Mémoire de Maxime Lavoine - Accueil - Université Paris-Sorbonne

Université de Paris Sorbonne – Paris IV
U.F.R. de Musique et Musicologie
Les jeux-partis du chansonnier d’Arras
(manuscrit 657)
Proposition d’interprétation par l’analyse et la codicologie
Maxime LAVOINE
Mémoire de Master
Préparé sous la direction de Madame Isabelle RAGNARD
Septembre 2009

Remerciements
Ce mémoire de Master est le résultat d’un travail de recherche de deux ans. En
préambule, je souhaite adresser tous mes remerciements aux personnes qui m'ont apporté leur
aide et qui ont ainsi contribué à l'élaboration de ce mémoire.
Tout d'abord de grands remerciements à Madame Isabelle Ragnard, directrice de
recherche de ce mémoire, pour son aide précieuse et pour le temps qu’elle a bien voulu me
consacrer.
Je remercie également les professeurs de l’Université Paris IV-Sorbonne qui ont su
m’aiguiller vers des spécialistes et me donner des références essentielles, particulièrement
Messieurs Frédéric Billiet, Nicolas Meeùs et François Picard.
J'exprime ma gratitude à toutes les personnes rencontrées lors des recherches que j’ai
effectuées et qui ont accepté de répondre à mes interrogations avec gentillesse.
Merci à Mademoiselle Florie Debouchaud, étudiante en Master 1 à l’Université Paris X-
Nanterre, travaillant tout comme moi sur le manuscrit 657, qui m’a soutenu dans mes
recherches à Arras et m’a apporté de précieux éléments sur l’histoire de l’art, la paléographie,
les enluminures.
Merci aux étudiants étrangers rencontrés qui m’ont fait partager leurs expériences
personnelles de joutes poétiques traditionnelles chantées, et un merci particulier à
Mademoiselle Charlotte Coy qui m’a permis d’améliorer la traduction des sources
allemandes.
Merci à Madame Marie-Laure Savoye, responsable de la section romane de l’I.R.H.T. qui a
su me guider vers les références exactes.
Merci à Madame Marie-Hortense Lacroix, enseignante et ethnomusicologue spécialiste des
joutes oratoires et de l’improvisation poétique chantée, qui m’a transmis des références
d’études sur les joutes poétiques traditionnelles chantées aujourd’hui.
Merci à Madame Michèle Gally, Maître de Conférences, spécialiste littéraire et historique des
jeux-partis, qui m’a accordé son temps pour discuter autour des problématiques de
composition et d’interprétation du genre.
Merci à Madame Marie-Thérèse Gousset, ingénieur au Centre de recherche sur les manuscrits
enluminés, rattachée au département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France.
5

Enfin, merci à Monsieur Pascal Rideau, responsable du département des manuscrits à la
Bibliothèque municipale d’Arras, ainsi qu’à sa collègue Suzanne pour leur grand
investissement dans la recherche des documents concernant le manuscrit 657, leur soutien et
leur aide. Merci aussi à eux de m’avoir permis de prendre quelques photographies du dit
manuscrit et d’en intégrer quelques extraits dans le présent mémoire.
Enfin, j'adresse mes plus sincères remerciements à mes parents, mon frère, ma famille et tous
mes proches et amis, qui m'ont aidé et toujours soutenu et encouragé au cours de la réalisation
de ce mémoire.
6

Sommaire
Remerciements ....................................................................................................................... 5
Sommaire ............................................................................................................................... 7
Avertissement ......................................................................................................................... 9
Introduction générale ................................................................................................................ 11
Première partie : Étude codicologique du chansonnier d’Arras ............................................. 13
1. Aspects généraux du manuscrit ........................................................................................ 14
2. État du manuscrit et codicologie ...................................................................................... 23
3. Un manuscrit mutilé ......................................................................................................... 28
4. Contenu du chansonnier ................................................................................................... 35
5. Décoration et aspects paléographiques ............................................................................ 45
Conclusion : chronologies .................................................................................................... 57
Deuxième partie : La composition et l’interprétation des jeux-partis arrageois ..................... 61
1. Définition ......................................................................................................................... 63
2. Éléments musicaux : les « formules mélodiques » .......................................................... 67
3. La performance ................................................................................................................ 74
4. Les traces écrites .............................................................................................................. 83
5. Le corpus des jeux-partis du chansonnier d’Arras ........................................................... 87
Conclusion : un défi de mémoire ......................................................................................... 92
Troisième partie : Analyse de jeux-partis enregistrés ............................................................ 95
1. Avoir cuidai engagné le marché ....................................................................................... 97
2. Assignés chi, Grivilier, jugement ! ................................................................................. 101
3. Phelipe, je vos demant .................................................................................................... 106
4. Adam vaurriés vous manoir ........................................................................................... 112
5. Princes del Pui, selonc vostre pensee ............................................................................ 117
6. Amis, quelx est li mieuz vaillanz..................................................................................... 119
7. Sire, loëz moi a choisir ................................................................................................... 126
7

Conclusion : propositions d’interprétation ......................................................................... 132
Conclusion générale ............................................................................................................... 135
Annexes .............................................................................................................................. 138
Sources manuscrites ........................................................................................................... 173
Bibliographie ...................................................................................................................... 174
Discographie ....................................................................................................................... 186
Table des illustrations ......................................................................................................... 188
Table des illustrations sonores ........................................................................................... 190
Table des matières .............................................................................................................. 192
8

Avertissement
Je voudrais éclairer ici quelques abréviations utilisées dans ce mémoire pour l’étude
codicologique du manuscrit A. Dans le chansonnier, deux foliations cohabitent sur chaque
feuillet, en raison du caractère désordonné des cahiers, étudié dans le paragraphe 3.3. de la
première partie. Les références de folios indiqueront donc toujours en chiffres arabes les deux
foliations :
- la foliation principale (avant la barre oblique) est la plus récente. C’est celle qu’Alfred
Jeanroy utilise en 1925 (il l’a écrite au crayon sur les feuillets) pour son étude détaillée
du chansonnier d’Arras : elle prend en compte la remise en bon ordre des cahiers, qui
ont d’ailleurs été réorganisés lors d’une restauration. Elle correspond à l’ordre actuel ;
- la foliation secondaire (après la barre oblique) est celle de 1830, moins logique mais
utilisée dans la majorité des catalogues et études du chansonnier d’Arras. Elle
correspond à l’ordre avant étude, avant restauration mais après toutes les mutilations.
Cette double foliation a pour cause l’existence de deux ordres de cahiers dans le chansonnier :
- l’ordre dit « ancien », incohérent d’après la plupart des études, qui est l’ordre dans
lequel le manuscrit se présentait de 1625 à 1925 ;
- l’ordre dit « logique », qui est l’ordre dans lequel se présente le manuscrit depuis 1925.
Pour éviter toute confusion, les cahiers ne seront jamais qualifiés par le terme « original » qui
serait disconvenu dans la mesure où il est impossible de dire dans quel ordre étaient rangés les
cahiers lors de la première reliure, au XIII e siècle.
De plus, j’ai choisi de dénommer les différents cahiers du chansonnier par des lettres,
préférables aux chiffres (pourtant utilisés dans la plupart des notices codicologiques) pour
plus de clarté, et à cause notamment de la présence trop lourde de chiffres suite à la double
foliation qui porte déjà à confusion.
Enfin, pour la signification des sigles des manuscrits cités, nous renvoyons au paragraphe
« Sources » à la fin de ce mémoire.
9

Introduction générale
11

Que ce soit pour le chansonnier d’Arras ou pour la musique des jeux-partis, beaucoup
de questions et de problèmes ont été soulevés par le passé et méritent aujourd’hui
une mise au point et une tentative de résolution.
Tout d’abord, le chansonnier d’Arras, qui semble être dans un premier temps conçu, relié et
conservé avec soin, se révèle mutilé et très complexe au niveau de sa structure, qui a subi
quelques « mouvements » dans le temps. Notre objectif sera de retracer son histoire, de sa
création à aujourd’hui, en passant bien évidemment par l’étude de ces « mouvements ». Une
étude basée principalement sur la codicologie mettra ainsi en évidence des éléments extramusicaux,
comme l’ordre de copie et la manière de noter les manuscrits à l’époque (nombre
de copistes ou partage des tâches).
La question de l’interprétation sera justement l’objet de la deuxième partie. Cette question
sera traitée au sujet des jeux-partis, un genre poétique et musical du Moyen-âge présent dans
le chansonnier d’Arras. Nous tenterons alors d’apporter des réponses en nous appuyant sur
les études du genre déjà réalisées et, – phénomène quasiment pas encore exploité – nous
tenterons d’élaborer des parallèles avec l’ethnomusicologie et notamment, les joutes
poétiques traditionnelles chantées encore aujourd’hui à travers le Monde. Ce sera aussi
l’occasion d’étudier l’ordonnance des jeux-partis dans le chansonnier d’Arras.
La troisième partie sera alors une étude critique des enregistrements de jeux-partis réalisés
(encore peu nombreux sur le marché) qui permettra de proposer en fin de mémoire des
propositions pour une interprétation des jeux-partis plus logique et plus proche de la réalité.
12

Première partie :
Étude codicologique du chansonnier d’Arras
13

Le chansonnier d’Arras, conservé à la Bibliothèque Municipale d’Arras est un
remarquable témoignage de la vie littéraire en Artois à l’époque médiévale. Il est
souvent consulté à la Bibliothèque Municipale comme un « trésor », notamment
pour les quelques représentations de trouvères en miniatures, surtout celle d’Adam de la
Halle, le trouvère le plus connu du XIII e siècle, originaire d’Arras (90% du courrier à
destination des archives locales concernant le manuscrit A sont des demandes de reproduction
de sa miniature). La notation des soixante-quinze pièces et l’ordonnance du répertoire sont
caractéristiques de son époque.
La bonne conservation générale des feuillets restants permet une lecture relativement aisée de
chaque pièce. Cependant, les lacunes de feuillets, de cahiers, et leur désordre est un véritable
obstacle à la compréhension de la logique globale du chansonnier, de sa construction, de son
histoire, de son destinataire, de sa visée. De nombreuses études ont été réalisées, la plupart
datant du début du XX e siècle et figurant dans la bibliographie à la fin de ce mémoire. Bien
que la dernière étude du chansonnier d’Arras date seulement de 1998, il est nécessaire de faire
un point complet à travers une étude scientifique présentant explicitement les hypothèses et
les idées anciennes et nouvelles et tentant de résoudre les problèmes qui en résultent.
1. Aspects généraux du manuscrit
1. 1. Diversité des cotes
Le chansonnier d’Arras fait partie du manuscrit conservé à la Bibliothèque Municipale
d’Arras sous la cote « 657 (anciennement 139) ». C’est cette cote qui sert de référence pour
tous les chercheurs s’intéressant à ce manuscrit.
La cote 657 est issue du catalogue municipal, dressé, aux frais de la ville en 1860, par Zéphir
François Cicéron Caron, dit Caron II, bibliothécaire de 1853 à 1881, qui décrit les manuscrits
« dans l’ordre où ils se [trouvaient] placés sur les rayons de la bibliothèque, par grandeur de
format, sans distinction de matière » 1 . À Arras, tous les manuscrits conservés – et c’est une
1 Zéphir François Cicéron CARON, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque d’Arras, Arras, A. Courtin,
1860, p. 2 de l’introduction.
14

spécificité de cette bibliothèque – sont encore cotés et classés selon le catalogue municipal
(cote topographique) et non selon le catalogue dit « national ».
L’ancienne numérotation (139) correspond au premier inventaire de la Bibliothèque
Municipale, celui réalisé à l’échelle nationale pour le Ministère de l’Instruction Publique par
Jules Quicherat en 1841 2 en vue de la réalisation du Catalogue Général des Manuscrits
(C.G.M.). C’est cette numérotation qui est considérée comme la principale à l’I.R.H.T. 3 car ce
sont normalement les cotes de ce catalogue qui servent de référence partout en France.
Le catalogue national indique qu’« aucune méthode n’a présidé au classement des 1084
volumes de l’ancien fonds. Après qu’on les a eu [sic] disposé dans les rayons, suivant la
grandeur des formats, on les a numérotés non selon leurs dimensions, mais par travées ; de
telle sorte que les formats qui vont en décroissant, depuis les premiers numéros jusqu'à 434,
redeviennent atlantiques à partir du numéro 435 (deuxième travée), et diminuent encore
jusqu’à 917, où ils se relèvent pour constituer les rayons inférieurs de la troisième travée » 4 .
1. 2. Contenu général du manuscrit A
Dans les différents catalogues, le titre sous lequel le manuscrit apparaît est celui de la
page de garde de commencement : « 1° morales chrétiennes et philosophiques – chansons
notées – et histoires romanesques ». Les différents auteurs des catalogues oublient toujours
volontiers le « 1° », et l’ancien catalogue national omet même les « histoires romanesques ».
Le manuscrit 657 est en effet le rassemblement de trois entités que sont les manuscrits 657.1,
657.2 et 657.3 « sans rapport entre eux, réunis à cause de l’identité du format et de la
ressemblance des écritures » 5 . La différence, elle, s’observe d’abord au niveau de la qualité du
parchemin. Celui-ci est plus fin et plus « frotté » dans le chansonnier que dans le reste du
manuscrit. De plus, les piqûres de réglure ne sont pas organisées de la même manière et
dessinent des formes différentes dans les trois manuscrits 657.1, 657.2 et 657.3 : quelques
2 Jules QUICHERAT, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, tome IV,
Paris, Imprimerie nationale, 1872, p. 68-69. Catalogue arrageois dressé en 1841 par Jules QUICHERAT.
3 L’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes est une unité propre de recherche du C.N.R.S. (Centre National
de la Recherche Scientifique). L’I.R.H.T. a pour mission la recherche fondamentale sur le manuscrit médiéval et
la transmission des textes de l'Antiquité à la Renaissance.
4 Ibid., p. 3-4.
5 Alfred JEANROY, Le Chansonnier d’Arras, reproduction en phototypie, Paris, Société des Anciens Textes
Français, 1925, p. 5.
15

traces de piqûres sont visibles dans 657.1, elles sont nombreuses dans 657.2 (elles seront
étudiées au paragraphe 2.4.) et absentes dans 657.3.
1. 2. 1. Premier manuscrit 657.1
Le premier manuscrit 657.1 contient neuf ouvrages didactiques qui, hormis le
Bestiaire d’Amour, se rattachent à la littérature morale ou religieuse. Alfred Jeanroy et
Madeleine Tyssens n’en dénombrent que sept, groupant toutes les légendes (celles du folio 55
au folio 100v) en un seul ouvrage. Le tableau annexe n°1, page 138, décrit chacun de ces neuf
ouvrages ou de ce qu’il en reste.
Déjà dans le manuscrit 657.1 quelques traces de musique sont présentes. Tout d’abord, dans
le domaine iconographique, quelques personnages musiciens sont intégrés dans les marges
(des reproductions sont proposées en figure 1) :
- au folio 22 : un être hybride orange à pattes de lion avec des ailes jaunes souffle dans
un instrument de la famille des bois (peut-être un chalumeau) ;
- au folio 28 : un être hybride joue de la vièle ;
- au folio 89 : un être hybride portant une robe orange, des bottes noires et une paire
d’ailes rouge et verte joue de l’orgue portatif ;
- au folio 116v : un hybride de dos, corps de dragon, capuchon bleu, joue de la vièle.
Fig. 1 – Hybrides musiciens présents en marge respectivement aux folios 22, 28, 89 et 116v 6 .
Les indications de Martine Clouzot, remarquant que « les êtres hybrides ne sont pas plus
habiles que les animaux pour jouer des instruments de musique, à la différence que leur
6 Les images sont extraites du manuscrit 657 (139), Bibliothèque d’Arras, avec l’aimable autorisation du
responsable du fonds ancien.
16

pratique instrumentale semble volontairement et ostensiblement inexacte » 7 , ne sont pas
valables dans le manuscrit 657.1. En effet, ici, les êtres hybrides tiennent relativement bien
leurs instruments de musique, ces derniers correspondant assez bien à la réalité. La conclusion
de Martine Clouzot donne un sens à la présence de ces êtres et il semble intéressant de
l’évoquer ici :
Ainsi, les motifs animaliers et hybrides introduits dans les bordures marginales des
œuvres para-liturgiques des XIII e et XIV e s. ont tout d’abord en commun d’exhiber un
corps aux franges de l’anormalité, de l’animalité, de la monstruosité et de l’humanité.
Ensuite, ils jouent des instruments de musique qui sont eux aussi des « instrumentslimites
», à la frontière du silence et de la cacophonie, de la mort et de la vie. Enfin, leur
figuration en marge des manuscrits sacrés ne manque pas d’ambiguïté et de paradoxes.
Tous ces êtres musiciens ont, semble-t-il, en commun d’incarner des êtres-frontières, aux
limites de la rationalité et de la déraison, de l’humour et de la peur et surtout aux marges
du monde des morts et du monde des vivants. Tous en effet sont à la fois musiciens,
animaux, hommes, monstres, sans l’être vraiment ; tous sont des êtres sans âme qui,
d’après leurs instruments, leurs pratiques instrumentales et la circulation des airs qu’ils
assurent, ont charge d’âmes. Mais surtout, tous s’inscrivent dans des décalages et des
écarts où tantôt le rire, tantôt la parodie, tantôt la peur de la mort, tantôt le sacrilège se
logent, toujours de façon confuse. Ils se trouvent là où on ne les attend pas, le plus
souvent en marge des Psaumes et des prières [dans 657.1, ils se trouvent dans le Livre de
philosophie et de moralité d’Alard de Cambrai, dans les Légendes en prose, et dans les
Paraphrases de l’Ave Maria], plus en décalage avec le texte sacré qu’en opposition.
Cependant, leurs différentes significations, parodique, humoristique, mystique, ne
renseignent guère sur les raisons fondamentales de leur présence dans les manuscrits
religieux. Seule la nature sacrée de ces manuscrits et leur fonction spirituelle et
dévotionnelle ont en commun avec ces êtres marginaux de servir aux hommes à
communiquer avec l’au-delà, avec la mort, la leur et celle de leurs proches, et par
conséquent d’assurer leur salut éternel par la prière, moment de spiritualité où ils tendent
à être de purs esprits aux marges du monde d’ici-bas et du royaume des cieux. 8
Des musiciens sont aussi présents dans quelques miniatures du Bestiaire d’Amour de Richard
de Fournival :
7 Martine CLOUZOT, « La musique des marges : l’iconographie des animaux et des bêtes hybrides musiciens dans
les manuscrits enluminés du XII e au XIV e siècle », Cahiers de civilisation médiévale, 42 (1999), p. 326.
8 Ibid., p. 341-342.
17

- au folio 101v : un homme joue de la harpe devant un cygne ;
- au folio 104 : deux sirènes jouent de la harpe de la flûte ;
- au folio 104v : un homme joue de la harpe.
Fig. 2 – Personnages musiciens présents dans les miniatures du Bestiaire d’amour de Richard
de Fournival, respectivement aux folios 101v, 104 et 104v 9 .
Martine Clouzot évoque la présence fréquente de sirènes dans le Bestiaire d’Amour de
Richard de Fournival : « Les sirènes font partie de ce groupe de musiciens aux marges de
l’humanité et de l’animalité et incarnent elles aussi une musique de la mort. […] Les sirènes
des sources médiévales […] jouent principalement de deux instruments de musique, la harpe
ou la flûte. […] La sirène elle-même a une nature ambivalente à la fois humaine et animale,
spirituelle et charnelle, aquatique et terrestre. […] Or les mélodies suaves et séduisantes de la
harpe paraissent d’autant plus malfaisantes et pernicieuses que l’élément aquatique est un
facteur supplémentaire de féminité, ainsi que son corps serpentin et sinueux » 10 . Il faut aussi
noter que le huitième ouvrage, l’ouvrage débutant par « li senefiance conment on se doit
contenir a le messe » fait allusion à la présence d’instrumentistes pendant la messe au
folio 126 : « Après cante on le grael ou l’alleluye ou le trait en quaresme : ce senefie que ce
sont les banieres, li jougleour, les muses, les vieles qui viennent devant le signour pour lui
hounourer », ce qu’Hugo Sonneville traduit : « Ensuite on chante le graduel ou l’alluluia ou le
trait en carême. Cela signifie que les guildes, les jongleurs, les cornemuseurs et les viéleurs se
réunissent devant le Seigneur pour lui rendre hommage » 11 . Ceci est un véritable témoignage
de la présence d’instrumentistes dans les messes dès le XIII e siècle, même si la prudence nous
invite à signaler que ces instrumentistes ne sont pas décrits comme « jouant » à ce moment-là.
9 Les images sont extraites du manuscrit 657 (139), Bibliothèque d’Arras, avec l’aimable autorisation du
responsable du fonds ancien.
10 Ibid., p. 329.
11 Hugo SONNEVILLE, « “Li senefiance comment on se doit contenir a le messe”, édition et traduction d’un traité
en ancien français », Recherches de Théologie ancienne et médiévale, Tome XLIV (1977), p. 234.
18

Et peut-être que ces instrumentistes n’étaient recrutés que ponctuellement, pour une fête
particulière du calendrier liturgique 12 .
1. 2. 2. Deuxième manuscrit 657.2
Le deuxième manuscrit 657.2 est le chansonnier d’Arras, manuscrit A, dont le contenu
fera l’objet d’une étude détaillée dans le chapitre 4 de cette partie.
1. 2. 3. Troisième manuscrit 657.3
Le troisième manuscrit 657.3 est un long récit en prose dont il manque le
commencement. Il contient deux ouvrages, dont l’un est la suite de l’autre.
Le premier ouvrage est le Roman des Sept Sages. Deux versions, deux rédactions se
succèdent :
- la première au folio 161v : le folio commence par ces mots : « Li avint il donkes fait li
empereres… » ;
- la seconde au folio 168v.
Le fragment comprend plusieurs récits, tous introduits par des rubriques :
- trois récits de l’empereres : folios 162, 164v, 167 ;
- le récit de Lentullus : folio 161 13 ;
- le récit de Mauquian : folio 163 ;
- le récit de Caton : folio 166 ;
- le début du récit de Jessé : folio 168v. La fin du récit manque (le cahier se termine au
folio 168).
Le second ouvrage est le Roman de Marques de Rome. Il commence au folio 169v. Il fait
suite au précédent dans de nombreux manuscrits. Sans rubrique mais après une grande
miniature, l’ouvrage commence par : « A Rome ot jadis un emperaour qui ot non
Dyocliciens » et se termine, folio 212v par l’explicit suivant qui met en valeur le héros du
roman : « E.x.p.l.i.c.i.t. de Marke le fil Caton qui eut tant de paine tant qu’il vesqui. »
12 A propos du recrutement d’instrumentistes en Espagne, voir les articles de Maria del Carmen Gómez Muntané
: GOMEZ MUNTANE, María del Carmen, « Las escuelas de ministriles a finales de la Edad Media », Goldberg:
Early music magazine 41 (2006), p. 59-67 ; GOMEZ MUNTANE, María del Carmen, « Reflexiones: Música
antigua e instrumentos musicales », Goldberg: Early music magazine 41 (2006), p. 4-5 ; Et GOMEZ MUNTANE,
María del Carmen, La música medieval, Barcelone, La Llar del Llibre, 1983.
13 Le récit de Lentullus commence bien au folio 161, et non au folio 160 comme Alfred Jeanroy le signale dans
Alfred JEANROY, op. cit., p. 8.
19

1. 3. Datation
Le manuscrit 657 est daté du XIII e siècle dans tous les catalogues et de la seconde
moitié de ce siècle selon Alfred Jeanroy 14 .
On peut lire en bas du folio 2 : « écrit en 1278 par jean damiens le petit. Voiez la fin », en
référence au dernier folio, 212v, en colophon : « Cis livres fu escris en lan que l’incarnation
coroit sour mil et II. et soissante dis et VIII, as octaves de le mi-aoust. Sil escrist jehans
damiens li petis. » Mais cette indication ne serait valable que pour le manuscrit 657.3.
Selon Philippe Lauer – cité par Alfred Jeanroy 15 –, le chansonnier, lui, daterait d’après 1278.
Pour lui, les formes des a et des g feraient en effet dater cet ouvrage à la fin du XIII e siècle ou
au début du XIV e . Cette hypothèse est confirmée par Alain Lerond 16 , qui indique que le
chansonnier a pu être écrit jusqu’au début du XIV e siècle. Enfin, Friedrich Gennrich indique :
« [la surface d’écriture] est en deux colonnes de 40 lignes remplies de minuscules
caractéristiques du tournant des XIII e et XIV e siècles 17 . »
1. 4. Les copistes
Le manuscrit entier est « l’œuvre de plusieurs copistes de la seconde moitié du XIII e ou
du début du XIV e siècle » 18 . Le copiste du chansonnier est clairement différent que de ceux du
reste du manuscrit, vu la différence d’écriture entre :
- le chansonnier et les derniers ouvrages ;
- le chansonnier et les poèmes religieux qui le précèdent, phénomène déjà remarqué par
Friedrich Gennrich en 1921 : « si on compare par exemple fol. 128v et [138/]129r, on
remarque immédiatement l'énorme différence d'écriture entre le chansonnier et les
poèmes religieux qui le précèdent. Aussi les initiales sont-elles complètement
différentes » 19 .
14 Alfred JEANROY, op. cit., p. 5.
15 ibid., p. 9.
16 Alain LEROND, Chansons attribuées au Chatelain de Couci, Paris, Presses Universitaires de France, 1964, p.
24.
17 « [Der Schriftspiegel] ist in zwei Spalten zu je 40 Teilen mit der bekannten Minuskl aus der Wende des 13./14.
Jahrhunderts beschrieben ». Friedrich GENNRICH, « Der Chansonnier d’Arras », Zeitschrift für romanische
Philologie XLVI (1927), p. 327.
18 Madeleine TYSSENS, « II. Chansonniers français, 1. a (B.A.V., Reg lat. 1490), b (B.A.V., Reg. lat. 1522), A
(Arras, Bibliothèque municipale 657) », dans « Intavulare », Tables de chansonniers romans, Studi e testi 388,
sous la direction d’Anna Ferrari, Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1998, p. 115.
19 « Vergleicht man z. B. fol. 128v° mit 129r°, so fällt einem der vollkommen andere Schriftcharakter der
Liederhandschrift im Gegensatz zu dem der ihr vorangehenden geistlichen Dichtung sofort auf. Auch die
20

Le tableau annexe n°2, page 139, montre que le manuscrit serait en fait l’œuvre de deux
copistes : l’un pour le chansonnier, et l’autre pour les manuscrits 657.1 et 657.3, puisque leurs
lettres sont exactement de la même forme.
La notation du copiste de 657.1 et 657.3 est globalement plus arrondie. Les différences sont
surtout notables pour :
- la forme du bas du jambage du « a » ;
- la forme du haut de la hampe du « b » ;
- la forme de la boucle du « d » ;
- l’endroit du croisement des deux boucles du « g » ;
- le niveau du bas de la boucle du « k » ;
- la place de la barre horizontale du « t » ;
- la forme générale du « v ».
En examinant le manuscrit de près et en comparant la forme des lettres, nous pouvons
supposer qu’un seul copiste s’est employé pour écrire l’ensemble du texte du chansonnier
(chansons et jeux-partis, et texte sous portée et autres strophes). Le tableau annexe, page 139,
permet encore de vérifier cette supposition. La comparaison des formes de lettres nous
indique aussi que le rubricateur et le copiste de texte étaient en fait la même personne.
Concernant le copiste de la musique, la comparaison des formes des clés d’ut et de fa montre
qu’un seul copiste s’est occupé d’écrire toute la musique du chansonnier (ce pourquoi il ne
nous a pas semblé utile d’intégrer une comparaison de la forme des clés dans le tableau
annexe). Nous ne pouvons savoir si le copiste de texte et le copiste de la musique sont les
mêmes personnes. La thèse de Madeleine Tyssens selon laquelle un copiste aurait écrit les 43
chansons et un autre les 32 jeux-partis 20 peut s’expliquer par la différence de taille des lettres
entre les deux sections. Mais d’une part, et comme le montre le tableau annexe, la forme des
lettres est exactement la même entre les jeux-partis et les chansons. D’autre part, il ne faut pas
se suffire à comparer le module d’écriture de folios placés côte à côte, mais bien prendre en
compte que les lettres du folio 129/152 et celles du folio 145/136 sont presque exactement de
la même taille : le tableau suivant (figure 3) montre que le module d’écriture du premier folio
des jeux-partis est finalement très proche que celui du premier folio des chansons :
Initialen sind vollkommen verschieden ». Friedrich GENNRICH, « Die beiden neuesten Bibliographien
altfranzösischer und altprovenzalischer Lieder », Zeitschrift für romanische Philologie XLI (1921), p. 300.
20 Madeleine TYSSENS, op. cit., p. 117.
21

folio description taille de l’œil des
lettres (en mm)
taille des lettres à
jambages (en mm)
129/152 première page des chansons entre 1,5 et 2 3
135/144v dernière page des chansons 2 3
136/145 première page des jeux-partis entre 1,5 et 2 entre 2 et 3
Fig. 3 – Tailles des lettres avec et sans jambage dans trois folios du chansonnier d’Arras.
En 1927, Friedrich Gennrich ne réfute pas la supposition d’Eduard Schwan 21 , qui pense que
Jehans d’Amiens li petit serait le Meistersinger Jehans li petis (à qui est attribuée la pièce On
me reprent d’amours qi me maistrie du manuscrit a). Mais il conteste le fait qu’il serait le
copiste du chansonnier : « Schwan suppose que le copiste ci-dessus nommé était
‟vraisemblablement le Meistersinger Jehan li petis”. Même si ce dernier entre vraiment en
ligne de compte comme copiste pour la dernière partie – ce qu'on ne peut sans doute pas
vérifier aujourd'hui –, le chansonnier, c'est-à-dire le [manuscrit 657.2], ne provient sûrement
pas de ce trouvère. Il me semble que la supposition de Schwan avait seulement son origine
dans l'association des idées : Chansonnier – Jehan d'Amiens li petis » 22 . Dans tous les cas,
Jean d’Amiens est celui qui a écrit les deux derniers ouvrages (manuscrit 657.3) car il
« signe » sur le dernier folio d’un manuscrit qui est considéré comme séparé du reste à
l’époque. Jean Porcher signale la présence, en 1316, d’un maître enlumineur se dénommant
Jean d’Amiens, ayant signé dans la chevalerie de Gérard de Montaigu 23 . Peut-être que le
jeune Jean, d’abord copiste, a écrit la manuscrit 657.3 et a collaboré à ses enluminures en
1278, avant plus tard de devenir maître enlumineur.
1. 5. Lieu de copie
Plusieurs éléments nous autorisent à croire que le manuscrit a été copié et décoré en
Artois. Selon Madeleine Tyssens 24 , ces éléments sont :
- la langue franchement picarde du manuscrit ;
21 Eduard SCHWAN, Die altfranzösischen Liederhandschriften, ihr Verhältniss, ihre Entstehung und ihre
Bestimmung, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1886, p. 53.
22 « Schwan vermutete in dem oben genannten Schreiber “wahrscheinlich den Meistersinger Jehan li petis”.
Wenn dieser tatsächlich als Schreiber des letzten Teiles in Betracht kommt – was sich wohl Schreiber des letzten
Teiles in Betracht kommt – was sich wohl kaum noch nachprüfen last -, dann rührt die Liederhandschrift, d. h.
der zweite Faszikel des Kodex, sicher nicht von diesem Trouvère her. Wie mir scheint, entsprang Schwan’s
Vermutung nur der Ideenassoziation: Liederhandschrift – Jehan d’Amiens li petis ». Friedrich GENNRICH, « Der
Chansonnier d’Arras », Zeitschrift für romanische Philologie XLVI (1927), p. 326.
23 Jean PORCHER, Maître Jean d’Amiens, enlumineur (1316), Paris, Daupeley-Gaverneur, 1944.
24 Madeleine TYSSENS, op. cit., p. 121.
22

- la facture « artésienne » des miniatures ;
- des « graphies très picardisantes » 25 ;
- la signature du copiste Jehan d’Amiens le Petit, qui prouve d’ailleurs que le manuscrit
657.3. a été copié hors d’Amiens ;
- sa parenté évidente avec le chansonnier a (voir chapitre 4), qui lui aussi, est de facture
clairement artésienne par sa volonté de mise en évidence de l’œuvre de Guillaume
d’Amiens le Peintre.
2. État du manuscrit et codicologie
2. 1. Format, dimensions et fiche de réglure
Le format paraît vraiment être un in-folio, bien qu’Alfred Jeanroy et Madeleine
Tyssens le décrivent comme étant un in-4° (les feuillets n’ont pourtant pas l’air solidaires en
in-4° et il est quasiment impossible de mettre les dimensions des feuillets du chansonnier dans
ce format). Les feuillets mesurent approximativement 310 mm de haut de 225 mm de large.
Les écarts de dimensions sont de l’ordre du centimètre.
Le chansonnier contient:
- à l’horizontale :
- une marge de petit fond (30 mm) ;
- une première colonne écrite (63 mm) ;
- un couloir d’entrecolonne (16 mm) ;
- une seconde colonne écrite (63,5 mm) ;
- une marge de gouttière (52,5 mm) qui se divise en trois dans les manuscrits
657.1 et 657.3 (37 mm + 3 mm + 19 mm).
- à la verticale :
- une marge de tête (28 mm) ;
- une partie où s’inscrit le texte (219 mm) ;
- une marge de queue entrecoupée par un alinéa (40 mm + 4 mm + 19 mm).
25 Alain LEROND, Chansons attribuées au Chatelain de Couci, Paris, Presses Universitaires de France, 1964, p.
24.
23

