Les groupes de sociétés en 1974 : une méthode d'analyse - Epsilon

Y Citoleux
Monsieur David Encaoua
B Franck
M Héon
Les groupes de sociétés en 1974 : une méthode d'analyse
In: Economie et statistique, N°87, Mars 1977. pp. 53-63.
Citer ce document / Cite this document :
Citoleux Y, Encaoua David, Franck B, Héon M. Les groupes de sociétés en 1974 : une méthode d'analyse. In: Economie et
statistique, N°87, Mars 1977. pp. 53-63.
doi : 10.3406/estat.1977.3182
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1977_num_87_1_3182

Résumé
Cet article présente une méthode de constitution de groupes d'entreprises liées. La notion de contrôle
majoritaire permet de définir une société mère d'un groupe. En partant alors de la liste des 500
premières entreprises en France, classées par fonds propres en 1974, on obtient 326 sociétés mères
de groupes. Les notions de parts d'intérêts et taux de contrôle permettent alors d'aboutir au contour
d'un groupe. Des caractéristiques de la structure interne d'un groupe — en particulier son taux
d'emprise — sont introduites dans une seconde partie. Le taux d'emprise mesure le pourcentage de
sociétés du contour d'un groupe contrôlées majoritairement par la société mère du groupe. Une liaison
entre la dimension du contour d'un groupe et son taux d'emprise est ensuite étudiée. On s'intéresse
dans une troisième partie à l'amont des sociétés mères. Après avoir présenté une typologie des
groupes reoensés à partir de la nature des détenteurs du capital de leurs sociétés mères, on examine la
liaison entre cette variable et le taux d'emprise. Enfin, une tentative de rattachement des sociétés mères
à des sphères d'influence élargie est présentée.
Abstract
Groups of firms in 1974 : a method of analysis - This article presents a method for describing the
structures of groups of interconnected firms. The concept of majority control is used initially to define the
parent firm of a group. Then, based on the listing of the 500 largest firms in France, classified on the
basis of their assets in 1974, 326 parent firms groups are obtained. The concepts of level of
involvement and degree of control are then used to establish the general outline of a group. In the
second part, certain characteristics of the internal structure of a group — in particular its degree of
ascendancy — are introduced. The degree of ascendancy measures what percentage of the firms of a
given group is under the majority control of the parent firm. A natural link between the size of the outline
of a group and its degree of ascendancy is then considered. In the third part, the backing of the parent
firm on higher levels is examined. The groups under consideration are then broken down into different
types according to the nature of the holders of capital in their parent companies. The link between this
variable and the degree of ascendancy is then examined. Lastly, an attempt to relate parent firms to
broader spheres of influence is made.
Resumen
Los grupos de sociedades en 1974 : un método de analisis - Este artículo presenta un método de
constitución de grupos de empresas unidas. El concepto de control mayoritario permite definir una
sociedad matriz de un grupo. Se parte, a la sazón, de la lista de las 500 primeras empresas en Francia,
clasificadas segun fondos propios en 1974, llegandose a un número de 326 sociedades matrices de
grupos. Los conceptos de particípaciones de intereses y de tasas de control permiten entonces
desprender el contorno de un grupo. Las peculiaridades de la estructura interna de un grupo —
especialmente su tasa de influencia — estan incluídas en la segunda parte. La tasa de influencia mide
el porcentaje de sociedades del contorno de un grupo controladas mayormente por la sociedad matriz
del grupo. A continuación, se estudia la relación entre dimension del contorno de un grupo y su tasa de
influencia. En la tercera parte, tras presentar una tipología de los grupos censados a partir de la
naturaleza de los poseedores del capital de sus sociedades matrices, se examina la trabazón entre esa
variable y la tasa de influencia. Por ultimo, va presentado un intento de religación de las sociedades
matrices a esferas de influencia extendida.

DOSSIER
Les groupes de sociétés en 1974 :
une méthode d'analyse
par Y. CITOLEUX, D. ENCAOUA, B. FRANCK et M. HÉON •
En France, il n'existe pas de définition légale du «groupe de sociétés». On tente ici de cerner sa
réalité par une anal/se des liens financiers directs et indirects entre sociétés, qui permet de retenir,
pour Tannée 1974, 326 groupes dont 251 à société-mère française et 75 à société-mère étrangère. Quel
est le «contour » de ces groupes Qui détient les sociétés-mères Celles-ci appartiennent-elles souvent
à des sphères d'influence plus larges La méthodologie décrite ici tente d'apporter un premier ensemble
de réponses à ces questions.
Les études sur la concentration industrielle ont privilégié
en général deux approches. La première considère l'aspect
concentration technique au niveau des branches de pro
duction; les indices de concentration mesurés à partir des
établissements permettent ainsi d'avoir une image de l'eff
icacité productive du système industriel [1] **.
La seconde approche se réfère à la concentration écono
mique au niveau des secteurs d'activité; on obtient alors les
indices de concentration correspondants à partir des entre
prises, et on mesure ainsi le pouvoir que celles-ci détiennent
sur des marchés — dans la mesure, bien entendu, où la
nomenclature sectorielle utilisée est suffisamment fine pour
traduire cette notion de marchés [2], [3].
Ces deux approches sont parfaitement légitimes tant que
les cellules économiques de base — établissement, entre
prise — sont de véritables centres de décision. Il en a été
certainement longtemps ainsi, et ceci explique l'effort
considérable fourni par les statisticiens dans l'appréhension
de ces deux unités économiques.
On observe cependant dans la réalité industrielle contem
poraine des ensembles d'entreprises liées dont on ne peut
dire que chacune d'elles constitue un centre autonome de
décision. Peut-on, lorsqu'il existe des liens traduisant
une communauté d'intérêts entre diverses entreprises,
continuer à s'attacher à leur apparente autonomie juridique,
ou doit-on au contraire tenter de définir une nouvelle
unité économique : le groupe de sociétés7. Entre autres argu
ments à l'appui de cette dernière proposition, il suffit de
remarquer qu'une grande majorité des opérations juridiques
correspondant à un mouvement de concentration est le
fait de groupes de sociétés liées et non d'entreprises iso
lées : ainsi les opérations de prise de participation dans des
secteurs industriels ou financiers sont souvent un mode de
constitution et de développement privilégié de groupes
d'entreprises, tandis que nombre d'opérations d'absorpt
ion, fusion, apport partiel d'actifs ne traduisent en
fait que des mouvements de structuration interne des
groupes.
Cependant les difficultés apparaissent lorsqu'on essaie
d'intégrer la réalité des groupes d'entreprises dans l'ana
lyse du système industriel français. En effet, même si elle a
fait l'objet de nombreux travaux de la part de juristes [4],
[5], la notion de groupe de sociétés n'a pas encore donné lieu
à définition de la part du législateur. C'est ainsi notamment
qu'il n'existe pas à l'heure actuelle en France de fiscalité
de groupe.
