelles<br />

traitées dans le cadre d’une GPEC déclinée sur chacun des sites.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

3. L’analyse du projet pilote CAP 12<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

3.1. Le montage du projet CAP 12<br />

Le choix des référents a été fait sur la base du volontariat (notamment dans un souhait<br />

d’évolution professionnelle), en intégrant :<br />

- l’expérience du compagnon, notamment à travers la diversité des programmes sur<br />

lesquels il avait travaillé auparavant<br />

- la reconnaissance par ses pairs. Ce point, non formalisé en tant que tel, reposait sur la<br />

connaissance de l’encadrement du fonctionnement des équipes, en particulier le fait<br />

qu’un compagnon soit connu pour aider ses collègues.<br />

La présentation du projet aux équipes a été appréciée et a permis de poser les problématiques<br />

prioritaires à traiter : réflexion sur les outils, l’outillage, l’ergonomie des postes, amélioration<br />

de la sécurité et de l’environnement de travail.<br />

Néanmoins, la communication est parfois sujette à des critiques :<br />

- Utilisation trop importante de l’intranet (posant la question de l’accessibilité de<br />

l’information pour certains),<br />

- Manque de visibilité sur la stratégie sous-jacente de l’entreprise.<br />

Les feuilles de remontées terrain ont été élaborées avec les compagnons, qui ont axé leur<br />

travail sur l’outillage et les aspects matériels de l’environnement du poste.<br />

Concernant les outils, le premier travail a consisté à dresser un inventaire de l’existant pour<br />

mesurer les écarts avec le ressenti des compagnons (« on a pas assez d’outils ! »). Si les<br />

investigations menées tendent à démontrer que l’existence des outils n’est pas forcément<br />

remise en cause, la question de leur disponibilité et de leur localisation précise dans l’atelier<br />

sont, elles, nettement plus problématiques (cette remarque se retrouvera d’ailleurs dans les<br />

projets FARE et TARGET).<br />

Les FI 1 ont été largement critiquées :<br />

1 Fiche d’Instruction : plan papier présentant les pièces à monter, regroupées en classeurs disponibles aux postes.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Incomplètes,<br />

- Erronées,<br />

- Obsolètes dans certains cas,<br />

- Peu intuitives (pas de notion d’enchainement des opérations en particulier).<br />

Le projet a prévu de les remanier, tant sur la forme que sur le fond. Toutes les FI seront<br />

informatisées et présentées aux postes sur écran, voire au moyen de tablettes tactiles montées<br />

sur supports articulés pour permettre leur utilisation au plus près de l’utilisateur. Les pièces à<br />

monter seront présentées en jaune et les manquantes pourront être mises en rouge pour les<br />

identifier (et alerter sur ce manque).<br />

Concernant les missions assignées aux référents : par rapport à l’agent de maitrise, le rôle du<br />

référent consiste « juste à traiter les problèmes techniques », tout en gardant un rôle de<br />

production direct, de l’ordre de 50 %.<br />

Enfin, si la phase de remontées d’information terrain a été jugée positive, celle en découlant, à<br />

savoir « quelles demandes d’amélioration seront finalement retenues ou non », a laissé des<br />

vifs souvenirs aux compagnons, laissant apparaitre des difficultés à faire entendre la voix de<br />

la base :<br />

« les propositions du groupe n’étaient jamais retenues par Geolean »<br />

« on a dû batailler avec eux pour se faire entendre ! »<br />

« difficile de leur faire entendre que le PR ça doit sécher pendant x heures ! »<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

3.2. CAP 12 aujourd’hui<br />

3.2.1. Des avancées certes, mais mitigées<br />

Secteur Pointe Avant<br />

La disponibilité des pièces directement au poste, accompagnée des rangements associés, sont<br />

particulièrement appréciés. Les améliorations concernant la rotation des postes sur 2 axes<br />

représentent une avancée très sensible en termes de conditions de travail. Ces postes<br />

permettent d’ailleurs aujourd’hui d’accueillir des salariés en situation de handicap<br />

(pathologies lombaires notamment) et réduisent nettement les déplacements.<br />

L’approvisionnement des pièces aux postes est organisé avec une alerte par verrines (verte,<br />

orange, rouge), permettant à l’encadrement de proximité de visualiser à distance l’état du<br />

stock sur un poste et d’anticiper les besoins.<br />

Il est à noter également que les modifications portant sur certaines pièces (monobloc<br />

désormais) a aussi permis de réduire les manipulations et les opérations d’assemblage.<br />

Bien que ce ne soit aucunement généralisable (compte tenu de l’effectif rencontré), certains<br />

compagnons ressentent des douleurs régulières dans les membres supérieurs, au niveau des<br />

articulations de l’épaule principalement, et au niveau du rachis (douleurs lombaires). Ces<br />

douleurs sont associées au travail. Le travail « avec la mauvaise main » est parfois mis en<br />

avant comme une contrainte particulièrement difficile pour certains.<br />

Tronçons T11/T12<br />

Là aussi, des avancées en matière d’ergonomie au poste ont été appréciées (rangements et<br />

disponibilité immédiate des pièces), mais il a néanmoins été reporté que toutes les servantes<br />

prévues au cours du projet n’étaient pas encore toutes disponibles (tronçons T1 et T12). De<br />

même, les aménagements de postes ont été longs à être réalisés selon les interlocuteurs.<br />

Au chapitre des griefs, des demandes issues des remontées terrain n’ont visiblement pas été<br />

retenues ou se sont heurtées à des réponses du type « on n’a pas le budget pour ça ! ». A titre<br />

d’illustration, certains salariés ont acheté des lampes torches de type dynamo dans le<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

commerce car ils sont toujours en attente des baladeuses électriques qui avaient été<br />

demandées.<br />

D’autres demandes d’amélioration enfin, n’ont clairement pas été étudiées avec le soin<br />

qu’elles méritaient : le nouveau plat bord devant équiper le poste T1 par exemple, est « trop<br />

haut de 20 cm et crée plus de problème qu’il n’en résout »<br />

La gestion des outils a connu un changement majeur avec la mise en place d’armoires RFID:<br />

chacun est référencé et chaque prise ou dépose est soumise à un badgeage des compagnons,<br />

ce qui permet de tracer les entrées/sorties de matériel mais aussi d’identifier les utilisateurs.<br />

La codification couleur des outils (vert : finition ; T12 : jaune…), permet également un<br />

repérage facilité.<br />

Néanmoins, le système commence à être détourné avec le temps : ainsi, un compagnon qui a<br />

pris un outil est certes identifié comme son possesseur officiel, mais rien ne lui interdit de le<br />

conserver « indéfiniment ». Ou bien de laisser un autre compagnon venir lui emprunter et<br />

ainsi de suite.<br />

Points de vigilance<br />

La gestion informatisée des outils, si son principe est louable, peut devenir un facteur de<br />

tension entre compagnons avec la possibilité des emprunts « en cascade » car le seul<br />

emprunteur officiel demeure celui qui l’a sorti de l’armoire. Emprunteur qui peut ne plus<br />

avoir aucune visibilité sur le devenir de l’outil à un instant T.<br />

3.2.2. Des difficultés de synchronisation avec les secteurs amont<br />

Une période de rodage a été nécessaire pour que les services et/ou secteurs liés à la production<br />

sur CAP 12 trouvent leurs marques, le secteur « tournant plus vite » que ses fournisseurs et<br />

appelant les pièces avec plus de rapidité. Une plus grande anticipation a été demandée à<br />

l’UPR pour permettre de fluidifier l’approvisionnement du secteur CAP 12.<br />

L’encadrement attend d’ailleurs encore une avancée significative sur ce point avec les<br />

retombées du projet FARE.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Points de vigilance<br />

Il est fort probable, à l’instar de ce qui s’est produit avec la mise en place de CAP 12, qu’une<br />

période de rodage s’instaure au démarrage post FARE. Les risques d’écarts entre les deux<br />

secteurs pourraient se creuser : un secteur « mature » en progression alimenté par un secteur<br />

récemment remanié nécessitant une montée en cadence progressive (et connaissant<br />

vraisemblablement les mêmes freins en aval que ceux qu’a connu CAP 12 au démarrage).<br />

Des remarques similaires peuvent être formulées pour TARGET, mais celui-ci sera le seul de<br />

la ligne de production Rafale à être passé en fonctionnement Lean. Les répercussions sur ses<br />

« voisins » risquent d’être semblables elles aussi à la situation générée par CAP 12 sur son<br />

périmètre.<br />

3.2.3. Un principe d’organisation qui masque en partie les difficultés<br />

rencontrées<br />

Le problème de synchronisation évoqué précédemment se pose également en interne (ie. au<br />

sein du périmètre CAP 12) et pour l’aval, mais en termes différents.<br />

Pointe Avant<br />

Certaines tensions entre compagnons semblent commencer à apparaître par la pression<br />

ressentie avec la notion de takt time 2 qui fixe une butée temporelle relativement inflexible à<br />

laquelle les salariés étaient peu habitués.<br />

De plus, compte tenu de la configuration de cette ligne, chaque retard sur un poste doit être<br />

rattrapé sur le suivant et deux compagnons peuvent alors se retrouver à devoir travailler<br />

simultanément dans le même espace. Lequel n’a pas été conçu pour cela : présence de deux<br />

personnes dans un espace restreint, indisponibilité des outils spécifiques à des opérations du<br />

poste précédent (d’où la nécessité de les amener avec soi).<br />

Tronçons T1 / T12<br />

L’organisation en deux postes T1 et T12 est considérée comme un découpage permettant de<br />

coller au takt time de 2.5 j défini dans la frise, mais dans les faits, un avion non fini sera tout<br />

de même envoyé au T12. Les compagnons du T1 doivent ensuite aller terminer leur travail au<br />

T12, ce qui n’est pas sans poser problème, car leur travail peut interférer avec celui des<br />

2 Temps de passage d’une pièce sur un poste avant transfert au suivant.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

compagnons travaillant à ce poste et pose des problèmes de sécurité dus à la présence<br />

simultanée d’effectifs supplémentaires dans un espace restreint et avec des activités non<br />

coordonnées (car non envisagées) et potentiellement incompatibles, d’un point de vue<br />

enchainement temporel notamment. Cette situation conduit parfois à devoir effectuer des<br />

opérations de retouches dans les allées.<br />

Nb : une remarque d’un compagnon concernant le poste robotisé mérite d’être soulignée : une<br />

maintenance plus régulière, ou organisée différemment, permettrait de réduire les problèmes<br />

de qualité liés à la présence de copeaux (qui collent sur les rivets) et éviterait de longues<br />

heures de retouches par la suite.<br />

Les référents sont aussi largement sollicités dans ce contexte de « marche dégradée » pour<br />

apporter un soutien aux compagnons et tenter de minimiser le temps de travail<br />

supplémentaire.<br />

Les compagnons dédiés au TNS 3 sont aussi amenés, selon les cas, à devoir épauler leurs<br />

collègues sur les postes « classiques ».<br />

Mais « l’important c’est que le camion parte à Biarritz avec l’avion, quitte à devoir y<br />

envoyer ensuite du personnel pour retoucher les défauts envoyés ! »<br />

Points de vigilance<br />

Le décalage d’activité entre postes porte en lui plusieurs écueils :<br />

- un désaveu vis-à-vis des principes élémentaires du Lean Manufacturing (ne pas transmettre<br />

au poste aval une pièce défectueuse / arrêter la production et traiter le problème<br />

immédiatement au poste),<br />

- une dégradation des conditions de travail et de sécurité des salariés (même si elle est<br />

néanmoins moindre qu’avant)<br />

- une intensification du travail (aller plus vite pour transmettre le produit au stade suivant ;<br />

travailler avec moins de personnel, rattraper le travail qui s’est accumulé sur les postes<br />

amont).<br />

C’est un cercle vicieux qui masque au final les réalités du terrain (puisque les éléments<br />

d’avions partent tout de même). Cette situation ne pourra durer indéfiniment sans porter<br />

préjudice à la fois à la santé et la sécurité des opérateurs (toutes fonctions confondues) mais<br />

aussi pénaliser la qualité des pièces sortant d’Argenteuil.<br />

3 Travaux Non Série<br />

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3.2.1. Certains points de sécurité demeurent problématiques<br />

Le décalage d’activités d’un poste à l’autre dont nous venons de parler pose des problèmes en<br />

matière de sécurité :<br />

- Par la co-activité non prévue de compagnons devant réaliser des tâches initialement<br />

prévues sur des postes distincts,<br />

- Par le fait que certaines opérations nécessitent des matériels spécifiques, adaptés au<br />

poste de travail ; matériels qui peuvent se révéler inadaptés (voire dangereux) en<br />

dehors de leurs contextes d’utilisation normal.<br />

Cas du travail des compagnons T1 sur le T12 évoqués auparavant : il faut entrer dans le<br />

fuselage, y acheminer le matériel de travail spécifique. Les manipulations sont plus<br />

longues, plus difficiles, notamment en raison de la présence de plats bords sur lesquels<br />

marcher (mais dont la surface n’est pas parallèle au sol). Sans compter les risques qualité<br />

encourus en cas de mauvaise manipulation (outils tombant sur le revêtement) ou<br />

simplement lors de déplacements dans le fuselage (marcher sur un support déjà installé,<br />

qu’il faudra ensuite retoucher ou changer).<br />

L’utilisation de moyens détournés pour accéder à certaines zones de travail est soulignée<br />

par certains : utilisation de demi-escabeau, voire d’un chariot élévateur d’après ce qui<br />

nous a été rapporté.<br />

3.2.2. La disponibilité des pièces demeure perfectible<br />

Les secteurs connaissent toujours des problèmes de pièces, que ce soit en termes<br />

d’approvisionnement (pièces manquantes) ou de qualité (pièces qui ne sont pas à la<br />

définition).<br />

« on a l’impression que la communication n’est pas faite avec les fournisseurs »<br />

La prise en compte des problèmes se heurte à des temps de réponse variables, allant de<br />

quelques semaines pour les pièces provenant de l’interne, à plusieurs mois pour les<br />

fournisseurs extérieurs.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Il a tout de même été précisé que les fonctions supports semblent apporter un début de<br />

réponse en prenant en charge cette problématique, mais cela se heurte encore à un manque de<br />

visibilité quant aux actions correctives engagées (oui/non , avec quels délais ).<br />

3.2.3. Le système de nouvelles fiches d’instruction n’est pas encore<br />

opérationnel<br />

Le principe de passer à des FI numériques, directement accessibles aux postes via des écrans<br />

informatiques est louable, mais doit encore être poursuivi et amendé. L’ensemble du<br />

périmètre n’est pas couvert aujourd’hui et tous les postes n’ont pas encore d’écrans.<br />

3.2.4. Le rôle effectif des référents<br />

Que ce soient les intéressés ou les compagnons, tous s’accordent à dire que le référent passe<br />

aujourd’hui la quasi-totalité de son temps de travail sur son poste de production et que la part<br />

initialement prévue (50 %) consacrée à l’aide aux autres compagnons, n’est pour ainsi dire<br />

jamais respectée.<br />

Ce décalage vers la production conduit à délaisser, qualitativement au moins, les tâches<br />

d’animation (lors des Flashs 5 en particulier), de résolution et de suivi de problèmes.<br />

Nous identifions ici un cercle vicieux à enrayer :<br />

Référent en<br />

production<br />

Baisse de<br />

l’animation et<br />

de l’aide à la<br />

résolution de<br />

problèmes<br />

Retards sur la<br />

production<br />

Persistance des<br />

problèmes<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Sur le secteur Pointe Avant, l’éloignement physique avec l’Agent de Maîtrise génère même<br />

une situation où le référent joue le rôle de son supérieur hiérarchique presque intégralement.<br />

Au regard de la réalité, certains trouvent anormal que le positionnement en tant que référent<br />

n’ait pas d’incidence sur le coefficient ni sur le salaire, même si « on nous a laissé entendre<br />

qu’on passerait en préparation, ou agent de maîtrise… ».<br />

Points de vigilance<br />

La fonction de référent représente une charnière importante car les titulaires sont une véritable<br />

variable d’ajustement, à plus d’un titre :<br />

- « remplacement » de la hiérarchie (Agent de Maîtrise),<br />

- ressource pour absorber certains aléas (et non des situations de marche dégradées<br />

régulières).<br />

Nous soulignons le risque potentiel, face à la connaissance par l’atelier de la réalité de cette<br />

fonction, que les futurs postes à pourvoir ne trouvent pas de candidats volontaires au regard<br />

du déséquilibre existant entre les contraintes et la reconnaissance du travail. Des nominations<br />

non choisies pourraient être très mal vécues si la fonction n’est pas précisément et<br />

contractuellement définie.<br />

3.2.5. Une visibilité accrue pour les Agents de Maîtrise<br />

La principale valeur ajoutée du projet CAP 12 pour les Agents de Maîtrise repose sur la<br />

meilleure visibilité de l’état de l’atelier à un moment donné :<br />

AVANT<br />

APRES<br />

Suivi de la production<br />

Questionnement de l’agent<br />

de maîtrise pour connaitre<br />

l’état d’avancement du<br />

travail : « chasse à<br />

l’information »<br />

Prise de connaissance directe<br />

sur les tableaux de suivi<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Recouvrement des équipes<br />