La figure 4 propose une fiche de réglure du chansonnier d’Arras, réalisée à partir du folio
129/152 (on y donne les mesures en millimètres) :
225
30 63 16 63,5 52,5
28
310
219 40 4 19
Fig. 4 – Fiche de réglure référence du chansonnier d’Arras
Le texte et la musique sont écrits sur deux colonnes de 41 lignes de réglure tracées à l’encre
brune diluée (ou peut-être à la mine de plomb). 40 lignes sont écrites (formule normalisée
41/40), la ligne de réglure de tête servant en effet de linteau. L’unité de réglure est donc de
5,475 millimètres (219/40). Le texte écrit dans la justification comprend donc, en hauteur la
colonne où s’inscrit le texte (c. 219 mm) et en largeur, la somme des première et seconde
colonnes et du couloir d’entrecolonne (c. 142,5 mm).
2. 2. Forme
Le support est le parchemin. Le manuscrit est en vélin choisi ou « mediocri » 26 (moyen
sur vélin selon Gaston Raynaud 27 , « media vitera » en espagnol). Ce vélin est en fait un demivélin,
parchemin imitant la qualité du vélin, fabriqué avec la peau de très jeunes chevreaux.
26 Le vocabulaire codicologique employé ici, extrait du catalogue de Zéphir Caron, op. cit., p. 293, est sûrement
caractéristique du XIX e siècle et n’est plus employé aujourd’hui.
24

Comme l’indique Madeleine Tyssens, le manuscrit comporte aujourd’hui une « simple reliure
à peau claire » 28 . Un avertissement de l’atelier de restauration de la Bibliothèque Nationale
datant du 26 avril 1955 indique sur le plat de la couverture : « contrairement à l’indication
portée dans le catalogue général des manuscrits de province, ce volume, lorsqu’il a été
restauré par l’atelier de restauration de la Bibliothèque Nationale ne possédait plus de reliure
en veau estampée à plaques, mais se présentait sous un velin [sic] plein 19° siècle. L’ordre des
folios a été rétabli. » Le qualificatif « plein » du vélin signifie que la reliure possède un dos
qui « adhère au dos des cahiers » (et n’y est donc pas indépendant) et « s’en incurve avec lui
vers l’intérieur » 29 lorsqu’on ouvre le volume. En effet, au XIX e siècle, les deux catalogues
principaux (ceux de Zéphir Caron et Jules Quicherat) signalent encore que la reliure était alors
en veau fauve (c’est-à-dire non-teint) et contenait des plaques gaufrées (c’est-à-dire décorées
par estampage à froid : le décor non-doré est imprimé sur la peau au moyen de fers ou de
plaques) et des nervures (saillies transversales formées au dos de la couvrure par des nerfs ou
des faux nerfs). On apprend dans le catalogue national que vers 1510, l’abbé Martin Asset a
fait recouvrir une partie des fonds de Saint-Vaast avec des « reliures en veau fauve ornées de
plaques gaufrées » 30 .
2. 3. Structures extrêmes
Le manuscrit A comporte au début, dans l’ordre :
- trois feuilles de garde en papier ;
- une première feuille de parchemin, qui avait été réglée en colonnes et dont il ne reste
qu’un assez large bandeau vertical :
- au recto, trois maximes d’une écriture récente et assez moulée ;
- au verso, trois lignes d’une écriture plus cursive.
- une seconde feuille de parchemin, qui appartient au diplôme extérieur du premier
quaternion (le feuillet conjoint a été coupé) : le premier feuillet de texte porte donc le
numéro 2 :
- au recto vierge ;
27 Gaston RAYNAUD, Bibliographie des Chansonniers français des XIII e et XIV e siècles, comprenant la
description de tous les manuscrits, la table des chansons classées par ordre alphabétique de rimes et la liste des
trouvères. Tome premier, description des manuscrits, Paris, F. Vieweg, 1884, p. 1-4.
28 Madeleine TYSSENS, op. cit., p. 116.
29 Denis MUZERELLE, Vocabulaire codicologique. Répertoire méthodique des termes français relatifs aux
manuscrits, Paris, Editions CEMI, 1985. Accès en ligne : http://vocabulaire.irht.cnrs.fr/vocab.htm.
30 Jules QUICHERAT, op. cit., p. 8.
25

- au verso :
- dans la partie droite, l’esquisse d’une lettrine « b » (initiale du nom Boidin,
à l’encre), prolongée d’une baguette supportant deux chiens ;
- plus bas à gauche les notes de bibliothécaires signalées plus haut.
A la fin du volume, après le folio 212, on trouve un feuillet de garde en parchemin, dont il ne
reste qu’une bande horizontale, et trois feuillets de garde de papier.
2. 4. Les piqûres
Les piqûres de réglure et de mise en page qui délimitent l’emplacement du texte sont
encore bien visibles. Tous les folios du chansonnier contiennent 41 piqûres distinctes, soit
autant que de lignes de réglure. Seuls les folios 137/160, 145/136 et 156/133 n’ont pas de
piqûres, celles-ci ayant disparu lors de la coupure des bords de folios. Les piqûres ont toutes
des tendances obliques. L’étude des formes des six premières piqûres du haut permet
d’affirmer que le cahier E a été piqué indépendamment des autres cahiers, où les piqûres sont
vraiment solidaires. Les figures 5 et 6 montrent ces différences :
Fig. 5 – La forme des six premières piqûres
des cahiers A-B-C-D.
Fig. 6 – La forme des six premières piqûres
du cahier E.
2. 5. Les côtés « poil » et « chair »
Les couleurs des différents côtés sont très peu différentes ; le toucher du manuscrit
sans gant est interdit ; la qualité du parchemin fait qu’il ne possède que très peu de trous ; les
lignes de réglure ne sont pas faites à la pointe. Il ne nous reste qu’une solution pour
26

déterminer les côtés poil des côtés chair : la manière dont les folios se courbent, c’est-à-dire
leur enroulement : ils se courbent normalement toujours du côté poil qui forme alors une
courbe concave tandis que le côté chair forme une courbe convexe. Parfois, lorsque
l’enroulement n’est pas très distinct, la présence ou l’absence de poils ainsi que la couleur de
certains folios peuvent aider une partie de ces remarques. Nous observons ainsi que :
- les cahiers A, B et C respectent apparemment bien la règle de Grégory ou de vis-à-vis :
A T 31 T T [c]129/152[p] /
[p]130/153[c] [c]131/154[p] [p]132/155[c] [c]133/156[p]
B [p]134/157[c] [c]135/158[p] T T /
T T [p]136/159[c] [c]137/160[p]
C T [c]138/129[p] [p]139/130[c] [c]140/131[p] /
[p]141/132[c] [c]142/133[p] [p]143/134[c] [c]144/135[p]
- tous les folios du cahier D s’enroulent sur leur recto et, comme le montre la figure 7,
aucune différence de couleur n’est visible :
D [p]145/136[c] [p]146/137[c] [p]147/138[c] [p]148/139[c] /
[p]149/140[c] [p]150/141[c] [p]151/142[c] [p]152/143[c]
Fig. 7 – Le folio 147/138v avec la couleur de tous les versos
(147/138v, 146/137v, 145/136v, 144/135v).
- le cahier E respecte aussi la règle de Grégory :
E [p]153/144[c] [c]154/145[p] [p]155/146[c] [c]156/147[p] /
[p]157/148[c] [c]158/149[p] [p]159/150[c] [c]160/151[p]
Toutes ces remarques ne sont fondées que sur des observations parfois imprécises, le
parchemin étant tellement raffiné, exploité et fin qu’il est très difficile de distinguer le côté
31 Les « T » indiquent la présence de talon suite à la perte d’un feuillet.
27

chair du côté poil. Ainsi, les pages de A n’ont pas de différence notable d’enroulement tandis
que les pages de E n’ont pas de différence notable de couleur. Nous pouvons cependant
affirmer que tous les cahiers commencent par le côté poil au recto du premier feuillet.
Par conséquent, l’étude des côtés chair et poil est insuffisante pour intervenir dans les
recherches sur l’histoire du manuscrit et de ses mutilations, et pour aider à soutenir les
hypothèses émises dans le paragraphe ci-après.
3. Un manuscrit mutilé
Le manuscrit A contient au total quarante cahiers avec de nombreuses mutilations et de
nombreux feuillets manquants. De ces quarante cahiers, il subsiste 212 feuillets.
3. 1. Histoire du manuscrit et de ses mutilations
Comme nous l’apprend une note manuscrite sur la page de garde de commencement,
le manuscrit est arrivé, déjà mutilé, vers 1625 à l’abbaye Saint-Vaast : « le manuscrit est
obvenu à l’abbaye vers l’an 1625. Il étoit des lors gaté du ciseau et injurié par des enffans,
selon les apparence. » Le haut du folio 2 indique d’ailleurs : « Bibliotheca monasterii Sancti
Vedasti Atrebatensis 1628, K. 2. » Le catalogue national indique en effet que « les manuscrits
de Saint-Vaast se reconnaissent généralement à l’indication, Bibliotheca monasterii Sancti
Vedasti Atrebatensis, écrite sur la première page de chaque volume avec le millésime 1628.
De plus, ils portent sur le dos une lettre et un chiffre, indication d’un classement effectué en
1720 par le bibliothécaire de Saint-Vaast » 32 . Plus bas, une autre note plus tardive indique :
« c’est sans doute l’écriture d’un bibliothécaire de l’abbaie de St Vaast, dont je désirerois
savoir le nom et l’époque où il exerçoit ses fonctions. Arras, le 25 mai 1837, Charles-Marie-
Joseph FAUCHISON-DUPLESSIS, installé bibliothécaire le 24 février 1826. » A côté, entre
parenthèses et d’une plume plus fine, on lit le nom « Lefebvre ». La première note serait en
fait de la main de Maurice Lefebvre. A la toute fin, de la même écriture que celle de la
première note de la première garde (selon Zéphir Caron 33 ), c’est-à-dire celle du bibliothécaire
Lefebvre, on lit une note qui a sûrement été rédigée lors du classement de la bibliothèque de
1720 évoqué ci-dessus : « en 1720, ce manuscrit étoit déchiré de tems immemorial : par gens
qui ont injurié a L’antiquité. » En fait, il est tout à fait possible que le manuscrit 657 était déjà
32 Jules QUICHERAT, op. cit., p. 6-7.
33 Zéphir CARON, op. cit., p. 294.
28

dans la Bibliothèque de l’abbaye Saint-Vaast d’Arras avant 1628. En effet, déjà, la reliure
évoquée au paragraphe 2.2. correspond vraiment à la description des reliures de Martin Asset
de 1510. Ce qui supposerait que le manuscrit était déjà à cet endroit en 1510.
Pascal Rideau affirme que « [le chansonnier], rédigé en picard de préférence au latin,
témoigne du développement de la littérature profane et de l’attrait qu’elle exerce sur un
lectorat laïc tel que la noblesse » 34 . Patrick de Winter nous apprend que les bourgeois
« aimaient les bestiaires et les livres de moralité religieuse » tandis qu’une « grande
production de livres pour les bourgeois a lieu surtout entre 1270 et 1300 » 35 . Le manuscrit a
probablement été écrit pour un bourgeois. Florie Debouchaud 36 émet aussi l’hypothèse qu’il
fut destiné à Philippe le Hardi et qu’il est rentré à la Bibliothèque de l’abbaye Saint-Vaast
après sa mort. Beaucoup d’hypothèses sont possibles, mais très peu sont démontrables.
Cependant, il reste probable que le manuscrit 657 ait rejoint la Bibliothèque de l’abbaye
Saint-Vaast très tôt (bien avant 1628) et que les trois manuscrits aient été assemblés peu après
leur copie, sûrement au début du XIV e siècle, la commande ayant sûrement dû avoir lieu pour
l’ensemble des ouvrages du manuscrit.
Une note manuscrite sur papier du 22 octobre 1910 collée sur la première feuille de garde en
papier énumère les « morceaux enlevés » jusqu’au folio 122 ainsi que les « coups de ciseau »
aux folios 143/157-135/158. Il est tout à fait possible qu’une partie des mutilations présentes
aujourd’hui dans le manuscrit 657 soient intervenues après l’inventaire de 1628 : on sait en
effet que le deuxième bibliothécaire municipal, Pierre Léonor Caron, arrivé en 1814 en poste,
« déroba et vendit à la livre plus de 37000 feuillets confiés à sa garde avant de fuir » 37 . La
foliation ancienne, écrite à la plume au XIX e siècle, après les dégradations commises en 1816
par Pierre Léonor Caron, tient compte des feuillets manquants. Monsieur Rideau, responsable
du département des manuscrits à la Bibliothèque municipale d’Arras, pense que le manuscrit
était certes déjà dégradé en 1816 mais que Monsieur Caron était, lui, intéressé par la matière
34 Laurent WIART et Pascal RIDEAU, « La Bibliothèque municipale d’Arras et ses collections patrimoniales »,
L’Evangéliaire de Saint-Vaast, un trésor conservé à la Bibliothèque d’Arras, Art de l’Enluminure n°22
(septembre, octobre, novembre 2007), p. 10.
35 Patrick de WINTER, La Bibliothèque de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne (1364-1404), Paris, éditions du
Centre Nationale de la Recherche Scientifique, Paris, 1985, p. 75-76.
36 Florie DEBOUCHAUD, Le Ms. 657 de la Bibliothèque d’Arras, un recueil de textes profanes, Mémoire de
Master, Université Paris X Nanterre, à paraître.
37 Jules QUICHERAT, op. cit., p. 6. Et Laurent WIART et Pascal RIDEAU, op. cit., p. 6.
29

même du parchemin. Nous pouvons donc penser que les vols des miniatures soient des actes
antérieurs à 1720 et que les vols des feuillets soient des actes commis entre 1814 et 1816.
En 1927, Friedrich Gennrich commente ces mutilations :
Les fol. [135/]158, [134/]157 et [133/]156 montrent des coupures au couteau provenant
d’un vol de miniatures. Au verso d’un feuillet perdu, entre les fol. [135/]158 et [136/]159,
une miniature a été coupée. Les feuillets du dessous ont été par la même occasion
coupés : sous la miniature, la coupure est encore visible, et les coupures latérales au fol.
[132/]155v° ont aussi laissé des traces. Plus tard, c’est le bifeuillet entier du manuscrit qui
fut pris.
La miniature a sûrement été coupée quand le manuscrit était déjà dans sa reliure actuelle,
parce que les coupures qui se trouvent dans deux différents cahiers – des cahiers qui se
suivent pourtant directement – sont exactement au même endroit, ce qui ne serait pas le
cas si la reliure actuelle n'avait pas encore été faite. 38
Ces remarques, intéressantes, ont été confirmées en consultant le manuscrit. L’hypothèse
d’une miniature au verso d’un des quatre feuillets entre les folios 135/158 et 136/159 est
certaine. Cette miniature se serait même située sur un des premiers feuillets suivant
directement le folio 135/158, le couteau ayant transpercé celui-ci.
La Bibliothèque de l’abbaye fut mise à la disposition de la Nation le 2 novembre 1789 pour
être confiée, avec d’autres fonds, à l’administration de la Municipalité, le 27 janvier 1794.
Le manuscrit n’a plus jamais quitté la ville, sauf pour deux évacuations 39 :
- lors de la première guerre mondiale, à la Bibliothèque Nationale à Paris, d’août 1915 à
décembre 1920 40 ;
38 « Die fol. 158, 157 und 156 zeigen scharfe Messereinschnitte, die von einem solchen Miniaturenraub
herrühren. Auf dem verso eines heute fehlenden Blattes, das zwischen fol. 158 und 159 stand, ist eine Miniatur
herausgeschnitten worden. Die darunter liegenden Blätter wurden bei dieser Gelegenheit auch durchschnitten:
der unter der Miniatur verlaufende Schnitt ist noch durch fol. 157 hindurchgedrungen, während die beiden
seitlichen Einschnitte noch auf dem fol. 155v° deutliche Eindrücke hinterlassen haben. Später erst ist das ganze
Doppelblatt aus der Hs. herausgenommen worden. Das Herausschneiden der Miniatur muss vorgenommen
worden sein, als die Hs. schon in dem heutigen Einband war, den sonst würden die Schnitte, die sich in zwei
verschiedenen, allerdings aufeinander folgenden Lagen befinden, nicht so ganz genau übereinander passen ».
Friedrich GENNRICH, « Der Chansonnier d’Arras », Zeitschrift für romanische Philologie XLVI (1927), p. 327.
39 Claude BOUGARD, Manuscrits d’hier ; Livres d’aujourd’hui. Catalogue d’une exposition, Arras, 1984, p. 5.
40 Virginie SANTERNE, La Bibliothèque municipale d’Arras de 1784 à nos jours, mémoire de maîtrise, Université
d’Artois, Arras, 2002, p. 48.
30

- lors de la seconde guerre mondiale, au château de Trévarez (Finistère) puis à Vaux
(Eure-et-Loir), de septembre 1939 à 1945 41 .
Comme déjà évoqué au paragraphe 2.2., le manuscrit est restauré par la Bibliothèque
Nationale en 1955.
3. 2. Des feuillets manquants
Deux foliations cohabitent sur chaque feuillet du chansonnier, en raison du caractère
désordonné des cahiers (voir aussi paragraphe 3.3.). L’ancienne foliation date d’après les
mutilations, puisque les feuillets manquants ne sont pas pris en compte dans cette foliation
(tout comme l’ordre des feuillets). Elle a été écrite au XIX e siècle, après toutes les dégradations
subies. Rappelons aussi que la foliation la plus récente, écrite au crayon, est celle rétablie par
Alfred Jeanroy (qui a en même temps d’ailleurs légèrement barré l’ancienne numérotation au
crayon) : elle prend en compte l’ordre logique des cahiers.
Le chansonnier d’Arras contient cinq cahiers qui sont tous à l’origine des quaternions.
Comme l’indiquent les schémas situés en annexe n°3, page 140, le cahier A a été amputé des
trois premiers feuillets, le cahier B des deux bifolios médians et le cahier C du premier
feuillet, tandis que les deux derniers quaternions (cahier D et E) sont complets. Les cahiers
ont été numérotés en chiffres romains, au crayon de papier. Ces signatures des cahiers ont très
certainement été ajoutées en 1925 par Alfred Jeanroy, lorsqu’il a étudié le chansonnier. Elles
sont visibles, dans le chansonnier uniquement, en bas des folios 133/156 (n°XXIX), 137/160
(n°XXX), 144/135 (n°XXV), 152/143 (n°XXVII), 160/151 (n°XXVIII). Il manque le cahier
n°XXVI, celui qui se situerait entre les cahiers C et D.
Trois onglets de parchemin, collés l’un sur l’autre avant le folio 129/152 (au début du cahier
A) prouvent la lacune des trois premiers feuillets du cahier A. La lacune présente avant le
folio 136/159 (le bifolio médian du cahier B) nous est indiquée par une bande adhésive
blanche sûrement issue de la restauration et qui consolide le milieu de cahier et son fil de
couture. La trace du feuillet perdu au début du cahier C est aussi visible par un onglet en
parchemin collé sur le folio 137/160v. Des bandes blanches adhésives destinées certainement
à consolider les cahiers lors de la restauration du manuscrit à la Bibliothèque Nationale de
France sont visibles par-dessus les fils de couture au milieu des cahiers A (avant le folio
41 Ibid., p. 67.
31

130/153) et B (avant le folio 136/159). D’autres bandes blanches adhésives sont présentes
pour attacher le premier feuillet des cahiers B (bande blanche collée sur le folio 133/156v et
134/157v), D (bande blanche collée derrière le folio 145/136v) et E (bande blanche collée
derrière le folio 153/144v). La même bande blanche est d’ailleurs collée derrière le folio
161v, premier feuillet du cahier suivant (qui n’appartient plus au chansonnier). Tous ces
onglets et autres bandes adhésives sont une preuve supplémentaire pour les lacunes.
3. 3. Des feuillets désordonnés
En 1921, Friedrich Gennrich affirme : « dans le chansonnier, il me semble qu’il n’y a
pas seulement une lacune de feuillets, mais que ceux-ci ont en plus été reliés de manière
désordonnée » 42 . Il plus précis dans son article de 1927 : « en ce qui concerne l’ordre des
chansons, le quatrième cahier doit se trouver absolument au début » 43 . Alfred Jeanroy le
reprend dans l’introduction du facsimile du chansonnier en 1925 :
M. Fr. Gennrich, considérant la parenté très étroite qui unit notre chansonnier et l’un de
ceux du Vatican [a], et constatant que l’ordre des pièces y est très différent, a conjecturé
en outre que certains feuillets du nôtre avaient été intervertis. Cette conjoncture était
fondée, comme j’ai pu le vérifier très aisément, grâce à l’aide obligeante qu’a bien voulu
me prêter, pour l’examen du manuscrit, M. Gennrich lui-même, alors de passage à Paris.
[…] Il faut sûrement placer en tête le cahier qui est aujourd’hui le second qui nous donne
des chansons de Thibaut de Champagne, du Châtelain de Coucy et du Vidames de
Chartres. 44
Ici, Alfred Jeanroy commet une erreur : il s’agit bel et bien du quatrième cahier de l’époque
qui doit être placé en tête et non le second. La « table des pièces dans l’ordre du manuscrit »
écrite par Alfred Jeanroy après son introduction confirme en effet la présence des chansons de
ces trouvères dans le quatrième cahier. Les suppositions d’Alfred Jeanroy et Friedrich
Gennrich sont confirmées par la structure générale des chansonniers médiévaux. En effet,
comme l’indique Sylvia Huot, les trouvères les plus aristocrates ouvrent généralement les
manuscrits de cette époque :
42 « Wie mir scheint, fehlen in dem Fragment nicht nur einige Blätter, sondern die erhaltenen Blätter sind auch in
falscher Reihenfolge zusammengebunden worden ». Friedrich GENNRICH, « Die beiden neuesten Bibliographien
altfranzösischer und altprovenzalischer Lieder », Zeitschrift für romanische Philologie XLI (1921), p. 297.
43 « Was nun die Reihenfolge der Lagen anbetrifft, so ist die 4. Lage unbedingt an den Anfang zu stellen ».
Friedrich GENNRICH, « Der Chansonnier d’Arras », Zeitschrift für romanische Philologie XLVI (1927), p. 328.
44 Alfred JEANROY, op. cit., p. 9.
32

Les chansons sont rangées par auteur (comme dans la plupart des chansonniers) : au
début se trouvent les chansons des trouvères aristocrates (Thibaut de Navarre très souvent
en premier) alors que la fin est réservée aux chansons anonymes. […] Les chansons
peuvent aussi être classées dans l’ordre alphabétique de l’auteur ou dans des sections
spéciales (pastourelles, jeux-partis…). 45
Cependant, Robin Lockert remet en question cette remise en ordre des cahiers. Dans son
étude critique du chansonnier d’Arras, il indique avec raison que le clergé et la bourgeoisie
étaient plus importants que la noblesse dans la société médiévale à Arras :
Un changement dans la hiérarchie de la société pourrait avoir eu lieu suite à ce
changement de hiérarchie du noble au clerc et bourgeois à l’intérieur de la nécrologie [de
la confrérie des jongleurs et des bourgeois d’Arras], et cette transformation pourrait être
une preuve pour la foliation originale [ancienne] du chansonnier. D’autres preuves
peuvent être trouvées pour soutenir cette thèse. Sylvia Huot fait remarquer que dans le
livre Jugement d’amour (XIII e siècle), le rossignol affirme que les chevaliers n’auraient
rien connus du grand plaisir ou de la liberté s’ils ne les avaient pas appris des clercs (p.
63). Il est aussi affirmé dans ce livre « tout comme la rose dépasse toutes les autres fleurs,
le clerc surpasse les chevaliers, les rois et les comtes ». Il est évident qu’une modification
de l’importance sociale des bourgeois et des clercs a lieu dans la société française
médiévale du XIII e siècle. Bien que d’autres manuscrits commencent avec les membres de
la première classe sociale, un manuscrit comme le chansonnier d’Arras ne devait pas
suivre ce format. En comparant la foliation originale [ancienne] du chansonnier d’Arras
avec les trois possibilités de rangements de chansons proposées par Sylvia Huot, il est
évident que le chansonnier d’Arras, dans son état original [ancien], ne suivait pas un
format conventionnel. […] Le chansonnier d’Arras est une compilation tardive et pourrait
refléter l’émergence d’un troisième groupe de trouvères. A la lumière de cette preuve, la
nouvelle foliation de Jeanroy est hautement questionnable. 46
Nous questionnons ici autant la thèse de Robin Lockert que ce dernier questionne celle
d’Alfred Jeanroy. En effet, sur la forme d’abord, il n’insiste pas assez sur la grande parenté
qui unit le manuscrit A et le manuscrit a. L’édition qu’il propose des chansons montre que
l’auteur n’a pas consulté directement le chansonnier d’Arras, mais son facsimile : il considère
les mots salis sur le manuscrit comme oubliés, ceux-ci ayant été effacés sur les photos
d’Alfred Jeanroy (voir paragraphe 5.1.1.). Ceci suppose donc qu’il n’a pas pu se faire une
45 Sylvia HUOT, From Song to Book The Poetics of Writing in Old French Lyric and Lyrical Narrative Poetry.,
Ithaca-London, Cornell University Press, 1987, p. 47.
46 Robin LOCKERT, op. cit., p. 19-21.
33

idée réelle de l’état codicologique du manuscrit 657. Sur le fond, il néglige la forte
« tradition » de l’ordre d’apparition des trouvères dans un chansonnier. Certes, « le clergé et
la chevalerie sont les deux côtés de l’héritage culturel médiéval unis à travers le fait que les
clercs enregistraient le décès des chevaliers à l’époque antique […]. Les héros participent
simultanément aux aspects poétiques et expérientiels du projet culturel, étant en même temps
auteurs et protagonistes. Le mélange culturel n’est pas diachronique mais synchronique :
nobles et non-nobles, chevaliers et clercs, autant que musiciens et bourgeois, peuvent
participer dans la société des amants-poètes-chanteurs courtois » 47 . Cette tradition est une
réelle preuve pour affirmer que le chansonnier d’Arras commençait très certainement par les
chansons du trouvère le plus noble, Thibaut de Navarre. Il semble impossible que les copistes
de l’époque aient pris le risque de modifier les habitudes, les traditions, les « mœurs » pour
changer l’ordre de copie des chansons. Cela aurait mis en péril le statut des chevaliers. Cette
tradition, nous la retrouvons d’abord évoquée dans le Livre de l’ordre de chevalerie de
Raymond Lulle. Ce livre, certes catalan, datant de 1275-1276, époque de l’écriture du
chansonnier d’Arras, contient plusieurs comparaisons entre le métier de clerc et celui de
chevalier et évoque même la supériorité des chevaliers devant les clercs : « De même que le
heaume protège la tête, le plus haut membre et le plus essentiel dans l’homme, la pudeur
défend le chevalier – le plus haut métier qui soit, après celui de clerc – d’être enclin aux faits
vils […] » 48 .
Après la restauration, l’ordre des feuillets a été remis dans l’ordre qu’Alfred Jeanroy et
Friedrich Gennrich supposaient, l’ordre logique, comme l’indique la seconde foliation au
crayon et une note de la Bibliothèque Municipale d’Arras datant du 1 er juillet 1954 collée sur
le plat de couverture : « les cahiers du manuscrit ont été mal assemblés. Les fol. [129/]152-
[137/]160 devraient se trouver avant les fol. [138/]129-[160/]151. V. Le chansonnier d’Arras.
Reproduction en phototypie. Introduction par Alfred Jeanroy, Paris, Champion, 1925 (Société
des Anciens Textes). » En effet, comme l’indique l’ancienne foliation, avant cette remise en
état, les cahiers étaient disposés de la manière suivante : C-D-E-A-B.
Des réclames sont présentes à la fin des cahiers A, C et E (mais ni dans B ni dans D) :
- au folio 133/156v, à la fin du cahier A : « truis fors » ; confirmé par le folio 134/157 ;
47 Sylvia HUOT, op cit., p. 59.
48 Raymond LULLE, Livre de l’ordre de chevalier, traduit du catalan et présenté par Patrick Gifeu, Paris, La
Différence, 1991, p. 58.
34

- au folio 144/135v, à la fin du cahier C : « tant trop » ; invérifiable en raison de la
lacune d’un ou plusieurs cahiers qui suit ce cahier C ;
- au folio 160/151v, à la fin du cahier E : « a ki bien » ; invérifiable en raison de
l’absence de folio après.
Les réclames ont été écrites pendant l’écriture du chansonnier, au XIII e siècle, avant donc que
les cahiers ne soient reliés (elles ont justement pour but d’aider le relieur). La dernière
réclame indique que le chansonnier continuait après le folio 160/151v, et confirme le
caractère incomplet de la dernière chanson de ce folio. Pour l’absence de réclame à la fin du
cahier B, Friedrich Gennrich pense que le copiste n’a pas senti d’utilité à l’indiquer, « parce
que le cahier suivant commençait une nouvelle chanson » 49 . Son argument n’est cependant
pas valable pour l’absence de réclame à la fin du cahier D, où là, le cahier suivant continuait
la chanson commencée.
4. Contenu du chansonnier
Des chansons de plusieurs trouvères, poètes-compositeurs-intellectuels de la seconde
moitié du XII e siècle à la fin du XIII e siècle dans la France du Nord, sont écrites des folios
138/129 à 137/160. Le tableau suivant (figure 8) indique les différents trouvères représentés
dans le chansonnier d’Arras dans leur ordre d’apparition :
Nom tel qu’il apparaît Nom normalisé Fonctions Dates
Thibaut de Champagne
Thibaut IV de
Comte de 1 e moitié du XIII e
Champagne, Thibaut I er
de Navarre
Champagne et Roi
de Navarre
li Kastelains de Chouci Guy V de Couci (de Châtelain de Coucy 2 e moitié du XII e
Thourotte)
Monseigneur Gautier de Dargies Gautier de Dargies Chevalier fin XII e , début XIII e
Monseigneur Ugon de Bregi Hugues de Berzé Chevalier 2 e moitié du XII e
n’apparaît pas (supposé présent) Gace Brulés Chevalier fin XII e , début XIII e
Li Vidames Guillaume de Ferrières Vidames de Chartres 2 e moitié du XII e
Mesires Pieres de Molaines Pierre de Molins Chevalier début du XIII e
le duc de Brabant Henri III Duc de Brabant milieu du XIII e
maistre Willaume li Viniers Guillaume le Vinier Bourgeois 1 e moitié du XIII e
maistre Ricars de Fournival Richard de Fournival Clerc 1 e moitié du XIII e
Adam li Bocus d’Arras Adam de la Halle Clerc 2 e moitié du XIII e
Fig. 8 – Les trouvères du chansonnier d’Arras : noms, fonctions, période d’activité.
49 « Ein Kustos fehlt, wohl, weil auf fer nächsten Lage ein neues Lied beginnt ». Friedrich GENNRICH, « Der
Chansonnier d’Arras », Zeitschrift für romanische Philologie XLVI (1927), p. 329.
35

Les sources étant très hypothétiques concernant les dates de naissance et de décès, une
fourchette de siècle a été préférée à des dates précises pour situer les périodes d’activité des
trouvères. Nous pouvons constater que le chansonnier d’Arras contient des chansons de toutes
les générations de trouvères ayant existé 50 :
- première génération :
- les premiers trouvères de l’Est : le Châtelain de Coucy et son ami Gace Brulés ;
- les trouvères des autres provinces : Hugues de Berzé (seigneur du Mâconnais) et
le Vidames de Chartres.
- deuxième génération :
- la noblesse : Thibaut de Champagne, Gautier de Dargies, Pierre de Molins, Henri
III (duc de Brabant) ;
- les universitaires et membres du clergé : Guillaume le Vinier, Richard de
Fournival.
- troisième génération : Adam de la Halle.
L’ouvrage contient 43 chansons (dont cinq incomplètes) puis 32 jeux-partis. Alfred
Jeanroy dénombre « quarante [chansons] dont plusieurs incomplètes » 51 . On en compte bel et
bien 40 dans sa table mais les trois incomplètes ne se trouvent pas parmi les 40, mais en plus
(c’est de là que vient l’erreur de comptage du linguiste) et entre crochets. Ce sont les
chansons dont il manque le début : En tous tans se doit fins cuer esjoïr, Aussi com l’unicorne
sui et Combien que j’aie demouré. Deux autres chansons (De cuer pensieu en désirant et
S’onkes nus hom pour dure departie) sont en fait incomplètes, mais sont elles, confondues
avec les chansons complètes : il leur manque non pas le début, mais la fin (il faut croire que
c’est pour cette raison qu’Alfred Jeanroy a omis de les inscrire entre crochets en indiquant
seulement la lacune en note de bas de page). Cette confusion a entraîné une autre erreur de
comptage de la part d’Elisabeth Aubrey 52 qui s’est sûrement basée sur l’étude d’Alfred
Jeanroy : elle indique la présence de 42 chansons dont 2 incomplètes, une erreur qui fait très
certainement suite à une succession de confusions.
50 Richard Hallowell HOPPIN, « Chapitre XII. Monodie profane (II) : la musique des trouvères », dans La
musique au Moyen-âge, vol I., traduit de l’anglais par Nicolas Meeùs et Malou Haine, Liège, Mardaga, 1991, p.
329. Et Elisabeth AUBREY, Olivier CULLIN et Françoise FERRAND, « Les trouvères », dans le Guide de la
musique du Moyen-âge, sous la direction de Françoise Ferrand, Paris, Fayard « Les indispensables de la
musique », 1999, p. 286-287.
51 Alfred JEANROY, op. cit., p. 9.
52 Elisabeth AUBREY, op. cit.
36