Comment alors cerner cette nouvelle unité économique
afin d'en mesurer l'influence sur le système productif
français
De nombreux économistes se sont penchés sur cette
notion de groupe. Face à l'absence de définition légale,
chaque auteur a dû se forger son propre concept en fonc
tion de l'objectif qu'il poursuivait. Précisons d'abord que
tout en reconnaissant qu'une entreprise peut exercer une
influence dominante sur plusieurs autres par des moyens
autres que les participations en capital, la plupart des études
économiques se réfèrent aux seuls liens financiers pour
saisir les groupes de sociétés. Ainsi une étude commune
de la Banque de France et de la SEMA [7], fondée sur des
travaux de P. Biabaut [6], présente une méthodologie
d'affectation de sociétés à des groupes d'entreprises. Par
tant d'une liste d'entreprises et de leurs liens financiers,
l'auteur définit un groupe comme un ensemble d'entreprises
unies par des liaisons financières (éventuellement supé
rieures à un seuil minimum) entre elles. Ainsi, une société
donnée de la liste ne peut appartenir qu'à un seul groupe,
tandis qu'un même groupe de sociétés peut avoir plusieurs
* Y. Citoleux et D. Encaoua (Université de Paris-I).
B. Franck (Université de Clermont-I).
M. Héon (Université de Caen).
Cette étude est réalisée dans le cadre du croupe de mathématiques économiques
de l'Université de Paris-I.
♦* Les signes [ ] renvoient à la bibliographie en fin de texte.
53

« têtes de groupes », ces dernières étant définies comme
des sociétés dont aucune autre société de la liste initiale
n'est actionnaire. L'exhaustivité de la liste initiale et la
précision de l'information concernant les liaisons financières
permettent alors d'affecter une entreprise donnée à une
même entité ou de la considérer comme une entreprise
isolée. On peut se poser alors la question de savoir si
l'ensemble des entreprises constituant une même entité
selon cette approche relève d'un même pôle décisionnel.
Il nous semble que non, dans la mesure où la définition qui
vient d'être donnée conduit davantage à un mode de struc
turation des liaisons financières entre entreprises qu'à la
constitution d'ensembles d'entreprises qui traduisent
l'appartenance à une même communauté d'intérêts.
Une autre étude sur les groupes de sociétés, présentée
par J. F. Echard [8], définit un groupe comme un ensemble
de sociétés financièrement liées, et se propose d'étudier
le degré d'ouverture du groupe. Pour cela, l'auteur définit
d'abord une société-mère comme une firme possédant au
moins 10% du capital d'une autre firme, puis une société
extérieure d'un groupe comme une société qui, d'une part
est mère d'au moins une société du groupe, et d'autre part
n'a pas de société du groupe dans son amont financier. Le
degré d'ouverture d'un groupe est alors mesuré par le
rapport du nombre de sociétés extérieures au groupe au
nombre total de sociétés du groupe. J. F. Echard applique
cette méthode à l'étude de 26 groupes français pour l'année
1969 et une de ses conclusions importantes est qu'il existe
un degré d'ouverture élevé et relativement invariant sur
l'ensemble de l'échantillon. Cette approche vise davantage
à cerner les « points de rencontre » des groupes qu'à les
constituer. On ne retiendra donc pas cette méthode pour
saisir les groupes de sociétés en tant que pôles décisionnels
et mesurer leur influence sur le système productif.
Une troisième étude de F. Morin [9] rend compte de la
structure du capital en 1971 des 200 premières sociétés
industrielles françaises à l'aide de trois critères : la forme
du contrôle exercé sur les sociétés (majoritaire avec ou
sans minorité de blocage, minoritaire avec ou sans partage
d'influence, et contrôle interne); la nature du contrôle
selon les détenteurs du capital (familial, bancaire, industriel,
étatique et étranger); la taille des sociétés réparties en
quatre classes selon l'importance de leurs capitaux propres.
Combinant deux à deux ces critères, l'auteur fournit
alors des images successives du milieu industriel français.
Les résultats de ce travail sont davantage d'ordre qualitatif
que quantitatif. Ils donnent une image de l'interdépendance
entre le capitalisme industriel et le capitalisme financier
mais ne permettent pas de saisir le poids des groupes de
sociétés liées dans le système industriel français.
Nous nous inspirerons néanmoins ici des méthodologies
de P. BiabautetJ. F. Morin pour décrire l'amont des sociétésmères
des groupes préalablement constitués et leur
appartenance à des sphères d'influence élargies.
L'objet de la recherche étant de mesurer le poids des
groupes et leur influence sur l'appareil industriel
54
çais1, on a d'abord essayé de définir de façon systématique
ces objets statistiques que sont les groupes de sociétés.
On décrira tout d'abord la méthode retenue et les sources
d'information utilisées. Celles-ci ont conduit à retenir
pour l'année 1974, 326 groupes dont 251 à société-mère
française et 75 à société-mère étrangère.
Des considérations relatives à la dimension de ces groupes
— la dimension d'un groupe se référant au nombre de
sociétés faisant partie de son contour — et à la structure
interne de leur contour, seront alors présentées dans une
deuxième partie.
Enfin on étudiera l'amont des sociétés-mères des groupes
ainsi constitués.
326 groupes en 1974
Dans l'optique retenue ici, un groupe a toujours une
société-mère unique. Aussi faut-il tout d'abord préciser
le concept de société-mère, pour ensuite en constituer la
liste puis définir l'échantillon de groupes sur lequel portera
l'étude.
Selon les termes de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales, « lorsqu'une société possède plus de la
moitié du capital d'une autre société, la seconde est consi
dérée comme filiale de la première; lorsqu'une société
possède dans une autre société une fraction du capital
comprise entre 10 et 50%, la première est considérée
comme ayant une participation dans la seconde ». Cepend
ant, les rapports entre deux sociétés peuvent être plus
complexes et faire intervenir des sociétés intermédiaires.
Ainsi une société-mère peut exercer un contrôle majori
taire sur une société dépendante par le biais d'une ou
plusieurs filiales. Dans le cas de liaison indirecte, il devient
important de distinguer entre le contrôle exercé par une
société-mère et les intérêts détenus par cette société dans
les sociétés dépendantes.
On définit le taux de contrôle d'une société-mère A sur
une société X comme la fraction du capital de X détenue
par la ou les sociétés situées immédiatement en amont
de X et contrôlées elles-mêmes à plus de 50% par A. Il
représente en fait, sous réserve de dispositions statutaires
particulières, le nombre de voix que détient A à l'assemblée
générale de la société X.