Messages écrits (« sur des<br />

bouts de papier ») laissés<br />

par l’équipe sortante<br />

Flash 5 avec support<br />

(tableau) et formalisation des<br />

informations (problèmes<br />

rencontrés, absences…)<br />

Traitement des RNC 4<br />

Peu de visibilité sur les<br />

retours (réponses au RNC)<br />

Réunion PDE tous les jeudis.<br />

3.2.6. Des interrogations quant à la santé des compagnons<br />

Des cas de pelades ont souvent été évoqués par les salariés rencontrés (et un cas au moins a<br />

été observé lors d’un passage dans le secteur).<br />

Le nombre de cas est variable selon les interlocuteurs : plus d’une douzaine selon les<br />

compagnons contre 7 identifiés par le médecin du travail, qui a reçu l’ensemble des salariés<br />

concernés et a ensuite fourni la liste de tous les produits chimiques que les salariés pouvaient<br />

être amenés à manipuler. Les conclusions énoncées sont les suivantes :<br />

- les professionnels de la santé extérieurs (dermatologue ou médecin traitant des<br />

salariés) ont évincé la cause « produit chimique ».<br />

- Les causes évoquées par les salariés ne sont pas de natures professionnelles mais<br />

personnelles (problèmes familiaux, stress hors travail…). Les causes seraient donc<br />

psychologiques.<br />

L’analyse de <strong>SECAFI</strong><br />

Sans remettre en cause la véracité du « décompte » des salariés touchés par une pelade, il est<br />

intéressant de noter cette disparité, de même que l’analyse qui en est faite par les uns et les<br />

autres.<br />

Le phénomène inquiète visiblement, les collègues non atteints s’interrogeant sur les causes et<br />

sur leur atteinte potentielle « un jour ».<br />

Les études sur ce sujet mettent l’accent sur la faible corrélation entre pelade et situations<br />

psychologiquement difficiles (stress, choc émotionnel intense…), et s’accordent à dire que les<br />

4 <strong>Rapport</strong> de Non-Conformité<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

origines de cette pathologie ne sont jamais très précises en l’absence de facteurs clairement<br />

explicatifs (allergies notamment).<br />

Les origines avancées, que ce soit en lien avec des situations de travail stressantes ou des<br />

situations personnelles difficiles, nous paraissent toutes les deux difficiles à retenir en l’état<br />

comme seules explications pour les raisons suivantes :<br />

- s’il s’agit de l’expression de risques psychosociaux entre-autres, pourquoi ce mal-être au<br />

travail s’exprime sous cette forme si particulière pour une population somme toute réduite <br />

- les salariés du secteur concerné seraient-ils les seuls à connaitre des situations personnelles<br />

difficiles au sein de l’établissement <br />

Cependant, la temporalité entre l’apparition des pelades et la mise en place du projet CAP 12<br />

reste troublante (à notre connaissance, aucun cas n’a été relevé avant et aucun n’a visiblement<br />

été observé en dehors de ce périmètre).<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Synthèse sur le projet CAP 12<br />

Selon nous, ce projet pilote aurait mérité un traitement et un suivi plus importants, car<br />

de par son caractère de « test », il conditionne les projets à venir, ceux en prise directe<br />

avec la ligne de production Falcon (Projet FARE), mais aussi ceux inscrits dans la<br />

démarche ARP en dehors de ce périmètre (TARGET).<br />

Dans l’état actuel des choses, il ne nous paraît pas judicieux de considérer ce projet<br />

comme abouti et permettant une reproductibilité sur d’autres secteurs.<br />

En effet, le projet nous semble être encore en phase de rodage sur de nombreux points,<br />

tant matériels, humains et organisationnels et des enseignements riches sont à tirer sur :<br />

- les avancées réelles et incontestables (ergonomie des postes),<br />

- les écueils rencontrés,<br />

- le reste à faire,<br />

- les impacts sur la santé des salariés,<br />

- le fonctionnement du groupe projet (acteurs à inclure/phases, durée, mode de<br />

fonctionnement…),<br />

- la communication faite autour du projet, à tous ces stades d’avancement.<br />

L’objectif d’une prise d’autonomie sur la démarche par Dassault Aviation seul à<br />

l’horizon de 3 ans pourrait être largement revu si les fondements de la démarche ne sont<br />

pas parfaitement maîtrisés.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

4. Les projets FARE et TARGET<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

4.1. La construction des projets<br />

4.1.1. FARE<br />

Le responsable de projet FARE a été nommé en janvier <strong>2013</strong>. Autour de lui et des<br />

intervenants de chez Geolean, l’équipe projet a été constituée avec :<br />

- 2 compagnons dédiés à <strong>10</strong>0% au projet, choisis selon leurs connaissances techniques et<br />

leur « facilité de contact »,<br />

- Des compagnons mis ponctuellement à disposition selon les besoins,<br />

- Un préparateur,<br />

- Un logisticien,<br />

- Les services supports (pour des rappels de règles métiers essentiellement)<br />

- Le service HSE et un ergonome externe ont aussi été sollicités.<br />

Une première réunion de présentation du projet a été conduite avec l’ensemble des<br />

compagnons du périmètre.<br />

Les principaux objectifs du projet :<br />

- Maîtriser les coûts,<br />

- Diminuer les cycles de 20 à 50% avec une cible de 12.5 h (takt time),<br />

- Avoir une organisation « robuste et flexible à tous les aléas ou toutes les évolutions »,<br />

- Pas de réduction de surface,<br />

- Pérenniser les savoir-faire et les compétences.<br />

Les bases de travail reposent sur :<br />

- les idées d’amélioration,<br />

- les fiches de remontées terrain (co-construites avec les compagnons projet),<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- les fiches d’instruction (FI),<br />

- les grilles de cotation ergonomiques (postures de travail, manutentions manuelles,<br />

répétitivité des gestes).<br />

Le travail le plus long a consisté à analyser les bâtis et l’outillage.<br />

Afin de gagner du temps sur la phase d’analyse, le principe de « communalité » a été retenu :<br />

plutôt que d’analyser tous les postes ou opérations, le choix a été fait de n’analyser que celles<br />

pouvant être considérées comme similaires entre postes. Ainsi, sur les 300 FI du périmètre,<br />

seule la moitié environ a véritablement été analysée et les temps d’opérations analysés<br />

représentent 440 h sur un total de 2400.<br />

Ce travail d’analyse a été intégré dans une base de données, recensant les postes réellement<br />

vus et ceux intégrés par la communalité.<br />

Cette base de données a connu plusieurs évolutions, certains items étant intégrés ou supprimés<br />

au fur et à mesure de l’avancement des travaux.<br />

Par exemple, les critères d’ergonomie (caractérisation des postures, contraintes de<br />

manipulation), présents dans la première version, ont finalement été retirés, n’ayant pas été<br />

jugés discriminants.<br />

Les principales difficultés remontées peuvent se résumer par ces mots : « On court »<br />

- Indisponibilité des pièces primaires,<br />

- Recherche d’outillage,<br />

- Changement de priorité dans la production.<br />

Un premier équilibrage des postes a été fait courant Juillet, aboutissant à la création d’une<br />

« micro-réglette » présentant le découpage des différentes opérations à réaliser sur chaque<br />

poste. A noter que les temps retenus demeurent des temps « macro » et que jamais les temps<br />

gamme n’ont été utilisés au niveau micro (opération par opération).<br />

Les modifications de bâtis sont aujourd’hui au stade d’avant-projet, selon les grands principes<br />

suivants :<br />

- Monte et baisse (500 mm),<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Rotation sur 360° (axe vertical),<br />

- Arrivée des énergies par le haut (suppression des gênes occasionnées par les tuyaux au<br />

sol),<br />

- Implantation générale et gestion des flux.<br />

La phase de validation des objectifs, initialement prévue pour Avril <strong>2013</strong>, a finalement été<br />

reportée à Septembre de la même année.<br />

4.1.2. TARGET<br />

L’équipe projet a été constituée avec :<br />

- Un responsable de projet spécifique,<br />

- 2 compagnons du Tronçon 1-25 détachés à <strong>10</strong>0 % de la production. Le chef d’équipe<br />

sera, à partir de septembre détaché à <strong>10</strong>0% de la production pour organiser le<br />

redémarrage des activités (des installations provisoires et de l’installation des nouveaux<br />

bâtis).<br />

- 2 compagnons des tronçons 7-21 & 21-25 détachés à 50 %<br />

- 1 compagnon des demi – coquilles détaché à <strong>10</strong>0 %<br />

NB : les compagnons ont été sollicités début janvier pour commencer le travail sur le projet<br />

quelques jours après.<br />

- 3 préparateurs à <strong>10</strong>0 %<br />

- Un logisticien à <strong>10</strong>0 %<br />

- Un Agent de Maitrise à <strong>10</strong>0 %<br />

- Un ingénieur de fabrication à <strong>10</strong>0 %<br />

- Des intervenants extérieurs de la société Geolean,<br />

- Des intervenants extérieurs de la société Sogéclair « expérimentés à l’observation<br />

terrain »,<br />

- Le service HSE, le médecin du travail et un ergonome externe ont aussi été sollicités,<br />

mais après un mois d’existence du projet.<br />

Les compagnons acteurs du projet ont été principalement intégrés sur les étapes suivantes :<br />

Remontées de fabrication – pendant environ 4 mois (variable selon les tronçons).<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Les compagnons référents ont utilisés les FI existantes comme base de travail et ont ainsi<br />

remonté :<br />

- les problèmes de toute nature : technique, FI, outillage, pièces…<br />

- des solutions d’amélioration sur les situations de travail et l’organisation.<br />

La phase de remontée terrain s’est achevée début juin <strong>2013</strong>.<br />

Les principaux problèmes remontés par les compagnons portent sur les pièces (disponibilité,<br />

mauvaise définition) et l’outillage commun. Sur ce point, l’inventaire réalisé a abouti au<br />

résultat suivant : 93 outillages en place, 63 non utilisés et 51 étaient en maintenance.<br />

Les FI ont également été pointées du doigt : inadaptées dans certains cas, voire obsolètes,<br />

mais le principal grief à leur égard portait sur la symbologie utilisée, à revoir (imprécisions,<br />

manque de clarté…). Les orientations prises sur ce point sont établies et reprennent les<br />

principes vus sur CAP 12.<br />

Comme pour FARE, une base de données spécifique a permis de compiler les données issues<br />

des différentes analyses, mais n’a pas intégré de notion de temps ni d’ergonomie.<br />

Les difficultés rencontrées par les compagnons lors de cette étape :<br />

- Face à la disparité des modes opératoires des compagnons, il n’est pas toujours simple<br />

d’en faire remonter un commun. Ainsi, se pose la question de comment choisir entre<br />

telle et telle façon de travailler Ce point n’a semble-t-il pas été creusé plus avant par<br />

la suite.<br />

- Recueillir les « routines » : il s’agit des opérations réalisées par habitude et que les<br />

compagnons ne pensent pas toujours à verbaliser.<br />

Découpage des opérations (= création du mode opératoire) sur la base du data process créé<br />

par Sogéclair. Il s’agit de :<br />

- Vérifier la robustesse du process tel que décrit par Sogéclair : le découpage et<br />

l’enchainement des opérations sont-ils les bons <br />

- L’opérateur référent et le planificateur sont en charge de détailler les opérations et<br />

d’estimer le temps nécessaire à chaque opération.<br />

Création de la réglette - phase d’équilibrage<br />

En fonction du mode opératoire défini, il s’agit d’identifier les opérations qui peuvent se<br />

réaliser au même moment, les opérations dépendantes les unes des autres… L’objectif :<br />

arriver au maximum d’opérations de 2h.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

A noter que selon les tronçons, les équipes projet ne se trouvent pas aux mêmes étapes.<br />

En parallèle, les compagnons et certains chefs d’équipe sont ou ont été intégrés aux étapes<br />

suivantes.<br />

La refonte des bâtis, qui repose sur le principe de travail à hauteur constante sur un même<br />

poste (dans la mesure du possible, via une variation de hauteur sur colonnes ou postes à<br />

hauteurs fixes différenciées).<br />

La réception des nouveaux bâtis est aujourd’hui prévue pour janvier ou février 2014, précédée<br />

par des phases de validation physiques (décembre) et numérique auparavant.<br />

Tous les postes de travail ont été étudiés en IRC (avec retour haptique 5 ) avec l’appui de<br />

l’ergonome d’AFPI, pour visualiser les problématiques et seront de nouveaux revus de la<br />

même manière pour créer les nouvelles FI.<br />

Réimplantation des nouveaux bâtis et implantation de la future chaine. Les prérequis<br />

donnés par la Direction à l’équipe projet étaient le respect des principes Géolean concernant<br />

notamment les approvisionnements en bord de ligne et le magasin dans l’atelier. Au final, les<br />

compagnons référents ont le sentiment qu’une majorité de leurs propositions a été pris en<br />

compte.<br />

Participation aux réunions : Flash 5 (quotidienne d’environ <strong>10</strong>-15 minutes) et Flash 30<br />

(hebdomadaire, 30 minutes).<br />

Le projet a de plus à intégrer la réindustrialisation technique de l’appareil :<br />

- certaines fixations qui étaient retouchées par les compagnons sont changées,<br />

- certaines pièces sont divisées pour faciliter leur assemblage,<br />

- certaines sont redéfinies (notamment pour devenir monobloc et se prémunir de<br />

problèmes de désaffleurements).<br />

5 Haptique : qui reproduit les sensations de toucher et/ou d’effort.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Il nous a été reporté que cette réindustrialisation avait parfois conduit à ne pas prendre en<br />

compte certaines remontées terrain car elle impactait trop la façon de travailler (notamment<br />

des modifications d’interface avec des pièces remaniées).<br />

Au final, le périmètre verrait le nombre de pièces passer de 4000 à 2000, réduisant par là<br />

même les opérations de préparation faites par les équipes, dans le souci de favoriser la<br />

« valeur ajoutée qui consiste à monter des pièces sur l’appareil et non à les préparer ».<br />

L’analyse de <strong>SECAFI</strong><br />

La démarche de Geolean apparaît à la fois trop déterministe et trop « ouverte » selon les<br />

thématiques. Et parfois même au sein d’une même thématique.<br />

Ainsi, concernant l’ergonomie des postes, si le principe d’amélioration a toujours été<br />

clairement mis en avant comme un incontournable et a globalement abouti à des avancées<br />

reconnues, certains points à la fois de méthode et de technique appellent quelques<br />

commentaires :<br />

- les compagnons se sont certes exprimés sur leurs attentes en matière d’amélioration des<br />

conditions physiques de travail, mais sans formation préalable.<br />

- certaines contraintes physiques n’ont pas été insuffisamment étudiées (celles touchant aux<br />

membres supérieurs notamment, mais aussi l’encombrement et/ou les masses à manipuler<br />

pour certains outillages).<br />

- les conditions de réalisation de travail en co-activité n’ont visiblement pas été envisagées,<br />

notamment dans le cas de situations de travail dégradées (report de tâches d’un poste sur<br />

l’autre, retouches) ou de traitement de TNS.<br />

Si les grandes lignes de la méthode proposée sont ce qu’il convient d’appeler des classiques<br />

de la mise en place du Lean Manufacturing (co-construction, amélioration des conditions de<br />

travail, élimination des sources de «gaspillage »…), certains principes ont en revanche selon<br />

nous été mis de côté ou insuffisamment appréhendés :<br />

- traitement en chantier poste à poste avant de passer à une analyse global du secteur,<br />

- stabilité initiale des situations existantes à traiter (5M 6 )<br />

- formation de tous les intervenants (approche Lean globale, ergonomie, notion de takt<br />

time…),<br />

- mise en place d’indicateurs de résultats ET de processus (suivi de projet),<br />