Friedrich Gennrich affirme en 1921 : « nous savons que les manuscrits A et a sont étroitement
liés et que A ne contient probablement pas toutes les chansons de a » 53 . Les deux manuscrits
ont une parenté certaine, dans la similitude des chansons présentes et leur ordre d’apparition.
En effet, les 75 chansons écrites et présentes réellement dans le manuscrit A le sont aussi dans
le manuscrit a. Les 21 chansons supposées manquantes (par mutilation) dans le manuscrit A –
chansons que nous allons identifier au mieux ci-après – ont donc été sélectionnées parmi le
corpus des 379 manuscrit a, par comparaison avec celui-ci. Ainsi, tous les trouvères
représentés dans le manuscrit A sont aussi représentés dans le manuscrit a. Cependant, le
manuscrit a contient des chansons d’une trentaine d’autres trouvères.
Chaque cahier du manuscrit A sera ici mis en parallèle avec le manuscrit a. Leur
représentation est proposée en annexe n°4, pages 141 à 146, et tout au long des
argumentations ci-après, il est vivement conseillé de s’y référer régulièrement.
4. 1. Cahiers A et B (folios 129/152 à 137/160)
4. 1. 1. Cahier A
Les folios 129/152 à 134/157v comprennent :
- trois chansons de Thibaut de Champagne (le début de la première manque) ;
- huit chansons du Châtelain de Coucy ;
- cinq chansons de Gautier de Dargies 54 .
La première chanson Aussi com l’unicorn sui est précédée de sept autres chansons dans le
manuscrit a. Ces sept chansons sont pour Schwan, Gennrich et Jeanroy celles qui manquent
probablement sur les feuillets manquants précédents : pour Friedrich Gennrich, « il doit
manquer sept chansons ; 2,5 (et non 3,5 comme Schwan l’indique) par feuillet, soit trois
feuillets manquants » 55 et pour Alfred Jeanroy, « la liste dans a s’ouvre par six chansons (il y
53 « Es ist bekannt, dass die Hs. A mit der Hs. a sehr eng verwandt ist; dass A wohl nicht alle Lieder von a
bringt ». Friedrich GENNRICH, « Die beiden neuesten Bibliographien altfranzösischer und altprovenzalischer
Lieder », Zeitschrift für romanische Philologie XLI (1921), p. 297.
54 Et non les chansons du Vidames de Chartres comme le présume Alfred JEANROY.
55 « Es dürften 7 Lieder fehlen ; 2,5 Lieder (nicht 3,5 wie Schwan angibt) gehen auf das Blatt, somit dürften drei
Blätter fehlen ». Friedrich GENNRICH, « Die beiden neuesten Bibliographien altfranzösischer und
altprovenzalischer Lieder », Zeitschrift für romanische Philologie XLI (1921), p. 298.
37

en avait primitivement une septième en tête 56 ) que ne contient pas notre manuscrit : ces pièces
se trouvaient certainement sur les trois feuillets qui manquent en tête du cahier et dont les
onglets subsistent » 57 . Ces hypothèses sont démontrées mathématiquement par Madeleine
Tyssens 58 , que nous allons ici récapituler, éclaircir et corriger. Chaque ligne des manuscrits a
et A contient à peu près autant de mots, puisque les lignes certes plus étroites dans a ne
contiennent pas de fins de ligne blancs comme dans A. Les manuscrits a et A agencent donc
leur espace à peu près de la même manière :
- dans la musique, où une portée équivaut à deux lignes de texte ;
- dans les miniatures, qui représentent chacune dix à douze lignes de texte.
Le tableau suivant (figure 9) montre cependant que les mêmes chansons prennent toujours un
peu plus de place dans le manuscrit A :
Manuscrit a A
colonnes 2 2
lignes par colonne (réglure) 31 40
lignes par feuillet 124 160
lignes pour les trois feuillets 372 480 59
nombre de lignes prises par les huit pièces du Châtelain
de Coucy 16 à 23 de a et 4 à 11 de A du Châtelain de
Coucy
566 574
Fig. 9 – Les différences d’agencement des lignes des manuscrits a et A.
Les lacunes supposées dans A sont la miniature, les sept premières chansons de a et les vers 1
à 24 de la huitième. Tout cela représente 506 lignes de texte dans le manuscrit a. Or, dans A,
il manque trois feuillets, soit 480 lignes (ou 400 si la première page avait été laissée vierge).
Les éléments précédents pouvaient donc être écrits sur ces trois feuillets, à condition que la
miniature ait été peut-être manquante dans A (ou plus petite). Cette condition n’est pas
évoquée par Madeleine Tyssens puisque, comme l’indique la note (59), une erreur de calcul
est commise.
56 Il faut bien comprendre qu’Alfred Jeanroy estime ici qu’il manque bel et bien sept chansons en tête : la
chanson Empereour ne roi n’ont nul pooir ne figure certes pas dans le manuscrit a (où elle est aussi en tête)
mais elle est annoncée dans sa table.
57 Alfred JEANROY, op. cit., p. 10.
58 Madeleine TYSSENS, op. cit., p. 118.
59 Trois feuillets prennent bien 480 lignes dans le manuscrit A, et non 540, comme Madeleine TYSSENS le
signale.
38

Après la dernière chanson du Roi de Navarre, Savés pour koi amours a non amours ne, il
manque quatre chansons du même trouvère par rapport au manuscrit a. Friedrich Gennrich
pense que ces chansons figuraient dans des feuillets médians qu’il pourrait manquer : « il doit
manquer quatre chansons, soit peut-être deux feuillets » 60 . Plus tard, il ajoute même : « au fol.
[130/]153a, nous trouvons la miniature du Châtelain de Coucy : la rubrique doit se trouver
dans la colonne précédente, donc au fol. [129/]152d. Ici, elle manque, une raison de plus pour
l’hypothèse d’une lacune » 61 . Toutefois, la codicologie ne nous révèle pas de lacune (aucune
trace d’ancien feuillet intercalé à cet endroit n’est visible). Il est donc clair que cette absence
de rubrique est un choix du copiste. D’ailleurs, c’est aussi par choix que l’autre chanson
manquante, Jou me cuidoie partir d’amours mais riens – située juste après Aussi com
l’unicorne sui dans a – n’a pas été copiée. En 1927, Friedrich Gennrich se reprend et indique :
« après le fol. [129/]152, il n’y a pas de lacune : le manuscrit [a] a quatre chansons de plus
que le manuscrit A » 62 .
Après la série des chansons du Roi de Navarre, les pièces de A se suivent dans le même ordre
que dans a, mais avec quelques absences de chansons. Le manuscrit a contient une chanson
de plus du Châtelain de Coucy, Coument qe longue demeure, qui se serait trouvée, dans le
manuscrit A, après la dernière chanson présente du trouvère, Merci clamans de mon fol
errement, au folio 132/155v. Mais cette chanson est délibérément absente du chansonnier
d’Arras, même si Friedrich Gennrich – n’ayant pas pu voir la portée vide en haut du folio
133/156 sur le facimile d’Alfred Jeanroy – croit que la dernière chanson est incomplète et
pense donc qu’une lacune est présente : « manque-t-il aussi une chanson […] du poète, en un
feuillet » 63 . Il confirme son idée dans son article de 1927.
Ainsi, pour le groupement des chansons des trois trouvères : le manuscrit a contient 26
chansons et le manuscrit A en contenait 20 avant la perte des trois premiers feuillets : la
lacune probable des 7 chansons du Roi de Navarre et les 13 présentes aujourd’hui. La
60 « Es dürfen 4 Lieder fehlen, also etwa 2 Blätter ». Friedrich GENNRICH, « Die beiden neuesten Bibliographien
altfranzösischer und altprovenzalischer Lieder », Zeitschrift für romanische Philologie XLI (1921), p. 298.
61 « Auf fol. 153a finden wir die Miniatur des Chastelain de Couci, die Rubrik müsste auf der vorhergehenden
Spalte, also auf 152d stehen. Hier fehlt sie, ein Grund mehr für die Vermutung, das shier eine Lücke vorhanden
ist ». Ibid., p. 300.
62 « Nach fol. 152 ist keine Lücke, hier hat die Hs. D vier Lieder des ”roi de Navare” mehr als A ». Friedrich
GENNRICH, « Der Chansonnier d’Arras », Zeitschrift für romanische Philologie XLVI (1927), p. 328.
63 « Fehlt noch da Lied des Dichters Rayn. 1010, mithin ein Blatt ». Friedrich GENNRICH, « Die beiden
neuesten Bibliographien altfranzösischer und altprovenzalischer Lieder », Zeitschrift für romanische Philologie
XLI (1921), p. 298.
39

différence de six chansons (une au début du corpus des chansons du Roi de Navarre, quatre à
la fin du même corpus, et une à la fin du corpus des chansons du Châtelain de Coucy) est un
choix conscient du copiste.
4. 1. 2. Cahier B
Les folios 135/158 et 135/158v contiennent trois chansons d’Hugues de Berzé
(chansons qui se trouvent plus loin dans a mais dans le même ordre). La lacune présente au
milieu du cahier B, qui, rappelons-le, a été amputé des deux bifolios médians, laissait la place
pour :
- la fin de la chanson d’Hugues de Berzé commencée au folio 135/158v et ses deux
dernières chansons pour le premier feuillet et la seconde colonne du recto du deuxième
feuillet ;
- la miniature de Gace Brulés et ses six pièces pour le reste du deuxième feuillet ainsi
que le troisième feuillet et le recto du dernier feuillet ;
- la miniature du Vidames de Chartres (qui aurait par la suite volé, comme le montrent
les coupures déjà évoquées au chapitre 3.1.), sa première pièce et le début de sa
deuxième (qui se termine au folio 136/159).
Madeleine Tyssens propose à nouveau des calculs pour prouver cette reconstitution déjà
évoquée par Alfred Jeanroy et Friedrich Gennrich en 1927 : le total de tout cela occupe 640
lignes dans a 64 , ce qui prendrait exactement 4 feuillets dans A (considérant, comme démontré
au paragraphe 4.1.1., que les manuscrits a et A agencent leur espace à peu près de la même
manière).
En 1921, Friedrich Gennrich avait déjà estimé les manques : « la dernière chanson pourrait
bien ne pas être complète ; manque-t-il aussi la chanson Ray. 418 du poète Et manque-t-il
aussi peut-être 6 chansons de Gace Brulés Il est certain que la chanson Ray. 2086 du
Vidames est perdue. Il manque donc peut-être cinq feuillets, ou sans Gaces Brulés peut-être
deux feuillets » 65 .
64 Madeleine TYSSENS, op. cit., p. 119.
65 « Das letzte Lied dürfte wohl kaum vollständig sein ; fehlt ferner das Lied des Dichters Rayn. 418 vielleicht
auch etwa 6 Lieder von Gaces Brulés Sicher ist das erste Lied des Vidames Rayn. 2086 verloren gegangen. Est
fehlen also etwa 5 Blätter oder ohne Gaces Brulés etwa 2 Blätter ». Friedrich GENNRICH, « Die beiden neuesten
Bibliographien altfranzösischer und altprovenzalischer Lieder », Zeitschrift für romanische Philologie XLI
(1921), p. 298.
40

A la suite des deux chansons du Vidames (dans le même ordre dans a), on trouve :
- deux chansons de Pierre de Molins ;
- la chanson du Duc de Brabant.
En 1921, Friedrich Gennrich pense que cette chanson du Duc de Brabant est incomplète, ce
qu’il réfute en 1927 : « au fol. [137/]160 s’achève le cahier [B] avec la chanson Ray. 1846.
Une remarque manque parce que le cahier suivant commençait une nouvelle chanson. […] Et
manque-t-il encore la chanson du poète Ray. 1535, pour un feuillet » 66 . Il fait là référence au
premier feuillet manquant du cahier suivant.
4. 2. Cahier C (folios 138/129 à 144/135v)
Le feuillet perdu n’aurait pas suffi pas à contenir toutes les pièces qui dans a séparent
les chansons du Duc de Brabant de celles de Guillaume le Vinier. L’hypothèse d’Alfred
Jeanroy, soutenue avec moins de fermeté par Friedrich Gennrich en 1927, consiste à penser
qu’un cahier entier était intercalé. Voici les explications de Madeleine Tyssens concernant
cette lacune.
4. 2. 1. L’hypothèse de pièces du Duc de Brabant exclue
« Il faut sans doute écarter la pièce 47 de a ; la table de a l’attribue, certes, au Duc de
Brabant, mais dans A, l’unique chanson de ce trouvère s’achève avant la fin de la [dernière
colonne de 137/160v], où 5 lignes restent vides ; si le copiste avait transcrit une seconde pièce
attribuée au même trouvère, il aurait utilisé les 5 dernière lignes de la colonne (cf., pour une
disposition analogue, le début de la pièce Jou sui con cieus… d’Hugues de Bregi au folio
135/158) » 67 . Ceci contredit donc l’hypothèse de Friedrich Gennrich évoquée à la fin du
paragraphe précédent.
4. 2. 2. L’hypothèse d’une pièce tardive exclue
« Il faut écarter aussi la pièce 48 de a, ajoutée plus tard dans une colonne restée vide,
et qui ne figure pas dans la Table de a » 68 .
66 « Auf fol. 160 erreicht die Lage mit dem Lied Rayn. 1846 ihr Ende. Ein Kustos fehlt, wohl, weil aud der
nächsten Lage ein neues Lied beginnt […] Und fehlt noch das Lied des Dichters Rayn. 1535, mithin ein Blatt ».
Friedrich GENNRICH, « Der Chansonnier d’Arras », Zeitschrift für romanische Philologie XLVI (1927), p. 329.
67 Madeleine TYSSENS, op. cit., p. 119.
68 Ibid.
41

4. 2. 3. L’hypothèse de pièces d’Hugues de Berzé exclue
« Enfin, il faut écarter, naturellement, les pièces de Hughes de [Berzé] et la miniature
qui les précède, puisque le corpus de ce trouvère figure déjà plus haut dans A » 69 .
4. 2. 4. L’hypothèse de pièces de Jacques de Cysoing et Raoul de Soissons
exclue
« Restent les chansons attribuées à Jacques de Cysoing (pièces 54 à 57 de a) et à
Raoul de Soissons (pièces 58 à 62 de a). […] L’ensemble Jacques de Cysoing – Raoul de
Soissons occupait dans a […] 601 lignes seulement. Les totaux de 9 pièces et 601 lignes sont
inférieurs de beaucoup aux données que suppose l’hypothèse de Gennrich » 70 . En effet,
Friedrich Gennrich évoque cette hypothèse en 1921, mais en attribuant ce manque pour six
feuillets. Il lui manquait des notions de codicologie lui permettant d’affirmer que tous les
cahiers étaient à l’origine des quaternions.
4. 2. 5. L’hypothèse de l’intégralité des chansons de Guillaume le Vinier, en
plus de celles de Jacques de Cysoing et Raoul de Soissons, exclue
« Comme le chansonnier A présente les chansons de Guillaume le Vinier dans un ordre
qui diffère de celui de a […], le philologue allemand [a] pris en compte toutes les autres
chansons attribuées à cet endroit [à Guillaume le Vinier] et conservées dans a […], en
postulant que dans A elles pouvaient avoir figuré avant la pièce 26. Avec la miniature de
Guillaume li Vinier et les 3 premiers vers de la pièce 26 de A, ces neuf chansons occupent
dans a 574 lignes. Ainsi, dans le meilleur des cas, on n’atteint qu’un total général de 1175
lignes [les 601 lignes évoquées au pararaphe 4. 2. 4. ajoutées aux 574 présentes], alors qu’il
en faudrait 1440 pour occuper 9 feuillets de A. Un tel écart [de 265 lignes, soit presque deux
feuillets dans A] rend improbable l’hypothèse de Jeanroy et Gennrich » 71 .
4. 2. 6. L’hypothèse d’une partie des chansons de Guillaume le Vinier comme
idée favorite
« Au contraire, si on accepte qu’un seul feuillet se soit perdu, le premier du troisième
quaternion, on constate qu’il aurait parfaitement accueilli une séquence : miniature de
69 Ibid., p. 120.
70 Ibid.
71 Ibid.
42

Guillaume le Vinier (10 à 12 lignes), deux chansons, et les trois premiers vers de la pièce 26
de A » 72 .
A la suite de ce feuillet perdu, sont écrites six chansons de Guillaume le Vinier, six de
Richard de Fournival et aussi six d’Adam de la Halle. Les trois mêmes poètes se suivent dans
le même ordre dans le manuscrit a. Quelques pièces supplémentaires sont présentes dans a et
des chansons de Moniot d’Arras sont en plus intercalées entre celles de Richard de Fournival
et celles d’Adam de la Halle.
Après le cahier C, il y avait forcément un cahier intercalé avant le cahier D puisque la
dernière chanson du cahier C « De cuer pensieu en desirant » est incomplète. Il aurait même
pu manquer plusieurs cahiers. Quoiqu’il en soit, il y avait alors à cet endroit une partie des
192 chansons, 109 à 300 de a.
4. 3. Cahiers D et E : Jeux-partis (folios 145/136 à 160/151v)
Les jeux-partis forment deux cahiers correctement assemblés, et contiennent en fait
deux sections :
- 25 pièces (folios 145/136 à 156/147), qui se suivent exactement dans le même ordre
dans a ;
- 7 pièces (folios 156/147v à 160/151v), dialogues de Jehan Bretel à Adam de la Halle,
qui se suivent encore exactement dans le même ordre dans a, mais qui se trouvent plus
loin.
Il y a en effet une différence de 44 pièces avec le manuscrit a, pièces qui y apparaissent entre
nos deux sections. Cette différence n’est certainement pas due à une mutilation. En effet, la
fin de la dernière chanson de la première section « Jehans Simon li quieus » se situe au folio
156/147v et la première chanson de la seconde section Adan ami mout savés commence juste
après sur le même folio 73 . Trois hypothèses sont possibles :
- le copiste du manuscrit A a délibérément omis ces pièces : hypothèse la plus
vraisemblable selon Alfred Jeanroy et Eduard Schwan 74 ;
- elles avaient déjà disparu de son original ;
72 Ibid.
73 C’est ce qu’Alfred Jeanroy appelle une « soudure ». Alfred JEANROY, op. cit., p. 11.
74 Eduard SCHWAN, op. cit., p. 55-56.
43

- elles ont été ajoutées, d’après une autre source, par le scribe de a : cette hypothèse est
la moins vraisemblable, ces pièces ne formant pas un groupe organique et émanant de
la même école, que celles qui précèdent et suivent.
La lacune ou mutilation de la fin ne serait seulement que de trois pièces (les trois qui dans a
terminent la série, c’est-à-dire les pièces 377 à 379) qui auraient pris deux feuillets de A.
4. 4. La conclusion de Madeleine Tyssens
« Il n’y a donc dans A aucune pièce qui ne figure (ou n’ait figuré) aussi dans a. Mais
ce dernier recueil est beaucoup plus riche que le premier. L’hypothèse la plus vraisemblable
est celle d’omissions de A ou de son modèle » 75 . Auraient ainsi été omis :
- 6 chansons dans le cahier A :
- 5 des chansons attribuées par la table de a au Roi de Navarre (9 et 12 à 15 de a) ;
- 1 des chansons attribuées au Châtelain de Coucy (24 de a) ;
- 6 chansons dans le cahier B :
- 2 des chansons attribuées à Gautier de Dargies (30 et 31 de a) ;
- les 2 chansons attribuées à Conon de Béthune (44 et 45 de a) ;
- 2 des chansons attribuées au Duc de Brabant (47 et 48 de a) ;
- 37 chansons dans le cahier C :
- les 4 chansons attribuées à Jacques de Cysoing (54 à 57 de a) ;
- les 5 chansons attribuées à Raoul de Soissons (58 à 62 et 63 de a) ;
- 9 des chansons attribuées à Guillaume le Vinier (66 à 68, 72 à 76 et 78 de a) ;
- 8 des chansons attribuées à Richard de Fournival (79, 82 à 88 et 90 de a) ;
- les 9 chansons attribuées à Moniot d’Arras (94 à 102 de a) qui pourraient, selon
Friedrich Gennrich 76 , avoir figuré sur l’un des cahiers suivants aujourd’hui
perdu ;
- 44 jeux-partis (326 à 369 de a).
Nous pouvons en conclure que 93 chansons du manuscrit a ont été omises de manière
apparemment délibérée dans le manuscrit A. Vu le caractère très identique dans l’ordonnance
75 Madeleine TYSSENS, op. cit., p. 120.
76 Friedrich GENNRICH, « Der Chansonnier d’Arras », Zeitschrift für romanische Philologie XLVI (1927), p.
329.
44

des chansons entre les manuscrits A et a, il est très probable que ces deux manuscrits aient été
copiés à partir d’un modèle commun (à moins que le manuscrit a n’ait été directement le
modèle du manuscrit A). Dans ce cas, le copiste a dû choisir de ne pas recopier ces chansons
par manque de place ou par désintérêt : « Un copiste devait écrire la version qu’il connaissait
le mieux ou aimait le plus […] » 77 . S’il ne connaissait pas assez bien la chanson, peut-être
qu’il se sentait gêné de la calquer, de manière trop approximative, par l’unique moyen de
recopiage d’un modèle.
5. Décoration et aspects paléographiques
Le manuscrit est exceptionnel pour les nombreuses rubriques, miniatures et vignettes
qu’il contient. Les couleurs utilisées montrent sa grande valeur : un rouge vermillon, un bleu
d’une grande qualité (peut-être un lapis-lazuli), très intense et mieux conservé que le rouge, et
de l’or bruni, c’est-à-dire un or rendu brillant par un polissage.
5. 1. Présentation du texte et de la musique
Une reproduction du folio 132/155 est proposée en annexe, page 147, pour visualiser
les éléments qui seront évoqués dans ce chapitre.
5. 1. 1. Le texte
Des rubriques rouges introduisent et concluent chaque section importante. Ces
rubriques présentent l’auteur des chansons. Le nom des poètes se trouve avant, par-dessous ou
par-dessous chaque miniature (sauf pour la miniature du Châtelain de Coucy qui ne contient
pas de rubrique). Le nom, parfois abrégé, est aussi inscrit avant chaque chanson, dans la place
restant de la strophe de la chanson précédente, mais ce qu’à partir de la chanson n°20, Ma
douce vois du lousseignol sauvaige du Châtelain de Coucy, et sauf pour la chanson n°35 Ains
ne vie grant hardement de Richard de Fournival. Comme le montre le tableau annexe n°7,
page 149, les rubriques sont différentes selon qu’elles indiquent les chansons de chevaliers ou
de clercs. Et Sylvia Huot indique que cela est unique au manuscrit A 78 . Dans le cas des
chevaliers, c’est l’action de posséder la chanson qui est mise en valeur, et le lien entre cette
chanson et le nom et le titre aristocratique. Dans le cas des clercs, c’est l’action d’écrire la
77 Sylvia HUOT, op. cit., p. 50.
78 Ibid., p. 60.
45

chanson qui est importante ; c’est alors sur l’art et le travail poétique qu’on insiste. Ceci est
une preuve pour le respect que le copiste a pour les chevaliers, et peut-être même leur
supériorité par rapport aux clercs.
Une certaine hiérarchie dans le choix et la taille des lettrines est bien visible. Les chansons
débutent par des lettrines or, au centre azur (bleu) et vermillon (rouge), prolongées par des
baguettes descendantes. Ces lettrines créent un contraste entre l’or et les deux autres couleurs
et existent depuis le début du XIII e siècle. Les divisions strophiques sont indiquées par des
initiales alternativement or sur lacis bleus et bleues sur lacis rouges, toujours filigranées,
agrémentant ainsi les marges de festons, traits de plume enjolivés de fioritures et tracés dans
la marge près de la ligne de justification. La hauteur de ces initiales dépasse de très peu la
hauteur de la ligne et les entrelacs sont plus grands, faisant globalement la taille d’une strophe
(cela restant aléatoire). A partir de la chanson n°20 (Ma douce vois du lousseignol sauvaige
du Châtelain de Coucy), les deuxièmes lettres des chansons sont toutes repassées en rouge.
Chaque strophe est écrite en vers de manière continue (les changements de ligne
d’aujourd’hui étant parfois indiqués par des marques de ponctuation). Cela prouve donc que
l’unité est la strophe (et non le vers comme dans la narration). « L’unité de l’interprétation est
la strophe chantée, qui tourne autour d’une configuration de mots en rime mais ne correspond
pas à une forme visuelle » 79 .
D’après l’édition critique de Robin Lockert, le copiste a commis quelques erreurs :
- oubli de vers, de mots ou de syllabes :
- folio 136/159v : le mot « ostée » à la fin du sixième vers de la quatrième strophe
de la chanson Chanter me fait çou dont ie chriem morir ;
- folio 146/137v : le dernier vers « le parlement dou pré » du deuxième couplet de
la chanson Sire ne me chelés mi ;
- folio 147/138 : la syllabe « ier » à la fin du troisième vers « ke me doit
dessauch[ier] » du quatrième couplet de la chanson Sire, ki fait mieus a proiser ;
- folio 151/142 : le troisième vers « ………………ier » du sixième couplet de la
chanson Iehan Bretel, par raison ;
- folio 157/148 : le cinquième vers « ………………errent » du septième couplet
de la chanson Adan, ami.
- répétition de mots :
79 Ibid., p. 47.
46

- folio 138/129 : « merchi », au début de la chanson Ki merchi pris ;
- folios 145/136v et 146/137 : « ki » à cause d’un changement de page ;
- folio 150/141 : « et » dans la cinquième strophe de Cuvelier s’il est ensi à cause
d’un changement de ligne.
- mots effacés par le copiste :
- folio 151/142 : dans le troisième du deuxième couplet de la chanson Iehan
Bretel, par raison.
- mots effacés avec le temps et les mutilations (mais considérés comme oubliés par
Robin Lockert) :
- folio 138/129v : « bien » dans le troisième vers du dernier couplet de la chanson
Ki merchi prie ;
- folio 145/136v : « ege ne sur serement » dans le cinquième vers du troisième
couplet de Sires fer faites me .I. jugement ;
- folio 158/149 : une série de mots dans la cinquième strophe de Avoir quidai.
Cette liste permet de constater qu’un grand nombre des erreurs commises se situent dans les
jeux-partis. Aucune erreur n’est commise dans le cahier A, une dans chacun des cahiers B et
C, six dans le cahier D et une dans le cahier E. Il semble donc encore impossible que le
chansonnier ait commencé par le cahier C, là où le copiste fait déjà une erreur au verso du
premier folio 138/129v (répétition du mot « merchi »). On suppose en effet que les erreurs
peuvent être une conséquence de la fatigue ou de l’habitude d’écrire.
5. 1. 2. La notation musicale
La musique n’est notée que pour la première strophe de chaque chanson. Les portées
sont rouges et ne sont pas tracées au rastrum : en effet, les lignes d’une même portée ne
s’arrêtent qu’approximativement au même endroit en fin de ligne et les diverses irrégularités
ne sont jamais communes aux différentes lignes de la portée (voir la représentation du folio
132/155 en annexe n°5, page 147). De plus, celles-ci ne contiennent pas le même nombre de
lignes : sur 638 portées, 319 sont à quatre lignes (50%), 314 sont à cinq lignes (49,22%) et 5
sont différentes (0,78%). Le nombre de lignes par portée est indiqué dans la liste des chansons
située en annexe n°4, pages 141 à 146). Il faut noter que le choix du nombre de lignes n’est
pas toujours logique, le copiste utilisant parfois des portées à cinq lignes qu’il n’exploite pas
totalement (comme pour la deuxième portée du folio 132/155v) ou des portées à quatre lignes
47

qu’il dépasse (comme pour la première portée du folio 158/149). Comme le montrent
aisément les tableaux annexes, les portées sont tracées relativement uniformément selon les
cahiers. Le copiste trace :
- cinq lignes sur le cahier A ;
- quatre lignes sur le cahier B ;
- cinq lignes sur le cahier C ;
- cinq lignes, puis quatre, puis encore cinq sur le cahier D ;
- quatre lignes sur le cahier E.
Lorsque le copiste trace cinq lignes, il commet quelques variantes (délibérées ou non), mais
quasiment jamais lorsqu’il en trace quatre. Tout cela nous laisse penser que les portées ont été
tracées cahier par cahier. Chaque portée, quelque soit le nombre de lignes qu’elle contient, est
contenue sur deux unités de réglure, de sorte qu’une portée avec le texte sous-jacent se tient
sur trois unités de réglure (soit quatre lignes). Le copiste ne cherche pas vraiment à faire
coïncider les première et dernière lignes de portée avec les lignes de réglure.
La musique est écrite en notation carrée non-mesurée. C’est une notation préfranconienne,
notamment en raison de :
- la présence de nouvelles ligatures, dont la cum opposita proprietate (c.o.p.), par exemple
dans la chanson Li nouviaus tans et mais et violete, sur la syllabe « pré » du mot
« présent », à la fin de la quatrième portée du folio 132/155 situé en annexe n°5, page
147 ;
- la grande quantité de notes isolées pliquées, comme dans la chanson Li plus desconfortés
del mont, au folio 136/159v 80 ou sur « bel » dans la chanson Mout m’est bel la douce
commencance au folio 132/155 situé en annexe.
Cette notation est inscrite assez soigneusement partout, à quelques passages près. On
remarque en effet des traces grattages, de corrections ou de défauts d’encre aux folios
134/157, 137/160, 138/129, 139/130, 141/132v, 145/136v (pour le texte), 149/140.
On suppose, pour la copie, l’ordre suivant :
- copie du texte de l’ensemble du chansonnier ;
- copie des portées puis de la musique, par cahier ;
- mise en place des éléments décoratifs (enluminures, miniatures, décorations en
marge).
80 Willi APEL, La notation de la musique polyphonique 900-1600, traduit de l’anglais par Jean-Philippe Navarre,
Sprimont, Mardaga, 1998, p. 249.
48

La fin de la copie de la musique concorde toujours avec la fin de la fin de la copie du texte.
Mais concernant les portées, elles continuent généralement jusqu’au bout de la ligne pour
chaque chanson. Des exceptions sont cependant présentes : les portées coupées en fin de
chanson sont indiquées par les mots « STOP » et « STOP » dans les tableaux annexes n°4,
pages 141 à 146. Ces tableaux montrent qu’à part pour les pièces n°19, 22 et 55, il n’y a
aucune coupure de portée dans les cahiers A, B et E et que les cahiers C et D comptent
respectivement cinq et quatre pièces dont la dernière portée de la mélodie est coupée au
niveau du dernier mot et de la dernière note de musique. Cela pourrait être une preuve
supplémentaire pour le tracé des portées de manière indépendante.
Parmi les 72 chansons apparaissant avec des clés, 29 sont en clé d’ut (40,28%), 34 en clé de
fa (47,22%) et 9 mélangent les deux clés (12,50%). Le manuscrit a, qui rappelons-le, contient
les mêmes chansons que le manuscrit A, est copié avec des clés souvent différentes. Les
mélodies des jeux-partis sont, elles, même complètement différentes (à ce sujet, nous
tenterons d’apporter des explications dans la deuxième partie de ce mémoire). Cette
différence de clés peut s’expliquer soit par l’adaptation du copiste en fonction de son aisance
avec les clés (en comparaison à l’habitude et l’aisance avec le dialecte local et le vocabulaire
personnel qui explique les variantes linguistiques), soit par une copie musicale absente du
modèle et donc une copie sur manuscrit personnalisée par la connaissance du copiste de
l’interprétation entendue.
5. 2. Les miniatures distinguant le clerc et le chevalier
Dans le chansonnier d’Arras (et seulement trois chansonniers du XIII e siècle
fonctionnent ainsi), presque chaque corpus de trouvère s’ouvre par une miniature. Seuls les
trouvères dont moins de trois chansons sont écrites n’ont pas cet honneur, ici Pierre de
Molaines et le Duc de Brabant. Chaque miniature du chansonnier est visible en annexe n°6,
page 148. Il ne faut pas oublier que certains feuillets contenant une miniature ont été volés.
On suppose ainsi qu’il manque les miniatures du Roi de Navarre, de Gace Brulés, du Vidames
de Chartres et de Guillaume le Vinier.
5. 2. 1. La forme de la miniature
D’après Madeleine Tyssens, « les miniatures s’inscrivent dans des rectangles dont la
largeur est approximativement celle de la colonne (c. 63 mm) et dont la hauteur varie de 54 à
49