La part d'intérêts de A dans X représente la fraction du
capital de X qui est effectivement détenue par A. On
ches
1.
—
La
en
présente
cours d'exécution
étude constitue
— auprès
les premiers
du CORDES
résultats
dont
d'un
le thème
contrat
est
de
l'étude
recher
de
l'influence
nous nous
des
proposons
groupes
de
industriels
construire
sur
des
l'appareil
indices de
productif
« concentration
français.
financière
A cette fin
»
et des indices de « diversification multisectorielle » des groupes, afin de tester
certaines hypothèses relatives à des liaisons structure-performance.

DOSSIER
l'obtient en faisant le produit des taux de contrôle success
ifs le long de chaque chaîne de participation allant de A
vers X, puis éventuellement la somme de ces produits s'il
existe plusieurs chaînes de ce type.
Part d'intérêts et taux de contrôle ne sont donc générale
ment identiques que pour les sociétés de premier rang, qui
dépendent directement de A. Ainsi, en 1974, dans le groupe
CGE, la Société Râteau avait 61 % de son capital détenu
par la Société Alsthom, elle-même filiale directe de la
Compagnie générale d'électricité (avec une participation de
56%) et la part d'intérêts de la CGE y était de 34%
(graphique I et tableau 1).
Le taux de contrôle va permettre de définir la « sociétémère
d'un groupe » mais on utilisera également plus tard
les intérêts pour délimiter le « contour » des groupes.
Une société sera une « sodété-mère d'un groupe » ou « tête
de groupe » si d'une part elle n'est pas contrôlée à plus de
50 % par une autre société et si d'autre part elle possède au
moins une filiale.
Un groupe sera alors l'ensemble constitué par la société-mère
et les sociétés dans lesquelles celle-ci possède directement ou
indirectement des intérêts.
• Première étape : 346 têtes de groupes
Compte tenu de la définition de la société-mère qui
vient d'être donnée, les modalités de constitution d'un
ensemble de groupes peuvent donc être les suivantes :
II faut disposer d'une liste d'entreprises dont on connaît
pour chacune d'elles les actionnaires et les participations.
Etant donné une entreprise de la liste, on examine si elle
est contrôlée directement ou indirectement par une autre
société. Si ce n'est pas le cas, et si elle admet au moins une
filiale, c'est une société-mère de groupe. Si elle est contrôlée,
on se repose la même question pour la société en amont
et ainsi de suite jusqu'à ce que l'on arrive à une société qui
ne soit contrôlée majoritairement par aucune autre société.
Celle-ci est alors une tête de groupe. Le groupe est ensuite
constitué par redescente en saisissant de proche en proche
les filiales et participations successives.
Le point de départ de cette procédure est donc une liste
initiale d'entreprises. Il était théoriquement concevable
de travailler directement sur le volume des Liaisons finan
cières [voir encadré]. Cependant, outre la complexité matér
ielle de la tâche, on aurait obtenu ainsi un nombre de
groupes considérable (sans doute plus d'un millier) dont la
plupart auraient été de taille infime. On a donc préféré
une liste de base plus réduite, et l'on a choisi pour cela la
liste des 500 premiers « groupes » français, publiée par le
Nouvel Économiste 2. On s'est alors servi des Liaisons
financières pour éliminer de la liste les sociétés « isolées »,
2. En 1974, il (allait pour figurer «ur cette lista posséder des capitaux propre*
d'un montant au moins égal à 57,76 millions de F.
GRAPHIQUE I
Extrait de l'organigramme de la CGE en 1974
56
Alsthom
C.G.E.
61 35 p 30
ÎATEA
G.A.A.AJ
11
U.S.S.I.
23,
Compagnie
des Lampes
39, 92,
Fabriques
Verre
Réunies de
Lumière
Lampes
Ce graphique, avec le tableau 1, illustre les notions d'intérêts, de contrôle
et de contour d'un groupe. En 1974, la CGE contrôlait Alsthom à 56 %,
Râteau à 61 % et USSI à 11% mais ne contrôlait ni Verre Lumière ni
Fabriques Réunies de Lampes puisqu'elles dépendaient de la Compagnie
des Lampes dans laquelle la CGE ne détenait que 23 % du capital.
La CGE détenait 34 % d'intérêts dans Râteau (56 x 61 = 34 %) et
21 % dans Verre Lumière (23 x 92 = 21 %). Enfin, seule la
société Fabriques réunies de lampes n'entrait pas dans le contour (global
ou réduit) du groupe CGE puisque le contrôle de la CGE y était nul et la
part d'intérêts inférieure à 10 %. Verre Lumière n'entrait pas dans le
contour réduit (contrôle nul) mais faisait partie du contour global (part
d'intérêts = 21 %> 10%).
TABLEAU 1
Pourcentages de contrôle et d'Intérêts
détenus par la CGE dans diverses sociétés en 1974
Râteau
USSI
Groupement des activités atomiques
avancées (GAAA)
Fabriques réunies de lampes
Verre lumière
Contrôle
61
11
65
0
0
Intérêts *
34
4
50
9
21
1. Les parts d'intérêts sont calculées, rappelons-le, en faisant le produit
des
la société-mère.
taux de contrôle
Exemple
successifs
: la part
le long
d'intérêts
de la chaîne
de la CGE
de participation
dans Râteau
depuis
est de
61 x 56 = 34 %, 61 % étant le taux de contrôle d'Alsthom sur Râteau,
et 56 % celui de la CGE sur Alsthom.
ont
Les
un
sociétés
taux de contrôle
« Fabriques
nul de
Réunies
la part
de
de la
Lampes
CGE :
»
elles
et «
dépendent
Verre-Lumière
en effet
»
à raison d'une prise de participation respective de 39 % et 92 % de la
< Compagnie des Lampes » dans laquelle la participation de la CGE est
minoritaire (23 %) [graphique Q.
UNE MÉTHODE D'ANALYSE DES GROUPES 55

LES SOURCES
• Les publications de la DAFSA
La Société de documentation et d'analyses financières (DAFSA) fait
paraître régulièrement un ensemble de documents parmi lesquels
ont essentiellement été utilisées :
— les Liaisons financières : ce volume édité chaque année fournit une
liste d'entreprises en faisant figurer pour chacune d'entre elles ses
actionnaires et ses participations. Les sociétés recensées sont les
sociétés cotées et leurs filiales ainsi que d'autres qui acceptent de
fournir de telles informations. Pour 1974, l'ouvrage présente les
liens financiers d'environ 13 000 sociétés françaises entre elles et
avec 7 000 sociétés étrangères. Les informations sont naturellement
moins abondantes en ce qui concerne les sociétés non cotées et se
bornent parfois à des appréciations qualitatives : mère majoritaire,
participation peu importante ou en accroissement, etc.