6 Matière, Matériel, Main d’œuvre, Méthode, Milieu<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- la question même de l’évaluation des temps de travail, pourtant centrale, n’a été abordée que<br />

de façon globale alors qu’ils constituent une donnée d’entrée essentielle (pour l’équilibrage<br />

des postes, la création de la réglette).<br />

4.2. Des conséquences humaines immédiates<br />

4.2.1.1. Des compagnons référents sans une vision globale du projet.<br />

Malgré une volonté évidente d’intégrer des salariés de la production à la construction du<br />

projet ARP, certaines limites peuvent néanmoins être soulevées.<br />

Du point de vue des compagnons référents, il ressort un manque de vision globale des projets.<br />

Il s’agit principalement d’un manque de visibilité sur :<br />

- les délais et les périodes dédiés à chaque étape, ceci peut laisser place à des<br />

contradictions. Ex : « à faire pour telle date » « mais non, tu as le temps »… Les<br />

contradictions peuvent venir d’une même fonction ou de fonctions différentes<br />

(Géolean, planificateur…)<br />

- l’enchainement des étapes : les compagnons n’ont pas réellement de vision globale<br />

des projets. Ex : sur TARGET, après l’étape de la construction de la réglette, ils ne<br />

connaissent pas clairement l’étape qui suit, ils ne savent pas s’ils vont être de nouveau<br />

sollicités…<br />

- l’arbitrage des décisions : les compagnons font remonter l’ensemble de leurs<br />

réflexions mais ils ne savent pas encore ce qui est dé<strong>finitive</strong>ment acté (remarque<br />

valable sur les deux projets).<br />

Ex : « on propose une amélioration, est-ce qu’elle est techniquement possible , est-ce<br />

que l’enveloppe le permet , est-ce que les responsables du projet l’ont validée ... »<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

4.2.2. Une intégration des salariés de la production dans les projets mais<br />

pas sans coût.<br />

Comme nous l’avons présenté dans un paragraphe précédent, les compagnons référents<br />

peuvent être détachés à 50 % ou <strong>10</strong>0 % de la production. Des difficultés s’observent à<br />

plusieurs niveaux :<br />

- Difficultés pour les compagnons et les chefs d’équipes intégrés au projet de<br />

concilier leur travail de production et celui à effectuer pour le projet. Cette<br />

difficulté est renforcée par le fait que les compagnons référents ont également<br />

majoritairement des rôles d’appui, de soutien au chef d’équipe (ex : remplacement en<br />

cas d’absence). Ainsi, ils doivent organiser leur temps entre la production, le projet et<br />

leur rôle d’appui au chef d’équipe. Les conséquences observées sont les suivantes :<br />

travail en retard, heures supplémentaires…<br />

- Pour le chef d’atelier et les chefs d’équipes, il s’agit de garantir les sorties en<br />

temps et en heure avec des compagnons en moins. De plus, un travail important est<br />

à réaliser pour préparer la phase de transition : libérer les bâtis pour pouvoir les<br />

déplacer, organisation des équipes à revoir en conséquence…<br />

- Le travail habituellement fait en production par les compagnons référents<br />

intégrés au projet est réparti sur les compagnons présents (non intégrés au<br />

projet). Ainsi, de manière indirecte, tous les compagnons participent à la bonne<br />

marche du projet. En effet, ces derniers sont davantage sollicités afin que le projet ne<br />

pénalise pas la production (heures supplémentaires, polyvalence au sein de l’équipe ou<br />

entre équipes…). Cependant, lors de certains stades, le besoin de la production peut<br />

passer avant les besoins du projet. Ainsi, les compagnons référents peuvent être<br />

rappelés ponctuellement à la production.<br />

4.2.3. Une adhésion mitigée des compagnons.<br />

Par rapport aux projets (et vis-à-vis de la démarche ARP de manière plus globale) trois<br />

postures différentes ont pu être observées chez les salariés :<br />

- Posture de retrait qui peut notamment se matérialiser par la faible ou la nonparticipation<br />

aux remontées de terrain. Les deux principales raisons évoquées :<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

o les risques d’impacts négatifs du projet sur leurs conditions de travail :<br />

changement d’horaire de travail, perte d’intérêt du travail… (Ces points seront<br />

développés dans les prochains chapitres),<br />

o une démotivation générale notamment liée à des problématiques de<br />

reconnaissance du travail.<br />

- Posture participative : aide importante pour les compagnons référents, adhésion à<br />

une partie du projet notamment sur ce qui concerne la réindustrialisation et<br />

l’amélioration de l’ergonomie des postes de travail…<br />

- Posture attentiste : les informations disponibles sur les projets déployés ou en cours<br />

(avec les nuances d’imprécisions et/ou de déformation possibles), laissent une partie<br />

du personnel dans une situation interrogative. Les difficultés rencontrées par le secteur<br />

CAP 12, le travail réel des référents, le manque de visibilité sur le calendrier…, mais<br />

aussi les avancées réelles et tangibles sur certains aspects de conditions de travail,<br />

amènent à un sentiment mitigé quant à la valeur ajoutée globale de la démarche ARP.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong><br />

Directement ou indirectement, la mise en place des projets sollicite de façon importante les<br />

compagnons, chefs d’équipes et d’atelier : participation à la construction du projet, organiser<br />

les équipes avec moins de ressources, nouvelles organisations à déployer, heures<br />

supplémentaires pour tenir les délais ou pouvoir effectuer les transferts… Ainsi, nous<br />

constatons un certain niveau d’engagement de la part de salariés de la production acteurs du<br />

projet. En parallèle, ces projets génèrent des attentes importantes : amélioration<br />

d’organisation du travail, meilleure ergonomie au poste de travail…<br />

Un engagement associé à des attentes importantes entraine de fait un risque de désillusion<br />

si l’issue d’un projet répond insuffisamment aux attentes des salariés. Cela peut être le cas si<br />

les compagnons ne retrouvent pas leurs propositions dans l’organisation du travail cible et<br />

les futurs bâtis. Ce risque est accru par le fait qu’actuellement les compagnons n’ont pas de<br />

visibilité sur les prises de décisions par rapport à leurs propositions.<br />

La méthode utilisée pour l’intégration des salariés est relativement complète mais présente<br />

certaines limites :<br />

- une vision globale du projet insuffisante pour les compagnons référents : quels sont<br />

les prochaines étapes, que va-t-on attendre de moi après ...,<br />

- pas ou peu de retours sur les décisions prises : qu’est-il retenu des propositions<br />

des compagnons et préparateurs Pour quelle raison la proposition n’a pas été<br />

retenue <br />

- une surcharge de travail pour certains salariés,<br />

- des injonctions contradictoires à gérer. Le compagnon référent peut se retrouver au<br />

cœur du triangle : projet (Géolean) – production (chef d’équipe) – process<br />

(Sogeclair). Chacun poursuit des objectifs différents et ils ont tous besoin du<br />

compagnon pour les atteindre… Mais qui arbitre <br />

- Une méthode Géolean pouvant être jugée intéressante mais pouvant également<br />

apparaitre parfois un peu trop rigide. Par exemple : insister sur la division des<br />

opérations par tranches de x h alors que certaines opérations sont trop complexes<br />

pour être séparées, des opérations de 2h15 seront demain comptées 2h ou des<br />

opérations de 3h45 seront comptés 4h. Le risque principal est de prendre<br />

insuffisamment en compte le travail réel, les contraintes et aléas possibles et<br />

ainsi de diminuer les marges de manœuvres des salariés pour y faire face.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

4.3. Les premières réponses des projets pour la réduction de certaines<br />

contraintes existantes.<br />

4.3.1. Mise à jour des fiches d’instruction (FI)<br />

Actuellement, les FI ne sont pas à jour. Elles sont donc remplies d’annotations. Les<br />

conséquences sont multiples : perte de temps, perte d’information importante, augmentation<br />

du risque de non qualité…<br />

En parallèle, les temps prescrits apparaissent comme rarement réalistes aux yeux des<br />

compagnons car ils ne prennent pas en compte l’ensemble des tâches effectuées ou la<br />

variabilité des modes opératoires. Par exemple, le temps de séchage (PR, filaire alu) n’est pas<br />

intégré (alors que celui-ci peut aller jusqu’à 24h), les accès difficiles pour perçage sont au<br />

même temps qu’un perçage à accès normal…<br />

Le projet prévoit la mise à jour des fiches d’instruction. C’est l’ensemble du travail fait par<br />

l’équipe projet qui le permettra (remontées de fabrication, découpage des opérations, création<br />

de la réglette…). Cependant, la situation sur CAP 12 montre que ce travail est loin d’être<br />

aussi simple et rapide qu’on voudrait le penser.<br />

4.3.2. ARP en réponse à la problématique récurrente de l’outillage<br />

Concernant l’outillage, des problématiques récurrentes sont ressenties par les salariés de la<br />

production :<br />

- matériel insuffisant,<br />

- matériel souvent en réparation (ex : bombonnes),<br />

- outils insuffisamment entretenus : sentiment qu’il n’y a pas de suivi du niveau<br />

d’utilisation, pas assez de maintenance préventive…<br />

- matériel lourd, encombrant et/ou inadapté. Exemple : Pour certaines fixations à accès<br />

restreint, la fiche d’instruction indique une fixation mécanique alors que les<br />

compagnons ne disposent pas du matériel adapté pour le faire.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Ainsi, les compagnons passent un temps important à « bidouiller », chercher l’outillage et/ou<br />

ils préfèrent garder de l’outillage en réserve pour ne pas avoir à le chercher quand ils<br />

souhaitent l’utiliser.<br />

Dans le cadre de la démarche Lean une réflexion est menée sur :<br />

- des matériels moins lourds,<br />

- le fait d’avoir les outils au poste. Il s’agit d’un changement important pour les<br />

compagnons qui sont habitués à avoir « leur » outillage.<br />

- Une armoire à badge (armoire RFID) qui enregistre l’heure de sortie et la personne qui<br />

a pris un outillage.<br />

4.3.3. Des améliorations de l’ergonomie des postes de travail mais une<br />

approche encore trop macro des contraintes physiques.<br />

Les observations conduites sur les deux périmètres FARE et TARGET font apparaître les<br />

contraintes suivantes sur les postes de travail :<br />

- Outils qui génèrent d’importantes vibrations (« pétards » pour frapper les rivets),<br />

- Outillages dont la manipulation est difficile :<br />

o Grand C : maintien contre le corps (buste, cuisse…) pour garantir un<br />

positionnement précis et s’assurer de son immobilité pendant les phases<br />

d’appui gâchette 7 ,<br />

o Contre-bouterolles maintenues dans des conditions difficiles (espace limité<br />

pour la positionner et assurer un contre-effort satisfaisant).<br />

- Hauteur de pièce importante, avec une grande amplitude d’intervention (de l’ordre de<br />

1500 mm de bas en haut : poste 480 T2 7X). Le bâti actuel permet certes de faire<br />

varier la hauteur de la pièce, mais les phases de travail sur les parties extrêmes (bas et<br />

haut) génèrent néanmoins des postures contraignantes :<br />

o Bas de pièces (bâti relevé au maximum) : utilisation d’une chaise ou d’une<br />

caisse en bois pour s’assoir.<br />

7 Nous avons relevé que certains mécanismes avaient été modifiés pour que l’appui gâchette ne se fasse qu’en<br />

une seule fois au lieu du déblocage/appui, qui occasionne un à-coup et décale la bouterole.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

o Haut de pièces (bâti baissé au maximum) : travail debout sur la caisse en bois<br />

NB : des sièges roulants avec des appuis genoux sont présents au secteur Panneaux T1 et<br />

permettent de travailler en partie basse dans de bonnes conditions.<br />

- Concavité importante sur certaines pièces, nécessitant des postures de travail très<br />

contraignantes :<br />

o poste 430 T1 7X : travail dos courbé, car la barre transversale (rigidité du bâti)<br />

ne permet pas de s’approcher d’avantage du revêtement.<br />

o panneau <strong>10</strong>2 T F900 : un compagnon travail sur un « 3 marches » sur le dessus<br />

du panneau et un autre en dessous (jambes fléchies, dos creusé, nuque en<br />

arrière et main au-dessus de la tête)<br />

- Les contraintes articulaires peuvent être très importantes au niveau :<br />

o Des poignets : flexion ou extension extrême, rotations<br />

o Des coudes : faible angulation « bras fermé », abduction lors du maintien de<br />

pièces…<br />

o Des épaules : travail bras en l’air, dépassement de la ligne sagittale<br />

Contrainte articulaire sur l’épaule par dépassement de l’axe longitudinal du corps<br />

(ligne sagittale)<br />

o quelquefois associées à des efforts conséquents (maintien pièces ou cales à<br />

frapper, outillages lourds…)<br />

- les phases de piétinement (déplacements sans vrais pas ou positions statiques<br />

prolongées) sont très importantes et aucun tapis antifatigue n’est en place.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- La présence de tuyaux d’alimentation en air au sol représente un risque important et<br />

contraint les déplacements (vigilance, déplacement de la caisse bois parfois<br />

difficile…),<br />

- Des panneaux anti-bruit sont installés en bord d’allée du secteur T1 (aucun dans le<br />

secteur T2), mais :<br />

o Une partie seulement du secteur est couvert le long de l’allée,<br />

o Les panneaux ne sont pas jointifs (espace large entre panneaux),<br />

o Aucun n’est présent sur la partie opposée (face à la zone de bureaux) ni en<br />

partie haute.<br />

Le bruit, surtout occasionné par la frappe de rivets (sur des séries pouvant représenter<br />

plusieurs dizaines de rivets) se propage alors facilement au sein du secteur mais aussi à<br />

l’extérieur de celui-ci.<br />

- La surface des établis est largement occupée (outils, pièces, classeurs de FI, EPI…) et<br />

présente d’importantes traces d’utilisation (perçage sur le plateau de l’établi pour<br />

certaines opérations).<br />

- L’éclairage est basique, avec des néons en position haute et selon les cas, certains<br />

installés sur les côtés ou à l’arrière du poste. Nous avons relevé que certains étaient<br />

mal positionnés par rapport aux zones d’évolution des compagnons :<br />

o poste 490 au T2, la présence du luminaire gêne l’atteinte de certaines zones de<br />

travail (à l’arrière du panneau). Un est d’ailleurs cassé « depuis un moment »<br />

selon les compagnons.<br />

o panneau <strong>10</strong>2 T F900 : éclairage mobile pour le travail sous le revêtement, mais<br />

générant beaucoup d’ombres portées.<br />

- Les opérations nécessitent souvent des prises en pinces digitales fines 8 dans un espace<br />

restreint (présence de lisse et/ou cadre à proximité pénalisant l’accessibilité manuelle)<br />

pour maintenir une pièce lors de sa fixation.<br />

8 Prise entre le pouce et l’index<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Le travail à deux compagnons sur un panneau (devant/derrière ou dessus/dessous)<br />

nécessite une parfaite coordination pour frapper les rivets mais la communication est<br />

difficile :<br />

o résonnance de la tôle pendant la frappe,<br />

o concavité ne facilitant pas la transmission de la voix,<br />

o impossibilité de se voir la plupart du temps…<br />

- le stockage des pièces à monter est problématique et s’effectue « un peu partout » :<br />

o sur les établis ou contre eux,<br />

o en appui contre les poteaux de structure du bâtiment,<br />

o sur les escabeaux.<br />

Le stock d’ensemble T1 est actuellement regroupé dans une zone dédiée, avec une<br />

identification précise des postes/appareils concernés, située en bout de secteur (distante<br />

d’environ une dizaine de mètres du poste le plus éloigné).<br />

Des situations dangereuses ont également été relevées sur les postes observés :<br />

- Panneau <strong>10</strong>2 T F900 : risque de heurts à la tête contre la pièce et/ou le bâti pour le<br />

compagnon travaillant en dessous.<br />

- Rotation incontrôlée possible du bâti en cas de déblocage intempestif (1 Accident avec<br />

arrêt au secteur T1 pour lequel un compagnon nous a déclaré avoir eu une fracture du<br />

tibia il y a plusieurs années).<br />

- Maintien de pièces par sangles ou sauterelles (T1).<br />

Mais des avancées réelles et répondant à de vraies préoccupations<br />

Bord de ligne Kanban pour le stockage au poste (un exemplaire en test actuellement périmètre<br />

FARE) :<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- déplacement facilité par la présence de roues folles (ce qui facilite grandement leur<br />

positionnement précis),<br />

- structure légère (aluminium),<br />

- délimitation d’emplacements pour les différents bacs de pièces,<br />

- stockage vertical des grandes pièces (notamment présentes dans les kits) à l’arrière des<br />

structures,<br />

- altimétrie des hauteurs de prises/déposes répondant à des critères d’ergonomie<br />

reconnus (éviter les postures associées dos penché ou mains au-dessus des épaules,<br />