65 mm. » Tous les musiciens représentés semblent être les auteurs des chansons qu’ils
précèdent. Ils sont tous représentés dans un cadre architecturé.
5. 2. 2. Les fonds et la forme de l’architecture
Les chevaliers sont tous représentés dans un fond rose au centre entouré de bleu sous
trois arcatures gothiques. Ce motif d’arcatures, selon Claude Bougard 81 , est typiquement
artésien. Le Châtelain de Coucy et Gautier de Dargies sont représentés sous sept gâbles, ce
qui n’est pas le cas pour Hugues de Berzé. En fait, ce dernier est le seul chevalier à ne pas être
représenté en haut de page, mais sous du texte, ce qui a sûrement empêché l’enlumineur de
dessiner les gâbles dans la partie supérieure de la miniature.
Richard de Fournival est représenté exactement dans le même fond : rose entouré de bleu,
sous trois arcades et sept gâbles. Une partie du fond rouge est repassée d’or, comme pour
montrer la supériorité de ce trouvère. Adam de la Halle est représenté aussi sous trois arcades
et sept gâbles, mais dans un fond différent. En effet, les contours sont bleus, mais, comme
pour insister sur la réputation qu’il devait déjà avoir à l’époque, il est directement mis en
valeur par-dessus un fond entièrement or.
Les deux hommes partenaires de jeux-partis sont représentés dans un fond or. Pour obtenir
une parfaite symétrie, ils ne sont pas sous trois arcades, mais seulement deux, et par
conséquent, non pas sept gâbles, mais cinq. Ils sont séparés par une colonnette bleue.
5. 2. 3. Les personnages représentés
Les chevaliers sont tous représentés exactement de la même manière, dans les mêmes
proportions : l’épée levée dans la main droite, le bouclier dans la main gauche. L’écu a la
forme typique de la seconde moitié du XIII e siècle, possédant d’ailleurs un bord supérieur
légèrement concave :
La forme primitive est soit celle d’une amande, soit celle d’un cœur. Mais jusqu’aux
années 1220-1230, elle reste relativement instable […]. Peu à peu le bord supérieur de
l’écu perd de sa convexité, les angles perdent leurs arrondis, la largeur devient à peu près
égale à la hauteur. L’écu ressemble alors à un triangle équilatéral, parfois isocèle, mais à
côtés légèrement convexes. Dans la seconde moitié du XIII e siècle, ce triangle a de
81 Claude BOUGARD, op. cit., p. 5.
50

nouveau tendance à s’allonger en hauteur ; ses côtés deviennent plus droits, le bord
supérieur est même parfois concave. Ce n’est qu’à la fin du siècle que s’impose
définitivement la forme classique : triangle un peu plus haut que large, bord supérieur
droit, bords latéraux droits en haut puis incurvés vers la pointe. Ce sera l’écu héraldique
type au moins jusqu’au début du XVI e siècle. 82
Cette représentation des trouvères crée une « insistance sur la présence du noble et du courtois
dans les chansons, […] la lyrique courtoise exprimant les idées d’une classe sociale
particulière » 83 . L’armure et le bouclier sont aux couleurs de l’écu, propre à chaque chevalier.
Chaque écu est représenté fidèlement à la réalité : le Châtelain de Coucy a un écu d’or, fascé
d’azur, au lion passant de gueules en chef ; Gautier de Dargies a un écu d’or à l’orle de neuf
merlettes de gueules ; et Hugues de Berzé a un écu d’or fretté de gueules. Il semble que
Gautier de Dargies portait un écu d'or, à huit merlettes de sable en orle 84 . Par contre, Jean,
chevalier beauvaisin portait au tournoi de Compiègne en 1238 un écu d'or, à la bordure de
merlettes de gueules allumées d'or, brisé d'un lambel d'argent à cinq pendants 85 . Il est difficile
de voir les yeux d'or sur le manuscrit, mais le lambel d’argent n’est pas présent. Les armes des
familles de Berzé et de Brégi ne comportent pas de fretté, tout au moins dans celles
enregistrées dans la base de données Euraldic 86 , certes incomplète. A noter qu'un membre de
la famille de Brégi assistait aussi au tournoi de Compiègne en 1238 87 . Sylvia Huot nous
indique qu’il pouvait y avoir des négligences dans la représentation des écus de chevalier dans
les chansonniers. Quoiqu’il en soit, et ce qui est important, c’est que « la représentation
individuelle de chaque trouvère renforce considérablement l’idée d’une identité poétique
distincte. »
Les clercs sont représentés eux, de manières différentes. Leur position assise est déjà
significative : « aux XI e , XII e et XIII e siècles, la position assise est réservée à Dieu et aux
personnages, réels ou allégoriques, qui jouissent d’une supériorité hiérarchique et d’un
pouvoir » 88 . Richard de Fournival est assis dans un fauteuil rouge, fait de briques, devant un
pupitre sur lequel est posé un livre, qui semble être ouvert sur deux pages de musique. Il a les
82 Michel PASTOUREAU, Traité d’héraldique, troisième édition, Paris, Picard éditeur, 1997, p. 91-92.
83 Sylvia HUOT, op. cit., p. 57.
84 Euraldic [en ligne], http://www.euraldic.com (consulté le 4 septembre 2008).
85 Le Tournoi de Compiègne en 1238 [en ligne], http://lafleurdelys.org/flds01.html (consulté le 4 septembre
2008).
86 Euraldic, op. cit.
87 Le Tournoi de Compiègne en 1238, op. cit.
88 François GARNIER, Le langage de l’image au Moyen-âge, Signification et Symbolisme, Paris, Le Léopard d’or,
1982, p. 113.
51

cheveux bouclés qui cachent les oreilles et débordent sur le front, les joues rougies et semble
ne pas être rasé au bas du menton ; il porte un bérêt noir, une robe bleue et des manches roses.
Il a la tête levée, ce qui exprime « l’orientation et l’élan de la bonne conscience. Les élus qui
ressuscitent regardent le ciel, ainsi que l’homme en prière et l’être d’un bon équilibre
moral » 89 . La main gauche du trouvère est posée sur le pupitre tandis que sa main gauche,
mise en valeur par une ouverture en fenêtre noire, est levée, tous les doigts dépliées, et en
mouvement. Adam de la Halle est assis sur un fauteuil en bois et écrit sur une feuille de
parchemin poséé sur un pupitre sur lequel se trouve un encrier. Il possède les deux outils du
copiste : une plume dans la main droite et un grattoir dans la main gauche. Il a les cheveux
courts bouclés et semble ne pas être rasé au niveau de la moustache, il porte une robe bleue et
des manches roses. A-t-il l’air « bossu », comme on l’appelle alors Difficile de répondre à
cette question : Adam semble se tenir dans une position plus courbée au niveau dorsal que
Richard, mais les deux trouvères ne sont pas représentés exerçant la même activité… Richard
semble être dans l’action de lire sa production, tandis qu’Adam est en train d’écrire
(superviserait-il alors déjà ses propres œuvres ). En représentant Adam et Richard ainsi,
« l’enlumineur montre leur réputation pour apprendre et produire une variété d’œuvres en
plus des chansons courtoises » 90 . Sylvia Huot nous met en garde en expliquant que ce n’est
pas simplement une distinction entre nobles et non-nobles, mais simplement entre un
protagoniste noble et un « confectionneur de chansons ». Sylvia Huot nous apprend que la
représentation des clercs avec un livre, et non un rouleau, est atypique des chansonniers.
Selon elle, le rouleau est utilisé pour une personne envisageant d’interpréter une chanson,
tandis que le livre n’était pas écrit à des fins de performance, mais simplement comme un
« enregistrement formel des chansons » 91 . L’auteur américain nous apprend aussi qu’il n’y a
que dans les miniatures du chansonnier d’Arras que l’on trouve dessinés des livres.
Les deux partenaires des jeux-partis sont tonsurés. Celui de gauche porte une robe bleu et des
manches roses, l’autre porte une robe rose et des manches bleues : leur position se fait en
miroir. Ils pointent tous les deux leurs mains vers le ciel. Le personnage de gauche a l’index
gauche seul levé. « L’index pointé verticalement vers le haut, lorsqu’il n’indique pas la
direction, un objet ou une personne, traduit la volonté d’un pouvoir qui ordonne » 92 . Il a aussi
89 Ibid., p. 140.
90 Sylvia HUOT, op. cit., p. 61.
91 « Not only do two miniatures represent performance before an audience, but in every image of “song making,”
[sic] the song is represented by a scroll ». Sylvia HUOT, op. cit., p. 78.
92 François GARNIER, op. cit., p. 167.
52

les deux pieds orientés différemment : « les personnages, debout ou assis, dont les pieds sont
orientés l’un vers l’avant, l’autre vers la droite ou la gauche, sont représentés en état d’activité
[…]. Ou bien l’imagier montre l’opération en train de s’accomplir. Il saisit un instantané. Ou
bien il montre une manière d’agir de l’homme, en le figeant dans une position
conventionnelle » 93 . En fait, un seul personnage sur les deux chante (celui à l’index relevé),
l’autre écoute (tous ses doigts sont dépliés), tout en participant, car les mains sont levées : il a
la main ouverte, comme « signe de disponibilité, d’acceptation, d’adhésion » 94 . La bouche
fermée n’indique pas forcément l’inaction de la parole ou du chant, qui sont, selon François
Garnier, représentés par d’autres moyens comme le geste.
5. 2. 4. L’environnement des miniatures
Les lettrines initiales de séries qui suivent ces miniatures sont pourvues de baguettes
qui encadrent le texte d’une des deux manières suivantes :
- marge de gauche, marge inférieure, bas de la marge de droite : lorsque la miniature est
dans la colonne de gauche (figure 10) :
- entrecolonne centrale, marge inférieure, bas des marges de droite et de gauche :
lorsque la miniature est dans la colonne de droite.
Ces baguettes rectilignes « [s’épaississent] au contact d’une volute végétale, […] se cassent à
leurs extrémités et s’achèvent en crochets ou en hélices. La gamme chromatique utilisée pour
le cadre est la même que pour les initiales peintes : du bleu, du rose, de l’or ; les fleurettes
sont peintes en orange et vert » 95 . Sur ces baguettes sont présents des petits animaux, aussi
énumérés sur le tableau annexe n°7, page 149, et qui méritent une description plus
approfondie 96 :
- au folio 130v/153v : un oiseau marron, un singe marron, un lapin bondissant et un
chien gris courant après un lièvre ;
- au folio 133v/156v : un oiseau gris, un singe gris et deux chiens (l’un gris, l’autre
marron) courant l’un vers l’autre ;
- au folio 135v/158v : un singe gris, un chien gris courant après un lièvre et un lapin
debout sur deux pattes et qui se lave ;
93 Ibid., p. 232.
94 Ibid., p. 174.
95 Florie DEBOUCHAUD, op. cit.
96 Pour distinguer les lapins des lièvres, nous considérons les premiers gris et les seconds marrons.
53

- folio 140v/131v : un oiseau marron, un lapin bondissant et un chien marron venant
d’apercevoir un lièvre ;
- folio 142v/133v : un oiseau bleu, un singe marron, un chien marron qui court après un
lièvre, et un petit animal ;
- folio 145/136 (un extrait en est proposé dans la figure 10) : un oiseau marron, un singe
gris, un chien gris qui court après un lièvre, et un petit animal.
Cette énumération des « drôleries » montre que l’enlumineur est en constante recherche de
variété, surtout dans les couleurs. « La décoration marginale faite de scènes de chasse,
d’oiseaux perchés et de créatures hybrides est typique de la production du XIII e siècle » 97 .
Mauritz Smeyers indique que ces drôleries présentes en marge n’ont en général « aucun
rapport avec le texte » et qu’elles sont une « technique de provocation émotionnelle
» 98 . Michael Camille pense que ces motifs ne sont pas juste décoratifs : « De tels motifs
exaltaient certainement l’art de la vénerie, mais ce passe-temps réservé à l’artistocratie avait
aussi un enjeu poltique à une époque où de nombreux seigneurs cherchaient à étendre leurs
réserves forestières aux dépens de leurs tenanciers. Les conils 99 qui pullulent dans l’art
marginal du Moyen Âge ont une signification économique autant que sexuelle » 100 . La
signification sexuelle viendrait d’un jeu de mot entre conil et le sexe féminin. Ces scènes où
un chien poursuit un lapin pourraient donc évoquer un homme poursuivant une femme de ses
assiduités et ce genre de signification serait en rapport direct avec le sujet des chansons :
l’amour courtois.
Nous remarquons aussi que l’animal inconnu (qui ressemble à un blaireau) n’est représenté
que sur les pages concernant les clercs tandis qu’aucun animal n’est spécifique aux chevaliers.
97 Laurent WIART et Pascal RIDEAU, op. cit., p. 10.
98 Mauritz SMEYERS, L’art de la Miniature flamande du VIII e au XVI e siècle, traduit de l’anglais par Monique
Verboomen, Tournai, Davidsfonds/Leuven, 1998, p. 113.
99 « Conil » signifie « Lapin » en vieux français
100 Michael CAMILLE, Images dans les marges : aux limites de l’art médiéval, traduit de l’anglais par Béatrice et
Jean-Claude BONNE, Paris, Gallimard, 1997, p 164
54

Fig. 10 – Partie inférieure de la baguette du folio 145/136 (on y voit, de gauche à droite, le
singe gris, le lièvre et le chien gris) 101 .
5. 3. Décorations diverses
Nous l’avons signalé précédemment, les lettrines et initiales sont festonnées, c’est-àdire
ornées dans les marges de traits verticaux plus ou moins longs.
Parfois, lorsque la strophe ne termine pas la ligne, le vide peut être « comblé par un bout de
ligne dans une sorte « d’horreur du vide » 102 . Ces bouts de ligne sont de formes très variées
mais utilisent toujours l’intégralité ou une partie des couleurs principales (bleu, rouge et or).
Ces décorations peuvent être de plusieurs sortes :
Première forme : les lignes et motifs arrondis :
- première sorte : deux traits superposés de couleurs différentes (comme à la fin de la
première strophe de la chanson Li nouviaus tans et mais et violete, sur le folio
132/155 reproduit en annexe, page 147) ;
- deuxième sorte : deux traits qui s’entrelacent ou forment des motifs de couleurs
différentes ;
- troisième sorte : une combinaison de lignes ou motifs des trois couleurs.
Deuxième forme : des lignes et des boules d’or :
- première sorte : des traits horizontaux de la première sorte précédés de plusieurs
boules d’or ;
- seconde sorte : plusieurs boules centrales, parfois séparées par un trait vertical, et
entourées de deux lignes bicolores qui s’entrelacent symétriquement autour de ce
centre de boules souvent d’or.
101 L’image est extraite du manuscrit 657 (139), Bibliothèque d’Arras, avec l’aimable autorisation du responsable
du fonds ancien.
102 Florie DEBOUCHAUD, op. cit.
55

Troisième forme : des motifs bleus et rouges de chevrons imbriqués et de zigzags :
Quatrième forme : un ou plusieurs petits cercles bleus parfois agrémentés de petits points
rouges en leur centre ou agrémentés de petits traits rouges.
Certains folios trouvent aussi en leur bas une fleur de lys rouge et noire, telle qu’elle est
reproduite dans la figure 11, dessinée horizontalement à l’encre, pointe vers la droite.
Fig. 11 – La fleur de lys présente au bas du folio 137/160 103 .
Comme le montre le tableau suivant (figure 12), le dessin diffère presque à chaque fois :
folio précision sur l’endroit état du dessin nombre de traits couleurs
130/153v seconde partie du cahier A sans la fleur de lys 2 noirs
137/160 dernier feuillet du cahier B avec la fleur de lys 5 rouges
144/135 dernier feuillet du cahier C avec la fleur de lys 5 noirs
146/137
sans la fleur de lys 5 noirs
146/137v sans la fleur de lys 4 noirs
première partie du cahier D
147/138 sans la fleur de lys 1 noir
148/139 sans la fleur de lys 2 noirs
158/149
avec la fleur de lys
8 noirs
seconde partie du cahier E
159/150v avec la fleur de lys
7 rouges
5 noirs
6 rouges
Fig. 12 – Différence entre les dessins des bas de folios.
Ces petits motifs ne sont que de simples jeux de plume du copiste. Ils n’ont pas de
signification spéciale pour la lecture et la compréhension du texte ou de la musique. Ils sont
toujours dessinés au-dessous d’un « g » de la dernière ligne d’un folio. Certains « g » de
dernière ligne sont exemptés, notamment :
- tous ceux qui font partie d’un mot issu d’un texte sous portée, sauf celui du folio
159/150v (folios 130/153v, 131/154v, 136/159v, 137/160, 137/160v, 139/130v,
143/134, 148/139v, 157/148v) ;
103 L’image est extraite du manuscrit 657 (139), Bibliothèque d’Arras, avec l’aimable autorisation du responsable
du fonds ancien.
56

- tous ceux qui sont présents dans la colonne de droite, sauf celui du folio 158/149
(folios 130/153v, 134/157v, 136/159v, 143/134, 151/142, 157/148v) ;
- tous ceux qui sont entourés d’une lettrine ou d’une baguette (folio 133/156, 139/130v,
143/134v) ;
- les « g » du bas des folios 132/155v et 157/148, colonnes de gauche.
Ces jeux de copiste peuvent nous renseigner sur l’ordre logique des folios. Par exemple, la
présence du dessin au même endroit dans les cahiers B et C montre que ces cahiers se
suivaient très certainement directement. Cependant, nous tirerons des conclusions trop
poussées et hasardeuses en étudiant l’évolution dans les couleurs ou dans le nombre de traits.
Conclusion : chronologies
A travers cette partie, nous avons éclairci les présentations anciennes et logiques des
chansons écrites, en nous appuyant sur des éléments certains, codicologiques, matériels et sur
des comparaisons. Ces moyens, dont l’évolution s’est accrue depuis plusieurs décennies, ont
permis de préciser les éléments que Friedrich Gennrich ou Alfred Jeanroy évoquaient, en les
affirmant ou en les réfutant. La consultation directe du manuscrit a aussi grandement aidé aux
recherches et a permis de se faire une meilleure idée de l’état codicologique de celui-ci et
d’étudier plus précisément son aspect iconographique, ce que Robin Lockert n’a
malheureusement pas pu faire.
Nous avons aussi pu montrer l’importance que représentait un tel manuscrit à l’époque, et la
réputation déjà forgée d’Adam de la Halle, notamment à travers les aspects décoratifs,
paléographiques, les enluminures et les miniatures.
Le manuscrit 657, s’il fût une commande (car rien ne prouve qu’ils n’ont été commandités
pour être reliés ensemble), en était une noble. Son grand format, le soin avec lequel il a été
écrit et l’iconographie en font sa richesse. Il fut écrit par plusieurs copistes de manière
certainement étalée sur quelques décennies, d’où l’impossibilité de dater précisément chaque
ouvrage du manuscrit. La présence de musique dans l’ensemble du manuscrit n’est peut-être
pas innocente : il est possible que le commanditaire était amateur de notre art. Une
57

chronologie annexe n°8, page 150, reprend tous les éléments évoqués et permet de retracer
l’histoire de ce manuscrit, de son écriture à sa restauration.
Les mutilations qu’il a subies ont entraîné de graves problèmes. Dans un premier temps, à la
question « Quel était l’ordre ancien des feuillets du chansonnier », nous restons convaincus,
malgré les quelques arguments valables pour l’ordre ancien – comme l’éventuelle supériorité
des clercs dans la société arrageoise médiévale – qu’il se présentait dans l’ordre logique.
L’antithèse développée par Robin Lockert semble trop révolutionnaire à une époque où les
traditions étaient très fortes. De plus, la similitude évidente avec le manuscrit a présentée par
Eduard Schwan n’est pas assez prise en compte par le musicologue canadien. Enfin, une
progression logique dans la décoration et les aspects paléographiques montre que le copiste a
sûrement commencé la copie du manuscrit par le corpus des chansons des chevaliers. Dans un
second temps, à la question « Quelles sont les chansons manquantes », il ne faut pas oublier
que tout reste supposition. Les calculs de Madeleine Tyssens avaient besoin d’être repris et
d’être mieux exploités. Ses idées paraissent excellentes mais à moins de retrouver un jour ces
feuillets, jamais nous ne saurons avec certitude combien de cahiers et quelles chansons
manquaient…
Aujourd’hui encore, les études concernant les manuscrits médiévaux doivent être corrigées ou
complétées. La complexité qui existe dans ces manuscrits est souvent liée aux dégradations
volontaires ou involontaires que l’Histoire a laissées. Chaque détail a son importance pour
retracer alors l’histoire d’un manuscrit, et ce sont ces moindres détails qui peuvent finir, par
mettre en évidence voire révéler des informations sur la société d’alors, ses modes de vie et,
dans un chansonnier comme celui d’Arras, ses usages musicaux ou même des informations
sur le métier de copiste. En effet, après tous les éléments évoqués, nous pouvons déterminer
avec une certaine précision l’ordre de copie du chansonnier, qui aurait été confectionné cahier
par cahier. En effet, la séparation des cahiers est nette, tant au niveau des piqûres que de
l’écriture ou des nombres de lignes sur les portées. Avant la copie, le manuscrit est préparé :
1) Le parchemin est préparé.
2) Les cahiers ABCD sont piqués ensemble et le cahier E est piqué indépendamment.
3) Les cahiers sont réglés à la mine de plomb.
Puis les cahiers sont écrits. Tous les éléments étudiés dans cette première partie nous
permettent de proposer ici un ordre de copie :
58

1) Le copiste écrit le texte du dit cahier, à partir d’un modèle, en laissant la place audessus
de chaque première strophe pour le traçage des portées. Il n’oublie pas
d’ajouter les remarques à la fin des cahiers lorsque nécessaire et dessine le noir des
fleurs de lys au fur et à mesure de la copie.
2) Des portées rouges sont tracées dans tout le cahier, sans rastrum.
3) Les rubriques sont écrites, les deuxièmes lettres repassées en rouge et les barres rouges
sont dessinées sur les fleurs de lys.
4) La musique est notée (avant la décoration, car le copiste musical a laissé une place
pour la lettrine au folio 156), peu probablement à partir d’un véritable modèle,
puisque, comme nous le verrons plus tard pour les jeux-partis, les mélodies sont
globalement différentes entre les manuscrits.
5) Le chansonnier est décoré : miniatures (après les portées, car au folio 158, la miniature
cache la première ligne de portée), baguettes, scènes, lettrines, capitales (après les
portées, car au folio 154v, la lettrine cache le début de la portée), festons et bouts de
ligne.
59

Deuxième partie :
La composition et l’interprétation des jeuxpartis
arrageois
61

Le présent chapitre consiste à étudier comment les jeux-partis du XIII e siècle ont pu
être composés et interprétés. Les contextes d’interprétation et de composition des
jeux-partis auraient pu être très variés, mais ils sont comparables à ceux des joutes
poétiques traditionnelles chantées encore aujourd’hui. Suite aux nombreuses, complètes et
récentes études réalisées sur diverses joutes poétiques traditionnelle (énumérées dans le
tableau de la figure 13), l’établissement de parallèles entre le jeu-parti et celles-ci s’avère
nécessaire. Cette étude n’a pas pour objectif de faire une « généalogie » des joutes poétiques
chantées ni de retrouver les origines du jeu-parti. Le souci de temporalité est en effet trop
important : aucune trace par exemple des bertsulari avant le XVIII e siècle ni de joutes sudaméricaines
avant la colonisation du continent. Nous laissons donc la question de l’origine
aux soins des spécialistes littéraires et des historiens. Les paramètres de comparaison entre ces
joutes traditionnelles et les jeux-partis peuvent concerner le lieu et le moment d’interprétation,
le nombre de participants et leurs liens dans la joute, la place du public et des juges, la
manière du jugement, les sujets traités, la forme et la manière d’interpréter. Nous étudierons
d’abord quelques-uns des aspects extra-musicaux pour rappeler la définition du genre. Puis
nous nous attarderons mieux sur les points musicaux, toujours en comparaison avec les
dernières études réalisées sur joutes poétiques traditionnelles chantées : la place des mélodies
de timbre dans la joute, la place de l’improvisation, et le rôle de l’écrit.
Nom employé Région d’emploi Époque supposée Spécialiste
d’origine
Bertsulari Pays Basque XVIII e siècle Denis Laborde
Gara Poetica Sardaigne XVIII e siècle Maria Manca
Contrasto / Giostra / Disfida / Italie Centrale XIV e siècle Elisabeth Rossé
Tenzone
Pelejas / Desafios / Duplas / Brésil XVI e siècle Paul Zumthor
Cantorias par les repentistas
Chants alternés Polynésie John Huizinga
Chjama è rispondi
Corse
Musica campesina Cuba Marie-Hortense
Lacroix
Payadas
Argentine
Musique paysanne
Malte
Zajal
Liban
Performance des Glosadors Baléares
Fig. 13 – Les différentes joutes poétiques traditionnelles chantées citées.
62

1. Définition
Le jeu-parti est un débat ou dialogue en forme de poème pratiqué à l’époque
médiévale au Nord de la France et particulièrement par les trouvères artésiens. Il est
directement issu de l’héritage troubadouredesque, où les descorts, tensons et autres partimens
étaient interprétés en Méditerranée quelques années avant l’apparition du jeu-parti au Nord de
la France. Arthur Langfors 104 en a recensé 182, dont, selon Michelle Stewart 105 , 105 avec
musique.
1. 1. Structure textuelle
Le jeu-parti est généralement composé de six couplets « de structure métrique et
prosodique identique » 106 et de deux envois, cette structure pouvant être très variable (dans le
nombre de couplets ou le nombre ou même la présence des envois) 107 .
Le premier couplet contient la question : « l’un des deux partenaires propose à l’autre une
question dilemmatique et, celui-ci ayant fait son choix dans le deuxième couplet, soutient luimême
l’alternative restée disponible dans le troisième couplet » 108 . Cette structure est un
équilibre « entre la répartition de la difficulté » 109 , le premier trouvère choisissant le sujet, le
second choisissant la thèse soutenue et ayant le dernier mot.
Dans toutes les joutes poétiques traditionnelles chantées, les poètes alternent aussi leurs
strophes, toujours de structure métrique et poétique identique. Le principe de la joute repose
donc sur le fait que le second poète doit reprendre le modèle poétique (au sens formel et
rimique) et musical de la strophe précédente chantée par le premier poète, en s’autorisant
sûrement, au niveau musical, quelques discrépances 110 (variations pour mettre en valeur un
104 Arthur LANGFORS, Alfred JEANROY et Louis BRANDIN, Recueil général des jeux-partis français, 2 vol., Paris,
Édouard Champion (Société des anciens textes français), 1926.
105 Michelle STEWART, The Melodic Structure in the Music of the Thirteenth-Century Jeux-Partis, Master of Arts
with Honours, University of New England, 1977, p. 3.
106 Michèle GALLY, Parler d’amour au puy d’Arras : lyrique en jeu, Orléans, Paradigme, 2004, p. 18.
107 Arthur LANGFORS, op. cit., et Lucie NICOD, « Les jeux partis d’Adam de la Halle », Bibliographie de l’École
des Hautes Études 224, 1917.
108 Arthur LANGFORS, op. cit., p. V.
109 Lucie NICOD, op. cit., p. 8.
110 Le mot « discrépance », utilisé par Bernard Lortat-Jacob, est à plus à considérer dans son sens médiéval
(différence), perdu, que dans son sens actuel, par anglicisme (discordance). il faut distinguer les variantes
(différences conscientes de l’interprètes entre un couplet et un autre) des discrépances (différences inconscientes,
non-admises par l’interprète même).
63

sens, par des profils mélodiques, des cadences, l’ornementation, les silences, etc.) ou quelques
variantes.
1. 2. Contexte
Aujourd’hui, les joutes poétiques tradionnelles chantées sont toujours entourées d’un
esprit de concours et de fête. Au Pays Basque par exemple, on organise des championnats si
populaires que le public remplit les stades où ceux-ci se déroulent 111 . Les poètes de Sardaigne,
eux, improvisent le soir sur une estrade montée sur la place d’un village, devant une église 112
et autour de plusieurs dizaines de spectateurs.
Concernant les jeux-partis, nous n’avons aucune trace du contexte de leurs interprétations.
Aucun traité ne l’évoque directement, et une seule image – celle du chansonnier d’Arras –
illustre la joute. Les seuls véritables indices qui pourraient nous aider à déceler le contexte de
l’interprétation se trouvent dans les jeux-partis eux-mêmes.
Le caractère de joute et la présence de juges/arbitres, qui critiquent, donnent leur avis, et dont
la « compétence était reconnue en maîtrise de courtoisie et de savoir-faire poétique » 113 ,
incitent à penser que les jeux-partis étaient vraisemblablement chantés au Puy d’Arras, en
public, à l’occasion de tournois poétiques. Contrairement aux chansons, les « vainqueurs »
des jeux-partis n’étaient probablement pas couronnés, peut-être parce que les auteurs étaient
deux (et pour preuve l’absence de couronne dans la représentation en miniature) 114 , mais rien
n’est certain. Le puy était dirigé par un « Prince » et toute la société y était représentée :
bourgeois de la ville, étrangers, clercs, chevaliers, nobles. A l’image des joutes poétiques
traditionnelles chantées, la joute arrageoise aurait très bien pu se dérouler sur les places
d’Arras, à la manière des gara poetica de Sardaigne, devant la chapelle des Ardents 115 ,
111 Denis LABORDE, La Mémoire et l'instant, les improvisations chantées du bertsulari basque, Donostia, Elkar,
2005, p. 11.
112 Maria MANCA, La poésie pour répondre au hasard, une approche anthropologique des joutes poétiques de
Sardaigne, préparé sous la direction de Aurore Monod-Becquelin, Université Paris X-Nanterre, 2002, p. 3.
113 Michèle GALLY, op. cit., p. 44.
114 Ibid., p. 8.
115 « On connoît assez la Sainte Chandelle d’Arras, & combien elle a produit d’autres Chandelles dans les Villes
de Flandre : je dirai ici seulement que la Pyramide érigée à son occasion sur la Petite-Place d’Arras, a été bâtie
en 1215, Monument curieux & hardi, mais qui, pas sa situation, dépare une belle Place, & que sans doute on ne
relevera pas, du moins au même lieu, lorsque le tems l’aura abbatue », Antoine-Alexandre-Joseph GOSSE,
Histoire de l’abbaye et de l’ancienne congrégation des chanoines réguliers d’arrouaise, Lille, Léonard Danel,
1786, p. 26.
64

symbole pour les trouvères artésiens et qui était installée à cet endroit. Dans ce cas, la
représentation aurait eu lieu à la belle saison, d’avril à septembre (météo oblige). Néanmoins,
il est aussi possible qu’elle se déroulait à l’intérieur, mais toujours devant un public et des
juges. « Les admissions dans la Confrérie avaient lieu à trois dates de l’année liturgique : pour
la Pentecôte, pour la Saint-Rémi, et pour la Purification. Durant la cérémonie, les
récipiendaires buvaient en commun l’eau où l’on avait fait couler la cire d’un cierge consacré
à Notre-Dame des Ardents » 116 .
1. 3. Acteurs
Les participants sont toujours des trouvères réels et quasiment toujours deux. Mais
selon Hendrik van der Werf, « le poète introduit parfois deux partenaires apparemment
imaginaires, ou initie un débat entre lui-même et un partenaire imaginaire » 117 , thèse qui n’est
pas partagée par les romanistes du début du XX e siècle.
Lorsqu’un ou plusieurs envois sont présents, chaque trouvère nomme dans la plupart des cas
un juge, pouvant être un seigneur, une dame, un ami. Selon Arthur Langfors, le jugement est
une « manière d’hommage rendu à des personnes de marque. […] Il est possible qu’une
discussion suivait la production d’un jeu-parti dans une réunion » 118 . On jugeait l’habileté
poétique, l’argumentation et la concertation. Lucie Nicod 119 soutient aussi cette idée de
« dédicace », comme « peut-être » pour les envois des chansons. Si les jugements ont été
consignés par écrit, il est sûr qu’aucun n’a été retrouvé aujourd’hui.
Ce jugement est encore une des constantes dans les joutes poétiques traditionnelles chantées.
Le jury est souvent organisé à cet effet par un comité, comme en Sardaigne ou en Corse. Il
rend toujours un jugement, désignant toujours un vainqueur, ce qui suscite des doutes quant à
la thèse de l’hommage.
Un public était nécessairement présent, encore une fois, comme dans toutes les joutes
poétiques traditionnelles chantées. Et la séparation entre récitants et auditeurs n’était pas
116 Gérard GROS, Le Poète, la Vierge et le Prince du Puy, Paris, Klincksieck, 1992, p. 39.
117 WERF, Hendrik van der, « Jeu-parti », dans Grove Music Online sous la direction de Laura Macy [en ligne],
http://www.grovemusic.com (consulté le 25 septembre 2008).
118 Arthur LANGFORS, op. cit., p. VII.
119 Lucie NICOD, op. cit., p. 9.
65

forcément nette, chacun pouvant devenir tour à tour l’un ou l’autre. Evidemment, il fallait être
spécialiste de la pratique : une joute demande de l’entraînement et de l’exercice. Mais dans les
puys, les spectateurs étaient tous connaisseurs, même si certainement pas tous pratiquants :
des habitants lambda d’un village viennent assister à la joute en Sardaigne.
1. 4. Sujets et intérêts
Les jeux-partis traitent généralement du rapport de l’amant et de sa dame mais on y
parle aussi d’argent, ou on le construit sur « des parodies ou des fantaisies » 120 . Ceux du
manuscrit A traitent de sujets divers, mais toujours en parallèle avec la question de l’amour
courtois. Le tableau annexe n°14 des personnages et sujets, page 159 à 163, présente les
participants et sujet de chacun des jeux-partis écrits dans le manuscrit A.
Ce qui intéresse, « c’est peut-être moins la matière traitée que la discussion dont elle est
l’objet » : le sujet est connu, le parti pris est prévu : « une discussion serrée n’aurait pas
amusé : elle aurait trop senti le clerc » 121 . On use des images, des comparaisons, des dictons et
des interpellations flatteuses ou blessantes.
Dans les joutes poétiques traditionnelles chantées, les sujets pouvaient être variés, abstraits
(en Espagne), mais souvent tirés au sort (Sardaigne) ou proposés par l’assemblée, comme au
Pays Basque ou au Brésil : « les thèmes sont choisis par le public qui s’érige en censeur de
toute erreur commise » 122 . Les spectateurs font diverses remarques touchant le rythme du vers
mais jamais le chant même s’il se produit une fausse note » 123 . On retrouve cet intérêt pour la
joute elle-même en Polynésie : « Le sens en arrive parfois à tenir une place secondaire à la
faveur de traits d’esprit, de jeux sur les mots ou sur les sons. En outre, cette poésie […] obéit
à un système subtil de règles prosodiques » 124 .
1. 5. Parentés avec d’autres pratiques didactiques médiévales
Il est délicat de parler d’origine des jeux-partis. Mais il est clair que la pratique
d’exercices didactiques, d’exercices de mémorisation de textes ou de mélodies, de
120 Arthur LANGFORS, op. cit., p. IX.
121 Lucie NICOD, op. cit., p. 12.
122 Paul ZUMTHOR, Introduction à la poésie orale, op. cit., p. 227.
123 Ibid., p. 185.
124 Michèle GALLY, op. cit., p. 78.
66

eproduction de schémas rimiques était bien en vogue au XIII e siècle. De nombreux
spécialistes se sont intéressés à ces parentés 125 que sont, par exemple, les débats judiciaires,
les exercices « d’escoliers » en philosophie et la pratique du partimen (équivalent du jeu-parti
chez les troubadours) et de nombreux genres basés sur le débat en Provence. Les jeux-partis
répondaient aussi à la méthode éducative enseignée à Arras à travers les exercices rhétoriques
pratiqués au chapitre ou à l’abbaye.
2. Éléments musicaux : les « formules mélodiques »
2. 1. Structure musicale
Les mélodies des jeux-partis sont plus nombreuses que les jeux-partis eux-mêmes. Les
jeux-partis sont en effets dotés d’une notation musicale « en plusieurs leçons » 126 , puisqu’il
existe plusieurs versions de mélodies pour un même jeu-parti : 207 mélodies pour 105 jeuxpartis
avec musique. On appelle « mélodie de jeu-parti » la mélodie du premier couplet (la
seule notée dans les manuscrits) supposée reprise dans chacun des autres couplets. Deux
grandes structures se dégagent de l’étude des jeux-partis : la structure ABAB X et la structure
« libre ». Michelle Fernande Stewart 127 a calculé le pourcentage de la fréquence des structures
des 207 mélodies de jeux-partis, résumé en figure 14 :
Structures mélodiques pourcentage forme précise pourcentages
ABAB X 32% 32%
ABAB X 70%
ABAB’ X 14%
AB A’B X 13% 38%
AB A’B’ X 11%
Libre ou « Ode continue » 26%
Retours irréguliers de motifs 4%
Fig. 14 – Fréquence en pourcentage des structures des 207 mélodies de jeux-partis.
125 Concernant la question des « origines » des jeux-partis, voir les livres de Michèle Gally, Arthur Langfors,
Lucie Nicod, Alfred Jeanroy… cités dans cette partie.
126 Jean MAILLARD, Adam de la Halle, Perspective musicale, Paris, Honoré Champion, 1982, p. 68.
127 Michelle STEWART, The Melodic Structure in the Music of the Thirteenth-Century Jeux-Partis, University of
New England, 1977, p. 10-12.
67

