Ce qu'il faut connaître du bagne - Manioc
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70 CE QU'IL FAUT CONNAITRE<br />
j'ai vu un bâtiment à trois mâts portant pavillon national. Il a<br />
tiré plusieurs coups à distance. Nous avons su bientôt après que<br />
c'était un négrier anglais pris par la division qui croise sur la<br />
Côte d'Afrique. J'étais dans une agitation extrême lorsque je<br />
pouvais espérer que c'était un bâtiment de France... Le 16 nivôse,<br />
j'ai enten<strong>du</strong> le bâtiment tirer coup sur coup. Je suis allé sur le<br />
rocher et j'ai vu une forte frégate venant à toutes voiles sur la<br />
prise et tirant quelques coups de canon. — Le bâtiment est<br />
entré et la frégate a mouillé : elle porte un guidon au grand mât;<br />
nous avons bientôt su qu'elle venait de Rochefort, qu'elle porte<br />
Victor Hughes pour agent et Desvieux pour commandant... <strong>Ce</strong>s<br />
nouvelles bien étranges ont été suivies de nouvelles plus étranges<br />
encore. Le Directoire est renversé. Bonaparte, Sieyès, Roger<br />
Ducos formeraient le gouvernement provisoire sous le titre « de<br />
consuls » ; on s'occuperait d'une nouvelle constitution. On dit<br />
que quelques déportés sont rappelés. » Marbois est allé en ville<br />
et, en revenant, il m'a assuré qne nous étions positivement<br />
rappelés!».<br />
« 18 nivôse : Vers 11 heures, Victor Hughes a débarqué et il a<br />
été salué par 21 coups de canon. Ail heures 3/4, il nous a fait<br />
prier de passer chez lui. Nous nous y sommes ren<strong>du</strong>s et tout le<br />
monde nous a félicités sur notre rappel... nous sommes rentrés.<br />
Quelques instants après, un gendarme est venu nous dire de la<br />
part de l'agent que nos passeports étaient chez l'ordonnateur.<br />
En effet, un moment après, j'ai reçu un mot de Franconie qui<br />
m'envoyait une lettre de ma femme et une de mon fils Auguste.<br />
Il m'adresse nos passeports et m'exprime de la manière la plus<br />
touchante ses vœux pour mon retour... 3 pluviôse : Hughes m'a<br />
fait prévenir qu'on partirait à 11 heures. Il m'a fallu précipiter<br />
tous mes arrangements. J'ai pris congé des excellentes sœurs de<br />
l'hôpital. Elles m'ont exprimé leurs vœux pour le succès de mon<br />
voyage avec la plus touchante amabilité. Tous les habitants m'ont<br />
donné, à l'envie, des témoignages d'affection, d'estime, de confiance<br />
que je n'oublierai jamais. — Vers midi, je me suis ren<strong>du</strong><br />
au port. Franconie, Prachet et plusieurs autres habitants m'y<br />
ont accompagné. J'y ai trouvé Hughes et Desvieux qui prenaient<br />
l'embarquement. Je ne pouvais regretter le lieu de ma déportation;<br />
mais je quittais d'excellents amis, et mon âme était bien<br />
vivement émue. »<br />
Parti le 4 pluviôse, Lafon-Ladébat arrivait à Brest le<br />
3 ventôse. Le 5 ventôse, écrit-il :