éloignement en profondeur limité à l’extension du bras…)<br />

- De plus, la structure est modulable (assemblage vissé) et permet si besoin de modifier<br />

les différents espaces (hauteurs de rangs de bacs, proportion grands bacs/ petits<br />

bacs…).<br />

Refonte complète des bâtis, avec de véritables avancées sur l’environnement de travail au<br />

poste :<br />

- Altimétrie variable des postes pour faciliter le travail à des hauteurs satisfaisantes,<br />

- Rotation des bâtis pour améliorer l’accessibilité de certaines zones,<br />

- Réflexion autour de l’éclairage au poste (travail par le bas, dans l’appareil…)<br />

- Création de plateformes spécifiques à chaque stade et intégrant les mobiliers de travail<br />

(suppression des montées/descentes) (spécificité TARGET)<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

4.4. Des contraintes existantes qui risquent de perdurer avec en outre<br />

l’émergence de nouvelles problématiques<br />

4.4.1. Une logistique perfectible qui risque d’être encore pénalisante<br />

- Actuellement :<br />

o Des situations de manquants (pièces et visserie) très mal vécues 9 ,<br />

o pièces à la mauvaise définition<br />

o Pièces à caler ou à limer systématiquement (ex : cale dans le logement du<br />

marchepied Rafale Marine)<br />

- Demain<br />

o Des corrections de définition encore longues à venir,<br />

o Distribution des pièces et visserie. Pour l’instant c’est le chef d’équipe qui<br />

alimente les caisses en pièces et visserie pour ensuite les distribuer à chaque<br />

bâti : tâche en moins pour le chef d’équipe mais en plus pour le magasin.<br />

o Secteurs clients plus exigeants envers leurs fournisseurs (internes et externes),<br />

qui n’auront pas nécessairement modifié leurs modes d’organisation en temps<br />

et heure.<br />

o Des temps de passage au poste calés sur une situation initiale nominale<br />

(stabilité de tous ses éléments : humains, techniques, logistiques).<br />

4.4.2. Une nécessité de s’adapter à une nouvelle façon de travailler.<br />

La démarche Lean engendre de nombreux changements dans l’organisation du travail :<br />

- nouveau process : découpage différent des opérations, opérations qui changent de<br />

stades,<br />

- modes opératoire différents,<br />

- nouveaux bâtis (ex : utilisation de pont électrique…),<br />

- dans certains cas, du nouvel outillage,<br />

- de nouvelles tâches (ex : augmentation de l’autocontrôle),<br />

- de nouveaux objectifs journaliers,<br />

- Une nouvelle organisation du travail :<br />

o pièces servies au poste.<br />

o outillage au poste de travail.<br />

9 Il a néanmoins été fait remarquer que le taux de service s’améliorait, passant de 87 à 95 %.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

A noter que certains de ces changements découlent davantage de la réindustrialisation pour le<br />

périmètre TARGET à proprement parler.<br />

4.4.3. Des rôles qui vont évoluer mais de quelle façon <br />

La démarche Lean et l’organisation du travail qui en découle viennent souvent impacter les<br />

rôles car l’Organisation attend autre chose de chaque acteur.<br />

Concernant la fonction de chef d’équipe, un certain nombre de questions se posent sur son<br />

rôle à venir. Actuellement, une partie importante de son temps est dédiée à la gestion des<br />

manquants et à l’articulation avec les services transverses. A terme, les projets devrait<br />

résoudre certaines de ces problématiques ce qui devrait libérer les chefs d’équipes de certaines<br />

tâches. Ainsi, ces derniers espèrent avoir davantage de temps dédié au mangement de<br />

proximité et à la gestion de l’équipe. Cependant, le risque identifié est que les tâches<br />

administratives attribuées aux chefs d’équipes augmentent notamment le reporting et la<br />

remontée d’indicateurs de suivi d’activité.<br />

Concernant la création du statut de compagnon référent, les avis des salariés de la<br />

production sont partagés.<br />

- Les points positifs :<br />

o les compagnons référents, étant au plus proche de la production, peuvent jouer un<br />

rôle particulier dans la gestion des aléas et difficultés des compagnons notamment<br />

pour gagner en réactivité,<br />

o intérêt du travail pour le salarié occupant le poste de compagnon référent.<br />

- Les points négatifs ou de réserve :<br />

o sentiment d’avoir le même rôle que le chef d’équipe ou de faire son travail mais<br />

avec moins de moyens,<br />

o quelle reconnaissance liée à ce statut <br />

o des difficultés de positionnement vis-à-vis des équipes. Ceci pose la question de la<br />

légitimité, des critères de sélection des compagnons référents…,<br />

o des risques de conflit de priorité,<br />

o pas de réelle utilité fonctionnelle aux yeux des compagnons,<br />

o un statut qui existe déjà officieusement.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

A la vue de ces éléments, il apparait nécessaire de mener une réflexion en amont de la<br />

création de cette fonction sur les objectifs poursuivis, la définition de son périmètre, les<br />

gains attendus, sa place dans le collectif de travail…<br />

Concernant les fonctions support, l’organisation du travail prévue laisse présager de<br />

nombreux changements et peut se heurter à :<br />

- La « barrière » qui existe actuellement entre les supports et la production, mais qui,<br />

nous le pensons, pourrait s’amenuiser avec les interlocuteurs directs par une plus<br />

grande proximité (géographique et opérationnelle)<br />

- La nécessité de changer l’organisation entre la production et les supports,<br />

- A terme, une diminution des relations directes avec certaines fonctions. Ex : ne plus<br />

aller au magasin pour récupérer ses pièces : peur d’être un peu plus isolé.<br />

De manière plus générale, l’impact sur les fonctions supports est marqué par :<br />

- Le fait de devoir travailler davantage avec des horaires calés sur ceux des équipes va<br />

modifier de manière sensible les rythmes de travail des personnels,<br />

- La présence accrue « sur avion » d’intervenants jusqu’ici relativement peu rompus à<br />

cette pratique (et des personnels d’atelier eux-mêmes peu habitués à cette présence plu<br />

soutenue)<br />

- La charge de travail croissante portée par les fortes attentes en termes de<br />

demandes d’amélioration, qui peut devenir d’autant plus lourde qu’elle est davantage<br />

en prise directe avec les besoins issus du terrain pour lesquels les questions de<br />

réactivité vont devenir de plus en plus prégnantes.<br />

- La mobilisation à venir sur les projets déjà programmés, qui vont encore mobiliser<br />

les ressources lors des phases de construction et de suivi des actions décidées.<br />

Concernant les compagnons, les attentes de l’organisation envers eux risquent d’évoluer :<br />

davantage de polyvalence, participation active à la démarche d’amélioration continue. La coconstruction<br />

mise en avant lors des phases de lancement des projets va ici prendre une<br />

dimension encore plus forte, car c’est l’ensemble des salariés qui seront ici impliqués<br />

directement sur leur quotidien. Bien que le principe ne puisse qu’être louable, cette<br />

participation ne va pas de soi et devra être construite.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong><br />

Il nous apparait essentiel de ne pas minimiser les conséquences du déploiement d’une<br />

démarche comme ARP sur la définition des rôles de chacun. Ainsi, pour garantir sa bonne<br />

mise en œuvre (pour l’entreprise et les salariés) et les changements qu’elle implique sur les<br />

différents acteurs de l’entreprise, il aurait été pertinent de notre point de vue de mieux définir<br />

les périmètres de responsabilités de chaque poste au démarrage des projets ; d’autant plus<br />

qu’une réflexion est actuellement menée au niveau national sur l’impact des « outils standards<br />

ARP » sur les différentes fonctions : évolutions des compétences, des besoins… Ce travail<br />

devant aboutir à la modification des fiches de postes par la suite.<br />

4.4.4. Des évolutions dans les relations professionnelles sont à prévoir.<br />

Les modifications dans les relations professionnelles vont directement découler des choix<br />

d’organisation du travail associés à la démarche ARP.<br />

Actuellement, l’ambiance au sein des équipes est décrite comme plutôt bonne. De plus,<br />

l’entraide apparait comme la ressource prédominante pour les compagnons. Cependant, des<br />

points d’accroches peuvent exister entre deux équipes ou équipes matin et soir.<br />

Au cours des entretiens, il est apparu que le sentiment que le collectif de travail pouvait être<br />

affecté négativement par le projet ARP :<br />

- D’ici à la fin de l’année <strong>2013</strong>, certaines équipes seront modifiées : intégration des<br />

salariés des demi-coquilles dans d’autres équipes sur TARGET, changements de<br />

responsables d’équipes, regroupement des secteurs T1 et T2 pour FARE.<br />

- Création d’une strate supplémentaire entre le chef d’équipe et les compagnons :<br />

risque d’accroître ou de créer un fossé entre N+1 et les compagnons, moins de<br />

proximité entre les « productifs » et les « décisionnaires », une place de compagnon<br />

référent qui peut être difficile à trouver (légitimité, peu de marges de manœuvre pour<br />

l’action)…<br />

- Une organisation du travail qui facilitera moins l’entraide qu’actuellement : les<br />

opérations et les postes davantage définis et cloisonnés, un nombre précis<br />

d’opérations affectées à chaque opérateur…<br />

- Une organisation du travail avec moins de contact humain : plus besoin d’aller au<br />

magasin pour aller chercher de la visserie, moins de contact avec les autres équipes car<br />

l’outillage se trouvera au poste…<br />

58


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Une organisation du travail qui augmente le contrôle et donc la crainte d’être<br />

« fliqué » (en particulier en référence au système de pointage des opérations et aux<br />

verrines de couleurs sur le secteur pointe avant, mal compris aujourd’hui).<br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong><br />

Les différentes raisons évoquées précédemment sont majoritairement observées à moyen<br />

terme après la mise en place d’une organisation Lean. La polyvalence, la parcellisation du<br />

travail, un cadencement plus court, les pièces et l’outillage au poste de travail...ont un<br />

impact sur les relations professionnelles, l’ambiance, l’entraide…L’idée est donc de le<br />

considérer dès la mise en œuvre de la démarche Lean en se posant, par exemple, les<br />

questions suivantes : quelle place à l’entraide actuellement quelle place nous voulons lui<br />

donner demain En quoi les choix d’organisation du travail ou les outils mis en place<br />

impactent l’entraide ou les relations professionnelles Comment fait-on pour maintenir un<br />

collectif de travail ... Actuellement, dans le cadre de TARGET et FARE ce travail n’a<br />

pas été fait.<br />

4.4.5. Risque d’impact sur le temps et le rythme de travail<br />

A la vue des éléments d’organisation actuels et de ceux prévus demain, le travail des<br />

compagnons sera plus dense et va s’intensifier. Dans le sens où, contrairement à aujourd’hui :<br />

- la grande majorité des tâches effectuées participeront à la productivité, auront une<br />

« valeur ajoutée ».<br />

- la dépendance entre les postes de travail nécessite que l’ensemble des membres de<br />

l’équipe travaille au même rythme,<br />

- Un nombre d’opérations, un travail précis à effectuer pendant le poste,<br />

- Une visibilité du travail non accompli… (d’autant plus fort peut-être encore sur le<br />

périmètre FARE, avec un temps de travail réduit à titre individuel sur chaque pièce par<br />

rapport à la situation actuelle).<br />

En parallèle de la crainte des salariés sur le changement de rythme de travail, ces derniers se<br />

posent la question suivante : à terme, l’objectif n’est-il pas de faire travailler tout le monde en<br />

journée Cela génère des inquiétudes importantes notamment en lien avec la perte de pouvoir<br />

d’achat qui y serait associée.<br />

D’après les échanges avec votre direction, le passage en journée n’est pas un objectif premier.<br />

Cependant, plusieurs points peuvent l’emmener à mener une réflexion sur l’accord temps de<br />

travail :<br />

- Dans le cas où le contrat avec l’Inde est signé (périmètre TARGET),<br />

59


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Contraintes des plages variables qui se révèlent peu compatibles avec la mise en place<br />

de certains outils Lean (ex : flash 5) et la vision du management quotidien des équipes,<br />

- Envisager que le mode « équipe » devienne la variable d’ajustement en cas de<br />

surcharge,<br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong><br />

A terme, d’après les choix d’organisation du travail, le risque pour les salariés de la<br />

production est davantage une intensification du travail plutôt qu’une surcharge de travail.<br />

Cette intensification va découler d’un cumul de contraintes et de changements :<br />

cadence, contraintes techniques fortes, dépendances vis-à-vis du travail des collègues,<br />

contrôle, diminution des marges de manœuvre…<br />

En parallèle, nous pouvons avoir l’impression que l’organisation favorisera l’équité dans la<br />

répartition de la charge de travail notamment entre les différentes équipes (matin / soir).<br />

Cependant, il ne faut pas pour autant considérer que chaque compagnon est aussi compétent<br />

et productif que son collègue. Autrement dit, il s’agit de prendre en compte les variabilités<br />

interindividuelles notamment dans la répartition du travail au sein de l’équipe. Dans une<br />

organisation davantage industrialisée et développant la polyvalence, les variabilités<br />

interindividuelles sont trop souvent mises de côté et ceci au détriment de la<br />

performance et/ou de la santé des salariés (sentiment d’être remplaçable, de ne pas<br />

faire un travail de qualité…).<br />

Ce point, évoqué dans les remontées terrain de FARE et non analysé pourrait être un<br />

obstacle majeur pour respecter le principe d’avancée des pièces poste à poste à temps<br />

déterminé.<br />

4.4.6. Sentiment de perte de compétences et/ou de savoir-faire.<br />

L’une des conséquences pressenties par les équipes de production concerne la perte de<br />

compétences et de savoir-faire. Le travail sera davantage standardisé et industrialisé ; ainsi de<br />

nombreuses tâches « artisanales » actuellement effectuées quotidiennement ne seront plus à<br />

réaliser par les compagnons. Ainsi, le savoir-faire et la réflexion qui aujourd’hui découlent<br />

des carences en industrialisation ne seront demain plus nécessaires. Il apparait donc<br />

compréhensible que les équipes de productions aient le sentiment de perdre du savoir-faire<br />

dans la nouvelle organisation du travail (après ARP).<br />

La phrase suivante recueillie lors d’un entretien résume bien cette idée : « si tout va bien, on<br />

va perdre des compétences ».<br />

60


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

De plus, le développement de la polyvalence peut être perçu comme un risque de perdre ou de<br />

ne plus avoir des compagnons hyper-spécialistes ; « à terme, les compagnons sauront un peu<br />

tout faire mais rien faire de A à Z ».<br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong><br />

Le sentiment de perte de compétences peut être un facteur important de risques<br />

psychosociaux. En effet, ce sentiment met à mal le sens du travail, l’intérêt et la motivation<br />

pour ce dernier. Par exemple, la polyvalence et la standardisation peuvent accroitre, chez les<br />

compagnons, le sentiment d’être facilement remplaçable et donc de ne pas être utile pour<br />

l’organisation.<br />

Concernant l’activité, les limites d’une forte polyvalence des opérateurs et d’un niveau<br />

important de standardisation du travail, peuvent apparaitre lorsque une activité est réinternalisée<br />

ou lors de la fabrication d’un produit moins industrialisé. Les compétences et le<br />

savoir-faire nécessaire seront-ils présents <br />

4.4.7. Une bonne adéquation charge / capacité <br />

Actuellement, certaine équipes ont le sentiment de ne pas avoir assez d’effectif par rapport à<br />

la charge de travail à réaliser. Ce sentiment est renforcé depuis le début du projet TARGET<br />

qui mobilise 5 compagnons entre 50% et <strong>10</strong>0% de leur temps.<br />

Actuellement, les moyens utilisés pour faire face aux pics de charge ou à des absences courtes<br />

durées<br />

- répartition du travail sur les présents<br />

- faire appel à des compagnons hors de l’équipe. Ex : 2 personnes du 21 – 25 en arrêt<br />

(les plus expérimentés), ce sont des compagnons d’une autre équipe qui sont venus en<br />

support.<br />

Concernant l’adéquation charge / capacité après le déploiement d’ARP, des questions restent<br />

pour l’instant sans réponses :<br />

- Combien d’ETP par tronçon <br />

- Par rapport au plan de charge prévisionnel, l’effectif est-il suffisant qu’est-il prévu<br />

dans le cas où de nouveaux contrats sont décrochés <br />

- Plus de flexibilité par la polyvalence, est ce que ce sera le seul levier Si oui, quels<br />

risques pour l’organisation et les salariés <br />

61


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

4.4.8. Une incertitude sur l’avenir<br />

Les incertitudes sur l’avenir ressenties par l’ensemble de la production se trouvent à deux<br />

niveaux différents : évolution de l’activité et changement d’horaire de travail.<br />