Pour désigner les deux parties de la forme ABAB X, nous utiliserons la terminologie
habituelle, en appelant la partie ABAB le « frons » et la partie X la « cauda ». Nous
employons de préférence le terme « libre » plutôt que celui « d’ode continue », utilisé par
Jean Maillard 128 , notamment pour des raisons de place dans les tableaux annexes.
Michelle Stewart donne aussi les correspondances entre structures du texte et structures de la
mélodie pour le frons (figure 15) :
Structure mélodique du
frons
Structure textuelle du frons Pourcentage
ABAB abab 65%
ABAB abba 4%
ABAB successions de rimes inhabituelles 1%
Libre abba 11%
Libre abab 11%
Libre successions de rimes inhabituelles 4%
Retour irréguliers de motifs mélodiques et de rimes 4%
Fig. 15 – Fréquence en pourcentage des correspondances de structures mélodique et textuelle.
Voici le résumé que Michelle Stewart fait de ces tableaux des figures 15 et 16 :
L’étude des poèmes des jeux-partis montre que les auteurs employaient plus fréquemment
la forme ab ab (72%) que la forme ab ba (17%) ; le motif coblas unissonans était
beaucoup utilisé (91%) ; les strophes contenaient généralement 8 ou 10 lignes ; les
trouvères préféraient tant les strophes hétérométriques (51%) qu’isométriques (49%) ; et
le poème du jeu-parti comprenait en général six strophes et deux envois.
L’analyse révèle que les trouvères des jeux-partis préféraient de loin les formes
mélodiques répétitives stéréotypées plutôt que les formes mélodiques libres. Les formes
modifiées combinées, par exemple, ABA’B X, ABAB’X et ABA’B’X se présentent plus
fréquemment (38%) que la forme répétée exactement ABABX (32%) démontrant le
nombre de divergences mélodiques se présentant dans le deuxième pes de ces mélodies.
A l’inverse de la forte correspondance entre la forme mélodique ABAB et la forme
textuelle abab présente dans 65% des mélodies, la forme mélodique libre était combinée
autant avec la forme abba (11%) qu’avec la forme abab (11%).
128 Jean MAILLARD, op. cit., p. 68.
68

Les formes textuelles irrégulières étaient plus fréquemment combinées avec la forme
mélodique libre (4%) qu’avec la forme mélodique répétée (1%).
[…] En conclusion, l’étude combinée texte-musique démontre clairement que les
mélodies de jeux-partis sont conventionnelles dans leurs éléments externes de la forme.
Des discussions […], cependant, montreront que ces mélodies sont infiniment variées
dans leur structure interne et surpassent de loin leur texte poétique dans leur détail. 129
2. 2. Les modes rythmiques
Hans Tischler, dans l’édition des mélodies de trouvères qu’il propose 130 , ajoute des
rythmes à toutes les mélodies qu’il retranscrit, en utilisant les modes rythmiques. Mais il ne
semble pas nécessaire de chanter ici avec des modes rythmiques, dans la mesure où ceux-ci
sont en général réservés à la polyphonie (permettant alors aux voix d’être en accord de temps,
« en rythme »), au style discantus et aux vocalises. Il semble tout à fait possible que les jeuxpartis
aient pu être chantés d’une manière plus déclamée et donc plus libre au niveau
rythmique, même si « quelques mélodies du chansonnier Cangé sont écrites dans une notation
indiquant les modes rythmiques » 131 .
2. 3. Modes et tonalités
Une analyse détaillée des 207 mélodies sera nécessaire pour préciser les éléments que
nous allons évoquer ci-dessous. Michelle Stewart, qui a réalisé ce travail dans sa thèse,
affirme que « les mélodies de trouvères ont une tonalité basée sur un « système modifié des
modes ecclésiastiques » 132 . Elle tire cette conclusion après l’analyse des 207 mélodies de
jeux-partis mais aussi celle des textes théoriques de l’époque et notamment De Musica de
Johannes de Grocheio. Le tableau suivant de la figure 16 résume les principales différences
entre les mélodies grégoriennes et les mélodies de jeux-partis :
129 Michelle STEWART, op. cit., p. 10-12.
130 Hans TISCHLER, Trouvères Lyrics with Melodies: Complete comparative edition, 15 vol., Neuhausen,
Hänssler Verlag, 1997.
131 Michelle STEWART, op. cit., p. 21.
132 Ibid., p. 22
69

Hauteur de début et
de fin de phrases
Ambitus
Cadences internes
Plain-chant
souvent les mêmes
(finalis ou teneur)
octave
mouvements descendants (à
environ 90% 133 ) sur la quinte
ou la finale
Mélodies de jeux-partis
flexible : manque d’initia
régulières
peut être inférieur à une sixte,
mais généralement une octave
(et peut aller jusqu’à la dixième)
mouvements descendants (à 56%)
et ascendants (à 44%).
Sauts en les phrases petits intervalles quartes et quintes
Courbure mélodique
présence notable de récitations
archaïques
formes plus développées
Fig. 16 – Différences notables des caractéristiques musicales entre l’ensemble des mélodies
de plain-chant et celles de jeux-partis.
Seulement 5% des jeux-partis ne se terminent pas sur la finale (ceux-là se terminent alors sur
la tierce ou la quinte du mode). Le tableau suivant (figure 17) indique la fréquence des modes
des jeux-partis :
mode fréquence en nombre fréquences en pourcentage
mode de ré
mode 1 69 34%
mode 2 9 4%
38%
mode de mi
mode 3 1 0,33%
mode 4 6 3%
3,5%
mode de fa
mode 5 8 4%
mode 6 18 9%
13%
mode de sol
mode 7 32 16%
mode 8 14 7%
23%
mode 1 transposé une 5te au-dessus 11 5%
mode 2 transposé une 5te au-dessus 4 2%
mode 3 transposé une 4te au-dessus 1 0,33%
mode 4 transposé une 4te au-dessus 1 0,33% 23%
mode 4 transposé une 5te au-dessus 2 1%
mode 6 transposé une 5te au-dessus 10 5%
mode 7 transposé une 4te au-dessus 19 9%
TOTAL 205 100 100
Fig. 17 – Fréquence des modes dans les jeux-partis.
La majorité des mélodies est écrite en mode 1. 48 mélodies (23%) terminent sur la, si ou do –
alors nommées « affinales ». Il s’agit en fait de modes transposés.
133 Ibid.., p. 39.
70

2. 4. Caractéristiques du dessin mélodique
Deux dessins différents prédominent les 1855 phrases étudiées par Michelle Stewart :
- une arche double aux apex atteints par des secondes ascendantes et descendantes qui
contiennent aussi des intervalles plus larges, notamment des tierces (à gauche sur la
figure 19) ;
- une arche double se terminant par une courbe ascendante (à droite sur la figure 18).
Fig. 18 – Les deux principaux dessins mélodiques.
D’autres courbes existent, mais de manière moins fréquente :
- une arche triple formée par des arches en mouvements conjoints ascendants et
descendants, en séries de lignes onduleuses (à gauche sur la figure 19) ;
- une arche simple, incarnant souvent la forme modifiée de la récitation (à droite sur la
figure 19).
Fig. 19 – Les deux dessins mélodiques secondaires.
L’ouverture en mouvement ascendant est privilégiée, mais le mouvement descendant est aussi
utilisé pour suggérer une arche inversée ou une ligne plus ou moins droite.
Il n’y a globalement pas de lien notable entre un sommet musical et un mot-clé, même si cela
reste difficile à dire. De toute manière, il ne peut pas y en avoir réellement, dans la mesure où
le texte – improvisé ou non – change à chaque strophe 134 .
Comme le montre le tableau de la figure 20, les phrases mélodiques varient aussi par le choix
des hauteurs initiales et finales (mise à part l’exception flagrante de la pièce Cuvelier, s’il est
134 Nous pourrions tout de même penser que la place d’un apex textuel au même endroit dans chaque strophe
pourrait être un défi d’imitation supplémentaire… Mais nous laissons le soin de cette question aux chercheurs
littéraires.
71

ensi dont les phrases se terminent toujours par ré). Selon Michelle Stewart, ces répétitions des
hauteurs initiales ou finales permettent d’installer une « stabilité tonale ».
fréquence des
mélodies
fréquence des mélodies en
pourcentage
répétition des hauteurs finales et initales 4
répétition des hauteurs initiales 21
35%
répétitions des hauteurs finales 24
aucune répétition notable 91 65%
TOTAL 140 100%
Fig. 20 – Fréquence de répétition des hauteurs finales et/ou initiales dans les 140 mélodies de
jeux-partis de la forme AB AB X.
2. 5. La répétition de formules mélodiques
Michelle Stewart évoque un corpus de motifs mélodiques, un « stock de formules » 135 ,
formules dessinées librement par les interprètes. En effet, l’analyse des 207 mélodies permet
de déceler des répétitions de motifs de trois à huit notes, successivement ou entrecoupés d’une
ou plusieurs notes voire d’une phrase. Ces motifs peuvent être transposés ou non dans leur
redondance. Il existe même des reprises de formules entre les jeux-partis, au même endroit
structurel (au début ou au milieu de la strophe) ou au début dans une pièce et la fin dans une
autre, comme le montrent les exemples musicaux suivant qu’elle a choisis (figures 21 et 22) :
Fig. 21 – Répétition du même motif mélodique au début de plusieurs jeux-partis.
135 Cette expression de Jean-Jacques Nattiez a été entendue lors du cours hebdomadaire « Principes, concepts et
méthodes d’une musicologie générale dans le cadre de la sémiologie » à la Maison de la Recherche au cours du
dernier trimestre 2008 (invitation du musicologue par l’U.F.R. de Musicologie de l’Université Paris IV-
Sorbonne).
72

Fig. 22 – Répétition du même motif mélodique au début d’un jeu-parti et à la fin d’un autre.
2. 6. Les cadences
La chercheuse australienne a étudié les mouvements entre les trois dernières notes de
chacune des 1855 phrases. Voici le tableau récapitulatif de ses études :
Mouvement Antépénultième pénultième dernière fréquence
Mouvement descendant 3 2 1 43%
Seconde ascendante 1 -2 1 29%
Mouvement ascendant -3 -2 -1 11%
Seconde descendante 1 2 1 9%
Tierce descendante 2 3 1 4%
Tierce ascendante -2 -3 1 3%
Quarte ascendante -3 -4 1 0,5%
Quinte descendante 4 5 1 0,1%
TOTAL 99,6%
Fig. 23 – Les mouvements cadentiels dans les 1855 phrases de jeux-partis, classés par
mouvement numérique (sans distinction entre tons et demi-tons).
Le tableau de la figure 23 montre une utilisation aussi fréquente des mouvements ascendants
que descendants, mais que les mouvements ascendants ne sont pas limités à la seconde. Il est
regrettable que Michelle Stewart n’ait pas différencié dans les rapports numériques les tons
des demi-tons, ce qui se fait normalement toujours aujourd’hui 136 .
Pour des références plus précises et plus complètes, nous renvoyons le lecteur à la thèse de
Michelle Stewart, qui n’en est ici qu’un résumé partiel. La musicologue a en effet réalisé le
même travail d’étude des mouvements par rapports numériques dans les phrases d’ouverture
et dans les milieux de phrases. Mais ce sont ses conclusions qui sont importantes : « une
analyse détaillée des structures mélodique révèle que la construction d’une mélodie était
136 Le travail de Michelle Stewart est donc peut-être à revoir sous cet angle différent, comme le pratique Nicolas
Meeùs avec le logiciel Monika (calculs possibles sur les quatre premières notes par exemple)
73

asée sur l’utilisation et la combinaison d’un certain nombre de formules mélodiques » 137 . Ce
procédé peut être mis en parallèle avec la technique de centonisation 138 souvent utilisée dans
les musiques médiévales et particulièrement développée dans le genre responsorial (auquel
pourrait s’apparenter le jeu-parti) : « le centon est une formule caractéristique d’un mode
(ambitus-ornementation-rapport au mot parfois). Elle peut être alors réutilisée d’une pièce à
l’autre, dans le même mode » 139 .
3. La performance
3. 1. L’utilisation de timbres
« Contrairement à la chanson qui a sa mélodie propre, le jeu-parti se chante sur une
mélodie préexistante. Il emprunte, en règle générale, son timbre 140 à une chanson en même
temps que la sonorité de ses rimes. Ces contrafacta sont courants dans la tradition lyrique
pour des genres qui, conservant le moule formel de la chanson, en changeaient les thèmes et
la portée comme le sirventès d’oc, ou les chansons religieuses » 141 . Ici, Michèle Gally, par des
affirmations claires, confirme la thèse de Jean Maillard qui explique que les mélodies
« empruntent – en principe – leur timbre à une chanson, dont le texte poétique est également
sollicité, au moins pour la sonorité des rimes » 142 . Si le grand chant courtois exige une
mélodie originale, le jeu-parti ne requiert pas la même originalité musicale, dans la mesure
où il n’exprime pas les sentiments, mais les idées du poète, ce qui pourrait expliquer le
nombre important de contrafacta dans ce répertoire. Une prochaine étude du corpus entier des
jeux-partis permettra de dénombrer les jeux-partis basés sur les contrafacta et ceux dont les
mélodies ont été créées spécialement.
3. 1. 1. Des références historiques
137 Michelle STEWART, op. cit., p. 52.
138 Concernant la centonisation, voir Dom Paolo FERRETTI, Esthétique grégorienne ou traité des formes
musicales du chant grégorien, Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, Solesmes, 1938.
139 Olivier CULIN, « Centon », dans le Guide de la musique du Moyen-âge sous la direction de Françoise
FERRAND, Paris, Fayard, « Les indispensables de la musique », 1999, p. 73.
140 On appelle par timbre « tout air, vocal ou instrumental, préexistant aux paroles qui s’y joignent pour faire
morceau de chant ou former une chanson », Patrice COIRAULT, Notre chanson folklorique, Paris, A. Picard,
1941, p. 207, note n°2.
141 Michèle GALLY, op. cit., p. 72.
142 Jean MAILLARD, op. cit., p. 68.
74

Concernant les preuves de l’utilisation de timbres, il faut d’abord faire référence à Paul
Zumthor : « Un nombre considérable de chansons “populaires” européennes prolonge ainsi
des mélodies grégoriennes, des musiques de cour, des airs d’opérettes. Inversement, en un
chassé-croisé du profane au sacré, des noëls, des cantiques, reprennent des mélodies à la
mode, des pastorales, des complaintes amoureuses. Aux XVIII e et XIX e siècles, en France, la
majorité des chansons politiques, satiriques, contestataires de grande diffusion étaient
composées sur timbre » 143 . De plus, « les auditeurs, reconnaissant un air connu, étaient peutêtre
plus attentifs ou plus intéressés par l’échange verbal qui constituait le véritable spectacle,
la présence de la mélodie […] étant seulement liée à une tradition qui ne dissociait pas poésie
rimée et chant. Il n’est pas non plus nécessaire d’être un musicien expérimenté pour chanter
des paroles sur une mélodie que l’on connaît » 144 .
3. 1. 2. Des références ethnomusicologiques
Concernant les joutes chantées au Pays-Basque, Denis Laborde a établi une
remarquable étude sur l’utilisation concrète du timbre :
Tout bertsulari est sans cesse en quête de mélodies qu’il s’applique à répliquer. Xanpun
m’explique qu’en priorité, et par imprégnation, tout bertsulari « apprend les vieux airs
qui sont très connus au Pays Basque, depuis vitam aeternam… et on chante avec ça », cet
« air » qui portera le poème improvisé au moment de la performance relie un bertsulari à
l’audience. C’est un marqueur référentiel, puisqu’il évoque cette chanson à laquelle ce
timbre est emprunté et que chacun (re)connaît. […] Dans ce saut dans l’inconnu qu’est
toute improvisation, le timbre est la part familière de l’exercice. Le point d’ancrage d’une
culture partagée. […] C’est aussi une contrainte technique. Connaissant l’original, chacun
peut suivre (et parfois même anticiper) la fabrication du poème en direct. Cette fonction
est d’importance, car « il faut tenir compte du faut que l’on chante face à un public,
précise Laka. Et il faut que le public puisse suivre également le bertsu lui-même : non
seulement ce qu’on dit, mais également la structure du bertsu ; non seulement le fond,
mais également la forme ». Et cela n’est possible que si les bertsulari improvisent sur des
airs connus. […] Pour Mihura cependant, « les vieilles chansons, à force, deviennent
rangaines. Il faut rechercher de nouvelles mélodies, pour faire quelque chose d’agréable
pour le public ». Et le voici en quête de nouveaux timbres : « Si j’entends un air qui n’a
pas été utilisé, je me dis : « Ca c’est bon, on peut chanter dessus »… et quand l’occasion
143 Paul ZUMTHOR, Introduction à la poésie orale, Paris, Seuil, collection « Poétique », 1983, p. 185.
144 Michèle GALLY, op. cit., p. 71.
75

se présente, on a ça en tête, et on le chante. L’effet est double puisqu’il y a la surprise de
l’air ! ». « C’est important, renchérit Xanpun, parce qu’au concours, il y a une prime. 145
Ce phénomène de contrafacta se rencontre aussi à Cuba : « Chaque chanteur se munit
généralement pour improviser d’une (parfois, de plusieurs) « tonada », à savoir un air, un
profil mélodique particulier, assez souple pour permettre d’intégrer dans une structure
musicale parfois mesurée le débit d’une parole improvisée. Cette tonada, qui met en valeur
ses qualités vocales (notamment sa puissance dans l’aigu), qui lui est personnelle et dont il
peut être l’inventeur, joue par ailleurs un rôle de « personnage musical » dans la mise en
scène de la confrontation (qui dure en général plusieurs heures) » 146 .
3. 1. 3. Remarques sur les discrépances
Le timbre peut être légèrement modifié pour mieux « supporter » le texte et aussi pour
insister sur tel ou tel mot, telle ou telle émotion, par des mouvements ascendants sur les
interrogations par exemple : « [Le bertsu] sait qu’au moment de chanter – à condition de
rester dans les limites toujours imprécises du reconnaissable – il pourra insuffler dans le
mouvement mélodique des éléments inattendus : déplacer la hauteur d’un son pour accentuer
un effet du texte, orner tel ou tel passage mélodique… […] Pour susciter une émotion,
souligner un mot, risquer une insinuation ou masquer une erreur, tout bertsulari peut en
modifier la courbure mélodique, la tessiture, l’ornementation, le tempo » 147 . C’est ce que nous
appelons les discrépanses. Biancamaria Brumana Pascale insiste sur cet aspect : « La mélodie
se répète à l’identique dans toutes les strophes de la chanson bien que celles-ci ne se devaient
pas se chanter sur un même ton, mais pouvaient subir de fréquents changements d’état
d’esprit » 148 . D’ailleurs, Denis Laborde précise que « chacun chante dans sa tessiture, sans
tenir compte de la hauteur à laquelle chante son partenaire » 149 . La transposition est donc
permise. De même, les poètes utilisent alors des « mimiques vocales » (le grave représentant
l’autorité et l’aigu la gentillesse).
145 Denis LABORDE, op. cit., p. 50.
146 Marie-Hortense LACROIX, « Improvisation verbale et improvisation musicale dans les joutes oratoires
chantées. Exemple de la musique paysanne cubaine (province de Sanctu Spíritus) », dans les actes du colloque
Improvisation et composition (Université Paris-Sorbonne), 2001, p. 64.
147 Denis LABORDE, op. cit., p. 70.
148 « La melodia si ripete identica in tutte le stanze della canzone sebbene il più delle volte quest'ultima non si
svolga su un tono unitario, ma siano frequenti i mutamenti di stato d'animo. » dans Biancamaria BRUMANA, « Le
musiche nei jeux-partis francesi », Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia dell’Università di Perugia, XIII
(1975-76), p. 523.
149 Denis LABORDE, op. cit., p. 77.
76

3. 1. 4. Les traités du Moyen-Age
Les traités de l’époque médiévale attestent l’utilisation de ces timbres, comme la
Doctrina de compondre dictatz, un traité du XIII e siècle qui précise que « si tu veux faire une
tenson, tu dois la prendre dans quelque poésie chantée qui ait une belle mélodie ; et tu peux
suivre les rimes ou non de la chanson » 150 . « Les Leys [d’amour de Guilhem Molinier]
semblent toutefois moins catégoriques et admettre une performance non chantée 151 . Mais si la
tenson reprend le mètre et la structure strophique d’une pièce antérieure, il est conseillé
qu’elle emprunte aussi la mélodie » 152 . Mais globalement, d’après Biancamaria Brumana,
« une mélodie complètement originale et la plus belle possible est demandée pour une canso
ou une chanson, alors que dans toutes les autres formes, […] le poète n’est pas obligé
d’utiliser une mélodie originale. Cependant, parfois, bien que le genre ne l’impose pas,
l’amour pour l’art pouvait pousser le poète à rechercher une expression musicale originale. En
suivant donc les indications des traités, vu que dans le jeu-parti on n'exprime pas les
sentiments, mais l’idée du poète, nous devrions trouver dans les mélodies de jeux-partis de
nombreux contrafacta » 153 . Ce phénomène a été bien étudié par Friedrich Gennrich 154 qui
s’est basé sur sept jeux-partis de Thibaut de Champagne du manuscrit O, parmi lesquels trois
avaient exactement la même mélodie que d’autres chansons qu'on trouve dans le même
manuscrit. Ceci lui a permis de prouver que la présence de contrafacta dans ses jeux-partis ne
peut pas dépendre d'une insuffisance de la veine musicale de l'auteur (Thibaut de Champagne
étant un trouvère habile), mais que ces contrafacta s’expliquent plutôt par le « rapport
150
« Si vols far tenso, deus la prendre en algun so que haja bella nota, e potz seguir les rimes del cantar o no »
dans Carl APPEL, Provenzalische Chrestomathie mit Abriß der Formenlehre und Glossar, Leipzig, Reisland,
1930, p. 406.
151 « Encaras dizem que non es de necessitat ques haja so, enpero en aquel cas que’s faria al compas de vers o de
chanso o d’autre dictat qu’aver déjà so, se pot cantar en aquel vielh so » dans Ulrike Bunge, Tenson [en ligne],
http://www.flsh.unilim.fr/ditl/Fahey/TENSON_n.html (consulté le 2 août 2009).
152 Pierre BEC, La joute poétique, de la tenson médiévale aux débats traditionnels chantés, Paris, Les Belles
Lettres, Collection Architecture du verbe, 2000, p. 31-32.
153 « Una melodia completamente originale e più bella possibile è richiesta per la canso o chanson, mentre in
tutte le altre forne, nelle quali sono presenti in varia misura altri fattori oltre quello puramente lirico, la melodia
avrà una maggiore o minore originalità a seconda del grado di partecipazione richiesta al poeta. Tuttavia a volte,
sebbene il genere non lo imponesse, l'amore per l'arte poteva spingere il poeta a ricercare una espressione
musicale originale anche in questi casi. Stando quindi alle indicazioni dei trattati, dato che nel jeu-parti non si
esprimono i sentimenti, ma le ide del poeta, dovremmo trovare nelle melodie dei jeux-partis numerosi
contrafacta. », dans Biancamaria BRUMANA, op. cit., p. 524.
154 Friedrich GENNRICH, Thibaut IV de Champagne, Darmstadt, 1965. Friedrich GENNRICH, « Simon d’Authie
ein pikardischer Sänger des XIII Jh. », Zeitschrift fûr romansiche Philologie LXVII (1951), p. 64-104. Friedrich
GENNRICH, Die Kontrafactur im Liedschaffen des Mittelalters, Langer bei Franckfurt, 1965.
77

instable et certain entre une musique et une poésie, et est donc propre au genre » 155 . Il faut
signaler que la forme ABABX – reprise, rappelons-le, dans 70% des mélodies de jeux-partis –
est aussi celle du grand chant courtois, ce qui favorise les emprunts de mélodies.
3. 1. 5. Les deux contrafacta dans les jeux-partis du chansonnier d’Arras
Il faudrait vérifier pour chaque jeu-parti la source de la mélodie, le timbre utilisé. Car
peu de contrafactum ont été identifiés à ce jour. Deux possibilités existent pour repérer des
mélodies reprises entre les pièces. Tout d’abord, une base de données de mélodies de timbre
nous permettrait de retrouver la source des mélodies et nous espérons que l’outil informatique
et la généralisation d’une future base de timbres pourront aider à ce travail. De plus, une
analyse méticuleuse du Répertoire métrique d’Istvan Frank 156 s’avèrerait utile pour proposer
des possibilités de mélodies de timbre, voir d’en repérer plus facilement. Il arrive en effet que
les contrafacta soient découverts par une similarité de « charpente rimique » entre deux
chansons. Nous avons un exemple parmi les deux seuls jeux-partis du chansonnier d’Arras
basés sur des mélodies de timbre. Il s’agit du jeu-parti Frere, qui fait mieuz a proisier (entre
Gilles et Guillaume le Vinier), qui aurait été chanté sur la base de la chanson mariale A che
que je weil commenchier. Ce lien, établi par Hans Tischler 157 , vient de l’exacte similarité du
schéma poétique (rimes, nombre de vers et nombre de pieds) a 8 b 8 a 8 b 8 b 8 a 8 a 8 b 4 c 7 c 7 a 8 , comme
le montre le face à face du premier couplet de chacune des pièces (à gauche, celui du jeuparti,
à droite, celui de la chanson mariale) :
Frere, qui fait mieuz a proisier
A vous en est li gieus partis
De deus amans qui sanz trichier
Ont en amours lor cuers assis.
Li uns aimme par tel devis
Qu’il a tout son voloire entier ;
L’autres n’a fors le donnoier
Et s’est touz fis
Que ses bons li lairoit faire
S’amie, la debonaire,
Maiz pour s’ounour s’en veut targier
A che que je weil commenchier,
Sai bien que mes sens est petis ;
Mais la dame dont weil traitier
Avra bien tost mon cuer apris.
Se loiaument li est amis
Et del tout s’i veut acointier,
Tost li fera son filg aidier ;
Et Jhesucris
Par est si tres debonaires
Que de son serviche faire
Ne se devroit nus eslongier.
155 « […] La prezensa di contrafacta nei suoi jeux-partis non può dipendere da una deficienza della vena
musicale dell’autore, ma è piuttosto da attribuire all’instabile e tenue rapporto tra musica e poesia proprio del
genere. » dans Biancamaria BRUMANA, op. cit., p. 525.
156 Istvan FRANK, Répertoire métrique de la poésie des troubadours, 2 tomes, Paris, Champion, 1953-1957.
157 Hans TISCHLER, op. cit., pièce n°735.
78

Cette stricte exactitude du schéma poétique permettrait d’affirmer que les deux mélodies
étaient chantées sur la même mélodie, bien qu’aucune trace ne subsiste aujourd’hui de la
mélodie de la chanson mariale A che que je weil commenchier, dont le texte seul figure dans
le manuscrit p7. Le second jeu-parti du manuscrit A basé sur une mélodie de timbre est Bons
rois Thiebaut, sire, conseillez moi. Mais d’après l’édition d’Hans Tischler 158 , la mélodie du
manuscrit A n’est pas concernée par ce lien avec la chanson Ma derreniere vuel fere en
chantant d’Oede de la Couroierie et le jeu-parti Rois de Navarre, sires de vertu entre Thibaut
de Navarre et un clerc. Elle concerne la mélodie des manuscrti a, K, M, N, O et X. La mélodie
du manuscrit A est en effet clairement différente et sans aucun lien avec ces deux pièces. Les
jeux-partis n°3 Phelipe, je vos demant, n°4 Adam vaurriés vous manoir et n°5 Amis, quelx est
li mieuz vaillanz (ici par exemple, les trouvères puisent leur source musicale dans le répertoire
provençal en reprenant la fameuse chanson de Bernart de Ventadorn Can vei la lauzeta
mover) de la troisième partie de ce mémoire seront de véritables exemples de mélodies basées
sur des contrafacta.
En conclusion, les trouvères usaient très certainement d’une certaine liberté et avaient le
choix :
- de reprendre une mélodie de timbre, très connue, pour mettre à l’aise leur adversaire
vis-à-vis de la musique, mais aussi pour le plaisir du public ;
- d’utiliser une mélodie peu connue, voire de composer eux-mêmes une nouvelle
chanson, dans la limite du mémorisable pour leur adversaire.
Peut-être que ce choix dépendait du niveau des jouteurs : « Quelques études dont celles de
Gennrich, soulignent plus que nécessaire les caractéristiques de l’improvisation qu’il
considère à l’origine des jeux-partis. Les amateurs du Puy aurait dû composer dans l’instant le
texte poétique aidés par la présence d’une mélodie notée et par la connaissance d’une forme
poétique déterminée à utiliser dans les parties de la composition dans lesquelles on s’investit
le moins. Et les versificateurs les plus aguéris auraient pu sur le moment s’exprimer dans des
formes poétiques assez complexes et en même temps développer des arguments assez
subtils » 159 .
3. 2. L’improvisation du texte
158 Hans TISCHLER, op. cit., pièce n°1175.
159 Biancamaria BRUMANA, op. cit., p. 527.
79

Michèle Gally remarque, par l’étude du texte (constantes dans les rimes, les
terminaisons et la syntaxe, abondance des paroles creuses, récurrence des syntagmes, temps
mis à aborder le sujet, etc.) des marques d’une « composition à chaud », d’une
« improvisation » 160 .
Avant elle, se sont exprimés contre la thèse de l’improvisation :
- Friedrich DIEZ, Die Poesie der Troubadours, Leipzig, 1883.
- Heinrich KNOBLOCH, Die Streitgedichte im Provenzalischen und Altfranzösischen, these,
Breslau, 1886, p. 13.
- Ludwig SELBACH, « Das Streitgedicht in der altprovenzalischen Lyrik und sein Verhältnis
zu ähnlichen Dichtungen anderer Literaturen » dans Ausgaben und Abhandlungen aus
dem Gebiete der Romanischen Philologie, 57 (Marbuch, 1886), p. 90.
- Henri GUY, Essai sur la vie et les œuvres littéraires du trouvère Adan de la Halle, Paris,
1898, p. LIII.
- Alfred JEANROY, « La Tenson provençale (Suite) », dans les Annales du Midi, 2 (1890), p.
445-446. (n’accepte pas les arguments de Zenker)
- Hans SPANKE, compte-rendu dans Studi Medievali 8 (1935), p. 42.
- David J. JONES, La tenson provençale. Étude d'un genre poétique, suivie d'une édition
critique de quatre tensons et d'une liste complète des tensons provençales, Genève:
Slatkine Reprints, 1974 (Réimpression de l'édition de Paris, 1934). soutient Langfors
- Arthur LANGFORS, Alfred JEANROY et Louis BRANDIN, Recueil général des jeux-partis
français, 2 vol., Paris, Édouard Champion (Société des anciens textes français), 1926, p.
VII.
- Lucie NICOD, « Les jeux partis d’Adam de la Halle », Bibliographie de l’École des Hautes
Études 224, 1917, p. 9
- Karl VOSSLER, Die Dichtungsformen der Romane, éd. par Andreas Bauer, Stuttgart, 1951,
p. 125.
- Jean MAILLARD, Adam de la Halle, perspectives musicales, Paris, Champion, 1982, p. 68.
- Dietmar RIEGER, « Chanter et faire. Remarques sur le problème de l’improvisation chez les
troubadours » dans Chanter et dire. Etude sur la littérature du Moyen-Age, Champion,
1997, p. 45-58.
160 Michèle GALLY, op. cit., p. 73.
80