— les analyses de groupes : 60 groupes français et 40 groupes euro
péens sont régulièrement suivis par la DAFSA et donnent lieu à des
études mises à jour périodiquement. On y trouve notamment des
organigrammes des groupes analysés.
• L'annuaire des participations étrangères en France ''. 1
(Éditions Opera Mundl)
Paru pour la première fois en 1975, il donne une liste des sociétés
françaises à participation étrangère, ainsi qu'une liste d'environ
5000 compagnies ou groupes étrangers ayant des intérêts dans une
ou plusieurs entreprises françaises.
• Le Nouvel Économiste
Cette revue (et antérieurement « Entreprise ») publie chaque année
une liste des 500 premiers « groupes » français classés par capitaux
propres. Cependant le concept de groupe utilisé n'y est pas défini.
On trouve dans cette liste des sociétés n'ayant pas de filiales.
• Les rapports d'assemblée
Les sociétés cotées publient des rapports dans lesquels elles sont
tenues de faire figurer :
— une liste nominative des valeurs mobilières détenues par la société
et dont le montant dépasse 100 000 F par catégorie de titres;
— un tableau de renseignements concernant les filiales et participa
tions dont la valeur d'inventaire excède 1 % du capital de la société
astreinte à publication. Cependant les sociétés publiant des comptes
consolidés sont dispensées de fournir ce tableau.
Il est Important toutefois de remarquer que ces sociétés ne sont null
ement obligées de donner des informations sur les sociétés qu'elles
contrôlent indirectement : sous-filiales, participations multiples, etc.
c'est-à-dire qui n'ont pas de filiales, et lorsqu'une société
était contrôlée majoritairement, pour remonter à la sociétémère
(qui pouvait elle-même figurer ou non sur la liste
initiale). Nous avons ainsi obtenu pour l'année 1974, 346 têtes
de groupes, dont 271 françaises. ;
• Deuxième étape : -
des aménagements nécessaires
Comme il fallait s'y attendre, la mise en œuvre de cette
définition rigoureuse de la société-mère a suscité un certain
nombre de difficultés lors de la recherche des sociétésmères
selon la méthode décrite ci-dessus. Il était donc
nécessaire d'apporter des précisions complémentaires et
certains aménagements à la liste ainsi obtenue, en utilisant
éventuellement d'autres sources que le volume des Liaisons
financières.
— La société-mère n'est pas nécessairement une société
de droit français. Les groupes à société-mère étrangère
56
jouent un rôle non négligeable dans bien des secteurs de
notre économie. Il fallait donc prendre en compte dans
l'étude des groupes tels que Hoechst ou ITT, mais seul
ement bien entendu dans la mesure où ils interviennent dans
les entreprises françaises. De façon générale, pour figurer
sur la liste, une société-mère doit posséder au moins une filiale
française. De même nous n'avons recensé dans le contour
des groupes étudiés que les sociétés ayant leur siège social
en France (plus précisément métropole et départements
d'outre-mer, les territoires d'outre-mer se trouvant exclus
en raison des règles juridiques et fiscales particulières qui
s'appliquent aux sociétés qui y ont leur siège social) 3.
En outre, certains groupes à mère française peuvent com
prendre des sociétés étrangères ayant elles-mêmes des
filiales françaises. Celles-ci ont bien entendu été prises en
compte dans la mesure de l'information disponible.
— La société-mère peut, sans que la définition soit contred
ite, être contrôlée par des personnes physiques ou morales
autres que des sociétés. Il en est ainsi des groupes personnels
ou familiaux. Dans ce cas, il apparaît assez artificiel de consi
dérer la société-mère comme le véritable centre de décision,
le pouvoir se trouvant en fait en amont. Cet artifice cepen
dant n'est véritablement gênant que si les personnes physi
ques en question contrôlent directement plusieurs entrep
rises. En effet, il s'introduit alors des liens entre sociétés
que l'on ne peut mettre en évidence (et sur lesquels on
possède généralement peu d'informations). I .-
Un problème voisin se pose pour les entreprises contrôlées
par l'État. On aurait pu concevoir de créer un groupe
« État français » constitué par l'ensemble des entreprises
publiques, leurs filiales et leurs participations. Mais outre
le fait que la taille de ce groupe eût été considérable 4,
h plupart de ces entreprises manifestent suffisamment
d'indépendance, notamment dans leur politique de filialisation,
pour qu'il semble préférable de les maintenir en tant
que têtes de groupe spécifiques. Deux exceptions à cette
règle toutefois : d'une part, aux Charbonnages de France,
ont été adjointes les trois Houillères de Bassin; les partici
pations communes à ces établissements et à la Société centrale
sont nombreuses, et on aurait déformé la réalité en privilé
giant exclusivement celle-ci ; d'autre part, la société Socantar
est détenue à 41 % par ERAP mais l'État en possède dire
ctement 10%, s'assurant ainsi le contrôle. Il nous a paru
logique de supposer que tout se passait comme si Socantar,
que l'on peut d'ailleurs considérer également comme une
société fermée, était contrôlée par ERAP. Elle ne figure
donc pas dans la liste des têtes de groupe. .
3. Cette façon de procéder ne rend pas justice à un certain nombre de groupes
activités
dont le développement
s'exercent par
s'est
nature
effectué
outre-mer.
essentiellement
Elle s'imposait
à l'étranger
cependant
ou dont
dans
les
la
mesure où l'objet de la recherche est l'influence des groupes sur la structure
industrielle française.
directes
4. Pour
et
1972,
les sociétés
en ne
d'économie
recensant que
mixte
les
dans
entreprises
lesquelles
publiques,
l'État détient
leurs
plus
filiales
de
30 %, on arrive déjà à 645 sociétés. Voir Hani Gresh, « Les entreprises publiques
et la création de filiales », économie et Statistique, n* 65, mars 1975.

DOSSIER
— Au concept de société-mère est associée l'idée d'un
pouvoir central de décision. On peut douter que ce pouvoir
existe encore lorsque la société-mère est une société
« fermée », c'est-à-dire dont la totalité du capital est détenue
par un petit nombre d'autres sociétés généralement situées
dans le même secteur d'activité. Ceci concerne notamment
les filiales communes à deux sociétés, contrôlées à 50 %
par chacune d'entre elles (exemple : Société Le Nickel :
50 % SNPA, 50 % Imétal), mais aussi des cas plus compli
qués comme la Société d'Intéressement et de Participation
(SIP), holding sidérurgique détenue à 99,9% en 1974 par
7 groupes avec des pourcentages allant de 7 à 21 %. Six de
ces sociétés ont été ainsi éliminées.