Les incertitudes et craintes sur l’évolution de l’activité sont liées aux points suivants :<br />

- L’augmentation de la sous-traitance interroge les salariés dans le cas d’une réinternalisation<br />

future de certaines activités. Ainsi, ils pointent du doigt le risque de<br />

« ne plus savoir faire demain ce que l’on fait aujourd’hui ».<br />

- D’une meilleure industrialisation découlera une augmentation des tâches<br />

d’assemblage au détriment des tâches d’ajustement. Les compagnons ont ainsi le<br />

sentiment qu’ils utiliseront moins et donc qu’ils vont perdre la logique de réflexion<br />

qu’ils possèdent actuellement. En lien avec cette problématique, la question de la<br />

rémunération est également interrogée : « si nous sommes des monteurs pourquoi on<br />

nous payerait comme des ajusteurs <br />

- Un besoin moins important de qualification élevé : de plus en plus de sous-traitance,<br />

nouvelle organisation plus standardisé, plus d’école de formation…<br />

- Une crainte que le travail parte à l’extérieur: une fois que tout sera standardisé et<br />

bien maitrisé, est ce que le travail restera ici <br />

Les incertitudes et craintes sur le passage en horaire normal sont liées aux points suivants :<br />

- les compagnons ont conscience que si le Lean permet d’atteindre les objectifs que se<br />

fixent la Direction, l’organisation permettra de passer en journée.<br />

- les principales craintes associées aux changements d’horaires sont la perte de salaire et<br />

une organisation vie familiale / professionnelle à repenser.<br />

Sur le court terme, les salariés du secteur des demi-coquilles souffrent particulièrement de<br />

l’absence de visibilité sur leur devenir. Il est décidé que 3A reprenne le travail des demicoquilles.<br />

Cette décision et la succession de changements qui peuvent en découler génèrent<br />

des inquiétudes chez les salariés :<br />

- Les salariés ne connaissent pas les raisons associées à la décision ainsi cette dernière<br />

n’est pas comprise par les salariés concernés.<br />

- Pas de visibilité sur où ils seront après octobre : SMS Falcon ou Rafale <br />

- Deux changements en un an : 1) dispatché dans les équipes SMS Falcon ou Rafale, 2)<br />

l’ensemble de l’équipe revient au Rafale.<br />

- Est-ce que le travail fait dans le cadre du projet Target va être appliqué pour 3A dans<br />

les deux cas, la situation est difficile à vivre pour les salariés de l’équipe :<br />

62


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

o « Tout le travail est fait mais c’est d’autres qui en profitent »<br />

o « Tout le travail est fait et il n’est pas utilisé ».<br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong><br />

Les craintes des salariés concernant les évolutions des activités et les changements d’horaire<br />

de travail renvoient directement aux choix stratégiques faits par la direction de Dassault. Il<br />

apparait essentiel d’apporter aux salariés de la visibilité sur cette dernière et ceci en<br />

différenciant les projets et enjeux à court, moyen et long terme.<br />

Il s’agit ainsi d’apporter des réponses concrètes aux risques identifiés par les salariés<br />

(externalisation des activités, diminution du salaire…) et les mesures d’accompagnement<br />

nécessaire.<br />

4.5. Les phases critiques de redémarrage et d’installation provisoire<br />

Lors des travaux ou du passage entre les deux organisations il est nécessaire de garantir la<br />

continuité de la production. Pour cela, une stratégie de redémarrage va être déployée :<br />

démarrer les nouveaux bâtis, garantir la continuité de l’activité... Pour TARGET, à partir de<br />

septembre, un responsable d’équipe sera entièrement détaché de la production pour élaborer et<br />

déployer la stratégie de redémarrage. Au moment de nos investigations, les phases suivantes<br />

étaient prévues :<br />

Phase 1 : déménagement temporaire pendant travaux.<br />

- Organiser le déménagement de début août : 21-25 / 1-25 couture et stade 2.<br />

- Organiser le déménagement de décembre : 7-21<br />

Phase 2 : Implanter la nouvelle chaine TARGET :<br />

- Qui va où Combien de secteurs ou unités bougent <br />

- Tous les secteurs vont mettre en place le Lean et sont donc susceptibles de bouger<br />

leurs bâtis, gagner de l’espace ou en avoir besoin d’un peu plus…<br />

Sur FARE, le calendrier de validation a été reporté d’Avril à Septembre et les options en<br />

termes de choix de bâtis n’étaient pas encore arrêtées lors de nos phases d’investigations.<br />

Mais le même type d’interrogations se pose pour ce périmètre, à la différence près que le<br />

choix du type de bâti pourrait avoir des répercussions sur les surfaces nécessaires au<br />

redéploiement des nouveaux postes car si le principe de « glissement » d’un revêtement d’un<br />

poste à l’autre semble clairement acquis, la question reste posée de savoir si :<br />

63


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- c’est le bâti dans sa totalité qui sera ainsi transféré de poste en poste<br />

- ou seulement une partie « porteuse » du revêtement (venant s’insérer dans le bâti<br />

suivant)<br />

Cette deuxième alternative aurait alors pour conséquence de devoir :<br />

- sortir la pièce d’un poste (perpendiculairement à la ligne de fabrication)<br />

- la déplacer le long de la ligne jusqu’au poste suivant (*)<br />

- la réinsérer sur le poste aval.<br />

(*)<br />

Ce qui selon nous n’est envisageable qu’à deux conditions : que l’espace de transfert soit<br />

libre, c'est-à-dire dédié exclusivement à cela (et non avec l’obligation de déplacer<br />

temporairement les bords de ligne ou les établis/servantes) et qu’il soit équipé d’aide à la<br />

manutention (aérienne ou au sol).<br />

L’impact en termes de surface est donc très différent selon l’option qui sera finalement<br />

retenue. Et par conséquent les secteurs touchés peuvent l’être également.<br />

64


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong><br />

Concernant l’installation dans l’atelier provisoire prévu à minima entre septembre <strong>2013</strong> et<br />

avril 2014, des difficultés sont déjà à prévoir et à prévenir :<br />

- Problématiques d’organisation du travail. Exemple : concernant la gestion du tronçon<br />

1-25 des difficultés: équipe physiquement divisée en 2, changement de chef<br />

d’équipe…<br />

- Risque de manque de place : difficultés pour mettre la roulante au pied du bâti, se<br />

déplacer… passage de 150 m² à <strong>10</strong>0,<br />

- Proximité avec l’atelier peinture et donc le risque de nuisances olfactives<br />

- Proximité de la porte et donc des risques de courants d’air<br />

Concernant l’installation des nouveaux ateliers, la principale difficulté va résider dans le jeu<br />

de taquin : quel atelier bouge en 1 er quelle place est libérée quel atelier bouge en 2 ème …<br />

Ceci va demander un travail important de réflexion en amont : rigueur sur les dates,<br />

coordination importante avec les MIG (moyens industriels et généraux)…<br />

Nous pouvons imaginer que la démarche ARP va prendre plusieurs années avant d’être<br />

déployée sur l’ensemble de Dassault Argenteuil. Ainsi quelques années seront nécessaires<br />

avant d’avoir un aménagement physique stabilisé.<br />

65


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

5. La prévention des risques<br />

66


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

5.1. L’organisation globale de la prévention des risques<br />

professionnels.<br />

5.1.1. TMS et vibration, une analyse construite et portée par la médecine du<br />

travail<br />

Le médecin du travail a mis en place un dispositif d’analyse des contraintes posturales par<br />

postes de travail. Dans le cadre des formations « gestes et postures », le médecin du travail et<br />

le salarié mènent une analyse au poste de travail de ce dernier. Huit catégories de contraintes<br />

physiques sont étudiées. Un compte rendu est ensuite rédigé en précisant les contraintes<br />

posturales, les risques associés et certaines propositions d’actions. Il est communiqué au chef<br />

d’unité et au service HSE.<br />

Cette analyse est axée autour de la prévention de deux des principaux risques professionnels :<br />

TMS et vibration. Le tableau ci-dessous présente les effectifs soumis au risque de maladies<br />

professionnelles (MP) en lien avec le risque de TMS.<br />

Numéro du tableau des maladies professionnelles<br />

Tableau n°57 : affections péri articulaires provoquées par certains<br />

gestes et postures de travail.<br />

Tableau n°69 : affections provoquées par les vibrations et chocs<br />

transmis par certaines machines-outils et objets et par des chocs<br />

itératifs du talon de la main sur les éléments fixes.<br />

Tableau n°97 : affections chroniques du rachis lombaire provoquées<br />

par des vibrations de basses et moyennes fréquences transmis au<br />

corps entier<br />

Tableau n°98 : affections chroniques du rachis lombaire provoquées<br />

par la manutention de charges lourdes.<br />

Effectif soumis à un<br />

risque de MP<br />

557<br />

3<strong>04</strong><br />

95<br />

52<br />

Ce travail est réalisé sur des postes de production et les fonctions support. Courant de l’année<br />

dernière, 130 postes RQTH ont été étudiés. De nombreuses propositions d’aménagement de<br />

poste ou d’amélioration technique ont été faites aux chefs d’unité. La question du financement<br />

de ces dernières se pose : sur quel budget sont imputées les dépenses issues des propositions<br />

du médecin <br />

67


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

A terme cet outil pourrait être une aide pour proposer des postes davantage adaptés, au sens<br />

de moins contraignants, pour les salariés souffrants de certaines pathologies.<br />

5.1.2. L’inaptitude en réponse à l’absence d’aménagement de poste <br />

Les aptitudes avec restrictions limitées dans le temps ou les inaptitudes temporaires peuvent<br />

être utilisées comme une réponse temporaire pour gérer les atteintes du travail sur la santé du<br />

salarié.<br />

Le tableau ci-dessous montre une augmentation des inaptitudes temporaires au travail et des<br />

inaptitudes à la reprise du travail sur les 3 dernières années.<br />

Après discussion avec les acteurs de la prévention, extraire le salarié de la situation de travail<br />

pathogène pour sa santé est à ce jour la principale solution à apporter. Les deux principales<br />

raisons évoquées :<br />

- Des nombreux postes avec de fortes sollicitations physiques en lien avec les<br />

caractéristiques du produit fabriqué,<br />

- Pas ou peu de postes « allégés » qui pourraient être proposés temporairement au salarié.<br />

20<strong>10</strong> 2011 2012<br />

Effectif attribué 1<strong>04</strong>8 <strong>10</strong>13 990<br />

Inapte temporairement au travail (1) 74 56 87<br />

Inapte à la reprise du travail 1 5 13<br />

(1) inclus les salariés renvoyés à leur domicile pour maladie par exemple.<br />

5.1.3. Les indicateurs suivis par les différents acteurs de la prévention<br />

Les documents de traçabilité des évènements relatifs à la prise en charge médicale des salariés<br />

et les indicateurs suivis (RH HSE, médicaux) sont les suivants :<br />

- Registre des accidents bénins ,<br />

- Registre d’activité quotidienne de l’infirmerie : référence l’ensemble des passages à<br />

l’infirmerie,<br />

- Registre d’activité médical : logiciel Horizon,<br />

- Accidents du travail bénins et déclarés, jours d’arrêt, accidents de trajet…,<br />

- Taux de fréquence et de gravité,<br />

68


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Maladies professionnelles,<br />

- Suivi sur les produits chimiques utilisés et les remplacements,<br />

- Absentéisme.<br />

Zoom sur l’absentéisme<br />

Le tableau ci-dessous présente les taux d’absentéisme sur les trois dernières années. Il est<br />

pertinent de mettre en parallèle les taux d’absentéisme aux effectifs dans chaque catégorie. Le<br />

taux d’absentéisme des salariés travaillant en production (CA PF TA) est particulièrement<br />

élevé.<br />

Cadres<br />

Indice<br />

>= <strong>10</strong>0<br />

cadres<br />

Indices<br />

< <strong>10</strong>0<br />

Cadres<br />

coefficients<br />

Techniciens<br />

Agents de<br />

maîtrise<br />

Employés ATA CA PF TA<br />

Autres<br />

catégories TOTAL<br />

20<strong>10</strong> 1,19 2,22 8,11 3,93 6,18 6,32 7,43 6,6 5,27<br />

2011 1,8 1,6 1,19 2,97 8,97 7,52 7,52 2,24 5,45<br />

2012 1,39 1,76 0 3,43 8,85 5,21 8,24 5,13 5,<strong>04</strong><br />

Effectif<br />

2012 <strong>10</strong>6 125 1 172 46 242 260 19 971<br />

En <strong>2013</strong>, la direction lance un plan d’action de gestion de l’absentéisme qui s’articule autour<br />

de 3 chantiers :<br />

1) Diminuer le nombre d’absences non justifiées qui correspondaient en moyenne à<br />

800h par mois. Les principales actions :<br />

- Identifier et analyser les situations : qui, quand, quel secteur… 20 cas<br />

individuels ont été suivis de près : discussion, avertissement pouvant aller<br />

jusqu’au licenciement (3 cas).<br />

- Sensibilisation importante des managers : sensibiliser ensuite les équipes, faire<br />

évoluer les représentations « l’absentéisme n’est pas une fatalité »…<br />

Après 6 mois, le nombre d’heures d’absences injustifiées par mois se situe entre 20h et<br />

40h.<br />

2) Contrôler et analyser les absences pour maladies notamment les arrêts de moins<br />

de 3 jours qui représentent 70%. Les principales actions :<br />

- Identifier et analyser les situations : qui, quand, pourquoi…,<br />

- Ne pas accepter systématiquement trop de semaines de congés consécutives,<br />

- Rappeler au salarié qu’il doit justifier son arrêt dans les 48h après le début de ce<br />

dernier,<br />

- Augmentation des contrôles des personnes en arrêt.<br />

3) Mener une réflexion pour proposer une autre alternative à l’arrêt de travail<br />

après accident de travail. Les principales actions (pas encore totalement menées) :<br />

- Cartographier les postes en fonction des contraintes physiques,<br />

69


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Intégrer une réflexion sur les conséquences sur la production pour qu’ainsi un<br />

poste aménagé ne soit pas plus coûteux (pour le manager et l’équipe) qu’un<br />

poste non aménagé. Exemple : budget spécifique pour les postes occupés par un<br />

accidenté organisation adaptée Ce chantier n’a pas encore été engagé.<br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong><br />

Le travail mené depuis début <strong>2013</strong> par la direction du site d’Argenteuil pour réduire<br />

l’absentéisme est principalement centré sur une augmentation du niveau de contrôle et une<br />

responsabilisation de chaque individu (salariés absents, managers…).<br />

Ce travail présente la limite de ne pas agir sur les causes de l’absentéisme. L’analyse<br />

des causes est indispensable pour pouvoir mener les actions à la source et ainsi être dans la<br />

prévention de l’absentéisme. La direction a conscience de cette limite, c’est pour cette raison<br />

qu’une démarche nationale est initialisée dans ce sens, avec l’appui d’un cabinet extérieur<br />

(ALMA).<br />

L’absentéisme est un bon thermomètre du climat qui règne dans l’entreprise ou un service.<br />

En effet, les dysfonctionnements d’organisation ou les problèmes psychosociaux peuvent<br />

être des causes importantes des arrêts de travail. Des études expliquent ce lien :<br />

- 28 % des salariés déclarent se mettre en arrêt maladie pour excès de stress (INRS,<br />

2007)<br />

- L’absentéisme augmente fortement avec le niveau d’exposition aux contraintes<br />

physiques et psychosociales (DARES, <strong>2013</strong>).<br />

Ainsi, comme pour les risques psychosociaux, pour agir sur l’absentéisme, il faut chercher<br />

du côté des conditions physiques et matérielles, à l’organisation du travail, au sens du travail,<br />

aux relations professionnelles, aux pratiques managériales, à l'autonomie, à la différence<br />

entre travail prescrit et réel, au déséquilibre ressenti entre vie privée / vie professionnelle…<br />

5.1.4. La prévention des risques psychosociaux (RPS).<br />

Comme le prévoit l’accord Dassault Aviation relatif à l’évaluation et la prévention du stress<br />

en entreprise de juin 2006, le dispositif d’évaluation du stress se base sur « un questionnaire<br />

qui cible le ressenti du salarié au travail : environnement de travail, état de santé… et d’une<br />

grille d’évaluation qui permet de mesurer les facteurs de stress suivants différents<br />

domaines »<br />

70


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

5.1.4.1. Le questionnaire<br />

L’évaluation des RPS est faite par le médecin du travail lors de la visite annuelle ou biennale :<br />