A l’opposé, depuis le XIX e siècle, se sont exprimés pour la thèse de l’improvisation :
- François-Just-Marie RAYNOUARD, Choix des poésies originales des troubadours, Paris,
1816-1821, t. II, p. 188.
- Claudes-Charles FAURIEL, Histoire de la poésie provençale, Paris, 1846, t. II, p. 106.
- Rudolf ZENKER, Die provenzalischer Tenzone. Eine literaturhistorische Abhandlung,
Leipzig, 1888.
- Erich KÖHLER, « Zur Entstehung des altprovenzalischen Streitgedichts », dans
Trobadorlyrik und höfischer Roman, Berlin, 1962, p. 190.
- Erich KÖHLER, « Tenzone », Grundriss der Romanischen Literaturen des Mittelalters, t. II,
1,5, Heidelberg, 1979, p. 5.
- Sebastian NEUMEISTER, Das Spiel mit der höfischen Liebe : das alt-provenzalische
Partimen, München, 1969, p. 25.
- Michèle GALLY, op. cit., p. 76.
- Jean RYCHNER, La chanson de geste. Essai sur l’art épique des jongleurs, Genève-Lille,
Droz-Giard, 1955, p. 149.
- Paul ZUMTHOR, Langue et technique poétiques à l’époque romane, Paris, Klincksieck,
1963, p. 11, note 1.
Des tableaux situés en annexe n°9 et 10 (pages 151 à 154) proposent un résumé des différents
arguments, rangés par ordre chronologique. Michèle Gally admet qu’en cas d’improvisation,
elle ne saurait expliquer comment les non-professionnels de la poésie (par exemple des
marchands et banquiers comme nous en trouvons dans les jeux-partis) auraient pu participer :
« quelle maîtrise de la composition des vers avaient des marchands et des banquiers » 161 .
Mais qui était vraiment professionnel de la poésie à l’époque Des marchands et banquiers
savaient-ils moins écrire de la poésie que les autres Les trouvères avaient d’autres
occupations que la poésie. Et qui dit qu’il fallait être professionnel pour savoir improviser
En comparant toujours les jeux-partis avec nos exemples des joutes poétiques traditionnelles
chantées, nous remarquons que bien des amateurs savent improviser (c’est le cas du « papy »
cultivateur à Majorque par exemple) et qu’en connaissance de cela, nous ne pouvons plus
aujourd’hui concevoir l’argument de la complexité technique. C’est que notre culture de
citadin français ne permet plus de comprendre, de partager, de reproduire de telles techniques.
Cette question de non-spécialisation de l’activité de poète ne peut donc en aucun cas
161 Michèle GALLY, op. cit., p. 79.
81

expliquer la thèse de l’improvisation du jeu-parti. Dire que les jeux-partis étaient improvisés
parce que des non-spécialistes le pratiquaient est aussi incohérent que dire que les jeux-partis
n’étaient pas improvisés parce que cela était trop difficile. Cette incohérence s’explique par
des distances trop grandes par rapport à la société d’aujourdhui. D’un côté, ceux qui renient la
thèse de l’improvisation en prenant pour cible la difficulté ne savent pas ce qui était conçu
comme étant difficile dans la société de l’époque. On rapproche ici deux traditions, deux
sociétés différentes, certes très proches géographiquement mais très éloignées historiquement.
Et la solution est plutôt dans la comparaison et le rapprochement de deux musiques de
tradition orale, malgré leur éloignement géographique.
La thèse de l’échange de lettres, envisagée par d’autres auteurs, ferait perdre au genre tout son
intérêt. Bien qu’il n’y ait pas de preuve écrite pour le caractère improvisé de ces pièces, on
trouve de nombreuses preuves dans les autres musiques de tradition orale encore vivante
aujourd’hui. Et en réponse à ceux qui pensent que l’improvisation du texte est trop difficile, si
la musique est basée sur une mélodie de timbre, cela ferait perdre un peu de difficulté à
l’improvisation textuelle, dans la mesure où les partenaires seraient poussés à avancer très vite
dans leurs pensées.
3. 3. L’improvisation de la musique
Peu d’auteurs distinguent l’improvisation musicale de d’improvisation textuelle. Dans
le cas des jeux-partis, l’improvisation textuelle était fort probable. Nous avons expliqué dans
le paragraphe 3.1. que les jeux-partis étaient au choix basés sur des airs préexistants appelés
« timbres » ou sur des improvisations totales. Celles-ci seraient alors des « compositions »
nouvelles (à chaud ou non) reprenant des formules caractéristiques permettant la
mémorisation, ce qui pourrait alors être de la semi-improvisation 162 . Pour les jeux-partis, c’est
ce qu’a montré Michelle Stewart 163 , par l’étude de formules mélodiques et cadentielles
récurrentes (étude reprise au paragraphe 2). Cette étude consacrée au jeu-parti pourrait se
généraliser aux autres genres de la musique médiévale et à la manière de les « composer ». La
question au fond n’est pas de savoir comment était « composé » ou « préparé » un jeu-parti,
162 La semi-improvisation est un « mode de composition fondé sur l’existence de claviers expressifs, mémorisés
et dont l’auteur joue avec une liberté plus ou moins grande sans que l’écriture intervienne nécessairement », Paul
ZUMTHOR, Langue et techniques poétiques à l’époque romane (XI e , XIII e siècles), Paris, Librairie Klincksieck,
1963, p. 11, note 1.
163 Michelle STEWART, op. cit., 1977.
82

mais comment l’était n’importe quelle pièce monodique jusqu’au XIV e siècle, et cette question
dépasse notre sujet.
3. 4. Présence d’instruments
Michèle Gally indique que la mélodie était « uniquement chantée car il n’y a pas trace
d’instrument » 164 . Or, l’absence d’indication pour la présence des instruments est courante à
l’époque et ne prouve pas l’absence d’instrument dans les jeux-partis. Par exemple, dans le
Jeu de Robin et Marion d’Adam de la Halle, un joueur de vièle accompagne Gautier dans
l’iconographie du manuscrit d’Aix alors que le texte de la dite chanson de geste ne le
mentionne pas. Nous pouvons même supposer que les poètes des jeux-partis étaient
accompagnés par des instruments ou des chanteurs, comme en Corse (une basse), en
Sardaigne (un petit chœur qui ponctue les phrases du poète par des onomatopées), au Brésil
ou en Italie (une guitare) ou à Cuba (« ensemble instrumental qui réalise un accompagnement
cyclique […], répétitif, neutre, malléable et ornemental lorsque les chanteurs improvisent [et
qui] reprend la parole par quelques improvisations musicales dès lors que les chanteurs se
taisent » 165 ).
4. Les traces écrites
4. 1. Le rôle de la notation
Dans aucune joute traditionnelle chantée aujourd’hui, des copistes notent les textes et
les mélodies. Cela semble évident puisque ce sont des musiques de tradition orale. Et
pourtant, les jeux-partis (comme une grande partie du répertoire des trouvères et troubadours)
a été notée. Commente et pourquoi « Nous ne pouvons savoir si les jeux-partis arrageois
étaient exactement ceux que nous possédons ni en quoi ils différaient : les trouvères en
laissaient-ils eux-mêmes une trace écrite Avant ou après leur performance Nous sommes
confrontés à des problèmes complexes d’interprétation d’un texte écrit dont nous ne savons
pas s’il est une reproduction, une imitation ou une variante de ce qui fut prononcé à l’origine.
[…] On peut raisonnablement penser que les poètes des XII e et XIII e siècles composaient ou
164 Michèle GALLY, op. cit., p. 71.
165 Marie-Hortense LACROIX, op. cit., p. 63.
83

notaient, à un certain niveau de leur élaboration, leurs pièces par écrit 166 : la version
manuscrite d’un débat poétique révèle deux éléments capitaux :
- elle garde des traces de ce que fut la performance dans le choix du vocabulaire, le
rythme des répliques, le ton des échanges ;
- elle possède une valeur poétique par elle-même qui justifie qu’on l’étudie aussi telle
qu’elle s’offre à nous » 167 .
Beaucoup de questions demeurent. Tout d’abord, comme nous l’avons rappelé plus haut, un
jeu-parti est une performance à un instant précis. Il semble difficile qu’un même jeu-parti ait
été interprété plusieurs fois… Chaque jeu-parti est le témoignage d’un instant qui ne
ressemble à aucun autre. Alors, les copistes qui ont écrit ces joutes poétiques en ont-ils
vraiment été témoins S’ils ne l’étaient pas, ce sont les jongleurs eux-mêmes qui auraient
supervisé l’écriture de ces joutes, ce qui est peu probable (malgré cette représentation d’Adam
de la Halle écrivant, dans le chansonnier d’Arras, on considère généralement que la
supervision des œuvres commence avec Guillaume de Machaut, quelques décennies plus
tard). Et le caractère improvisé du genre serait aussi en contradiction avec cette théorie.
Alors des copistes auraient été présents à ces concours poétiques. Comment ont-ils pu alors
retranscrire l’ensemble de ces joutes (qui on peut le penser, étaient interprétées les unes à la
suite des autres) Prenaient-ils des notes Les trouvères leur donnaient-ils des traces écrites,
avant ou après la performance Si les trouvères eux-mêmes ne leur transmettaient pas leurs
joutes, il est probable que les copistes mémorisaient ce qu’ils entendaient. Et cela n’était sans
trop de peine, puisqu’on sait aujourd’hui que la mémoire tenait une place capitale dans la
société médiévale 168 : elle représentait à l’époque ce que représente pour nous aujourd’hui
l’intelligence. Les personnes dotées d’une excellente mémoire étaient très reconnues, et celleci
se travaillait dans divers exercices scolastiques, comme nous l’avons étudié au pargraphe
1.5 de cette partie.
4. 2. Le rôle de la musique
166 Pour la notation des pieces par les trouvères, voir la representation d’Adam de la Halle dans le chansonnier
d’Arras évoquée en première partie.
167 Michèle GALLY, op. cit., p. 70.
168 Pour la place de la mémoire au Moyen-Age, voir Mary CARRUTHERS, Le livre de la mémoire. La mémoire
dans la culture médiévale, traduit de l’anglais par Diane Meur, Paris, Macula, 2002.
84

La mélodie est énoncée pour la première fois par le premier trouvère, et nous pouvons
donc penser que le choix de la mélodie est décidé par l’auteur de cette première strophe, le
« questionneur ». La présence des mélodies rend l’interprétation du jeu-parti à la fois plus
« aisée » 169 et plus délicate : en effet, la mélodie sert d’abord de base musicale au trouvère,
base qui supporte le texte et qui permet au poète d’avancer vite dans sa réflexion. La réflexion
doit donc être très rapide, voire instantannée, et c’est là que se trouve la difficulté. Pour
Michèle Gally, « le jeu-parti présente peu de trouvailles mélodiques [mais] réalise dans sa
composition et en performance [l’]accord du vers et du son » 170 . Une même mélodie pouvait
d’ailleurs servir plusieurs fois. Dans les bertsu, « le mouvement conjoint et le surplace sont un
socle qui permet aux bertsulari de se concentrer sur les paroles à improviser » 171 . Elles
peuvent même être révélatrices : « les bertsulari semblent évoluer d’une incertitude relative
(longue pause entre les deux premiers vers) vers plus de maîtrise (aucune respiration en fin de
strophe) » 172 . « Contractant ses muscles respiratoires, il expulse à la fois l’air résiduel de ses
poumons et [le] dernier mot qui, dans une joute, doit aussi couper le souffle de
l’adversaire » 173 .
4. 3. Les différentes mélodies : une erreur
Le « catalogue » des jeux-partis établi par Michelle Stewart fait référence à 105 jeuxpartis
mis en musique dont les mélodies sont réparties de la manière suivante :
- 54 jeux-partis qui ne contiennent qu’une seule mélodie commune entre les manuscrits ;
- 51 jeux-partis qui contiennent des mélodies différentes entre les manuscrits et qui,
additionnées, donnent le nombre de 153 mélodies différentes.
Il existe donc, au total et pour les jeux-partis, 207 mélodies différentes (153+54). Comment
expliquer ces différentes « leçons » de jeux-partis, les différentes versions de mélodies
Françoise Ferrand évoque une possible erreur de copie : « la plupart des manuscrits de
chansonniers datent de la fin du XIII e et du début de XIV e siècle, ils présentent donc un
décalage d’une cinquantaine d’années pour certaines pièces, d’une vingtaine pour les plus
récentes, par rapport au manuscrit original du compositeur. Il découle de ce fait un certain
nombre d’incertitudes, une même chanson pouvant figurer dans cinq ou six manuscrits avec
169 Michèle GALLY, op. cit., p. 71.
170 Ibid.
171 Ibid., p. 80.
172 Ibid., p. 81.
173 Ibid.
85

des mélodies divergentes » 174 . Les différences (terme plus adapté que celui de
« divergences ») ne peuvent pas être dues au décalage temporel : la mémoire était trop
importante à l’époque pour faire ce genre de confusion. De plus, l’esthétique à l’époque
n’était pas encore celle du XIV e siècle : pas de « compositeur » (tous les auteurs des jeuxpartis
étaient poètes-trouvères, et il faut attendre Guillaume de Machaut pour être dans une
démarche de transmission écrite de compositions), ni de « manuscrit original ». Il existait
peut-être des manuscrits ayant servi de modèle, comme l’a montré Eduard Schwan et comme
nous l’avons supposé pour le manuscrit A, mais pourquoi dans ce cas retrouver un texte
scrupuleusement similaire et une mélodie complètement différente Nous sommes d’ailleurs
dans la situation inverse du cas des contrafacta : les mélodies en contrafacta ont un texte
différent et une musique semblable, tandis que les mélodies de jeux-partis ont, entre les
manuscrits, un texte similaire et une musique différente…
L’écriture en plusieurs leçons n’est pas réservée aux jeux-partis (coblas, sirventes, tenson,
chansons satiriques usent aussi fréquemment de ce procédé 175 ). Friedrich Gennrich soutient
qu'il manque une musique originale et que les musiciens adaptaient librement les musiques
des compositions. Mais que signifie alors « adapter librement la musique » Friedrich
Gennrich semble supposer qu’il pouvait y avoir plusieurs interprétations d’un même jeu-parti,
ce qui n’est pas certain : un jeu-parti est une courte performance dont l’intérêt réside en
l’instant de l’interprétation. Mais peut-être pouvait-on adapter librement la musique de
strophe en strophe Au Pays Basque, il arrivait qu’un poète change de timbre au milieu de la
joute : « lorsque deux bertsulari dialoguent, un même timbre sert de matrice commune à la
joute. En principe. Car il peut arriver qu’un bertsulari change de timbre en cours de joute : il
opte pour une nouvelle architecture afin de déstabiliser son adversaire » 176 . D’ailleurs,
Christelle Chailloux évoque, pour les chansons de troubadours, une mélodie différente de
strophe en strophe, estimant que la répétition mélodique est une « déduction propore à notre
société contemporaine : étant donné la mouvance des matériaux poétiques et musicaux propre
à la mentalité médiévale, c’est-à-dire la faculté de réaliser à partir de formules mélodiques et
poétiques une quantité innombrable de variations, les procédés de centonisation, nous
pouvons émettre l’hypothèse inverse, c’est-à-dire celle que la mélodie puisse observer des
174 Emmanuèle BAUMGARTNER et Françoise FERRAND, Poèmes d’amour des XII e et XIII e siècles, 10/18, 1983, p.
384.
175 J. H. MARSHALL, « Pour l’étude des contrafacta dans la poésie des troubadours », Romania, 101 (1980), p.
289-335.
176 Denis LABORDE, op. cit., p. 46.
86

variations musicales pour chaque strophe. Ainsi, la mélodie de la première strophe serait
indiquée comme la base d’un discours mélodique pouvant être varié. Cette seconde hypothèse
présente un double avantage : rendre la chanson moins ennuyeuse pour l’auditeur et le fait de
s’accorder avec la mentalité médiévale » 177 . Alors tel scribe aurait mémorisé l’une des
mélodies plutôt que l’autre et tel autre scribe aurait mémorisé l’autre. Peu probable tout de
même lorsqu’on étudie la concordance des mélodies entre les manuscrits. En effet, nous
pensons aujourd’hui que les jeux-partis ont dû avoir un tel succès que leurs textes étaient
réinterprétés plus tard, sur une musique dont les jongleurs ne se souvenaient peut-être plus,
donc différente, et donc notée différemment dans les manuscrits plus tardifs. Cela expliquerait
les nombreuses combinaisons de liens entre les mélodies des manuscrits que montrent les
tableaux annexes n°16 pages 167 et 168 (parfois deux mélodies identiques entre deux
manuscrits, parfois deux mélodies différentes entre les deux mêmes manuscrits) : seuls les
manuscrits M, K, O, X, D et N n’ont que des mélodies présentes dans d’autres manuscrits,
mais cela ne concerne qu’une partie des jeux-partis n°76 à 97 du catalogue de Michelle
Stewart. Mis à part ce groupe, aucun manuscrit n’a toutes ses mélodies déjà présentes dans
d’autres manuscrits. De même, mis à part les quelques jeux-partis présents dans les
manuscrits R et V, aucun manuscrit n’a de mélodie propre qui ne se rencontre pas ailleurs.
Cela prouverait bien que certains jeux-partis étaient chantés sur une mélodie déjà entendue,
tandis que d’autres étaient chantés sur une mélodie nouvelle, et ce, indépendamment du
manuscrit ou du copiste.
5. Le corpus des jeux-partis du chansonnier d’Arras
L’objectif de ce chapitre est de déceler plusieurs parties dans le corpus des jeux-partis
du manuscrit A. Plusieurs éléments aideront à atteindre ce but. Tout d’abord, la présence à la
suite de mêmes protagonistes pourra permettre de rassembler certains jeux-partis avec
d’autres. Des tableaux situés en annexe n°14, pages 159 à 163, permettront de visualiser par
couleurs les ensembles de jeux-partis par protagonistes. Ensuite, l’étude des différentes
structures et des différentes mélodies entre plusieurs sources d’un même jeu-parti pourra aussi
s’avérer utile pour repérer des points communs à l’intérieur d’un même ensemble de jeuxpartis.
Les couleurs des tableaux situés en annexe n°15, pages 164 à 167, permettront de
177
Christelle CHAILLOUX, La poésie lyrique des troubadours. Musique, poésie, contexte [en ligne],
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/78/13/PDF/La_poesie_lyrique_des_troubadours.pdf (consulté le 3 août
2009).
87

comparer facilement ces mélodies. Ils montrent d’emblée que presque toutes les mélodies des
jeux-partis du mansucrit A lui sont propres. Les seuls jeux-partis dont les mélodies sont
reprises dans d’autres manuscrits sont notés dans le tableau suivant (figure 24) 178 :
Titre
n° d’ordre
dans A
n° d’ordre dans le
catalogue de Stewart
Manuscrits avec les
mêmes mélodies
Sire ki fait mieus a proisier 48 89 a-(M-T)
Dame, merchi, une riens vous
demant
51 absent a-(M-O)
Cuveliers vous amerés 54 42 a
Jehan Bretel vostre avis 56 60 a
De cou Robert de le piere 61 73 Z-a
Cuvelier un gugement 62 91 Z-a
Fig. 24 – Les seuls jeux-partis dont les mélodies sont reprises dans d’autres manuscrits.
Nous remarquons que les mélodies de ces six jeux-partis se retrouvent toutes dans le
manuscrit a, ce qui renforce encore la filiation qui existe entre ces deux manuscrits.
Pour les dates des trouvères, nous nous sommes aidés du tableau des dates de naissance et
décès ou des périodes d’activité des trouvères mis en scène (tableau joint en annexe n°11
page 155). De plus, les références des éditions pour les jeux-partis du chansonnier d’Arras
sont présentées en annexe n°13, page 158, et les différentes versions des titres en annexe n°12
pages 156 et 157. Les numéros des jeux-partis sont les numéros d’ordre dans le manuscrit A,
prenant aussi en compte les chansons (cela permet de conserver les numéros évoqués en
première partie).
5. 1. Les premiers jeux-partis de 1225-1235 (n°44 à 46)
Les trois premiers jeux-partis n’appellent aucun juge à la fin. Les musiques sont
différentes, bien que le premier jeu-parti soit un unicum, et que le second présente la même
structure entre les deux sources. Il s’agit de jeux-partis interprétés dans la première moitié du
XIII e siècle, vues les périodes d’activités des trouvères mis en scène. En effet, s’ils ont été
interprétés tous les trois pour la même occasion, ils n’ont pu l’être qu’entre 1225 et 1235.
5. 2. Thibaut de Champagne ou Guillaume le Vinier (n°47 à 53)
178 Les manuscrits indiqués entre parenthèses sont ceux dont les mélodies sont très ressemblantes mais pas
rigoureusement les mêmes.
88

Ces jeux-partis mettent en scène Thibaut de Champagne et/ou Guillaume le Vinier.
Seuls deux des jeux-partis de cette série font appel à un juge.
5. 2. 1. L’ensemble des jeux-partis n°47-51-53
Ces jeux-partis mettent en scène Thibaut de Champagne, et n’ont donc pu être
interprétés qu’entre 1220 et 1245. Ils sont présents dans de nombreuses sources et semblent
présentés dans le même ordre dans les manuscrits K, V et X. Parmi toutes les sources, les
structures sont les mêmes (forme ABAB X) et les mélodies sont identiques ou très
ressemblantes sauf pour deux manuscrits :
- le manuscrit A, où la mélodie est très différente (mais la structure est toujours ABAB
X) ;
- le manuscrit V, où la structure est libre (et donc la mélodie forcément complètement
différente).
5. 2. 2. L’ensemble des jeux-partis n°48 à 50
Ces jeux-partis mettent en scène Guillaume le Vinier. Ils ont tous la même forme
musicale entre les sources. En recoupant les dates d’activité des trouvères partenaires, et en
considérant que ces jeux-partis aient été interprétés pour la même occasion, il est probable
qu’ils aient été interprétés à Arras entre 1230 (début de la période d’activité d’Adam de
Givenchi) et 1239 (fin de la période d’activité de Moniot d’Arras).
5. 2. 3. Le jeu-parti n°52
Le jeu-parti n°52 met en scène Thibaut de Champagne avec une « Dame ». Il apparaît
à part en raison de la lacune de ses sources et par son absence dans les manuscrits V et X. Les
structures sont les mêmes entre les deux manuscrits dans lesquels il reste la musique, à savoir
A et a. Sa création date de la même époque que l’ensemble des jeux-partis 47-51-53, soit de
1220 à 1245.
5. 3. Jehan Bretel (n°54 à 60)
Les mélodies des jeux-partis de cette série ne sont présentes que dans les manuscrit A
et a. Les structures sont toujours les mêmes entre les deux manuscrits, sauf pour le jeu-parti
n°55. Mais les mélodies sont toujours différentes, sauf pour les jeux-partis n°54 et 56
(mélodies quasiment identiques). Tous les jeux-partis de cette série mettent en scène Jehan
89

Bretel, sauf le jeu-parti n°57 qui met en scène deux femmes. Le dernier de la série (n°60) met
lui en scène quatre personnages. Ces jeux-partis n’ont pu être interprétés qu’entre 1250 et
1270, entre le début de la période d’activité de Lambert Ferri et la fin de celle de Cuvelier.
5. 4. Lambert Ferri et/ou Jean-Bretel (n°60 à 68)
Ces jeux-partis mettent en avant divers trouvères arrageois, autour de Jehan Bretel
et/ou Lambert Ferri (sauf pour le n°62 : Jehan de Grieviler et Cuvelier). Mis à part les jeuxpartis
n°66 et 67 (absents dans Z), tous ces jeux-partis sont présents dans les manuscrits A, a
et Z. Ils auraient pu être interprétés entre 1250 et 1258, car avant la mort de Robert de la
Pierre.
5. 4. 1. L’ensemble des jeux-partis n°61 à 64
Dans ces jeux-partis, les mélodies se trouvent dans les manuscrits A, Z et a. Les
mélodies des jeux-partis n°61 à 63 sont quasiment similaires entre les sources, sauf :
- la deuxième partie du jeu-parti n°61 dans le manuscrits a ;
- quelques mêmes variantes (entre le manuscrit A et les manuscrits a et Z) dans le n°62 ;
- la première phrase du n°63 dans le manuscrit a et la structure (et donc la mélodie) dans
le manuscrit Z.
Les structures sont les mêmes dans le jeu-parti n°64, mais pas les mélodies.
5. 4. 2. L’ensemble des jeux-partis n°65-66-68
Ces jeux-partis ne sont présents que dans les manuscrits A et a, avec des structures
similaires mais des mélodies différentes.
5. 4. 3. Le jeu-parti n°67
Comme l’ensemble n°61 à 64, ce jeu-parti est présent dans les manuscrits A, Z et a.
Les structures sont les mêmes, mais les mélodies différentes, sauf pour la première phrase,
identique entre les manuscrits a et Z.
5. 5. Adam de la Halle et Jehan Bretel (n°69 à 75)
Ces jeux-partis mettent en scène Adam de la Halle et Jehan Bretel. Mis à part dans les
jeux-partis d’extrémité de corpus (le premier et le dernier), c’est toujours Jehan Bretel qui
90

pose la question. Les mélodies – qui se trouvent toutes dans les manuscrits A, W et a – sont
toujours différentes, mais les structures souvent similaires sauf pour :
- le jeu-parti n°69 dans le manuscrit W ;
- le jeu-parti n°70 dans le manuscrit A ;
- le jeu-parti n°71 dans le manuscrit a.
Vue la possible date de naissance d’Adam de la Halle (1245), en considérant qu’il ne pouvait
pas avoir composé de jeux-partis avant ses vingt ans, il semble difficile de concevoir une
interprétation de cette série de jeux-partis avant 1265. Jehan Bretel étant décédé en 1272,
l’époque d’interprétation de ces jeux-partis est assez facile à déterminer : 1265-1272.
Le tableau suivant résume tous les éléments expliqués ci-avant :
n° de
jeux-partis
44 à 46
47-51-53
48 à 50
52
Trouvères mis en
valeur
Les « Vinier » et
autres
Thibaut de
Champagne
Guillaume le
Vinier
Thibaut de
Champagne
Epoques
d’interprétation
Manuscrits dans
lesquels ils figurent en
plus de A et a
Structures
Mélodies
1225-1235 T, Z
1 divergence de structure
1 divergence de mélodie
1220-1245 K, M, O, T, V, X
similaires, similaires, sauf
sauf pour V pour A et V
globalement
1230-1239 M, T similaires différentes,
surtout pour A
1220-1245 similaires différentes
globalement globalement
54 à 60 Jehan Bretel 1250-1270
similaires différentes
61 à 64 Divers trouvères,
Z
globalement similaires
65-66-68 autour de Jehan
similaires différentes
1250-1258
Bretel et Lambert
67 Z similaires différentes
Ferri
Adam de la Halle
globalement
69 à 75 et Jehan Bretel 1265-1272 W
différentes
similaires
uniquement
Fig. 25 – Éléments pris en compte pour la mise en valeur des ensemble de jeux-partis.
Comme le montrent les bordures plus épaisses de la figure 25, nous pouvons distinguer en fait
trois grandes périodes dans l’agencement du corpus des jeux-partis du manuscrit A. Ce
tableau montre en effet que les jeux-partis du chansonnier d’Arras auraient été compilés par
époque d’interprétation, et donc par trouvères, ceux-ci se distinguant par leur période
d’activité. Vu la continuité d’écriture dans la copie, il serait étonnant qu’ils aient été écrits
dans un ordre chronologique, au fur et à mesure de l’interprétation. Cela nous conforte dans
notre idée d’écriture à partir d’un modèle.
91

De plus, peut-être pouvons-nous affirmer que les mélodies de jeux-partis garderaient
globalement en commun entre les manuscrits les mêmes structures aux débuts de la pratique
du genre. Et plus on avance dans le XIII e siècle, plus les trouvères changeraient les mélodies
entre leurs diverses interprétations des jeux-partis, plus ils prendraient une grande liberté
compositionnelle au fil du temps : basés au début sur une mélodie de timbre avec Thibaut de
Champagne, les jeux-partis sont interprétés sur une mélodie créée de toute pièce avec Adam
de la Halle et Jehan Bretel.
Enfin, il faut remarquer que les jeux-partis d’Adam de la Halle ont été interprétés avant son
départ pour Naples au service du comte d’Artois 179 et même avant ses divers « Jeux » (Jeu de
Robin et Marion et Jeu de la Feuillée, généralement datés d’après 1275 180 ).
Conclusion : un défi de mémoire
La composition du jeu-parti était un défi : le premier trouvère ayant fixé le nombre et le type
de vers, l’enchaînement des rimes et le nombre de pieds, le second trouvère se devait de
reprendre les mêmes éléments pour son argumentation. Pierre Bec propose alors deux
possibilités pour l’interprétation d’un jeu-parti :
1) « dans le processus de création, il est possible qu’un troubadour ait lancé
publiquement, dans une première cobla, une sorte de défi poétique […] à d’autres
troubadours, présents ou absents, ouvrant en quelque sorte le feu pour une
« confrontation » prochaine et publique. Ainsi l’autre […] troubadour avait-il un
certain temps pour rédiger, en vue d’une séance suivante, sa cobla de réponse, en
reprenant la même structure prosodique, voire rimique : et le contrasto se poursuivait
ainsi jusqu’à la séance finale où toute la pièce, une fois terminée, était chantée
publiquement par les deux […] troubadours. […] On voit qu’on retrouve là le type de
joute poétique et de défi attesté dans de nombreuses manifestations de la poésie
179 Robert FALCK, « Adam de la Halle », dans Grove Music Online sous la direction de Laura Macy [en ligne],
http://www.grovemusic.com (consulté le 25 juin 2009).
180 Françoise FERY-HUE, « Adam de la Halle », Dictionnaire des Lettres Françaises : le Moyen Âge, éd.
Geneviève Hasenohr et Michel Zink, Paris, Fayard, 1992, p. 9-12.
92

chantée traditionnelle » 181 . A moins que cette confrontation n’était faite « en
direct »…
2) « Une deuxième possibilité serait que la tenson n’ait, dans certains cas, qu’un seul
auteur, qui invente son ou ses interlocuteurs pour les besoins de la cause ; mais la
récitation chantée et publique serait toujours confiée à deux ou trois interprètes,
vraisemblablement jongleurs » 182 .
Dans le cas des jeux-partis, il semble plus probable que ce soit les trouvères eux-mêmes (et
non des jongleurs, comme le propose Pierre Bec en seconde possibilité) qui aient été acteurs
de la performance. De plus, l’idée d’une confrontation « prochaine » et d’une distance
temporelle entre la préparation des strophes semble peu convaincante. En effet, c’est le travail
de la mémoire qui est important ici, et qui n’est plus envisageable aujourd’hui, en raison de la
suprématie de l’écriture. La tradition orale était si importante dans la société médiévale que la
mémoire avait une importance capitale ; et on « jouait » avec 183 . Se souvenir de strophe en
strophe du schéma poétique et le reproduire dans l’instant était un défi. Biancamaria Brumana
Pascale prend à témoin Le Parfait du Paon, un roman de Jean de la Mote daté de 1340 184 . Il
évoque une fête « analogue à celles qui devaient avoir lieu dans le Puy d’Arras, et fait
référence à une discussion qui porte sur des sujets amoureux (comme dans les jeux-partis). En
expliquant le fonctionnement de la compétition, Le Parfait du Paon décrit les candidats qui
s'éloignent de la salle et, après un peu de temps, ils étaient en mesure de présenter leur
composition » 185 . Pour les jeux-partis, les candidats choisissaient peut-être ensemble la
mélodie sur laquelle ils allaient improviser le texte. Si tel était le cas, ils décidaient alors s’ils
allaient reprendre une mélodie connue (mélodie de timbre, ou contrafacta), qui décidait alors
leur « charpente poétique » (schéma rimiques, vers et pieds) ou s’ils allaient écrire une
mélodie propre, en utilisant des formules mélodiques redondantes, voire des phrases
complètes déjà utilisées dans d’autres jeux-partis. Plus les trouvères étaient expérimentés,
plus ils créaient une mélodie nouvelle. Comme nous l’avons étudié au chapitre 5, les
181 Pierre BEC, La joute poétique, de la tenson médiévale aux débats traditionnels chantés, Paris, Les Belles
Lettres, Collection Architecture du verbe, 2000, p. 30-31.
182 Ibid.
183 Pour la place de la mémoire au Moyen-Age, voir Mary CARRUTHERS, Le livre de la mémoire. La mémoire
dans la culture médiévale, traduit de l’anglais par Diane Meur, Paris, Macula, 2002.
184 Une partie du Parfait du Paon est retranscrite dans Friedrich GENNRICH, « Der Gesangwettstreit im ‟Parfait
du Paon”, Romanische Forschungen 58-59 (1947), p. 208-232.
185 "Nella descrizione di una festa, analoga a quelle che dovevano aver luogo nei Puis, si fa preciso riferimento
ad una discussione che verte su argomenti amorosi (come nei jeux-partis), e, dettaglio eli notevole interesse,
esponendo l'andamento della gara, si dice come i prescelti si allontanassero dalla sala e, dopo un po' di tempo,
fossero in grado di presentare i componimenti e le melodie.”, dans Biancamaria BRUMANA, op. cit., p. 527.
93

contrafacta concernent plutôt les premiers jeux-partis de l’histoire (avec notamment Thibaut
de Champagne), tandis que les créations mélodiques datent des derniers jeux-partis (avec
notamment Adam de la Halle). Quelque soit l’origine de la mélodie, elle était de toute
manière adaptée au texte de chaque strophe et à la tessiture de chaque partenaire. Le tout
pouvait être accompagné par des instruments, de manière élaborée si la mélodie était de
timbre (car connue de tous, même des instrumentistes), ou de manière moins élaborée si la
mélodie était créée (donc inconnue des instrumentistes), à moins que ce ne soient les
trouvères eux-mêmes qui s’accompagnaient. Plus tard, on voulut peut-être réinterpréter ces
jeux-partis, mais ne se souvenant plus de la mélodie, on en écrivit de nouvelles, d’où la
présence de mélodies différentes manuscrits.
Marie-Hortense Lacroix réalise un inventaire des joutes poétiques chantées, qui nous aidera
bientôt à établir de plus nombreuses passerelles entre les genres – des passerelles aussi bien
littéraires que musicales – et de mieux comprendre le jeu-parti médiéval, ainsi que toute sa
signification dans la société d’alors. La présente étude soulève le problème de la manière dont
les trouvères écrivaient leurs chansons au Moyen-âge : à l’improviste, de manière préparée
mentalement, en utilisant une petite part d’écrit, une grande part de mémoire Finalement, la
question de savoir si la création du jeu-parti était instantannée ou préparée est elle-même une
question typique d’un jeu-parti, dilemmatique…
94

