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Ce qu'il faut connaître du bagne - Manioc

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136 CE QU'IL FAUT CONNAITRE<br />

bestiaux sortent précipitamment et, bientôt, rangés par ordre<br />

de taille, ils prennent, la tête exagérément levée, les mains<br />

figées dans un raidissement automatique, la position <strong>du</strong> « garde<br />

à vous ».<br />

... L'appel a lieu et les corvées se forment. Les disciplinaires,<br />

par paquets, s'en vont à travers le bled, sous la con<strong>du</strong>ite d'un<br />

sergent ou d'un caporal, flanqué de tirailleurs indigènes, avec le<br />

fusil baïonnette au canon.<br />

Les uns, interminablement, sous les morsures féroces <strong>du</strong> soleil,<br />

manœuvrent le long marteau <strong>du</strong> cantonnier. Ils cassent de la<br />

cassaille pour les routes. D'autres, la pelle et la pioche en main,<br />

creusent des trous et extraient <strong>du</strong> sable. D'autres encore vont<br />

chercher <strong>du</strong> bois pour le « cuistot » et reviennent, l'échiné<br />

cassée sous le fardeau des souches.<br />

... Mais une des plus pénibles de toutes les corvées, et que<br />

j'ai suivie, c'est l'arrachement de l'alfa. Les hommes s'en vont,<br />

par la plaine morne, où ne pousse que cette herbe <strong>du</strong>re, aux<br />

tigelles coupantes. Il leur <strong>faut</strong> se courber et, de leurs seules<br />

mains nues, tirer hors <strong>du</strong> sol les touffes dont les racines résistent<br />

opiniâtrement. La douleur, là, vient doubler la difficulté de<br />

l'effort car ils s'arrachent l'épiderme des paumes, aux arêtes<br />

vives de la plante. Et pour peu que les misérables soient sous<br />

la coupe d'un entrepreneur, — qui sait « y faire » avec les<br />

gradés, — c'est des dix heures, des douze heures par jour, au<br />

lieu des neuf heures réglementaires, qu'alors ils triment sans<br />

relâche, dans le feu de la fournaise africaine.<br />

Sur ces chantiers-là, ils sont toujours au travail à la tâche, —<br />

tâche impossible à abattre.<br />

... Le « chaouch » l'arme sur la hanche, se promène de long<br />

en large, observant, épiant. Et, au moindre signe de défaillance,<br />

au plus petit symptôme do ralentissement dans la tâche, il<br />

s'élance, ordonne, injurie, trique... Et, à qui essaie de protester,<br />

ou à qui montre ses pauvres mains dépouillées, ses poignets<br />

enflés par l'effort, le « chaouch », avec un cynisme féroce, lui<br />

jette, dans un ricanement : « M'en fous! Travaille ou crève! »<br />

souvent, ils crèvent!...<br />

Jacques Dhur dépeint ensuite « les supplices » des condamnés<br />

militaires : outre les fers, il cite la « caïda » et la<br />

« pelote ».<br />

La « caïda » se pratiquerait ainsi : sur les flancs nus d'un

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