— La liste du Nouvel économiste ne recense que les sociétés
du secteur productif au sens strict et laisse de côté les
banques, établissements financiers et compagnies d'assu
rances. Ces sociétés n'étaient donc susceptibles d'apparaître
en tant que sociétés-mères de groupes qu'indirectement,
si elles possédaient des filiales elles-mêmes recensées sur
la liste. Il en a bien été ainsi pour un certain nombre d'entre
elles. Ainsi la Société Générale intervient par le biais de
deux sociétés de leasing, le groupe d'assurances La Pater
nelle par une société immobilière, la Compagnie Financière
de Suez par la Compagnie Française d'Entreprises et Lille-
Bon nières-Colombes, enfin le groupe Paribas par la société
Heurtey.
A contrario, d'autres groupes bancaires ou financiers,
qui ne diffèrent pas fondamentalement des précédents, sont
absents (les autres banques et les compagnies d'assurances
nationales, le groupe Lazard, etc.) et ceux qui apparaissent
ne sont pas représentés à la mesure de l'influence effective
qu'ils exercent sur le milieu industriel. Ceci n'est pas
surprenant. La puissance de ces agents peut en effet se
matérialiser sous d'autres formes que la détention d'une
part importante du capital des sociétés qui sont dans leur
mouvance. On touche là à une limite de la méthodologie
retenue. En ce qui concerne les groupes Suez et Paribas,
on a choisi dans un premier temps tout au moins, de ne pas
les faire apparaître en tant que tels, mais plutôt de conserver
comme têtes de groupes leurs filiales industrielles relevées
sur la liste du Nouvel Économiste5. Par contre des groupes
financiers de taille plus modeste et moins diversifiés (tout
au moins d'après l'information disponible) tels que la
Compagnie du Nord ou le groupe Worms ont été maintenus.
— Enfin, l'étude ultérieure de certaines sociétés-mères
a permis de conclure à l'existence d'un contrôle de fait
de celles-ci par d'autres sociétés, malgré des participations
inférieures à 50 %. Deux types de situation peuvent en
effet se présenter : premier cas, la majorité du conseil
d'administration de la société est composée de membres
de la société amont. Ainsi on avait retenu dans la liste de
têtes de groupes deux sociétés, la Compagnie Française des
Ferrailles (CFF) et Novafer. Celles-ci dépendent en fait
d'une troisième société, la Compagnie Européenne de
Gestion, Analyse et Programmation (CEGAP) à raison
respectivement de 47 % et 23 % (graphique II). Or l'examen
de la composition du conseil d'administration de la CFF,
GRAPHIQUE II
Liaisons financières entre CEGAP, CFF et NOVAFER
* ""■ ■ t" '
46,78 ,
CFF
CEGAP
-
B
\ i ■ . X . ~ 30.S3 J , 23,24
NOVAFER
CEGAP contrôle NOVAFER car CFF est contrôlée de fait par CEGAP.
montre que sur les 12 membres de ce conseil, 8 appar
tiennent également à celui de la CEGAP. On concluera donc
à l'existence d'un contrôle de fait de la CFF par la CEGAP.
Dans ces conditions, Novafer n'est pas non plus une tête
de groupe puisqu'on peut considérer maintenant que la
CEGAP en contrôle 54 %. Des cas analogues se sont ren
contrés dans la sidérurgie; deuxième cas possible, la société
est consolidée par une société amont en utilisant la technique
de l'intégration globale 6. Les recommandations du Conseil
National de la Comptabilité réservent en principe cette
technique au cas où la société-mère exerce un contrôle de
droit sur la société dépendante mais en admettent la possi
bilité dans le cas d'une domination de fait incontestable
exercée sur une société qui n'a pas en droit le caractère
d'une filiale. Ainsi la Société Force et Lumière Électriques
(FORCLUM) était en 1974 détenue indirectement à 48,9 %
par la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Éclairage. Celle-ci,
cependant, reconnaissant en assurer le contrôle de fait, la
consolidait par intégration globale. On ne devait donc pas
la retenir comme tête de groupe. Néanmoins, l'existence
d'un taux de participation élevé, compris entre 40 et 50 %,
si elle peut créer: une présomption de contrôle, n'est pas
à elle seule suffisante pour décréter qu'il y a contrôle de
viennent
5. Les deux
que
autres
par des
groupes
filiales
concernés
qui n'ont
:
pas
Société
elles-mêmes
Générale
de
et la
participations
Paternelle n'inter
finan
cières. Ils ont été en conséquence éliminés.
6. La consolidation est une technique comptable qui permet l'expression
d'une
ement
situation
liées. L'intégration
et de résultats
globale
représentatifs
porte sur le
d'un
montant
ensemble
total
de
de
sociétés
chacun
financièr
des postes
de l'actif et du passif de la filiale après les corrections préalables. La situation
nette de la filiale qui est ainsi consolidée n'appartient pas intégralement au groupe.
Elle est donc subdivisée en deux parts : les intérêts du groupe qui apparaissent
distinctement
la filiale détenus
dans
par
la
le
situation
groupe
consolidée
sont alors
et
éliminés.
ceux du
La
hors-groupe.
différence généralement
Les titres de
constatée entre la valeur comptable des titres éliminés et la part des intérêts
de groupe dans la situation nette de la filiale constitue une plus ou moins-value
de consolidation. Voir Conseil national de la Comptabilité, Consolidation des
bilans et des comptes, Imprimerie nationale, 1968.
UNE MÉTHODE D'ANALYSE DES GROUPES 5

58
Une histoire quantitative
de l'industrie française
La mutation
industrielle
de la France
à du la traité crise de pétrolière Rome
par Bernard GUIBERT
Le redéploiement de l'appareil industriel ap
pelle une meilleure connaissance de l'évolu
tion de l'industrie française. Dans cet esprit,
« LA MUTATION INDUSTRIELLE DE LA
FRANCE» regroupe, pour les années 1959 à
1972, une vaste information statistique. Cet
ouvrage dresse un bilan à partir duquel peu
vent être analysées les forces et les faiblesses
de l'industrie française, ainsi que les restruc
turations possibles et souhaitables.
Pour publier ces données, jusqu'ici dis
persées, difficiles d'accès ou même inédites,
un important effort de sélection, de mise en
ordre et d'intégration dans des cadres ho
mogènes a été accompli (le découpage en
branches et secteurs, priviligié dans l'ensem
ble de l'ouvrage, est à peu près unique quels
que soient les thèmes abordés).
Ce diagnostic fouillé n'est pas seulement un
instrument documentaire. La richesse des
analyses amorcées sur chacun des thèmes
abordés, ainsi que l'originalité de la synthèse
sectorielle qui y est opérée, font de cet ouvra
ge un document de référence unique.
Les « Collections de l'INSEE », série E, « Entrepri
ses », n° 31-32.