1) Un questionnaire est proposé au salarié immédiatement avant la visite médicale.<br />

2) Le questionnaire est ensuite commenté lors de la visite. C’est à l’issue de l’échange<br />

que le médecin effectue une cotation (1-nul / 2-bas/ 3-moyen /4-élévé) et qu’une prise<br />

en charge de la situation du salarié par un tiers (médecin traitant, responsable<br />

hiérarchique, RRH...) peut être envisagée.<br />

Le tableau ci-dessous présente les résultats, sur les 3 dernières années, issus de cette<br />

méthodologie.<br />

20<strong>10</strong> 2011 2012<br />

Nombre de salariés questionnés 931 873 898<br />

Pourcentage de salariés cotés 3<br />

(moyen) ou 4 (élevé)<br />

6% 13% 12,5%<br />

Nombre de salariés orientés vers<br />

un tiers<br />

12 8 <strong>10</strong><br />

5.1.4.2. La grille d’évaluation<br />

La grille d’évaluation a pour objectif d’identifier les facteurs de risques de stress suivant<br />

différents domaines :<br />

- Facteurs liés à la tâche ou au contenu même du travail à effectuer,<br />

- Facteurs liés à l’organisation du travail,<br />

- Facteurs liés aux relations de travail,<br />

- Facteurs liés à l’environnement physique et technique,<br />

- Facteurs liés à l’environnement socio-économique de l’entreprise.<br />

Cette grille est renseignée par le médecin du travail en se basant sur les échanges avec le<br />

salarié et sa connaissance des métiers et de l’organisation.<br />

Nous notons une incohérence dans le nombre de salariés questionnés : 369 sur le compte<br />

rendu détaillé <strong>10</strong> des résultats issus de la grille d’évaluation alors que le rapport de la médecine<br />

du travail mentionne 873 salariés questionnés en 2011. Ce constat nous pose question sur la<br />

pertinence des résultats issus de la grille d’évaluation et rend son analyse plus nuancée.<br />

Dans les résultats de la grille d’évaluation de 2011 (396 salariés interrogés), les 5 familles des<br />

facteurs les plus présents sont les suivantes :<br />

<strong>10</strong> Document fourni par le DRH<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

1) Facteurs liés aux relations de travail : management, soutien social et reconnaissance,<br />

2) Facteurs liés à l’environnement socio-économique de l’entreprise : sécurité de<br />

l’emploi et salaire,<br />

3) Facteurs liés à l’organisation du travail : changement de poste,<br />

4) Facteurs liés à la tâche ou au contenu de travail : exigences quantitatives,<br />

5) Facteurs liés à l’environnement physique et technique : nuisances, ergonomie et<br />

conception du poste ou des lieux de travail.<br />

D’après les résultats de l’enquête RPS de 2011 et les échanges avec les acteurs de la<br />

prévention, le risque psychosocial n’apparait pas comme un risque prépondérant sur<br />

l’établissement de Dassault Aviation d’Argenteuil.<br />

5.1.4.3. Déploiement du plan d’action jusqu’en 2015<br />

La direction propose un plan d’action de prévention autour de 5 axes renvoyant aux 5<br />

principales familles de facteurs. La majorité des actions s’inscrit dans des chantiers déjà<br />

existants ou des projets à venir :<br />

- Développement de l’organisation Lean Manufacturing et mise en place du compagnon<br />

référent et ainsi favoriser l’entraide, le soutien…<br />

- Déploiement de l’accord GPEC<br />

- Plan d’action pénibilité<br />

- …<br />

Les autres actions se placent dans une approche d’accompagnement individuel :<br />

- Procédure de changement de poste : délai minimum de prévenance 2 semaines avant<br />

changement de poste, entretien individuel en sortie de poste…<br />

- Plan d’action individuel à dresser entre la personne et son management avec<br />

coordination RH dans les cas de surcharge de travail.<br />

5.1.4.4. En 2015…<br />

En <strong>2013</strong>, l’évaluation des risques psychosociaux est suspendue au niveau société et ceci afin<br />

de mettre en place les plans d’actions décidés dans les différents établissements.<br />

Le dispositif sera de nouveau déployé début 2015, ce qui permettra d’aboutir à une nouvelle<br />

mesure fin 2015 et un nouveau plan d’action début 2016.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong> sur le dispositif de prévention des RPS.<br />

Le dispositif « questionnaire » permet d’identifier les personnes en situation de troubles<br />

psychosociaux, c’est-à-dire déjà porteuses de symptômes de stress, de mal-être…en lien avec leur<br />

travail. En effet, le système de cotation permet d’aboutir à la nécessité ou non d’une prise en<br />

charge de la situation du salarié par un tiers. Nous constatons d’ailleurs que le nombre de salariés<br />

orientés vers un tiers est égal à la proportion de salariés coté 4 (risque élevé). Il s’agit bien d’un<br />

dispositif de prévention tertiaire (= prise en charge des troubles, action corrective).<br />

Cette prise en charge est nécessaire mais elle ne permet pas de mener une réflexion sur les<br />

sources de stress ou de mal-être du salarié. Quelles actions de prévention pour les salariés côtés<br />

2 (bas) ou 3 (moyen) L’objectif est de ne pas attendre que les salariés soient côtés 4 (élevé) pour<br />

mettre en place des actions. Ainsi, pour limiter en amont l’apparition de troubles psychosociaux,<br />

il est nécessaire de mettre en place un dispositif de prévention primaire des RPS (= prévenir le<br />

risque d’apparition des troubles « à la source »). Dans l’accord Dassault Aviation relatif à<br />

l’évaluation et la prévention du stress en entreprise de juin 2006, c’est le dispositif « grille<br />

d’évaluation » qui doit normalement permettre d’identifier les facteurs de causes comme pouvant<br />

participer à l’émergence de risques psychosociaux et donc de faire la prévention primaire de ces<br />

risques.<br />

Le dispositif « grille d’évaluation » se base sur les principales familles de risques identifiées par<br />

l’INRS, l’ANACT ou les études scientifiques sur le stress professionnel (Karasek, Siegrist...).<br />

Ainsi, les familles de facteurs de risques nous apparaissent pertinentes pour développer une<br />

approche de prévention primaire. La grille est complétée par le médecin du travail en concertation<br />

avec le salarié. Ainsi, un biais existe de fait car le médecin est un intermédiaire et donc<br />

potentiellement un filtre entre le ressenti réel du salarié et l’annotation faite sur la grille<br />

d’évaluation. De plus, avec cette méthode, il faut s’assurer que l’ensemble des médecins ait la<br />

même appréciation de l’objectif poursuivi par cette grille d’évaluation : identification des facteurs<br />

de risques et non pas des troubles (recueilli par le dispositif « questionnaire »). Habituellement, la<br />

majorité des études sur les facteurs de RPS comparable à celle menée par Dassault interroge<br />

directement le ressenti du salarié sur les familles de risques. Autrement dit, c’est le salarié seul qui<br />

complète le questionnaire ou la fiche d’évaluation.<br />

Pour finir, l’arrêt du dispositif d’évaluation des RPS entre fin 2012 et 2015 nous pose<br />

questions : comment rester en alerte sur les RPS est-ce que les projets d’organisation<br />

actuellement déployés ont un impact sur les RPS Comment sont-ils identifiés prévenus <br />

... La pertinence de ces questions est renforcée par l’absence d’analyse amont de l’impact du projet<br />

ARP sur les RPS. De plus, à l’issue de nos investigations, nous identifions que de nouveaux<br />

facteurs de risques psychosociaux peuvent découler de la nouvelle organisation : sentiment de<br />

perdre du savoir-faire, diminution des marges de manœuvre, modifications des relations<br />

professionnelles….<br />

73


Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

5.2. La prévention des risques professionnels dans le projet ARP<br />

principalement axée sur les risques liés aux contraintes physiques<br />

Il s’agit de présenter de quelle façon les différents acteurs de la prévention ont été intégrés<br />

dans le projet ARP ;<br />

- Service HSE :<br />

o Intervient comme support, conseil au fil de l’avancement du projet. Par sa<br />

participation au comité de pilotage élargi, le service HSE pointe au fil de l’eau les<br />

points de vigilance relatifs à son périmètre.<br />

o Les principaux sujets investigués : les postures pénibles, l’éclairage des bâtis, prise en<br />

compte des aspects sécurité dans la révision des bâtis, outillages utilisés par les<br />

compagnons…<br />

o Le principal objectif fixé est d’améliorer l’aspect ergonomique des postes de travail<br />

c’est-à-dire diminuer les contraintes posturales. Ceci passe principalement par la<br />

création des bâtis en intégrant l’approche ergonomique et par des changements ou des<br />

améliorations de l’outillage (perceuses moins lourdes, améliorer les fixations…)<br />

- Médecin du travail :<br />

o Intégration du médecin du travail principalement sur TARGET : aide au choix du<br />

cabinet d’ergonomie, participation aux réunions du groupe projet, participation aux<br />

simulations des nouveaux postes de travail lors de l’élaboration des bâtis.<br />

o Faible participation au projet FARE et CAP12 car à ce moment, le médecin effectuait<br />

le remplacement d’un confrère.<br />

o Il est intervenu en support principalement sur les problématiques de contraintes<br />

physiques. Il n’a pas été sollicité sur les questions d’organisation du travail :<br />

polyvalence, changement dans les relations professionnelles, risque d’isolement…<br />

- Ergonome AFPI<br />

o Son périmètre : dans le cadre de la réindustrialisation, apporter l’approche de<br />

l’ergonomie physique dans la construction des nouveaux bâtis. Ainsi les sujets<br />

d’attention ont été les suivants : l’implantation du poste de travail, les postures, les<br />

manipulations d’outils et l’ambiance physique (lumière, bruit…)<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Remarques et analyses <strong>SECAFI</strong><br />

Les acteurs de la prévention ont été intégrés au fil de l’avancement du projet sur des thèmes<br />

touchant principalement à l’aménagement physique des espaces et aux contraintes<br />

posturales. Ces thèmes ont donc été étudiés avec le regard croisé du médical, de l’ergonomie<br />

et de HSE.<br />

Ainsi le champ de l’ergonomie physique a été relativement investigué par les acteurs de la<br />

prévention. Cependant ces derniers n’ont pas été intégrés aux réflexions renvoyant aux<br />

deux autres champs de l’ergonomie : l’ergonomie cognitive et organisationnelle.<br />

Dans le cadre d’ARP, la prise en compte de l’Homme passe principalement par l’intégration<br />

des aspects physiques ou physiologiques de ce dernier. Lors du déploiement d’un projet<br />

d’organisation tel que ARP, l’ensemble des impacts potentiels sur les conditions de travail<br />

des salariés doit être envisagé. Pour se faire, il est essentiel de considérer les impacts<br />

cognitifs et organisationnels sur les salariés.<br />

- Dans le champ de l’ergonomie cognitive, les thèmes à étudier pourraient être la<br />

charge mentale notamment lié aux interruptions de tâches ou aux nouvelles tâches à<br />

réaliser, la prise de décision, l'erreur et les conséquences associées, le stress<br />

professionnel…<br />

- Dans le champ de l’ergonomie organisationnelle, les thèmes à étudier pourraient<br />

être : le développement de la polyvalence, la parcellisation du travail, la gestion des<br />

compétences, les horaires et rythmes de travail, le travail en équipe, la co-activité…<br />

Par exemple, les questions à se poser peuvent être les suivantes :<br />

- Quels sont les risques associés à tel changement <br />

- Quels impacts a ce changement sur la charge mentale, le risque et la gestion des<br />

erreurs… <br />

- Comment le fonctionnement cognitif du salarié est pris en compte dans ces<br />

changements <br />

- Une fois que les risques sont identifiés, comment les prévient-on ...<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

6. Préconisations<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

6.1. Entreprendre un retour d’expérience approfondi de CAP 12<br />

Comme nous l’avons souligné dans l’analyse du projet CAP 12, le fonctionnement actuel du<br />

secteur est soumis à des difficultés voire dysfonctionnements.<br />

Un retour d’expérience poussé devrait être réalisé avec l’apport direct de toutes les<br />

parties prenantes : compagnons, référents, agents de maîtrise, fonctions supports…sans<br />

oublier les secteurs amont et aval, directement en prise avec CAP 12. Ainsi que les<br />

prestataires méthodologiques (Geolean) ou techniques (Sogéclair).<br />

Il est primordial selon nous que cette remontée d’information soit effectuée avec objectivité et<br />

sans intermédiaire afin de garantir qu’aucun filtre ne sera appliqué (même inconsciemment)<br />

pour garantir une visibilité totale des problèmes rencontrés et permettre leur résolution.<br />

En synthèse, il s’agit de garantir la robustesse des méthodes employées et des décisions<br />

prises. Cela permettrait aussi enfin de mieux cerner les aspects budgétaires en prenant en<br />

compte les éléments non prévus initialement mais finalement nécessaires au vue de la réalité<br />

et de les inscrire comme données d’entrée a-priori pour les projets à venir.<br />

Cette phase aurait aussi comme vertu de (re)mettre en avant le travail réel des salariés en<br />

mettant en exergue :<br />

- la connaissance approfondie des postes de travail,<br />

- la description fine des aléas et de leurs modes de régulation,<br />

- les actions correctives effectuées ou envisagées.<br />

Au-delà des retombées immédiates à attendre de cette meilleure prise en compte du travail<br />

réel, l’implication des salariés au plus près de leurs préoccupations permettrait de limiter un<br />

risque important pour les phases post-projets : la non-adhésion aux chantiers d’amélioration<br />

(Kaizen), ou du moins une adhésion limitée (notamment dans le temps).<br />

En effet, si les salariés ne voient pas l’utilité de leur participation ou considèrent qu’elle<br />

n’est qu’une façade (expression limitée, attentes non prises en compte, opacité des<br />

décisions prises, absence de budget dédié aux améliorations …), il est certain qu’ils y<br />

verront non pas un investissement pour leur propre quotidien, mais une perte de temps<br />

et une contrainte. D’autant que le temps consacré aux chantiers s’accompagnera<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

nécessairement d’ajustements des charges de travail individuelles pour l’ensemble des salariés<br />

(participant ou non aux chantiers) durant la durée de ceux-ci.<br />

6.2. Envisager un recadrage des calendriers de FARE et TARGET pour<br />

intégrer le retour d’expérience CAP 12<br />

En lien direct avec le point précédent, il nous semble pertinent que l’établissement se ménage<br />

la possibilité de décaler les calendriers des projets aux vues des enseignements tirés du retour<br />

d’expérience réalisé sur le projet CAP 12.<br />

Cette latitude aurait plusieurs avantages :<br />

- Permettre de continuer à bâtir les projets en cours (et à venir) sur des bases solides et<br />

reconnues,<br />

- Montrer clairement à l’ensemble du personnel l’importance stratégique de la démarche<br />

dans sa globalité par l’importance que l’on y accorde en termes de temps et de<br />

moyens,<br />

- Limiter les freins au changement en affichant la volonté que « les choses se passent<br />

dans les meilleures conditions possibles »,<br />

- Favoriser une implication plus sereine des effectifs dans les projets à venir,<br />

- Garantir que l’atteinte des objectifs poursuivis sera bien réelle et conforme au planning<br />

initial (limiter les phases de montée en cadence).<br />

6.3. Accélérer le travail sur la disponibilité des pièces<br />

Il serait illusoire de remettre aujourd’hui en question les choix qui ont abouti à démarrer la<br />

démarche ARP « par la fin des process » car il est évident qu’un retour en arrière est pour<br />

ainsi dire irréaliste et apporterait très probablement plus de contraintes qu’il n’en résoudrait.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

En revanche, parallèlement au report de calendrier évoqué au chapitre précédent, il nous<br />

semblerait pertinent qu’un effort plus soutenu sur les pièces (manques, mauvaises définitions<br />