Troisième partie :
Analyse de jeux-partis enregistrés
95

Analyser la totalité des jeux-partis du manuscrit 657 serait un travail trop lourd et
l’analyse d’un échantillon de jeux-partis suffirait pour répondre à la problématique
posée concernant l’interprétation des jeux-partis. Nous avons donc choisi des jeuxpartis
enregistrés pour illustrer et critiquer des interprétations possibles, dans le but d’apporter
des solutions claires et historiquement concevables. Une liste discographique est proposée à la
fin du mémoire. Ce choix discographique permettra également de mettre en valeur des
mélodies de timbres évoquées dans la deuxième partie de ce mémoire (rappelons que peu de
jeux-partis reposant sur un timbre n’ont été identifiés à ce jour, et notamment dans le
chansonnier d’Arras).
Ces analyses de jeux-partis seront aussi l’occasion de reprendre les éléments évoqués par
Michelle Stewart concernant la matière musicale des mélodies qui les composent. Les
partitions sont toujours extraites de l’édition des mélodies qu’elle propose, pour des raisons de
conformité historique vis-à-vis du manuscrit : non-ajout de modes rythmiques, superposition
intelligente des vers et de la musique entre chaque source (à la manière de Gérard Le Vot 186 ),
utilisation de clés actuelles et précision des « figures rythmiques » d’époque par-dessus
chaque mélodie. Les liaisons ajoutées ne correspondent pas forcément aux ligatures, mais aux
mélismes (lorsque plusieurs notes correspondent à une même syllabe).
Les analyses des jeux-partis sont rangées par ordre chronologique de l’enregistrement
proposé, puisque, dans cette partie, c’est la critique discographique qui a été privilégiée à
l’analyse de l’évolution d’un style 187 . Pour chaque analyse, nous présenterons le texte du jeuparti,
puis les sources musicales et la ou les mélodies avec leur analyse, puis l’étude de la
proposition discographique.
Le document annexe n°17 page 170 permet de retrouver les numéros d’éditions des jeuxpartis
enregistrés ici étudiés. Le document n°18 page 171 est une comparaison des structures
et des mélodies de ces jeux-partis. Quant au document n°19 page 172, il présente toutes les
références évoquées lors de l’étude. Tous ces tableaux sont des éléments, utiles et
récapitulatifs et utiles, sont à consulter au fil de la lecture.
186 Voir ses explications dans Gérard LE VOT, L’œuvre lyrique de Blondel de Nesle, Mélodies, Paris, Champion,
1996.
187 L’analyse de l’évolution du style musical dans les jeux-partis fera prochainement l’objet d’une étude plus
complète.
96

1. Avoir cuidai engagné le marché
1. 1. Présentation du texte
Ce jeu-parti contient six couplets et un seul envoi. Sa versification est la suivante :
a 10 b 10 a 10 b 10 c 10 c 10 b 10 a 10 avec les rimes : « a » = « ié » ; « b » = « ie » ; « c » = « é »
La joute a lieu entre Adam de la Halle et Jehan Bretel. D’après leurs dates, elle aurait pu avoir
lieu entre 1265 et 1272. Voici le texte de ce jeu-parti, traduit par Pierre-Yves Badel 188 :
1
5
10
15
20
25
30
Avoir cuidai engané le marchié
Quant couvoitai bele dame jolie
Et tant pourquis qu’ele m’eut otroié
Qu’elle m’amoit et me fist courtoisie.
Mais li marchiés m’a trop miex angané,
Car en li n’a ne foi ne loiauté,
Ains l’a chascuns a sen tour gaaingnie !
Adan, ai jou perdu ou gaaingnié
Sire Jehans, bien avés esploitié
Se de vos dame avés joie acomplie,
Comment qu’ele ait cuer et cors entechié
D’atraire a li cheus dont ele est proïe.
Le cuer en avés vous, sans faille, irés ;
Mais, puis c’avés son deduit desiré
Et bonnement s’est a vous obligie,
Vo travail tieng a mout bien emploié.
Adan, povrement avés soutilliés !
Si je conquis, chef u bachelerie ;
Et quant j’eux par bel servir desrainié
Che que je vauc et fui en segnerie,
Adon toi je a perdre a g[r]ant plenté.
Quand je perdi che que j’eux conquesté,
Je sai, pour voir, qu’ele m’eut le moitié
Plus que reconforté adamagié.
Sire Jehan, de nient avés plaidié,
Car, se j’ai unedame couvoitie
Qui m’a selonc men desir apaié,
S’après le voi d’aucun visse entechie,
Mout tos tarai son deduit ouvlié ;
Car on n’est pas, sachiés, si escaufé
De tenir bele dame compaignie
C’on est d’un sien lait visse refroidié.
Je croyais avoir fait une bonne affaire
En désirant une plaisante dame
Et en la courtisant tant qu’elle m’accorda
Son amour et ne se montra pas farouche.
Mais l’affaire n’était pas si bonne,
Car elle n’a ni parole ni loyauté :
Chacun à son tour l’a conquise !
Adam, ai-je perdu ou gagné
Messire Jean, c’est un beau succès
Si vous avez pris votre plaisir de votre dame,
Même si elle est faite, cœur et corps,
Pour accueillir tous ceux qui la prient.
Vous en êtes, assurément, fâché ;
Mais puisque vous avez désiré en jouir
Et qu’elle s’est acquittée sans façon envers vous,
Vous n’avez pas perdu votre peine.
Adam, le pauvre raisonnement !
Si je la conquis, ce fut de haute lutte ;
Et quand, à force de servir, j’eus obtenu
Ce que je voulais et que je fus en sa possession,
Alors j’eus à perdre énormément.
Ayant perdu ce que j’avais conquis,
Je sais, assurément, qu’elle m’a deux fois plus
Fait de dommage qu’elle ne m’a donné de plaisir.
Messire Jean, vous parlez pour ne rien dire ;
Car si j’ai convoité une dame
Qui a satisfait mes désirs
Et si après je lui découvre des tares,
J’aurai très vite oublié le plaisir donné ;
Car, sachez-le, le désir de tenir
Compagnie à une dame ne vous échauffe pas
Autant que ne vous refroidissent ses tares.
188 Adam de la Halle, Œuvres complètes, édition, traduction et présentation par Pierre-Yves Badel, Paris, Lettres
Gothiques, 1995. p. 174-177.
97

35
40
45
50
Adan, bien d’Amour sont mal emploié
En chelui qui legierement ouvlie.
Se j’ai grant bien en me dame cuidié
Et l’ai en bonne entention servie
Tant qu’ele m’a par amours fait bonté,
S’après en li perchois desloiauté,
Me joie faut et mes deus monteplie,
Et con plus vail, plus me tieng a quoissié.
Sire Jehan, chieus qui a assaié
Des biens d’Amours doit faire chiere lie ;
Et après che, quant se sent engingnié
Et que sa dame est a autruit amie,
S’adont s’en part, dont il a bien prouvé
Que chieus a plus de biens en li trouvé
Que du mauvais, et bien le senefie
Che qu’il n’a pas son serviche laissié.
Ferri, tant sont fin ami avullé
Que chascuns maint en le caitiveté
Plus volontiers qu’en son preu : ch’est folie !
Faire l’estuet, car Amours l’a jugié.
Adam, celui qui oublie facilement
Ne mérite pas les plaisirs d’Amour.
Si j’ai cru trouver de grandes vertus en ma dame
et l’ai servie de bon gré
Au point qu’elle m’a par amour accordé ses bontés
Et si après je découvre en elle de la déloyauté,
Ma joie cesse et ma douleur s’accroît,
Et plus je vaux, plus je me tiens pour lésé.
Messire Jean, celui qui a goûté
Aux plaisirs d’Amour a tout lieu de se réjouir.
Ensuite, quand il se sent trompé
Et voit que sa dame est l’amie d’un autre,
Si alors il la quitte, il a ainsi la preuve
Que son rival a trouvé chez elle plus de vertus
Que de vices, ce que signifie le fait
Que, lui, n’a pas renoncé à la servir.
Ferri, les vrais amants sont si aveugles
Que chacun préfère sa misère
A son profit. C’est folie !
Nécessité fait loi, Amour l’a voulu.
1. 2. Les théories des formules et des tierces
La musique est présente dans les manuscrits A, W et a. Les trois mélodies sont
différentes, mais celles de a et W ont la même structure ABAB X (la mélodie de A, elle, est de
forme libre). Voici la retranscription que propose Michelle Stewart 189 :
189 Michelle STEWART, op. cit., p. 200.
98

Fig. 26 – Les mélodies du jeu-parti Avoir cuidai engané le marchié.
La mélodie du manuscrit W est écrite en mode 5. La mélodie du manuscrit A est écrite en
mode 7 transposé à la quarte supérieure. Les trois mélodies sont assez syllabiques : 80
syllabes correspondent à 92 notes dans le manuscrit W, 114 notes dans le manuscrit a et 126
dans le manuscrit A. Les ambitus sont d’une septième pour les mélodies de a (do 2 -si 2 ) et W
(mi 2 -ré 2 ) et une octave pour celle de A (do 2 -do 2 ).
La théorie des chaînes de tierces évoquée par Curt Sachs 190 est facilement vérifiable dans ces
mélodies. Les tableaux suivants montrent les séries de tierces sur lesquelles chaque phrase de
chaque mélodie se base. Chaque phrase peut en effet être considérée comme basée sur une ou
deux chaînes de tierces :
190 Curt SACHS, « The Road to Major », The Musical Quarterly, 29-3 (1943), p. 381-404.
99

vers 1 e phrase 2 e phrase
chaîne 1 chaîne 2 chaîne 1 chaîne 2
1-2 si-sol-mi-do la-do sol-si ré-fa-la-do
3-4 mi-sol-si do-mi-sol-sib
5-6 sol-si la-do mi-sol la-fa-ré
7-8 do-mi-sol fa-la do-mi-sol
Fig. 27 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de A.
vers 1 e phrase 2 e phrase
chaîne 1 chaîne 2 chaîne 1 chaîne 2
1-2 fa-la-do si-sol do-la sol-si
3-4 fa-la-do si-sol do-la-fa sol-si
5-6 la-do sol-si-ré fa-la sol
7-8 fa-la-do sol-si fa-la-do sol-si
Fig. 28 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de W.
vers 1 e phrase 2 e phrase
chaîne 1 chaîne 2 chaîne 1 chaîne 2
1-2 do-mi ré-fa sol-mi-do ré-fa-la
3-4 do-mi ré-fa sol-mi-do ré-fa-la
5-6 sol-mi-do fa-la sol-mi-do ré-fa
7-8 si-sol-mi ré-fa-la sol-mi-do ré-fa-la
Fig. 29 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de a.
Nous avons indiqué sur le texte musical les répétitions de motifs mélodiques :
- en bleu entouré : le motif « mi-fa-mi-ré-(do) » dans la mélodie de A ;
- en vert entouré : le motif « sol-la » au début et la fin des phrases de la mélodie de W ;
- en vert encadré : le motif « do-la-si-sol-la » dans la mélodie de W ;
- en rouge entouré : le motif « fa-sol-la-sol-fa » dans la mélodie de a (entouré en pointillé
pour les transpositions du motif).
Nous remarquons que beaucoup de motifs sont repris dans la cauda de la mélodie. La cauda
est une partie musicale compliquée à analyser. D’un côté, comme nous l’avons évoqué au
chapitre 4.3. de la deuxième partie, c’est à cet endroit que le poète semble maîtriser le plus sa
réflexion. En effet, le poète réfléchirait encore à l’organisation de la strophe qu’il déclame
(son schéma poétique) et à son argumentation au début de l’énonciation de cette strophe. Mais
à la fin, toutes ces pensées découleraient naturellement, et il n’aurait plus rien à anticiper.
D’un autre côté, la cauda est aussi la partie musicale la plus difficile à mémoriser de strophe
en strophe, puisqu’il s’agit de la fin du couplet que chaque partenaire, rappelons-le, doit
répéter chacun son tour. Il est plus facile de mémoriser le début des mélodies que la fin. C’est
100

donc dans la cauda qu’il est nécessaire pour les partenaires de se « rassurer » en réemployant
les mêmes motifs, les mêmes formules.
1. 3. La musique de la langue
L’enregistrement 191 de ce jeu-parti se base sur la mélodie du manuscrit W. Les
interprètes sont deux hommes (ici, Benjamin Bagby et Josep Benet), comme le suggère le
texte. Ils ont la même tessiture de voix et correspondent à Adam de la Halle et Jehan Bretel.
Le jeu-parti est chanté un ton au-dessus de ce qui est écrit dans le manuscrit W (commençant
donc par sol). Toutes les strophes sont chantées et aucun instrument n’accompagne les
chanteurs. Le texte est rendu vivant par le ton employé et les insistances sur certaines phrases.
Le rythme de la musique est régi par celui de la langue, comme le font entendre les
discrépances entre les strophes : les coupures de vers et les accents ne sont pas placées aux
mêmes endroits dans la mesure où chaque trouvère respire toujours lorsqu’il y a une virgule
dans le texte, et celles-ci, n’étant pas placées au même endroit selon les strophes, engendrent
des discrépances. Par exemple, le premier trouvère, qui commence par dire « Adam »
s’arrêtera toujours après la deuxième note (« A-dam ») et le second qui dit « Sire Jehan »
s’arrêtera toujours après la quatrième note (« Si-re Je-han »). Tout cela donne un sens réel à
ce qui est chanté et au contenu textuel du jeu-parti. Cet enregistrement est donc basé sur une
recherche plus historique que commerciale, et reflète certainement bien la manière dont était
chanté le jeu-parti au XIII e siècle. Malgré tout, la répétition similaire des hauteurs de notes
n’était peut être pas si strictement respectée à l’époque.
2. Assignés chi, Grivilier, jugement !
2. 1. Présentation du texte
Ce jeu-parti contient huit couplets sans envoi. La joute a lieu entre Adam de la Halle et
Jehan de Grivilier. Elle aurait donc pu avoir lieu entre 1265 et 1300. Le schéma rimique est le
191 Adam de la HALLE, « Avoir cuidai engané le marchié (jeu-parti) », dans Trouvères, Courtly Love Songs from
Northern France, c.1175-1300, Sequentia, disque compact, Deutsche Harmonia Mundi (EMI) CDS 7 49387 2 (2
CDs), juillet 1982.
101

suivant : a 10 b 10 b 10 a 10 a 10 b 4 a 10 b 4 avec les rimes « a » = « ment » et « b » = « ier ». Voici le
texte de ce jeu-parti, traduit par Piere-Yves Badel 192 :
1
5
10
15
20
25
30
35
40
Assignés chi, Grivilier, jugement !
Ouquel puet miex chieus se paine emploier
Qui Amours veut par parole essauchier :
Ou en chelui qui aime loiaument
Pour che qu’il n’ai volenté ne talent
De soi cangier,
Ou en chelui qui aume faussement
Pour ravoier
Adan, de che vous jugerai briement.
En un looial a peu a preechier,
Et ensement, qui est en bon sentier,
Peu fait qui dist : « Alés seürement ! »
Chieus fait trop miex qui se paine despent
Au losengier
Tant qu’il l’ait fait a amer loiaument
Acoragier.
Jehan de Grivilier, seur fondement
Foivle et mauvais fait mal edefier.
Laissiés le faus amant a justichier ;
Si vous tenés a chelui qui ne ment,
C’on voit par defaute d’ensengnement
Maint desvoier
Et mainte tour qui n’a retenement
Adamagier.
Adan, sachiés que mal ot qui m’entent
Et mal entent c’on ne puet conseillier.
Chiex fait trop mains qui loe un bon ouvrier
Que ne fait chieus qui a ouvrer l’aprent.
Qui chou ne set ne voit pas cherement
Pour droit jugier,
N’il n’est pas plains de bon entendement,
Au mieux cuidier
Jehan, chelui resanlés proprement
Qui le grant fais prent, si laist le legier.
Li hon qui veut le grant fais encarchier
Le pieur prent en son maniement.
Et si dist on par tout communement
Que de brukier
Ne porrot nus, tant ouvrast soutieument,
Faire esprevier.
Prononcez, Grévillers, un jugement !
Auprès de qui celui qui veut glorifier Amour
Par ses propos peut-il mieux employer sa peine :
Auprès de celui qui aime avec loyauté
Afin qu’il n’ai le désir ou l’envie
D’être inconstant
Ou auprès de celui qui aime mensongèrement
Pour le mettre dans le droit chemin
Adam, j’aurai vite fait d’en juger.
Le loyal ne donne guère lieu à un sermon,
De même, quand vous êtes sur la bonne route,
Il en fait peu, celui qui dit : « Allez prudemment ! »
Il en fait beaucoup plus, celui qui dépense sa peinte
Auprès du perfide
Jusqu’à lui donner le désir d’aimer
Avec loyauté.
Jean de Grévillers, on ne construit pas
Sur de mauvaises et fragiles fondations.
Renoncez à gouverner l’amant déloyal
Et occupez-vous de celui qui ne ment pas,
Car on en voit beaucoup s’égarer
Faute d’éducation
Et bien des tours, faute d’étais,
Etre abîmées.
Adam, sachez-le, qui n’écoute pas entend mal
Et il écoute mal celui qui n’attend pas de conseils.
Qui loue un bon travailleur en fait moins
Que qui vous apprend à travailler.
Qui ignore cela n’est pas assez clairvoyant
Pour juger correctement
Et il manque de bon sens,
A mon avis.
Jean, vous ressemblez très exactement à celui
Qui prend un lourd fardeau et laisse le léger.
L’homme qui veut se charger d’un lourd fardeau
Fait le pire choix pour son travail.
Et c’est l’opinion générale
Que de buse
Nul ne pourrait, si ingénieux fît-il,
Faire épervier.
192 Pierre-Yves BADEL, op. cit., p. 170-175
102

45
50
55
Adan, sera chis estris longement
Mout savés bien de vostre tort plaidier.
Hom soëlés n’a mestier de mengier :
Lassiés chelui qui aime fermement,
Si conseilliés de [son] fol errement
Le malparlier !
On doit vitaille a familleuse gent
Appareillier.
Jehan, se vous ne posés autrement,
Che c’avés dit vous couvient renoier.
On doit anchois l’estavle verillier
Que li chevaus soit perdus nichement.
Pour che couvient avoir garnissement,
Mais qui trechier
Veut, il ne fait de bon preechement
El que moquier.
Adam, ce débat va-t-il durer longtemps
Vous savez bien défendre une mauvaise cause.
Un homme rassasié n’a pas besoin de manger :
Laissez celui qui aime avec constance
Et reprendez de ses mauvaises manières
Le médisant !
C’est aux gens qui ont faim qu’il faut
Donner des vivres.
Jean, si vous en restez à ces prémisses,
Il vous faudra renier ce que vous avez dit.
On dit verrouiller l’écurie
Avant que le cheval ne soit sottement perdu.
Il faut donc prendre ses précautions ;
Mais celui qui veut
Tromper, il ne fait rien d’autre que se moquer
Des sermons.
60
Adan, tout faus sont li vostre argument.
On puet mout bien pecheour radrechier,
Quant on le veut estruire et ensengnier,
Et faire encor ovrer plus saintement
Que ne fait chieus qui vit onniement
Sans folier.
Preus est qui fait povre commenchement
Monteplier
Adam, vos arguments sont tout faux.
On peut très bien ramener le pêcheur
En lui donnant de bonnes leçons,
Et le faire agir plus saintement
Que celui qui vit sans écart
Ni débordement.
Il a du mérite celui qui de pauvre début
Fait grande fin.
2. 2. Le système strict des modes ecclésiastiques
La musique est présente dans les manuscrits P, W et a. Les mélodies des manuscrits W
et a ont leur forme en commun (forme libre) tandis que celle du manuscrit P est de la forme
ABAB X. Voici la retranscription que propose Michelle Stewart 193 :
193 Michelle STEWART, op. cit., p. 361.
103

Fig. 30 – Les mélodies du jeu-parti Assignés chi, Grivilier, jugement !
Les mélodies sont très syllabiques : pour 68 syllabes, le manuscrit W contient 96 notes, le
manuscrit a 97 et le manuscrit P 98. Les ambitus sont d’une septième dans a et P et d’une
octave dans W. La mélodie du manuscrit P est basée sur un « système strict des modes
ecclésiastiques » 194 . Le premier mode y est clairement visible, par la finale et l’initium (ré),
par l’ambitus (une octave entre do 2 -do 2 ), par le saut de quinte du début (ré-la) et l’arrivée à la
septième du mode (do). La finale est présente à chaque fin de vers du frons, donnant à la
mélodie une certaine stabilité. La mélodie du manuscrit W possède d’ailleurs les mêmes
caractéristiques et peut être considérée comme écrite en premier mode, comme aussi la
mélodie du manuscrit a. Remarquons au passage que la musique est globalement sans rapport
avec le texte : la question – normalement suspensive – à la fin de la première strophe se pose
194 Michelle STEWART, op. cit., p. 28.
104

sur une phrase conclusive qui se termine sur la finale. Dans tous les cas, les trouvères ne
pouvaient faire correspondre la musique au texte, dans la mesure où il répétaient un texte
différent de strophe en strophe. La syntaxe des strophes pouvait être organisée différemment,
par des changements de placement des climax textuels et de la ponctuation, alors que la
musique, elle, se répétait très certainement de strophe en strophe. D’ailleurs, la simplicité des
mélodies basées sur des tierces mémorisables, la répétition de formules mélodiques, l’unité
dans les cadences permettent aux trouvères de mieux mémoriser cette musique pour mieux la
répéter.
2. 3. La plénitude du chant
L’enregistrement 195 de ce jeu-parti se base sur la mélodie du manuscrit P, à la hauteur
réelle à laquelle elle est écrite. Les interprètes (Rogers Covey-Crump et Leigh Nixon, deux
ténors) sont des hommes, comme le suggère le texte. Les notes sont interprétées les unes
après les autres, de manière très régulière voire très scolaire et les notes des mélismes sont
interprétées avec la même durée que les notes monosyllabiques. Les pauses coïncident
rigoureusement avec les virgules du texte. Il n’y a aucune différence volontaire entre les
strophes, les deux trouvères interprètent exactement la même mélodie, avec les seuls
changements de timbre et de place des respirations. Aucun instrument n’accompagne, et tout
cela donne une certaine plénitude, voire une platitude à la musique, sûrement contraire à ce
qui était interprété à l’époque, on peut l’imaginer, dans l’ambiance d’un Puy. De plus, il est
dommage que seulement quatre strophes soient chantées : cela semble illogique au niveau
textuel de ne pas énoncer tous les arguments évoqués, puisque chaque partenaire organise les
six strophes de son jeu-parti à l’avance et l’intérêt de la poésie n’existe que si celle-ci est
chantée entièrement.
195 Adam de la HALLE et Jehan de GRIEVILER, « Assenés chi, Grievilier », dans The Spirits of England and
France, vol. 2 (Songs of the Trouvères), Gothic Voices (dir. : Christopher Page), disque compact, Hyperion,
1994.
105

3. Phelipe, je vos demant
3. 1. Présentation du texte
Deux jeux-partis se nomment Phelipe, je vous demant, puisqu’ils sont deux à
commencer par ce vers. Ils se déroulent entre Thibaut de Champagne et Philippe, sûrement
Philippe de Nanteuil (mort en 1227 196 ), trouvère et notamment ami de Thibaut de Champagne
et Gace Brulé. Ils auraient donc pu avoir lieu entre 1225 et 1227, dans la jeunesse de Thibaut.
Les huit couplets du premier jeu-parti sont versifiés de la manière suivante : a 7 b 7 b 7 a 7
a 7 c 7 c 3 d 5 d 7 et les huit du second suivent ce schéma : a 7 b 7 a 7 b 7 a 7 b 7 a 7 d 7 . Les deux jeux-partis
contiennent six couplets et deux envois. Leurs rimes changent à chaque intervention de
trouvère, donc toutes les deux strophes (sauf pour la rime « d » du second jeu-parti). Voici les
premières strophes du premier 197 et du second jeu-parti 198 :
Phelipe, je vos demant
Qu’est devenuë amors :
En cest païs ne aillors
Ne fait nus d’amer senblant.
Trop me merveill durement
Por qu’ele demeure ensi :
S’ai oï
Des dames grant plaint,
Et chevaliers en font mains.
Phelipe, je vos demant :
Dui ami de cuer verai
sont, qui aiment loiaument,
bacheler novel et gai.
Li uns a tot son talent,
li autres est a l’essai.
Qui doit plus venir avant :
li amez ou cil qui prie.
Dans le premier jeu-parti, Thibaut veut savoir de Philippe ce qu’est devenu l’Amour, puisque
personne dans ce pays n’aime plus ni ailleurs. Dans le second, Thibaut interroge Philippe et
lui demande, de deux amants, quel est celui qui aime vraiment le plus : est-ce celui qui est
attaché par les valeurs de sa maîtresse, ou celui qui est dans l’attente de les obtenir
3. 2. Convergences et divergences dans les sources
Voici les mélodies du premier jeu-parti, retranscrites selon les méthodes de Michelle
Stewart, et d’après les mélodies de l’édition d’Hans Tischler :
196 Etienne PATOU, Seigneurs de Nanteuil-le-Haudouin [en ligne]
http://racineshistoires.free.fr/LGN/PDF/Nanteuil-Le-Haudouin.pdf (consulté le 30 juin 2009).
197 Hans TISCHLER, Trouvères Lyrics with Melodies: Complete comparative edition, 15 vol., Neuhausen,
Hänssler Verlag, 1997, pièce n°194.
198 Hans TISCHLER, op. cit., pièce n°432.
106

107

Fig. 31 – Les mélodies du jeu-parti Phelipe, je vos demant, Qu’est devenuë amors.
Les mélodies des manuscrits R et V sont complètement différentes de celles du groupe K-M-
O-X. Dans ce groupe, les mélodies de M et O ont quelques variantes, entourées ici en rouge.
Le degré de syllabisme est assez élevé, avec, pour 57 syllabes, autour de 80 notes pour le
groupe K-M-X, 91 pour O, et moins pour les mélodies des manuscrits R et V, avec
respectivement 69 et 73 syllabes. La musique du second jeu-parti, présente dans les
manuscrits K, M, O, R, V et X, a été retranscrite par Michelle Stewart 199 :
199 Michelle STEWART, op. cit., p. 280-281.
108

Fig. 32 – Les mélodies du jeu-parti Phelipe, je vos demant, Dui ami de cuer verai
109

Comme pour le premier jeu-parti, les manuscrits K, M, O et X sont basés sur la même
mélodie 200 . Nous avons indiqué en bleu surligné les quelques divergences entre les manuscrits
K, M, O et X. Et aussi comme pour le premier jeu-parti, les mélodies des manuscrits R et V
sont complètement différentes, avec cependant quelques points communs :
- entre les manuscrits R et V, entourés en rouge ;
- entre le manuscrit V et l’ensemble K-M-O-X, entourés en bleu.
Les mélodies sont écrites sur le 1 er mode, sauf celle du manuscrit R écrite en 8 e mode. Le
degré de syllabisme est assez élevé avec autour de 57 syllabes pour 88 notes dans les
manuscrits K, M, O et X. Les manuscrits R et V sont encore plus syllabiques avec
respectivement 69 et 64 notes dans chacune des mélodies.
Le premier jeu-parti est un contrafactum de plusieurs pièces, comme le confirment Hans
Tischler 201 et J. H. Marshall. La mélodie est d’abord celle de Lo clar tems vei brunezir, du
troubadour Raimon Jordan. Elle a aussi servi de modèle pour Vierge pucele roiaus du
trouvère Guillaume le Vinier 202 et à une chanson mariale A la mere Dieu servir. Le second
jeu-parti est un contrafactum de Ne me donne pas talent de Moniot d’Arras 203 ainsi que de
Mere au roi omnipotent de Richard de Fournival 204 .
Nous remarquons beaucoup de points communs entre les deux jeux-partis. Tout d’abord, ils
sont issus de contrafacta. Ensuite, ils sont présents dans les mêmes manuscrits, et avec le
même degré de similarité (les mélodies de K et X sont les mêmes, celles de O et M ont
quelques variantes et les mélodies de R et V sont totalement différentes 205 ). Le degré de
syllabisme est aussi semblable avec moins de notes pour les mélodies de R et V.
200 Une étude ultérieure montrera que tous les jeux-partis des manuscrits K, M, O, X, mais avec aussi ceux des
manuscrits B, D, N, T, sont basés sur la même mélodie. Et les mélodies (et les structures) des jeux-partis des
manuscrits R et V sont toujours différentes des mélodies des autres manuscrits. La filiation entre les manuscrits
K, M, O et X est donc certaine.
201 Hans TISCHLER, op. cit., pièce n°432 et J. H. MARSHALL, « Pour l’étude des contrafacta dans la poésie des
troubadours », Romania, 101 (1980), p. 289-335.
202 Ce lien est confirmé par Maricarmen GOMEZ, The Songs of the King Thibaut of Navarre [en ligne],
http://www.goldbergweb.com/en/magazine/essays/2003/09/16249.php (consulté le 30 juillet 2009).
203 Mary O’NEILL, Courtly Love Songs of Medieval France. Transmission and Style in the Trouvère Repertoire,
Oxford University Press, 2006 et Hans TISCHLER, op. cit., pièce n°194.
204 Hans TISCHLER, op. cit., pièce n°194.
205 voir la note (200).
110

3. 3. La version instrumentale d’un jeu-parti
L’enregistrement 206 de ce jeu-parti est très original, puisqu’il ne met en scène que des
instruments, qui dialoguent entre eux. On entend en effet une cornemuse, une flûte à bec, une
vihula de pinola, un oud et une crécelle. Les deux jeux-partis évoqués sont utilisés : la
mélodie du second (c’est celle du manuscrit K qui sert de base) n’est jouée que pour les
premier et dernier couplets, et interprétée de manière non-rythmée par la cornemuse et son
bourdon, doublée par une flûte à bec dans la strophe conclusive. Les sept couplets centraux
sont basés sur la mélodie du premier jeu-parti. Les instrumentistes jouent avec le jeu de
questions-réponses typique du jeu-parti, en variant les dispositions de dialogue :
Couplet instrument de la question instrument de la réponse
1 tout le monde
2 cornemuse (avec le bourdon) tous à l’unisson, sauf la crécelle
3 flûte (accompagnée par le oud) instruments à cordes
4 tout le monde
5 oud instruments à cordes et flûte
6 vihula de pinola instruments à cordes et flûte
7 tout le monde
Fig. 33 – Les instruments utilisés dans les questions-réponses des couplets centraux d’une
version instrumentale enregistrée de Phelip je vous demant.
Tout ceci est très agréable à écouter, très envoutant, peut-être même dans l’esprit de fête qu’il
pouvait y avoir au Puy d’Arras. Mais il semble assez idéaliste de penser qu’une telle
interprétation ait pu avoir lieu au XIII e siècle. Malheureusement, le texte du jeu-parti occupe la
première place dans le genre, et il est difficilement concevable d’appeler cette plage de
CD « jeu-parti »… Il est très compliqué d’y comprendre la logique historique : le mélange de
mélodies différentes pour un même jeu-parti est déjà compliqué, et ici en plus, les interprètes
mettent en œuvre le mélange de mélodies différentes de jeux-partis différents !
206 Thibaut de CHAMPAGNE, « Phelipe, je vous demand », dans Danzas medievales españolas, La España de los
Cinco Reinos - The Spain of Five Kingdoms, Eduardo Paniagua Group, disque compact, M·A Recordings
M034A, 1995.
111