Deux volumes brochés '21x29,7- 420 pages.
Prix :60 F
EN VENTE:
Dans les observatoires économiques régionaux de
l'INSEE et chez les libraires spécialisés.
8P498
fait. Nous avons, par exemple, maintenu comme tête de
groupe la Société Saunier-Duval dans laquelle Saint-Gobain
Pont-à-Mousson détient au total 46,8 %, car ce dernier
groupe, dans la présentation de ses comptes, classe Saunier-
Duval parmi les sociétés associées et non parmi les sociétés
intégrées dans le cadre d'un département du groupe. Elle
n'est d'ailleurs consolidée que par mise en équivalence,
procédé normal pour les participations inférieures à 50 %.
Après application de ces diverses procédures, en défi
nitive pour l'année 1974, 251 groupes français et 75 groupes
étrangers ont pu être retenus.
• Troisième étape : deux tests préliminaires
Disposant d'une liste de têtes de groupe, il fallait obtenir
certaines assurances sur deux points importants : la valeur
de l'information que l'on était susceptible de recueillir sur
les liaisons financières à l'intérieur des groupes, et la repré
sentativité de la liste obtenue.
On a recherché tout d'abord, parmi les têtes de groupes
retenues (ou éventuellement leurs filiales), lesquelles étaient
des sociétés cotées en bourse. Des obligations de publicité
plus rigoureuses pèsent en effet sur les sociétés qui font
appel à l'épargne publique. Les informations disponibles
sont donc quantitativement et qualitativement meilleures
lorsque la société-mère du groupe, ou sinon ses filiales prin
cipales, est cotée. Sur les 251 groupes français étudiés, 206,
soit 82 %, ont une société-mère cotée; 18, soit 7 %, ont au
moins une filiale cotée. Il n'y a donc que 11 % des groupes
qui ne contiennent aucune société cotée (dont les 2/3 sont
d'ailleurs des petits groupes, constitués par moins de
20 sociétés).
Il était intéressant par ailleurs de comparer la liste de
groupes ainsi établie à celle des sociétés qui publient des
comptes consolidés.
Il faut rappeler à ce sujet que le concept de groupe n'existe
pas à l'heure actuelle dans le Droit français. La pratique de
la consolidation *, bien qu'elle ne puisse constituer une obli
gation, représente la seule reconnaissance « officielle » de
l'existence des groupes.
En raisonnant toujours sur les groupes français de la
liste retenue, 105, soit 42 % d'entre eux, ont une mère qui
publie des comptes consolidés. Pour 14, soit 4 %, ce n'est
le cas que pour une filiale au moins. Les 132 autres soit 53 %
ne publient aucun compte consolidé. Par ailleurs, on notera
que cette pratique est le fait de 51 % seulement des sociétésmères
cotées. Elle est donc encore très insuffisamment
répandue.
En sens inverse, les 230 sociétés ayant publié en 1974
des comptes consolidés (Source : Commission des opérations
de bourse) se répartissent de la manière suivante :
— 105 65 des sont filiales considérées de sociétés-mères ici comme de des groupes, têtes de groupes,
dont 28 des filiales de sociétés-mères consolidant ellesmêmes,
23 des filiales de sociétés-mères ne consolidant pas
(elles-mêmes au nombre de 14),
14 des filiales de sociétés-mères étrangères;
6. Voir not* p. 57

DOSSIER
TABLEAU 2
Répartition
des 251 groupes français
en 1974, (contour global
et contour réduit)
Nombre de société*
du contour
Contour global.
Contour réduit.
Moins
de 20
sociétés
137
149
De 20
à 39
sociétés
61
54
De -40
à 59
sociétés
14
17
De 60
à 79
sociétés
11
12
De 80
à99
sociétés
9
6
De 100
à 149
sociétés
7
6
De 150
à 199
sociétés
8
3
Plus
de 200
sociétés
4
4
— 37 n'apparaissent pas sur la liste du Nouvel économiste
par insuffisance de capitaux propres et ont donc été écartées;
— 21 n'apparaissent pas non plus sur la liste parce que ce
sont des banques, établissements financiers ou compagnies
d'assurance;
— 2 apparaissent sur la liste mais n'ont pas été retenues par
nous, car elles n'ont que des filiales étrangères;
On retiendra donc que 74 % (170/230) des entreprises qui
consolident sont prises en compte dans cette étude.
Au-delà du contrôle majoritaire
Ainsi, l'ensemble des sociétés procédant d'une sociétémère
par recensement des liaisons financières successives
constitue un groupe. Pour que le concept reste opératoire,
il est préférable de fixer un seuil minimum à l'importance
des liaisons prises en compte.
Se limiter au contrôle majoritaire comme critère d'appar
tenance à un groupe apparaît insuffisant. Le pouvoir d'une
société-mère peut en effet se faire sentir au-delà du cercle
des filiales, d'autant plus loin d'ailleurs qu'elle est plus puis
sante. Inversement une société-mère peut se désintéresser
de filiales considérées comme marginales dans l'ensemble
des activités du groupe, mais cette situation sera générale
ment transitoire, aboutissant à la cession des entreprises
concernées. C'est ainsi que Saint-Gobain Pont-à-Mousson
s'est finalement en 1975 dégagée complètement du secteur
de la sidérurgie.
On a donc considéré que les sociétés qui n'étaient que
des participations, au sens strict de la loi de 1966 (taux de
contrôle compris entre 10 et 50 %) devaient figurer dans
le contour d'un groupe. L'ensemble de ces sociétés contrôl
ées à un taux supérieur à 10 % constitue ce que nous appelérons
le contour réduit du groupe.
Mais comme on l'a vu plus haut une société-mère peut
avoir un taux de contrôle faible, voire nul dans une société
tout en y détenant des intérêts importants. Ceci ne peut être
négligé lorsqu'on s'intéresse, comme c'est le cas ici, à ce
que détiennent les groupes dans les différents secteurs de
l'économie française. Aussi, a-t-on fait rentrer dans le contour
global d'un groupe, en plus des sociétés figurant dans le
contour réduit, les sociétés dans lesquelles la société-mère
possède au moins 10 % d'intérêts (même si le taux de con
trôle est inférieur à 10 %).
Le cas de la Compagnie Générale d'Électricité permet
d'illustrer ce concept de contour (graphique I).