…) soit consenti plutôt que d’attendre que les effets des projets « clients » n’apportent leurs<br />

fruits par ricochets sur cette problématique car c’est la porte d’entrée de tous les process<br />

internes.<br />

Chaque avancée aurait des répercussions immédiates et tangibles pour l’ensemble des secteurs<br />

et faciliterait par là-même le démarrage des projets futurs.<br />

Il nous parait opportun de mener à terme ce travail avant d’engager d’autres démarches ou de<br />

réenclencher celles (éventuellement) suspendues (cf. § 6.2).<br />

6.4. Faciliter la transition entre l’organisation actuelle du travail et le<br />

fonctionnement Lean<br />

Neutraliser toute notion d’objectif individuel ou collectif durant les phases de<br />

démarrage et de rodage des secteurs.<br />

Renforcer les effectifs dédiés à ces secteurs jusqu'à ce qu’ils soient suffisamment<br />

matures. Ceci est pour nous d’autant plus important entre les périmètres FARE et CAP 12 car<br />

l’écart risque, de manière temporaire tout du moins, de se creuser d’avantage entre un secteur<br />

récemment modifié et un autre moins fragile.<br />

Ce point sera d’ailleurs selon nous à garder à l’esprit tout au long du déploiement de la<br />

démarche ARP, chaque nouveau secteur passant en fonctionnement Lean produisant des<br />

impacts sur ses « voisins ».<br />

6.5. Donner une meilleure vision globale des projets aux compagnons<br />

Donner du sens et une utilité organisationnelle et humaine aux changements qui<br />

découlent de la démarche ARP.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Définir les objectifs poursuivis par la démarche Lean : lui donner du sens et une utilité<br />

pour les différentes fonctions de l’entreprise.<br />

Réduire et/ou accompagner l’incertitude sur l’avenir<br />

- Apporter aux salariés de la visibilité sur les choix stratégiques faits par la direction de<br />

Dassault Aviation Argenteuil et ceci en différenciant les projets et enjeux à court,<br />

moyen et long terme. Par la transparence, il s’agit d’apporter des réponses aux<br />

craintes des salariés concernant les évolutions des activités (externalisation…) et les<br />

changements d’horaire potentiels.<br />

Il s’agit ainsi d’apporter des réponses concrètes aux risques identifiés par les salariés<br />

(externalisation des activités, avenir des horaires variables…) et les mesures<br />

d’accompagnement nécessaires.<br />

Informer régulièrement les compagnons sur les décisions prises, notamment celles<br />

concernant les remontées de terrain :<br />

- quelles sont celles qui sont retenues <br />

- quelles sont celles qui sont écartées pourquoi <br />

- quels sont les délais de mise en œuvre <br />

-<br />

Donner une vision globale du projet :<br />

- quelles sont les différentes phases, le temps imparti pour chacune <br />

- Quelle fonction sera sollicitée à quelle phase <br />

Dans ce cadre, nous préconisons que les affichages relatifs aux projets soient directement<br />

accessibles dans les ateliers, à la vue de tous. Cette lisibilité apporterait une transparence,<br />

une équité face à la disponibilité de l’information et permettrait ainsi de limiter, autant que<br />

faire se peut, les interprétations quant aux projets (déroulements, décisions prises,<br />

interlocuteurs…).<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

6.6. Renforcer l’approche ergonomique sur les postes<br />

L’intégration d’un ergonome dans les projets, en appui avec le service HSE et le médecin du<br />

travail a certes permis de pointer des contraintes physiques sur les postes de travail, mais<br />

l’approche demeure à notre sens encore limitée.<br />

L’analyse de contraintes portant sur les membres supérieurs en particulier, devrait être<br />

mise en avant compte tenu des effectifs soumis à des sollicitations pouvant générer des<br />

atteintes de type TMS. Car bien que la fréquence de sollicitation puisse globalement (au<br />

regard du temps de cycle) être considérée comme faible, certaines phases de travail sont<br />

particulièrement pénalisantes en instantanée (cas du rivetage de lisses/cadres pouvant compter<br />

une centaine de rivets) : vibrations, maintien des outils très contraignants (cas des grands C),<br />

accessibilité difficile occasionnant des angulations extrêmes au niveau du<br />

poignet/coude/épaule).<br />

En lien avec l’accessibilité, la question de l’éclairage gagnerait à être analysée plus<br />

précisément car la bonne visibilité des zones de travail conditionne en partie les postures et la<br />

gestuelle à adopter pour réaliser le travail dans les meilleures conditions possibles (sans<br />

compter qu’elle permet d’assurer un autocontrôle de la qualité des opérations réalisées).<br />

Au-delà de la recherche d’amélioration sur les aspects gestuelle/postures ou l’éclairage, il<br />

conviendrait de soutenir les recherches et essais d’outils moins sollicitants, que ce soit pour<br />

leur manipulation proprement dite, mais aussi par rapport à leurs caractéristiques techniques<br />

(absorption des vibrations pour les riveteuses tout particulièrement).<br />

Les nuisances sonores ne sont pas à sous-estimer non plus. Là encore, bien que le niveau<br />

général de bruit dans les ateliers ne soit pas élevé (discussion normale possible la plupart du<br />

temps), c’est le caractère ponctuel et imprévisible des nuisances sonores qui pose le plus<br />

problème selon nous. Il représente en effet une élévation subite (en crête), qui peut surprendre<br />

les compagnons travaillant aux alentours immédiats occupés à des tâches requérant<br />

concentration et minutie.<br />

La mise en place de séparations phoniques entre postes (du type des panneaux isolants<br />

existants au secteur T1 Falcon) permettrait de réduire ces nuisances.<br />

L’activité aux postes nécessitant de longues phases de station debout avec peu de<br />

déplacements, l’ajout de tapis antifatigue, partout où cela est possible, permettrait de<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

minimiser les contraintes de piétinement et soulagerait les articulations des membres<br />

inférieurs. Dans le même esprit, même si cela demeure anecdotique, il serait bon d’envisager<br />

l’essai de chaussures de sécurité plus flexibles, l’alternance au même poste de positions de<br />

travail très variées obligeant parfois à recourir à des positions accroupies ou des déplacements<br />

délicats (cas du travail dans les tronçons Falcon).<br />

Pour le travail « dans les pièces », dans le secteur Rafale en particulier, la conception de<br />

protections moussées amovibles adaptées à la configuration de l’environnement<br />

apporterait un confort de travail sensible (pouvoir s’assoir sans crainte de se blesser ou de<br />

supporter une position inconfortable contrainte) de même qu’une garantie supplémentaire<br />

pour l’intégrité des pièces (diminution du risque de détérioration d’éléments montés).<br />

Ce type de protection pourrait également être appliqué pour le travail « extérieur » (cas de<br />

panneaux de revêtements), dans le cas de pièces fortement concaves ou présentant des<br />

éléments saillants potentiellement dangereux (heurts à la tête en particulier).<br />

Former les salariés aux basiques de l’ergonomie (compagnons, encadrement, mais aussi les<br />

méthodes !) afin que chacun prenne pleinement conscience des répercussions sur la santé de<br />

chaque proposition ou décision en termes d’aménagement de poste.<br />

Ce point devrait selon nous être inscrit comme un prérequis dans les projets à venir, mais<br />

aussi lors des futures actions d’amélioration continue. Le service HSE, l’ergonome ou le<br />

médecin du travail sont à notre sens des interlocuteurs de choix pour cela, au-delà de leurs<br />

propres apports techniques.<br />

Cette mesure permettrait d’aller plus dans le détail des contraintes analysées, favoriserait<br />

l’identification des phases de travail les plus pénalisantes et représenterait un moyen de<br />

prioriser les actions d’amélioration (notamment en lien avec les maladies professionnelles<br />

existantes ou latentes). C’est un axe de prévention.<br />

6.7. Poser clairement la question de la disponibilité des<br />

outils/outillages<br />

Nous l’avons relevé à plusieurs reprises, cette question est centrale dans l’esprit collectif et il<br />

apparaît que les positions sont encore tranchées et surtout diamétralement opposées :<br />

- Pas assez d’outils pour travailler correctement<br />

- Les outils sont là mais leur gestion est incontrôlée(able).<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Nous pensons que la mise en place d’armoires RFID ne résoudra pas tous les problèmes (en<br />

tout cas pas sur le long terme) et qu’une étude approfondie doit être conduite pour cerner tous<br />

les tenants et aboutissants de cette problématique et séparer le vrai du faux.<br />

Nous pensons qu’il sera nécessaire de descendre au niveau individuel pour obtenir des<br />

réponses circonstanciées.<br />

Ce point nous parait d’autant plus important que les perspectives de flexibilité, de travail en<br />

équipes alternantes, de postes de travail « mobiles », vont reposer la question du matériel à<br />

disposition :<br />

- les compagnons vont-ils devoir (pouvoir ) transporter leurs outillages <br />

- leur stockage est-il prévu dans cette optique <br />

- certaines situations ne vont-elles pas conduire à des partages de moyens (ou à une<br />

mutualisation) prévus ou non <br />

6.8. Mener une réflexion et clarifier les (nouveaux) rôles et<br />

responsabilités de chacun<br />

- Agent de Maîtrise :<br />

o qu’est-ce qu’on va attendre de lui demain <br />

o Quelles tâches réalisera-t-il en plus <br />

o Quelles tâches réalisera-t-il en moins <br />

o Quel est son rôle par rapport au compagnon référent <br />

Nous imaginons que la place accordé à l’amélioration continue, au reporting,<br />

sera plus importante demain.<br />

- Compagnon réfèrent :<br />

o Sur quels critères sont-ils choisis <br />

o Quel est son rôle par rapport à l’Agent de Maîtrise <br />

o En quoi est-il différent et/ou complémentaire <br />

o Avec quels moyens <br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

o Sont-ils suffisants par rapport aux demandes qui peuvent émaner de la<br />

production <br />

o De quelle façon le compagnon référent est reconnu dans son statut et ses<br />

compétences …<br />

- Compagnon :<br />

o qu’est-ce qu’on va attendre de lui demain <br />

o Quelles tâches réalisera-t-il en plus <br />

o Quelles tâches réalisera-t-il en moins <br />

De la même façon que les chefs d’équipes, des nouvelles tâches risquent de<br />

découler de la mise en œuvre du Lean : davantage d’autocontrôle, plus de<br />

traçabilité à faire, participation à la démarche d’amélioration continue, plus de<br />

polyvalence…<br />

- Fonctions support ou transverses :<br />

o Qui seront les interlocuteurs des équipes de production <br />

o Qu’est-ce qu’on va attendre d’eux demain <br />

o Quelles tâches réaliseront-elles en plus <br />

o Quelles tâches réaliseront-elles en moins <br />

Ces évolutions doivent être formalisées et partagées avant qu’elles ne soient « découvertes »<br />

en situation. Ceci afin d’éviter de laisser émerger le sentiment « qu’on nous a caché des<br />

choses », sentiment toujours mal vécu et propre à susciter d’une part des positions de retrait<br />

face à l’existant, et d’autre part une appréhension (légitime) quant à des évolutions futures.<br />

6.9. Interroger l’impact de la démarche Lean sur les relations<br />

professionnelles.<br />

Il peut s’agir de se poser les questions suivantes :<br />

- Quelle place à l’entraide actuellement <br />

- Quelle place nous voulons lui donner demain <br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

- Comment les choix d’organisation du travail ou les outils mis en place impactent<br />

l’entraide ou les relations professionnelles <br />

- Comment fait-on pour maintenir un collectif de travail efficace et serein <br />

NB : La question de l’outillage, souvent évoquée comme source de tension, pourrait être une<br />

amorce intéressante dans cette réflexion plus générale.<br />

6.<strong>10</strong>. Prévenir le risque de surcharge de travail<br />

Actuellement certaines personnes sont en surcharge à cause du déploiement du projet ou<br />

ressentent une mauvaise adéquation charge / capacité. Et demain <br />

Demain, pour les compagnons un rythme de travail plus intense (au moins dans le ressenti) ; il<br />

conviendra de veiller à ne pas créer de surcharge,<br />

- comment le changement de rythme est accompagné ...<br />

- Par rapport au plan de charge prévisionnel, l’effectif est-il suffisant <br />

- Qu’est-il prévu dans le cas où de nouveaux contrats sont gagnés <br />

- Plus de flexibilité par la polyvalence, est-ce que ce sera le seul levier Si oui, quels<br />

risques pour l’organisation et les salariés (gestion des compétences, des<br />

départs/recrutements…) <br />

Nous renvoyons ici à la nécessité qu’une information précise sur le plan de charge soit donnée<br />

au Comité d’Etablissement, lequel pourra, le cas échéant, donné mandat au <strong>CHSCT</strong> pour les<br />

aspects conditions de travail qui en découleraient (en particulier sur des problématiques<br />

d’adéquation charge/effectif).<br />

6.11. Rester en veille sur les phases de redémarrage et d’installation<br />

provisoire<br />

Nous préconisons une vigilance particulière lors du démarrage effectif des secteurs avec leurs<br />

nouvelles organisations de travail afin de pallier aux décalages de vitesse de travail entre<br />

secteurs fonctionnant en client/fournisseur.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Dans cette optique, il serait judicieux de procéder à des présentations régulières de<br />

l’avancement de la stratégie de redémarrage aux salariés et aux représentants du personnel.<br />

Autres points de vigilance : l’analyse des risques physiques potentiellement générés par les<br />

travaux ou par la surcharge de travail temporaire.<br />

6.12. Compléter l’analyse des risques professionnels<br />

Pour réaliser cette analyse des risques il est important de considérer conjointement la<br />

dimension physique, cognitive et organisationnelle des postes de travail.<br />

Cette démarche permettra de prendre en compte des nouveaux risques professionnels pouvant,<br />

par exemple, découler de la polyvalence, de la co-activité, des tâches répétitives…<br />

Réaliser un bilan sur l’ergonomie physique obtenu à l’issu des projets.<br />

- Par bâti : réaliser un bilan des « points + », des « points - » et des « inchangés ». Ce<br />

travail pourra être fait une fois les FI finalisées (le découpage et l’enchainement des<br />

opérations doivent être visibles).<br />

- L’objectif est également de rendre ce travail visible auprès des compagnons, cela<br />

pourra aider à valoriser le travail effectué.<br />

Solidifier et maintenir la démarche de prévention des risques psychosociaux (RPS)<br />

- Renforcer la démarche « questionnaire » : passer de la prévention tertiaire à la<br />

prévention primaire. A minima pour les salariés cotés 3 (moyen) et 4 (élevé), réaliser<br />

une analyse sur les sources de stress ou de mal-être en se posant, par exemple, les<br />

questions suivantes :<br />

o pourquoi la personne en-est-elle arrivée là <br />

o D’autres collègues présentent-ils les mêmes difficultés même en moins<br />

exacerbées <br />

o Quels liens pouvons-nous faire entre les difficultés de la personne et ses<br />

conditions de travail ...<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Ce travail peut permettre :<br />

o d’aller au-delà de la prise en charge individuelle des cas « lourds » en utilisant<br />

la situation particulière comme pouvant être symptomatique d’une<br />

problématique collective,<br />

o de proposer des actions de prévention aux salariés qui se trouve cotés 2 ou 3.<br />

Ne pas attendre que les salariés soient côtés 4 pour mettre en place des actions<br />

correctrices.<br />

Renforcer le dispositif d’alerte et de veille des RPS notamment pour voir l’impact<br />

potentiel du projet ARP sur ces risques :<br />

- Ne pas arrêter la mesure RPS entre <strong>2013</strong> et 2015<br />

- Et envisager une autre façon de rester en alerte sur les RPS.<br />

Par exemple :<br />

o Mise en place d’une veille avec indicateurs spécifiques aux secteurs concernés<br />

par ARP : absences courtes et répétées, nombre d’heures supplémentaires,<br />

fréquence des AT… Le choix d’indicateurs significatifs et leur veille doit se<br />

faire en lien avec les acteurs de la prévention identifiés dans l’entreprise.<br />

o Interroger les salariés sur la perception de leur travail après les projets et ainsi<br />

aborder les évolutions concernant les dimensions psychologiques du travail :<br />

évolution de la perception sur le sens du travail,<br />

sentiment de faire un travail de qualité,<br />

impact sur l’entraide et l’ambiance,<br />

effets sur la motivation,<br />

évolution des éléments de reconnaissances,<br />

perception de la charge de travail et des ressources mises à<br />

disposition…<br />

A garder à l’esprit<br />

Bien que la démarche actuellement engagée par l’entreprise soit loin de celles qui<br />

peuvent être déployées dans certaines industries, nous tenons néanmoins à rendre le<br />

<strong>CHSCT</strong> vigilant quant au déroulement de toute démarche Lean, qui, mal conduite, peut<br />

être génératrice de situations de souffrance au travail. Nous vous renvoyons pour cela<br />

aux Annexes (extraits d’études mettant en lien les types d’organisation du travail et<br />

leurs conséquences sur la santé).<br />

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7. Annexes<br />

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7.1. Le « Lean Manufacturing »<br />

Le terme de « Lean » a été utilisé pour la première fois en 1987 par des chercheurs<br />

Américains de MIT (Massachusetts Institute of Technology), notamment James Womack et<br />

