Ce qu'il faut connaître du bagne - Manioc
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140 CE QU'IL FAUT CONNAITRE<br />
dans la peine, me dit l'un, mais, cette fois, la peine est propre. »<br />
Un autre se réjouissait si franchement de son nouveau sort que<br />
je le crus à la veille de sa libération : — Oh ! non ! dit-il, j'en ai<br />
encore pour treize ans!<br />
Une nouvelle troublait pourtant les hommes : le sergent<br />
Flandrin arrivait au bout de son temps. Il allait rentrer dans la<br />
vie civile. — « Oui le remplacera Pourvu que les jours d'El-<br />
Bordj ' ne reviennent pas ! »<br />
Il est donc des pénitenciers où le vœu <strong>du</strong> législateur<br />
a été respecté; mais il en est aussi, — et ce sont, paraîtil,<br />
les plus nombreux, où les abus des sergents et des<br />
adjudants tuent les malheureux condamnés à y subir<br />
leur peine. <strong>Ce</strong>ux qui ne meurent pas deviennent des<br />
révoltés et aspirent après une condamnation aux travaux<br />
forcés pour pouvoir quitter Biribi.<br />
Or, nous avons vu que les travaux publics, dans<br />
l'échelle des peines militaires, sont inférieurs aux travaux<br />
forcés.<br />
En conséquence, pour que les « pègres » préfèrent le<br />
<strong>bagne</strong> civil au <strong>bagne</strong> militaire, il <strong>faut</strong> réellement que<br />
celui-ci soit parfois un enfer.<br />
Voici ce qu'en dit A. Londres, dans un chapitre intitulé<br />
« Nous voulons aller à la Guyane ».<br />
Maison-Carrée près d'Alger.<br />
Là, dans une prison, les condamnés aux travaux forcés attendent<br />
le bateau qui les transportera en Guyane. <strong>Ce</strong>s condamnés sortent<br />
des pénitenciers militaires. Incendie volontaire, tentatives de<br />
meurtre, meurtre, les ont con<strong>du</strong>its là. Le Directeur de Maison-<br />
Carrée me dit : quand ces hommes arrivent des travaux publics,<br />
je vois sur leur dossier — « très dangereux, à surveiller de près ».<br />
Ils franchissent ma porte. <strong>Ce</strong> sont des agneaux.<br />
— A quoi cela tient-il<br />
— Je ne fais pas de comparaison, je constate.<br />
— Oui, j'ai enten<strong>du</strong> tous ces anciens soldats soupirer après la<br />
prison civile. L'amour des prisons civiles est professé par tous<br />
les détenus militaires.<br />
1. El Bordj. Camp dans lequel les cruautés envers les détenus auraient<br />
dépassé tout ce que l'imagination peut concevoir de pire...