En 1974, entraient dans le contour du groupe CGE, outre
la société-mère, les sociétés Alsthom, Râteau, le Groupe
ment des Activités Atomiques Avancées (GAAA), contrôlés
majoritairement; la Compagnie des Lampes et la Société
de construction d'usine de séparation isotopique (USSI)
contrôlées aux taux respectifs de 23 % et 11 %. En revanche,
la Société Verre Lumière dans laquelle le taux de contrôle
est nul mais la part des intérêts détenus par la CGE est de
21 % rentre dans le contour global mais doit être exclue
du contour réduit. La Société de Fabriques Réunies de Lampes
Électriques n'appartient ni au contour global, ni au contour
réduit puisque CGE exerce sur elle un contrôle nul et
détient moins de 10 % de son capital.
Remarquons qu'une tête de groupe peut appartenir au
contour d'un ou de plusieurs autres groupes. Enfin, plus
simplement, la dimension (globale ou réduite) d'un groupe
désignera ici le nombre de sociétés incluses dans son contour.
Les 251 groupes français mis en évidence, ont été tout
d'abord répartis en fonction de la dimension de leur contour
global et réduit. On constate qu'ils sont de moins en moins
nombreux au fur et à mesure que la dimension s'accroît
(tableau 2). Ainsi 92 % des groupes français ont un contour
global comprenant moins de 100 sociétés; 12 groupes seul
ement avaient en 1974 une dimension supérieure à 150. Ces
groupes sont classés par ordre de dimension décroissante
dans le tableau 4.
On voit également sur ce tableau que lorsqu'on élimine
les sociétés contrôlées à moins de 10 % (ce qui donne le
contour réduit), on obtient un classement différent des
12 premiers groupes.
Dans leur contour réduit, sur les 251 groupes étudiés,
102 comportent plus de 20 sociétés (tableau 2). On remarque
une certaine stabilité de la distribution des groupes relativ
ement à leur dimension, par rapport à la notion de contour
choisi; 7 groupes seulement ont une dimension supérieure
à 150 sociétés, et 13 une dimension supérieure à 100.
UNE MÉTHODE D'ANALYSE DES GROUPES »

TABLEAU 3
Répartition des 114 groupes retenus
selon leur structure interne et leur dimension
% de groupes de dimension
2* 20 sociétés
% de groupes de dimension de
20 à 49 sociétés
% de groupes de dimension de
50 à 99 sociétés
% de groupes de dimension
> 100 sociétés
x.^10
54
62
43.5
37
x,>10
31
21
43.5
53
*»

DOSSIER
C'est bien ce que l'on constate quand on calcule les degrés
d'emprise moyens pour chacune des trois classes de dimens
ion déjà utilisées (tableau 5). Les groupes de dimension
faible ou moyenne conservent un degré d'emprise supérieur
à celui des groupes dont la dimension dépasse 100, mais
l'écart a été sensiblement réduit.
Qui détient les sociétés-mères
L'amont des têtes de groupes a été étudié de deux façons
différentes : on s'est d'abord intéressé à la forme de déten
tion directe du capital de la société-mère, pour savoir si
la nature des détenteurs du capital de la société-mère avait
une influence sur la forme d'organisation de l'aval du groupe.
Dans une seconde étape on a essayé de rattacher les sociétésmères
obtenues à des ensembles plus vastes qui traduisent
l'appartenance des groupes à des sphères d'influence. Pour
cela on a donc étudié les liaisons entre sociétés-mères en
tenant compte de leurs actionnaires directs et indirects.
Dans une première phase, pour étudier l'amont direct
des sociétés-mères, on a retenu six catégories possibles : le
capital de la société-mère est détenu par le public (aucun
actionnaire connu ne dispose de 10 % ou plus du capital);
la société-mère est contrôlée par l'Etat; une ou plusieurs
familles (ou individus) détiennent la plus grande part du
capital recensé; le capital recensé de la tête de groupe est
détenu à 10 % ou plus par une ou plusieurs sociétés indus
trielles; le capital recensé est détenu à 10 % ou plus par
une ou des sociétés non industrielles (holdings, assurances,
groupes financiers...); enfin, l'amont direct de la sociétémère
révèle un partage d'influence entre tes catégories
précédentes.
Les 114 groupes de l'échantillon dont le contour global
comprend plus de 20 sociétés ont alors été répartis selon
ces critères (tableau 6).
~ ~ " ~
TABLEAU 5
Degré d'emprise* moyen des groupes
par classe de dimension
De 20 à 49 sociétés
De 50 à 99 sociétés
> 100 sociétés
Degré d'emprise moyen
Contour
global
58,6
58,2
49,8
Contour
réduit
67,7
68,8
62,4
1. On appelle degré d'emprise la proportion des sociétés du contour
(global ou réduit) d'un groupe pour lesquelles le taux de contrôle est supé
rieur ou égal à 50 %.
On notera l'importance des groupes familiaux (32) et
des groupes soumis à l'influence de sociétés financières
puisque ces deux catégories représentent 58 % du total
de l'échantillon (66 groupes sur 114).
Nous avons ensuite étudié la relation entre la nature de
l'amont et le degré d'emprise de la société-mère sur le
groupe en distinguant des taux faibles (inférieur ou égal
à 40 %), des taux moyens (compris entre 40 et 70 %)
et des taux forts (supérieur à 70 %) et après avoir exclu
de l'échantillon les groupes publics et les groupes relevant
d'un partage d'influence (l'échantillon initial des 114 groupes
est ainsi ramené à 93). Il semble exister une différence de
nature dans l'organisation des groupes selon que le capital
de la société-mère est détenu par des personnes physiques
ou morales. Les groupes à fort degré d'emprise sont en
majorité détenus par des personnes physiques (tableau 7).
Public
Famille
Industriel
Non
industriel
État
Partage d'in
fluence
Total
TABLEAU 6
Répartition des groupes
selon la nature de leur amont
Nombre des groupes
15
32
12
34
8
13
114
N. Nature de
^\^^ l'amont
d'emprise Degré N. ^V,^
Personnes physiques
Public
%
Famille
%
Personnes morales
Industriel
%
Non
industriel
%
Nombre
de groupes -
TABLEAU 7 ■ < ■ =
Répartition des groupes
selon la nature de l'amont
par classe de degré d'emprise (en %)
< 40%
> 40%....
< 70%....
> 70%....
0
16
20
12.5
27
46
37.5
12
10
50
45
24
UNE MÉTHODE D'ANALYSE DES GROUPES 61
8
44
41

^^^s^
l'amont de du Nature groupes) nombre (en ^\^ de % ^""""-n^ **•>. ^n^^ d'emprise Degré ^***^>Ni^
< 70 %
55 70%
Nombre
de
groupes
TABLEAU 8
Répartition des groupes par classe
de degré d'emprise
selon la nature de l'amont
(en %)
Public . .
Industriel
0
3
25
. 12
47
34
41
59
SI
63
34
29
15
32
12
34
Réciproquement les groupes détenus par des personnes
physiques sont en majorité des groupes à fort taux d'emprise
(tableau 8). On peut associer de la même façon les groupes
à taux d'emprise moyen ou faible et les groupes détenus
par des personnes morales.