Daniel Jones, pour qualifier les méthodologies de gestion d’entreprise développées au Japon,<br />

dont la réalisation la plus connue est le TOYOTA Production System.<br />

Le choix du mot « Lean » - ou « amaigrissement » en français -, illustre l’idée d’une<br />

guerre contre les gaspillages.<br />

En effet, on peut définir de manière très simple la démarche Lean comme l'élimination sous<br />

toutes ses formes du gaspillage (ou muda en japonais)<br />

Gaspillage dû à la surproduction, au temps d'attente, au transport dans son sens le plus<br />

général (mouvements des biens, des informations, des hommes), aux traitements inutiles,<br />

au stock inutile, aux déplacements, à la non-qualité mais aussi à la sur-qualité, …<br />

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Ce qui caractérise le Lean par rapport aux efforts « normaux » d’amélioration :<br />

Une démarche structurée et coordonnée au niveau de services ou de l’ensemble de<br />

l’entreprise, souvent soutenue par des cabinets conseil spécialisés<br />

L’utilisation d’outils et de méthodes spécifiques : tableaux d’indicateurs, rangement des<br />

ateliers et des bureaux, chantiers de résolution de problèmes, management visuel,…<br />

Une formation des lignes hiérarchiques et des salariés à la méthodologie retenue par<br />

l’entreprise pour son Lean,<br />

Après analyse des foyers de gains, une démarche de standardisation du travail quasi<br />

obligatoire : débriefings, remplissage des tableaux d’indicateurs, objectifs personnels,<br />

rangement, façons de travailler,…<br />

Le Lean dispose d’un succès d’estime auprès des entreprises, à travers l’image de gain<br />

important qu’il véhicule.<br />

Des gains spectaculaires sont annoncés sur :<br />

- les indicateurs de performance : taux de service interne et externe (délais de traitement<br />

des tâches,…),<br />

- sur la qualité (erreurs, non-conformes, avoirs, processus dégradés,…),<br />

- sur l’efficacité des circuits administratifs et de traitement des informations,<br />

- sur l’amélioration du fonctionnement des organisations :<br />

- capacité de production globale (interne et fournisseurs),<br />

- respect des processus internes ou des temps de cycles.<br />

De nombreux projets n’ont que peu à voir avec la philosophie originelle du Lean et soulignent<br />

enfin une faiblesse chronique du système de formation et d’intégration des futurs<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

dirigeants et cadres d’entreprise, mal « outillés » pour appréhender la dimension<br />

humaine dans le management et les effets de leurs décisions sur les hommes.<br />

Ce détournement de la méthodologie Lean pose la question de fond d’une évolution du mode<br />

de management des entreprises vers une recherche de résultat financier uniquement<br />

court-termiste. Et celui de la responsabilité sociale – ou sociétale - des entreprises dans<br />

l’accompagnement au changement.<br />

Un projet Lean peut altérer les conditions de travail, de vie et la santé des salariés<br />

concernés, à travers :<br />

- la remise en cause des savoir-faire : les critères d’efficience ne sont plus les mêmes, le<br />

regard des autres peut changer, les représentations sont bousculées pour les plus<br />

anciens en particulier, les valeurs de travail sont déplacées (qualité,…)<br />

- l’importance du changement : participation plus ou moins imposée, relais de proximité<br />

modifiés, rythme trop important, manque de communication et d’information<br />

- la perturbation du mode de management : rôle de la hiérarchie, pression sur les<br />

objectifs, éloignement des managers de proximité connaisseurs du terrain, mise en<br />

place de superviseurs insuffisamment formés<br />

- le développement d’une polyvalence contrainte et insuffisamment préparée et<br />

accompagnée : formation, explication des enjeux, reconnaissance<br />

- l’exigence excessive de rationalisation qui peut contraindre les capacités d’initiatives,<br />

imposer de nouveaux standards de travail, accroître les cadences et réduire les espaces<br />

de respiration, casser les modes de régulation existants<br />

- le déplacement des régulations organisationnelles et collectives existantes, des marges<br />

de manœuvre<br />

- une modification du système d’évaluation.<br />

Un changement trop radical des équilibres existants fera émerger de nouvelles<br />

contraintes, qui à défaut d’un accompagnement efficace et progressif, ne pourront être<br />

régulées.<br />

Et créer une situation de dégradation potentielle des conditions de travail physiques<br />

(pénibilité et troubles musculosquelettiques), et de risques psychosociaux importants.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Certaines caractéristiques intrinsèques au Lean semblent mettre les salariés en situation<br />

de difficulté.<br />

Notre expérience nous amène à penser que la conjonction des différentes contraintes<br />

apportées simultanément par le Lean :<br />

o standardisation excessive du travail<br />

o autonomie procédurale réduite<br />

o intensification du travail<br />

o ambiguïté entre les objectifs annoncés et la réalité perçue par les salariés (notamment<br />

sur l’autonomie vantée dans le cadre du Lean)<br />

conduit à des situations particulièrement difficiles à gérer, à l’origine de risques très<br />

importants pour les conditions de travail et la santé.<br />

Il nous parait que ce ne sont pas tant les outils du Lean pris séparément qui doivent être<br />

remis en cause, qu’un projet, qui, réduit à une somme de « solutions », en a oublié la<br />

place des hommes qui font le travail.<br />

Conséquences sur la santé des salariés : les organisations Lean sont les plus néfastes<br />

Dans les enquêtes européennes, les salariés font donc ressortir que le Lean aggrave, beaucoup<br />

plus que les organisations apprenantes et de structure simple, et un peu plus que les<br />

organisations tayloriennes, les risques de dégradation des conditions de travail et d’atteintes à<br />

la santé.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Les analyses détaillées des données de l’enquête européenne 11<br />

évidence le lien entre organisations Lean et risques psychosociaux.<br />

mettent clairement en<br />

11 Source : Antoine Valeyre. « Conditions de travail et santé au travail des salariés de l’Union Européenne : des<br />

données contrastées selon les formes d’organisation. » Novembre 2006<br />

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7.2. Quelques repères sur les Risques Psychosociaux<br />

Le stress : une première approche psycho-sociale<br />

Le stress est la première entrée qui permet d’ancrer la question de la santé psychique ou<br />

mentale. Bien que la notion soit fréquemment mobilisée, son utilisation peut avoir un<br />

caractère « scientifique », social ou « courant ».<br />

Le stress, une réponse<br />

Pour Selye (1956), le stress est la réponse de l'organisme aux exigences de l'environnement.<br />

Le stress correspond à des manifestations organiques non spécifiques en réponse à une<br />

agression physique.<br />

Selye (1956) a élaboré un modèle théorique, le "Syndrome Général d'Adaptation" (SGA), qui<br />

précise qu'à la suite d'un stress, l'organisme a pour objectif de rétablir l'homéostasie.<br />

Le "Syndrome Général d'Adaptation" se décompose en trois stades.<br />

1. Le premier stade est la réaction d'alarme qui survient après le stress. C'est une phase<br />

de mobilisation des ressources hormonales.<br />

2. La seconde phase est la phase de résistance qui correspond à une période de<br />

compensation avec une recharge des moyens de défense.<br />

3. La troisième phase est la phase d'épuisement lorsque les ressources biologiques et<br />

psychologiques ne sont pas suffisantes.<br />

Si l'agression persiste en durée et en intensité, l'organisme perd ses ressources adaptatives et<br />

les conséquences sont négatives.<br />

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Le stress devient un trouble qui agit sur la sur-sollicitation de l’organisme et entraîne un<br />

phénomène d’épuisement avec tous ses corollaires possibles. Les effets sur la santé peuvent<br />

être de différentes natures :<br />

• physiologiques : problèmes cardiovasculaires, tension, troubles du sommeil, troubles<br />

intestinaux ou de la digestion, troubles musculo-squelettiques…<br />

• psychologiques : fatigue, épuisement, nervosité ou agressivité, sensibilité accrue,<br />

dépression, difficultés de concentration, perte de mémoire…<br />

• comportementaux : addictions (alcool, tabac, café, drogues, anxiolytiques…),<br />

troubles alimentaires, baisse de l’ambition…<br />

Le Stress au travail<br />

Le stress lié au travail est un phénomène qui, non seulement prend de l’ampleur, mais aussi<br />

touche tous les secteurs et toutes les catégories professionnelles. Les effets qu’il engendre sur<br />

la santé et les capacités au travail des individus (des ouvriers aux cadres) et donc par là même<br />

sur la performance des entreprises, ont conduit à le considérer comme un « nouveau » mal<br />

touchant l’organisation des entreprises. Pourtant, le stress demeure encore pour beaucoup un<br />

sujet tabou, non avouable. Il est donc important de démystifier ce « mal » et de sensibiliser les<br />

individus sur les dangers qu’il peut représenter s’il n’est pas pris au sérieux.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Des tensions au travail sont ressenties par un salarié lorsqu’il perçoit un déséquilibre entre les<br />

contraintes imposées par son environnement professionnel et les ressources dont il dispose<br />

pour y faire face.<br />

Deux principaux modèles de référence :<br />

Le modèle de Karasek : demande / latitude<br />

Ce modèle est très utilisé dans les études épidémiologiques sur le stress au travail. Il propose<br />

une explication qui croise deux types de facteurs de stress :<br />

- La demande psychologique, liée aux contraintes associées à la tâche (quantité,<br />

complexité, contraintes de temps, etc…),<br />

- La latitude décisionnelle, qui recouvre :<br />

o Le contrôle que l’on a sur le travail : plus ou moins grande autonomie pour<br />

organiser les tâches, participer aux décisions…<br />

o L’utilisation de ses compétences : possibilité d’utiliser ses qualifications, capacité<br />

à développer de nouvelles compétences)<br />

Situation la plus défavorable : Combinaison à la fois d’une demande psychologique élevée<br />

et d’une faible latitude décisionnelle<br />

Une troisième dimension existe dans le modèle : le soutien social au travail (soutien socioémotionnel<br />

et technique) de la part de ses collègues et/ou supérieurs hiérarchiques, qui vient<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

moduler le déséquilibre, par le soutien ou le fait de « pouvoir compter » sur son entourage<br />

professionnel.<br />

Le modèle de Siegrist : déséquilibre efforts / reconnaissance<br />

Ce modèle explique l’état de tension comme le résultat d’un déséquilibre entre les efforts<br />

qu’un salarié consent à fournir dans son travail et les « récompenses » qu’il en reçoit en<br />

retour.<br />

Ce modèle prend en compte deux types d’efforts :<br />

- Efforts extrinsèques, qui correspondent aux exigences psychologiques développées<br />

dans le modèle de Karasek (contraintes de temps, interruptions, responsabilités, heures<br />

supplémentaires, charge physique, augmentation de la demande…)<br />

- Efforts intrinsèques, représentant des facettes de la personnalité (besoin d’approbation,<br />

compétitivité et hostilité latente, impatience et irritabilité disproportionnées, incapacité à<br />

s’éloigner du travail…)<br />

Les récompenses peuvent être de trois sortes :<br />

- Gains monétaires (salaires, primes…)<br />

- Estime reçue de la part des collègues et des supérieurs,<br />

- Degré de contrôle sur son statut professionnel (perspectives de promotion, sécurité de<br />

l’emploi…)<br />

REACTIONS PHYSIOLOGIQUES ET EMOTIONNELLES<br />

PATHOLOGIQUES LIEES AU DESEQUILIBRE EFFORT/RECOMPENSE<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Le modèle de l’activité (ergonomie)<br />

L'approche des ergonomes ne conduit pas directement à un de stress : Il s'agit d'une approche<br />

plus globale du rapport de l’homme au travail qui éclaire significativement la problématique<br />

de la santé au travail et du stress en particulier.<br />

L’ergonomie se construit en convoquant, autour du travail, des connaissances issues de la<br />

physiologie, de la psychologie, de la sociologie, des sciences cognitives, etc., en ce sens,<br />

l'ergonomie porte tous les concepts de l’homme au travail<br />

Ceci conduit à une vision active de l’homme au travail qui déploie ses compétences dans<br />

l'activité et la régulation de l'écart prescrit-réel, sous réserve que les conditions du travail<br />

permettent des marges de manœuvre pour cette activité individuelle.<br />

Le modèle des tensions et des régulations de l’ANACT<br />

Le modèle des tensions/régulations proposé par l’ANACT a comme avantage de pouvoir<br />

rassembler plusieurs approches théoriques et d’être « situationnel ». L’approche est<br />

systémique et lie l’individuel et le collectif.<br />

Il s’agit de :<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

• comprendre les déséquilibres individuels et collectifs dans la réalité des contextes de<br />

travail.<br />

• mettre en lien les difficultés exprimées ou observées avec les caractéristiques de<br />

l’environnement de travail et les caractéristiques professionnelles des salariés.<br />

La particularité des risques psychosociaux, c’est qu’ils ne sont pas liés à des dangers<br />

repérables, identifiables et sur lesquels on peut objectiver en partie la question de l’exposition<br />

à ces dangers, donc le risque qui en découle.<br />

Les facteurs professionnels peuvent être appréhendés à partir des différents systèmes qui<br />

composent l’entreprise : prescription du travail, organisation, ressources humaines,<br />

management, mode de relation de travail, moyens et environnement de travail.<br />

L’objectif est de trouver ce qui fait problème réellement dans l’environnement de travail et de<br />

la façon dont il est perçu par les salariés. L’approche collective de ces questions doit<br />

permettre d’identifier et de comprendre ce qui fait cause commune dans ces phénomènes afin<br />

de pouvoir agir au niveau des différents systèmes de l’entreprise. Les différents facteurs sont<br />

toujours combinés, d’une part parce qu’ils s’additionnent, et d’autre part parce qu’ils peuvent<br />

être interdépendants.<br />

C’est à partir d’entretiens, d’observations des situations et d’une immersion dans les<br />

interactions entre les salariés et leur environnement, que les facteurs de risques peuvent alors<br />

se révéler.<br />

Il apparaît que les déséquilibres, facteurs de RPS se trouvent aux trois niveaux :<br />

Il s’agit toujours d’une conjonction de difficultés que l’on retrouve à ces trois niveaux. Les<br />

difficultés vont agir en cercle vicieux, et certaines fois entrer dans une spirale de dégradations<br />

lorsque que rien n’est traité à temps. Il est difficile de déceler ce qui est de l’ordre de la cause<br />

et de la conséquence.<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Dans tous les systèmes organisés on retrouve :<br />

Des tensions<br />

Mais aussi de possibles régulations<br />

Le modèle intégré des tensions/régulations est à la fois un outil d’analyse et d’intervention, il<br />

permet d’aborder concrètement les causes plurifactorielles de RPS.<br />

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8. Ressources documentaires<br />

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Expertise <strong>CHSCT</strong> / Dassault Aviation Argenteuil – Projets FARE et TARGET / <strong>Version</strong> dé<strong>finitive</strong> <strong>04</strong> Octobre <strong>2013</strong><br />

Nous vous proposons ci-dessous quelques références documentaires auxquelles le <strong>CHSCT</strong><br />

peut recourir. Elles ne sont bien évidemment pas exhaustives, mais permettront d’appréhender<br />

certaines problématiques avec des bases reconnues.<br />

LEAN MANUFACTURING<br />

Salariés, le Lean tisse sa toile et vous entoure….<br />

Philippe ROUZAUD. Edition l’Harmattan. 2011.<br />

ERGONOMIE GLOBALE DES POSTES DE TRAVAIL<br />

Conception des systèmes de travail : logiciel permettant de rapidement simuler l'adaptation<br />

d'un poste de travail futur au besoin physiologique de l'opérateur, et de simuler les<br />

réaménagements possibles.<br />

http://www.anact.fr/web/dossiers/mutations-changements-organisationnels/conceptionsystemes-travailp_thingIdToShow=8071472<br />

PROBLEMATIQUE RPS<br />

Sensibilisation des acteurs de l’entreprise à la prévention des RPS : module de E-<br />

learning)<br />

http://www.cestp.aract.fr/fileadmin/Fichier/Module_e_learning/Module_RPS_2/SCO_0001/d<br />

efault.htm<br />

Comment prendre en compte les RPS dans le document unique : document à télécharger<br />

http://www.anact.fr/web/actualite/essentielp_thingIdToShow=23389598<br />

GENERALITES POUR L’APPROCHE DES CONDITIONS DE TRAVAIL<br />

Guide <strong>CHSCT</strong> : repères pour agir sur les conditions de travail : document à télécharger<br />

http://www.anact.fr/portal/page/portal/web/publications/NOTINMENU_affichage_document<br />

p_thingIdToShow=29513597<br />

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