Bien qu'intéressante en elle-même, l'étude du premier
niveau de l'amont (la détention directe) ne pouvait se révéler
suffisante. Il était alors nécessaire de considérer l'amont
des têtes de groupes dans son intégralité. Pour cela il fallait
analyser les liens financiers entre sociétés-mères.
Le rattachement à des sphères
d'influence plus larges
L'étude des liaisons entre sociétés-mères présente deux
difficultés spécifiques : tout d'abord la quantité et la pré
cision de l'information connaissent une dégradation certaine.
En effet, apparaissent bien souvent des sociétés de parti
cipation qui, non soumises à publication, rompent la chaîne
d'information qui permettrait de parvenir aux détenteurs
ultimes du capital. Cependant, on dispose parfois d'informa
tions globales, non cohérentes avec les informations précé
dentes, sur le rattachement de telle tête de groupe à un
ensemble parfois dénommé lui-même groupe 7. Ces info
rmations proviennent essentiellement des Liaisons finan
cières de la DAFSA éventuellement complétées par la
lecture des rapports d'assemblée.
La deuxième difficulté est de nature méthodologique.
La méthode de constitution des groupes que l'on a utilisée
jusque là ne peut guère s'appliquer à l'étude de l'amont des
groupes dans son intégralité. De même elle ne semble pas per
tinente pour l'analyse des groupes financiers. Or c'est essen
tiellement dans l'amont des groupes tels qu'ils ont été définis
qu'apparaissent les groupes financiers. Ceux-ci ont en effet
pour vocation essentielle d'opérer sur le marché du fina
ncement 8. Il est remarquable par ailleurs que ces agents
n'ont, en dehors du secteur bancaire, que des participations
très souvent minoritaires. La présence dans les actionnaires
d'une société d'un de ces groupes financiers est sans doute
62
plus significative que le montant de sa participation au
capital.
On constate enfin que de tels groupes financiers sont
rarement présents dans des sociétés en aval de la sociétémère
9 ce qui justifie la prise en compte de leur existence
uniquement lors de l'étude de l'amont des groupes.
Cela dit, l'étude de l'ensemble des liaisons financières
entre têtes de groupe limitées au seuil minimum de 10 %
permet de distinguer :
— des sociétés-mères isolées. Celles-ci n'ont de liaisons
avec d'autres têtes de groupe de notre liste ni en amont
ni en aval. Exemples : Origny Desvroise, Moet Hennessy,
Michelin...;
— des sociétés-mères unies par des liens directs qui tra
duisent souvent le rattachement à des activités similaires ou
complémentaires. Exemple : la Compagnie Générale des
Eaux possède 36% de la Société des Applications Hydraul
iques, 40 % de la Compagnie Générale de Chauffe ainsi que
28 % de Campenon Bernard;
— des sociétés-mères dont les liaisons peuvent traduire la
dépendance vis-à-vis d'un même groupe financier, lui-même
ne faisant pas nécessairement partie de notre liste de
groupes. C'est ainsi que les sociétés-mères Compagnie
financière Lesieur, Saupiquet, Grands Moulins de Paris,
Générale de Transport et d'Industrie sont rattachées à la
sphère d'influence de la Compagnie de Navigation Mixte.
De même, l'ensemble des sociétés-mères Chargeurs réunis,
Delmas Vieljeux, Euromarché, Primagaz, SA de la rue Impér
iale de Lyon, Grands Travaux de Marseille, Entreprise
comme groupe Lazard, bien répartissant 7. 8. 9. Sans Ces les groupe lui-même.
qui holdings « que groupes exemple semble à l'intérieur cette familial des logique » appellation celle ne groupes Fabre sont du que si groupe de pas l'on nous industriels Demandolx).
les procède admet seuls les avons capacités que à d'une établie dispenser assurent la société-mère de définition plus aussi financement du haut cette précis* ou (exemples activité dégagées holding dw puisqu'aussi
: groupes mais corres par en le
pondant est chargé essentiellement du financement du groupe. C'est à ce niveau
en effet que seront alors décidés l'éventualité et le montant des concours exté
rieurs dont en grande partie l'appel aux groupes financiers.

DOSSIER
J. Lefebvre, Gazocéan, est soùs une influence commune,
celle du « Groupe Lazard ». Il est à remarquer que ce der
nier n'est pas une tête de groupe de la liste retenue ici.
Deux remarques peuvent être faites à ce niveau : d'une
part une même tête de groupe peut être rattachée à deux
sphères d'influence distinctes : par exemple, la Compagnie
industrielle et financière de participations Penhoet est sous
l'influence conjointe de Suez et Pari bas; d'autre part les
deux derniers types de relations recensés plus haut peuvent
se combiner. Ainsi la Compagnie de Saint-Gobain Pont-à-
Mousson a comme actionnaire principal la Compagnie finan
cière de Suez. Elle est par ailleurs liée soit directement,
soit par l'intermédiaire de sa sous-filiale la Cellulose du Pin,
à plusieurs têtes de groupes dans le secteur papetier : la
Rochette Cenpa, les Papeteries de la Chapelle, les Papeteries
de Gascogne, Charfa.
L'analyse précédente ne vise qu'à cerner le concept de
groupe en vue d'une application ultérieure. La prise en
compte du phénomène « groupe », aussi limitée et dépen
dante soit-elle vis-à-vis de l'information disponible, apparaît
en effet essentielle pour compléter les analyses de la struc
ture industrielle française.
BIBLIOGRAPHIE
[1] M. DIDIER et E. MAUNVAUD : « La concentration de l'industrie
s'est-elle accentuée depuis le début du siècle » Économie et statisti
que, juin 1969.
[2] A. JACQUEMIN : Économie industrielle européenne, Dunod, 1975.
[3] F. JENNY et A. P. WEBER : « Concentration et politique des
structures industrielles », La Documentation française, 1974.
[4] C. CHAM PAU D : Le pouvoir de concentration dans la société par
actions, Paris, Sirey, 1962.
[5] M. VANHAECKE : Les groupes de sociétés, Paris, R. Pichon et
R. Durand Auzias, 1959.
[6] P. BIABAUT : « Les liaisons financières dans les groupes de socié
tés », METRA, série spéciale, n° 13, 1969.
[7] Banque de France - SEMA : Les groupes de sociétés. Le projet Satellite,
mai 1970.
[8] J. F. ECHARD : « La structure des participations financières dans
les groupes français », Les groupes de sociétés, Librairies techniques,
1975.
[9] F. MORIN : La structure financière du capitalisme français, Calmann
Levy, 1974.
UNE MÉTHODE D'ANALYSE DES GROUPES 63