4. Adam vaurriés vous manoir
4. 1. Présentation du texte
Le texte de ce jeu-parti suit la versification suivante : a 7 b 7 a 7 b 7 c 10 c 10 d 10 d 10 avec les
rimes : « a » = « oir », « b » = « ie » ; « c » = « ans » ; « d » = « ies ». Il a lieu entre Jehan
Bretel et Adam de la Halle. Voici le texte de ce jeu-parti, traduit par Piere-Yves Badel 207 :
1
5
10
15
20
Adam, vaurriés vous manoir
A Arras toute vo vie,
Si eüssiés tout l’avoir
Qui ens est, et bele amie
Qui fust avoec vous mamans
Et l’amissiés bien tous tans,
Mais jamais plus que vous n’i verriés
Ne jamais hors de la vile n’istriés
Sire, tout chou voel avoir
Sans nule autre compaignie
Car adés et main et soir
Seroie sans jalousie,
Je kiens en cuisine estans
N’iert de son per desirrans.
Mien ensient, par tel couvent prendriés
L’avoir et le dame, s’a kieux estiés.
Adam, bien puet perchevoir
Hom qui cler voit, vo folie :
Vo preu ne sariés voloir !
Riqueche ne druerie
Ne vous seroit pourfitans.
Tous seus loeus seriés restans
Et soëlés con prisonniers vivriés
Et con paiens, car ja messe n’orriés.
Adam, voudriez-vous rester
A Arras toute votre vie :
Vous y auriez toute la richesse
Qui s’y trouve, et une belle amie
Qui resterait avec vous
Et que vous aimeriez tout le temps,
Mais vous n’y verriez jamais que vous deux
Et vous ne sortiriez jamais de la ville
Messire, j’accepte tout ce don
Et d’être sans compagnie ;
Car toujours, matin et soir,
J’ignorerais la jalousie.
Chien en cuisine jamais ne regrettera
L’absence de son semblable.
Croyez-m’en, à ces conditions vous feriez bien
De prendre richesse et dame, si vous aviez le choix.
Adam, l’homme clairvoyant
Se rendra compte de votre folie :
Vous ne sauriez vouloir votre bien !
Ni richesse ni amour
Ne vous profiteraient.
Vous resteriez vite toute seul
Et rassasié vivriez comme un prisonnier
Et comme un païen, sans entendre la messe.
25
30
Sire Jehan, puis ier soir
Avés mout messe enchierie !
Trop vous eslongiés du voir :
On entre en une abbeïe
Pour mengier oes et caus flans.
Encore est deduis plus grans
D’estre d’avoir et d’amie aaisiés.
Or esgardés dont de coi vous plaidiés !
Messire Jean, depuis hier soir
Vous avez bien relevé le prix de la messe !
Vous être fort loin de la vérité ;
On entre dans une abbaye
Pour y manger des œufs et des flans chauds.
C’est un plaisir encore plus grand
Que d’être pourvu de richesse et d’amie.
Faites donc attention à ce que vous dites !
207 Pierre-Yves BADEL, op. cit., p. 128-132.
112

35
40
45
50
55
Adan, li esprobon noir
Ne sont point de vo partie.
Moines soiés en dortoir
[A]aise en l’enfremerie,
Puis que tant haés les cans.
Ne doit estre cuers vaillans
D’avoir acquerre et d’amie esmaiés,
Pour c’aller puist par tout sains et haitiés.
Sire, je ne puis veoir
Tort n’aiés a ceste fie,
Qu’el siecle voi tant paroir
De mesdisans et d’envie
C’adés seroie doutans.
Pour ch’aim mieux liés et joians
Tous cois pres de ma dame estre logiés
C’aller par tout, et souvent estre iriés
Grieviler, je di k’Adans
Est faintis et recreans :
Qui va il leke et s’est joians et liés,
Mais chieus qui siet adés est loeus sequiés.
Cuvelier, sire Jehans
Est si legiers et volans
Qu’il ne puet arester seur les daintiés
Et fuir les povretés et les griés.
Adam, les libres étourneaux noirs
Ne sont pas des vêtres.
Restez, comme moine, au dortoir,
A l’aise à l’infirmerie,
Puisque vous détestez tant les champs.
Un noble cœur ne doit pas
S’inquiéter d’acquérir richesse et amie
Dès lors qu’il peut aller partout en liberté.
Messire, je ne vois pas comment
Vous n’auriez pas tort cette fois,
Car je vois paraître tant
De médisants et d’envie en ce monde
Que j’aurais toujours peur.
Aussi j’aime mieux être logé
Au calme et dans la joie près de ma dame
Qu’aller partout et, souvent, être dans la peine.
Grévillers, je dis qu’Adam
Est lâche et poltron :
Le marcheur engraisse, et il vit dans la joie,
Mais l’assis vite sèche.
Cuvelier, messire Jean
Est si léger et volage
Qu’il ne peut s’arrêter à un morceau de choix
Et fuir pauvreté et misère.
4. 2. La théorie des tierces
Les mélodies des manuscrits A et W sont construites sur une forme musicale de type
« ode continue », sans répétition, alors que celle du manuscrit a suit la forme ABAB X. Voici
la retranscription que propose Michelle Stewart 208 :
208 Michelle STEWART, op. cit., p. 178.
113

Fig. 34 – Les mélodies du jeu-parti Adam, vaurriés vous manoir
Comme le montrent les tableaux suivants, les mélodies respectent encore la théorie des
chaînes de tierces évoquée par Curt Sachs 209 :
vers 1 e phrase 2 e phrase
chaîne 1 chaîne 2 chaîne 1 chaîne 2
1-2 la-do si-sol sol-si-ré la-do
3-4 ré-fa-la sol do-mi
5-6 ré-fa do-mi sol la-do-mi
7-8 ré do-mi-sol sol-si-ré la-do-mi
Fig. 35 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de A.
209 Curt SACHS, « The Road to Major », The Musical Quarterly, 29-3 (1943), p. 381-404.
114

vers 1 e phrase 2 e phrase
chaîne 1 chaîne 2 chaîne 1 chaîne 2
1-2 ré-fa mi-sol ré-fa-la sol
3-4 fa-la-do si-sol ré-fa-la sol
5-6 fa-la-do fa-la-do sol-si-ré
7-8 fa-la-do sol ré-fa-la do-mi-sol
Fig. 36 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de W.
vers 1 e phrase 2 e phrase
chaîne 1 chaîne 2 chaîne 1 chaîne 2
1-2 ré-fa-la mi-sol sol-si la-do
3-4 ré-fa-la mi-sol sol-si la-do
5-6 si-ré mi sol-si la-do
7-8 fa-la-do mi-sol-si mi-sol-si fa-la
Fig. 37 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de a.
4. 3. Réflexion autour de l’accompagnement instrumental
Dans l’enregistrement proposé 210 , la mélodie est celle du manuscrit W, transposée une
quarte au-dessus et interprétée par un homme (Bruce Fithian) et une femme (Thaïs St. Julian),
choix illogique vus les partenaires (deux hommes) et les sujets mis en scène. Mais les
formations doivent parfois s’adapter à leur effectif, et ce problème a certainement dû avoir
aussi lieu au Moyen-Age. Nous avons déjà évoqué ce phénomène à la fin de notre deuxième
partie : Pierre Bec évoquait une possible interprétation des jeux-partis à l’époque non par les
trouvères eux-mêmes mais par des jongleurs. Une vièle ponctue le texte tout du long de la
mélodie, par deux harmonies, sur sol (conclusif) et sur fa (suspensif). Aussi introduit-elle et
conclut-elle le jeu-parti. Dans l’introduction, elle suggère, en rythme, la mélodie de la cauda,
comme le montre la figure 38 (les deux premiers éléments ne reproduisent pas la mélodie et la
musique accompagnant le début du vers 7 n’est pas jouée). Dans la conclusion, elle joue la
mélodie entière du jeu-parti, retranscrite en figure 39, de manière très rythmée. Ceci est une
très bonne idée, et reflète la manière d’accompagner les jouteurs dans les pratiques
traditionnelles encore en usage aujourd’hui (voir paragraphe 3.4. de la partie précédente).
210 Adam de la HALLE et Jehan BRETEL, « Adan, vaurries vous manoir », dans Les Motés d'Arras - The Songs of
Arras, New Orleans Musica Da Camera (dir. : Milton Scheuermann & Thaïs St. Julien), disque compact,
Centaur 2583, juillet 2000.
115

Fig. 38 – L’introduction de la vièle (ligne supérieure) superposée à la ligne mélodique du jeuparti
Adam vaurriés vous manoir (original et à la quinte).
Fig. 39 – La conclusion de la vièle dans l’enregistrement du jeu-parti Adam vaurriés vous
manoir.
116

5. Princes del Pui, selonc vostre pensee
5. 1. La différenciation des instruments accompagnateurs
Les mêmes interprètes ont enregistré Princes del Pui, selonc vostre pensee 211 ,
reproduisant la même disposition homme/femme remise en cause ci-dessus. Cette fois, c’est
le début de la mélodie (correspondant aux trois premiers vers et demi) qui est suggéré dans
l’introduction, de manière non-rythmée, et au rébec accompagné d’une vièle, tandis que la fin
de la mélodie leur est inteprétée de la même manière en conclusion instrumentale manière.
Cet enregistrement différencie en effet les instruments des personnages : dans Adam vauriés
vous manoir, chacun d’eux avait une vièle, alors que dans Princes del Pui, selonc vostre
pensee, le personnage qui représente Lambert Ferri joue avec une vièle (strophes impaires)
tandis que celui qui représente Jehan Bretel s’accompagne au rebec (strophes paires). Peutêtre
pouvons-nous penser qu’à l’époque, chaque trouvère (ou jongleur) s’accompagnait luimême
avec un instrument : idée intéressante pour une possibilité supplémentaire. Pendant les
couplets, l’accompagnement est plus mélodique que dans le jeu-parti précédent. Les jonctions
entre les couplets, qui servaient peut-être à l’époque de réflexion pour les partenaires, sont des
interludes instrumentaux, à la vièle et au rébec, comme pour signaler que l’un passe le relai à
l’autre.
5. 2. Présentation du texte
Voici le texte 212 et la musique 213 de Prince del Puy, sans analyse précise, simplement
pour un meilleur suivi avec l’extrait sonore proposé (forme a 11 b 11 b 11 a 11 c 11 c 11 b 11 ) :
1
5
Princes del Pui, selonc vostre pensee
Dites me voir, je vous en weil proiier :
S’uns fins amis aime bien, sans trechier,
Dame vaillant de bonne renoumee,
Si li reqiert s’amour, voilliés me dire
S’il a autant de duel a l’escondire
Coum’ il avroit de joie a l’otroier.
Prince du puy, selon votre pensée,
Dites-moi vraiment, je veux vous demander :
Si un fin amant aime bien et sans tromper
Une noble dame de bonne renommée,
Et qu’il a besoin d’amour, je veux que vous me disiez
S’il aurait autant de chagrin dans son refus
Qu’il aurait de joie dans son consentement.
211 Jehan BRETEL et Lambert FERRI, « Princes del Pui selonc vostre pensee », dans Les Motés d'Arras / Songs of
Arras, New Orleans Musica Da Camera - Milton Scheuermann & Thaïs St. Julien, disque compact, Centaur
2583, juillet 2000.
212 Hans TISCHLER, op. cit., pièce n°314.
213 Michelle STEWART, op. cit., p. 255.
117

10
15
Lambert Ferri, ja ne vous ert chelee
La verité : Je vous di sans cuidier,
Cil ki d’amours puet l’otroi desrainier,
Est trop plus liée que cil qui on le vee
N’en fu dolans qui n’en fu onques sire.
Par tant n’a pas en l’escondit tant d’ire
Coum’ a de joie en l’otroi gaanier.
Lambert Ferri, la vérité ne se cachera jamais
De vous : je vous dis sans arrière-pensée
Que celui qui peut gagner le consentement amoureux
Est plus heureux que celui qui le refuse,
Celui qui n’a jamais été seigneur serait triste.
Ainsi personne n’a autant de colère dans le refus
Qu’il n’a de joie dans le gain du consentement.
20
Sire Jehan, vo raison est kassee, Sire Jehan, votre raison est imparfaite,
Car pau savés de savereus mestier. Car vous savez peu de l’acte savoureux
Plus ne puet on fin ami courechier Personne ne peut mieux renverser un fin amant
K’a refuser l’amour, qui li agree ; Qu’en lui refusant l’amour qui le satisfait ;
Si fais courous taint cors d’oume et empire, Une telle colère infecte et corrompt le corps de l’homme,
Car plus courchiés est cil c’on veut despire Car il a plus de colère qui est mépris
Que cil n’est lies qui on veut ensauchier. Qu’il n’exalte de joie.
25
30
35
40
45
Lambert, qui a tel joie conquestee
Coume l’otroi d’amour a souhaidier
A tant de biens que de mieus n’a mestier ;
Mais cil ki faut a l’amour u il bee
Porroit mult bien avoir plus grief martire,
Se lui ne plaist en meillour lieu soufire,
Par coi ce doit mult son duel alegier.
Sire Jehan, vo sïence est outree ;
Mains a de sens en vous k’en un bregier.
Nus fins amis ne doit son cuer cangier
Pour nul amour qui li soit deveee.
Tant a plus duel qui pert çou qu’i desire ;
Otroi d’amors ne puet tant faire rire
Corn escondis puet fare marvoiier.
Lambert, cil a bouté en la cendree
Qui tous jours sert sans atendre loiier.
Qui ne puet bien son service emploiier
A Lens si voist mieus querre a la beee ;
A si fait mal doit on qerre tel mire.
Nus escondis ne doit tant desconfire
Cuers comm’ otrois le puet esleecier.
Gillart, cil a bien se geule caupee
Qui de l’amour sa dame se consire
Par escondit ; c’est des griétés li pire,
Nule joie n’en porroit tant aidier.
Lambert, celui qui a conquiert une telle joie
Comme il a désiré le consentement de l’amour
A tant de bien qu’il n’a besoin de mieux ;
Mais celui qui échoue dans l’amour qu’il désire
Peut très bien avoir plus de peine qu’un martyr,
A moins qu’il ne lui plaise de souffrir dans un lieu meilleur
Parce que cela doit mieux soulager son chagrin
Sire Jehan, votre opinion est scandaleuse ;
Vous avez moins de sens qu’un berger.
Aucun fin amant ne doit changer son cœur
Pour quelque amour qui lui est interdit.
Personne n’a plus de peine que celui qui perd ce qu’il désire ;
Le consentement de l’amour ne peut faire rire autant
Que le refus ne peut conduire à la folie.
Lambert, il m’a poussé dans les cendres
celui qui sert toujours sans attendre de louange.
Quiconque ne peut bien employer son service
A Lens il cherchera mieux en vain le désir ;
Car tout malade doit chercher un docteur.
Aucun refus ne doit rendre si triste
Un cœur est aussi contentent qu’il peut le ravir.
Gillart, il a donc coupé sa bouche
Qui le concerne avec le refus de sa dame
Pour consentir à l’amour, il est la pire des peines,
Nulle joie ne pourra l’aider.
50
Hüe d’Arras, cil fait boine journee
Qui del mauvais sentier entre el boin pire.
Il a asés plus bien en joie entire
Que mal en duel c’on puet amenuisier.
Hüe d’Arras, il fait une bonne journée,
Qui rentre par le mauvaise sentier entre dans la bonne voix.
Il a plus de bien dans sa joie entière
Que de mal en peine qui peut le réduire.
118

5. 3. Présentation de la mélodie, unicum du manuscrit a
Fig. 40 – La mélodie du jeu-parti Princes del Pui, selonc vostre pensee.
Cette mélodie, de forme libre, est un unicum du manuscrit a. Avec 106 notes pour 77 syllabes,
la pièce est assez syllabique. L’ambitus est d’une octave (do 2 -do 3 ).
6. Amis, quelx est li mieuz vaillanz
6. 1. Présentation du texte
Ce jeu-parti qui se déroule entre La Dame et l’Ami possède six couplets et deux
envois. Le texte a la forme suivante : a 8 b 8 b 8 a 8 a 8 b 8 a 8 b 8 . Les rimes changent à chaque
intervention de personnage, donc toutes les deux strophes :
- première et deuxième strophes : « a » = « en » ; « b » = « ui »
- troisième et quatrième strophes : « a » = « ers » ; « b » = « irs »
- cinquième et sixième strophes : « a » = « or » ; « b » = « ir »
- septième et huitième strophes « a » = « ir » ; « b » = « ai »
Voici la retranscription du texte que propose Hans Tischler 214 et la traduction des trois
premiers couplets 215 :
214 Hans TISCHLER, op. cit., pièce n°203.
119

1
5
10
15
20
25
30
35
40
Amis, quelx est li mieuz vaillanz :
Ou cil qui gist tote la nuit
Avec s’amie a grant desduit
Et sanz faire touz ses talanz,
Ou cil qui tost vient et tost prent
Et, quant il a fait, si s’en fuit,
Ne bee pas au remenant,
Ainz queut la flors et laist le fruit
Amie, ce que mes cuers sent
Vos dirai, mes ne vos ennuit :
Dou faire viennent li geu tuit ;
Car cil qui tost vient et tost prent
Partir s’en puet legierement.
Car tuit li autre geu sont vuit,
S’il nou fait après ou devant ;
Dont vaut mieuz li faire, ce cuit.
Amis, mieuz vaut li deporters
Et li veoirs et li sentirs,
Li baisiers et li acolers,
Li pariers et li esgardeirs,
Que li faires et puis alers,
S’au faire n’est li granz loisir ;
Car trop est doulz li demorers
Et trop est griez li departirs.
Dame, muit est boens li jüeirs
Et li baixiers et li gesirs,
Li desduires et li sentirs,
Li proiers et li esgardeirs ;
Sans lou faire c’est li tüeirs,
C’est la racine des sospirs
Et ceu k’en amors est ameirs.
Dont valt muelz faire et li foïrs.
Amis, ne tieng pais a amor
Lou tost faire ne tost aleir ;
Teille amor ne fait a amer,
Car elle n’ait poent de savoir,
Maix cil en ait moult grant dosour
Ki puet a loisir acolleir
Et baisier a joie grignor.
En teil amor fait son entreir
Amis, qui est le plus vaillant
Est-ce celui qui s’allonge toute la nuit
avec son amie avec grand plaisir
mais sans user de ses talents
Ou est-ce celui qui vient et prend tout,
Et, quand il l’a fait, s’enfuit,
Ne voulant pas revenir,
Prenant ainsi la fleur et laissant le fruit
Amie, ce que mon cœur ressent,
Je vais vous le dire, mais ne soyez pas fâché :
Les doux faits apportent le jeu à sa fin,
Car celui qui vient et prend tout
peut partir légèrement,
Car tous les autres jeux sont vains,
Si nous ne faisons pas ça après ou avant,
Alors c’est mieux de le faire, je pense.
Ami, il vaut mieux être enchanté
Et voir et sentir,
Embrasser et caresser,
Parler et regarder,
Que de tout faire et puis partir,
Comme si c’était seulement un grand loisir.
Car rester est si doux
Et partir trop douloureux.
215 Traduction de la version anglaise de Sean MCCUTCHEON dans Heu, fortuna, musique au temps de Philippe IV
le Bel (1260-1314), La Rota, disque compact, ATMA "Classique" ACD2 2561, 2007.
120

45
50
55
60
Dame, onc ne vit guerir nul jor,
Por soi deleis s’amie esteir,
Nullui ki fust navreis d’ameir,
S’on ne li fist aucun boen tor.
Teil amor semble feu en for,
Ki ne s’en ait par ou aleir
Mais enclos ait si grant chalor
C’on ne le puet desalumeir.
Amis, or öeis ke je di :
Quant la bouche et li eul se paist
De la chose c’a cuer li plaist,
Dont n’en ist li feus par ici
Dame, je ne dis pais ensi ;
Mais quant li eul plux se refait,
Dont trait Amors a cuer son vis,
Ki par loial cuer son dairt trait.
Dame, por Deu, or escouteis :
Li jeus et li gais et li ris
Averont maint home mal mis,
Ke li faires ait repaisseis.
Dont valt muelz li faires aisseis,
Tesmoing de Gautier de Pontis,
C’an Amor s’an est acordeis.
Or finons la kerelle ci.
6. 2. Une analyse graphique
Voici la retranscription musicale que propose Michelle Stewart 216 :
Fig. 41 – La mélodie du jeu-parti Amis, quelx est li mieuz vaillanz
216 Michelle STEWART, op. cit., p. 357.
121

La mélodie de ce jeu-parti est un unicum du manuscrit O. Elle est de forme libre et est écrite
en mode 1. Avec 93 notes pour 64 syllabes, la pièce est assez syllabique. L’ambitus est d’une
neuvième (do-ré). Profitons d’une mélodie en unicum pour établir un graphique de conduite
mélodique qui nous permettrait ainsi de voir la logique et le parcours utilisé par les trouvères :
Fig. 42 – Conduite mélodique du jeu-parti Amis, quelx est li mieuz vaillanz
Nous avons indiqué sur le graphique ci-dessus (figure 42) les noms de notes en ordonnées et
les numéros d’ordre de chaque note en abscisse (en considérant chaque séparation de vers
comme un silence d’une unité). En rouge sont indiqués les mouvements exacts de note à note,
en bleu, ceux de vers en vers, et en vert ceux de chacune des deux parties de la strophe. Ce
graphique montre que la forme générale en arche (montant et descendant) est globalement
privilégiée, dans la forme générale de la strophe, mais aussi pour les parties frons et cauda. A
plus petite échelle, il s’agit de formes en arches le plus souvent simples (6 arches simples
contre 2 arches doubles), et commençant quasiment toujours par un mouvement descendant
(la musique du cinquième vers fait exception).
Comme le montre la retranscription d’Hans Tischler ci-après 217 , la mélodie correspond en fait
à une mélodie de timbre :
217 Hans TISCHLER, op. cit., pièce n°203.
122

123

Fig. 43 – Les mélodies de timbre du jeu-parti Amis, quelx est li mieuz vaillanz.
La mélodie de ce jeu-parti est donc un contrafactum de plusieurs pièces :
- la chanson didactique Le cuer sevait de l’oil pleignant de Philippe le Chancelier ;
124

- la chanson Quan vei la laudeta mover ou Quan vei l’a loete moder du troubadour
Bernart de Ventadorn (appelée communément « Chanson de l’alouette » 218 )
- le conductus Quisquis cordis et oculi de Philippe le Chancelier.
La mélodie est aussi utilisée pour une chanson de femme, Plaine d’ire et de desconfort et
pour une chanson pieuse, Sener, mil gracias tirent. A l’origine de cette combinaison se
trouverait la chanson Quan vei la laudeta mover qui fut un grand succès à l’époque. Cela
expliquerait les nombreuses reprises de sa mélodie, pratique habituelle comme étudié en
deuxième partie.
6. 3. L’évolution de l’accompagnement instrumental
Dans l’enregistrement proposé 219 , une seule femme (Sarah Barnes, soprano) chante
tout au long de l’extrait, ce qui est en contradiction avec le texte, tout comme les seules trois
strophes chantées. Une harpe, une flûte à bec et une vièle accompagnent cette chanteuse par
des ponctuations et des contre-chants non-rythmés, en plus de l’introduction et de la
conclusion, qui sont elles aussi instrumentales. Tout cela est assez élaboré, peut-être même
trop pour une pièce qui était à l’époque éventuellement improvisée, semi-improvisée ou tout
du moins préparée rapidement. L’instrumentation choisie évolue tout au long du jeu-parti :
accompagnée uniquement par la harpe dans la première strophe, la chanteuse se trouve
accompagnée par de plus en plus d’instruments au fur et à mesure du jeu-parti (flûte dans la
deuxième strophe, puis flûte et vièle dans la troisième strophe). Cette évolution de
l’instrumentation au fur et à mesure du jeu-parti est aussi pratiquée par l’ensemble Alla
Francesca, pour le même jeu-parti 220 :
- 1 e et 2 e strophes : accompagnés par un bourdon à la vièle ;
- 3 e et 4 e strophes : ponctuations au luth : impression de phrases un peu plus rythmées ;
- 5 e et 6 e strophes : phrases en rythmes, doublures à la vièle et tambour de basque ;
- 7 e et 8 e strophes : instrumentation complète et intensité plus forte.
218 Dietman RIEGER, La Chanson Française et son Histoire, coll. Études littéraires françaises 39, 1988.
219 La DAME et l’AMI, « Amis, quelx est li mieuz vaillanz », dans Heu, fortuna, musique au temps de Philippe IV
le Bel (1260-1314), La Rota, disque compact, ATMA "Classique" ACD2 2561, 2007.
220 Interprétation du 12 janvier 2009 dans le cadre de « L’heure Musicale » au Musée National du Moyen-Age à
Paris.
125

7. Sire, loëz moi a choisir
7. 1. Présentation et analyse du texte
Ce jeu-parti a lieu entre Raoul de Soissons (ca. 1210 – ca. 1270) et Thibaut de
Champagne. Il aurait donc pu avoir lieu entre 1230 et 1250. Il les met en scène dans six
couplets sans envoi, avec pour chaque couplet, la versification suivante :
a 8 b 8 a 8 b 8 b 8 c 8 c 8 d 8 d 8 e 8 e 8 avec des rimes qui changent toutes les deux strophes (c’est le principe
des coblas doblas : une paire de strophes à chaque échange). Voici la retranscription du texte
qui est proposée dans le CD-Rom 221 ainsi qu’un essai de traduction :
1
5
10
15
20
Sire, loëz moi a choisir
D'un gieu! Li quels doit mez valoir:
Ou souvent s'amie sentir,
Besier, acoler, sanz veoir,
Sanz parler et sanz plus avoir
A touz jorz mès de ses amors,
Ou parler et veoir touz jorz,
Sanz sentir et sanz atouchier
Se l'un en couvient a lessier,
Dites li quels est mains joianz
Et du quel la joie est plus granz.
Raoul, je vous di sanz mentir
Que il ne puet nul bien avoir
En prendre ce dont a morir
Couvient ami par estouvoir;
Mès, quant il ne puet remanoir,
El veoir a plus de secors
Et el parler qui est d'amors.
Si bel ris et si solacier
Feront ma dolor alegier,
Que je ne vueil estre senblanz
Meremellin ne ses paranz.
Sire, laissez-moi choisir
Dans ce jeu! Lequel vaut mieux :
Sentir sa bien-aimée,
L’embrasser et l’enlacer sans la voir,
Sans lui parler et sans même l’avoir
Plus de son amour,
Ou lui parler et la voir tous les jours
Sans la sentir ou la toucher
Si l’un doit être exclu,
Dites-moi lequel est le moins joyeux
Et duquel la joie est la plus grande.
Raoul, je vous dis sans mentir
Qu’il ne peut pas être bien
Que celui qui, par nécessité,
Force un amant à mourir ;
Mais quand il peut avoir le choix
La vue donne plus de satisfaction,
Et la parole est l’amour.
Un si beau sourire si consolant
Apaisera ma douleur,
Car je ne veux pas ressembler
A Meremellin ou ses parents.
221 Teaching Medieval Lyric with modern technology - New Windows on the Medieval World - A Project
Supported by the National Endowment for the Humanities and Mount Holyoke College, The Medieval Lyric
[CD-ROMx2 + CDx7], disque compact, Margaret Switten, dir. & Robert Eisenstein, prod. coord., 2001.
126

25
30
35
40
45
50
55
60
65
Sire, vous avez mult bien pris
De vostre amie regarder,
Que voz ventres gros et farsis
Ne porroit sousfrir l'adeser,
Et por ce amez vous le parler
Que voz solaz n'est preus aillors.
Ensi vait des faus pledeors,
Dont li senblant sont mençongier.
Mès d'acoler et de besier
Fet bone dame a son ami
Cuer large, loial et hardi.
Raoul, du regart m'est a vis,
Q'il doit plus ami conforter
Qu'estre de nuiz lez li pensis
La ou l'en ne puet alumer,
Veoir, oïr, joie mener;
L'en n'i doit avoir fors que plors
Et s'ele met sa main aillors,
Quant vous cuidera enbracier,
Se la potence puet baillier,
Plus avra duel, je vous afi,
Que de mon gros ventre farsi.
Rois, vous resenblez le gaignon
Qui se revenche en abaiant;
Por ce avez mors en mon baston
De quoi je m'aloie apuiant.
Mès pris avez a loi d'enfant;
Car il n'est si granz tenebrors,
Se je pouoie les douçors
De ma douce dame embracier,
Qui ja me poïst ennuier;
Et si me puis mez delivrer
De mon bordon que vous d'enfler.
Raoul, j'aing melz nostre tençon
A lessier tout cortoisement
Que dire mal, dont li felon
Riroient et vilaine gent,
Et nous en serions dolent;
Mès mult vaudroit melz en amors
Veoir et oïr qu'estre aillors,
Rire, parler et solacier
Douz moz, qui font cuer tatouillier,
Et resjoïr et saouler
Que en tenebres tastoner.
Sire, vous avez bien choisi
de regarder votre amie,
Parce que votre ventre, gros et farci
Ne pourrait pas supporter d’être toucher :
C’est pourquoi vous aimez parler,
Car sinon votre amusement n’est pas grand.
Ainsi va-t-il avec les faux plaideurs,
Dont les apparences sont décevantes
Mais en embrassant ou en enlaçant
Une bonne dame démontre à son ami
Un cœur large, loyal et hardi.
Raoul, il me convient plus
De consoler un ami
D’être auprès de lui la nuit, pensif
Incapable d’allumer,
Voir, entendre ou se divertir ;
Il ne peut n’y avoir rien que des pleurs
Et si elle met sa main ailleurs,
Quand elle pense vous embrasser,
S’impose la potence,
Elle aura plus de déception, je vous assure
Que de mon gros ventre farçi.
Roi, vous ressemblez à un mastiff
Qui se venge en aboyant ;
C’est pourquoi vous avez mordu mon bâton
Duquel je m’aide pour marcher.
Mais vous avez agi comme un enfant ;
Car il n’y pas de ténèbres si grandes,
Qui, si je peux embrasser
Les douceurs de ma douce dame,
Voudraient m’ennuyer ;
Et je pourrais mieux me délivrer
De ma canne que vous votre embonpoint.
Raoul, je préfère mettre un terme à notre débat
D’une manière courtoise
Que dire du mal dont riraient
les gens vilains et vulgaires,
Et nous en serions malheureux.
Mais nous serions meilleurs en amour
De voir et d’entendre qu’être autrement,
Rire, parler et s’amuser
Avec des mots doux que tatouiller le cœur,
Lui donner de la joie et le satisfaire,
Que de sentir sa voie dans les ténèbres.
127

Les divisions strophiques sont basées sur la syntaxe et sont fluides (comme « souvent dans le
cas d’un nombre impair de vers » 222 ), mais si on devait établir une division « usuelle », elle
tomberait après le quatrième vers. Une flexibilité similaire caractérise la mélodie, bien que
dans la musique, une division après le quatrième vers est plus clairement marquée par la
répétition mélodique. La question de ce jeu-parti est de savoir si c’est la satisfaction
spirituelle ou la satisfaction sexuelle qui donne à l’amour son plus grand plaisir. Thibaut
explique aux vers 13-16 que de tels principes ne mènent qu’aux choix d’Hobson (choix
d’apparence mais qui n’en est pas un) ; aucun ne sera satisfait d’un vrai « ami ». Le ton
comique et l’orientation de la question autour de la notion de « joie » ouvrent la voie à un
traitement ambigu et ingénieux des concepts « courtois ». Les arguments combinent des
raisons générales objectives avec des insultes personnelles, comme dans la troisième strophe
où un commentaire ad hominem contre Thibaut est placé avant une observation plus générale
sur la fausseté des apparences et la véritable voix de loyauté. Bien que Thibaut soit le dernier
intervenant, et qu’il souhaite fermer le débat « tout courtoisement », a-t-il vraiment le dernier
mot La question est-elle résolue « Thibaut pourrait en fait n’adopter aucun côté de la
question juste pour le pur goût de l’échange, comme dans d’autres de ses jeux-partis […].
Pour Thibaut, le jeu-parti est un moyen de briller en tant que débatteur quel que soit le sujet
du débat » 223 . Le poème et la mélodie donnent en effet des structures malléables qui
permettent au débat d’occuper la place centrale.
7. 2. Analyse rédigée
Voici la retranscription des mélodies proposée par Michelle Stewart 224 :
222 Ibid.
223 Ibid.
224 Michelle STEWART, op. cit., p. 298.
128

129

Fig. 44 – Les mélodies du jeu-parti Sire, loëz moi a choisir.
130

Comme dans d’autres et nombreux jeux-partis, les mélodies sont quasiment similaires entre
les manuscrits K, M, N, O et X, alors que la mélodie du manuscrit V est clairement différente.
Concernant la mélodie « principale » (celle globale des manuscrits K, M, N, O et X), écrite en
mode 6, la forme générale correspond au schéma ABA’B X. Les vers 7 et 9 démarrent par le
même mouvement mélodique, transposé. La chaîne primaire de tierces est (ré)-fa-la-do avec
le fa comme note principale des cadences. Mais les vers 7 et 10 proposent des tierces
contrastées ; le vers 10 s’élève au mi, le point culminant de la pièce (présent, comme souvent,
dans la cauda) puis cadence sur si avant le passage au vers 11 sur un registre plus grave et une
cadence sur fa. La fin sur fa propulse un retour au début de la pièce, engageant une réponse à
ce qui a été dit juste avant ; le même mouvement ascendant de quinte marque la transition du
vers 2 au vers 3. Le petit mélisme distingue la mélodie des styles syllabiques plus rigoureux
des deux chansons de Thibaut : Aussi conme unicorne et Deus est ensi. Cette mélodie
« principale » est en fait le timbre d’une chanson pieuse de Thibaut de Navarre, Mauvez
arbres ne puet florir.
7. 3. Critique de la proposition discographique
Dans l’enregistrement proposé 225 , basé sur la mélodie du manuscrit K, une vièle
introduit et conclue seule ; elle ponctue le texte des chanteurs (Mark Bleeke, ténor qui
interprète Thibaut, et Peter Becker, baryton qui interprète Raoul) et double les voix. Le texte
est chanté sans mode rythmique, mais avec un ton insistant (interprétation de rire et de jeux
sur les timbres de voix), mettant en valeur toute l’ironie et les moqueries du texte, surtout
dans la quatrième strophe, à propos de la « potence » et du « gros ventre ». L’accentuation du
texte est à mettre en parallèle avec la plage de récitation que Pierre Bec a enregistré dans le
même CD. La mise en place « stéréo » ajoute beaucoup à cette impression de joute et de
dualité caractéristique du jeu-parti.
« Cet accompagnement était une expérience en suivant autant que possible les accents des
mots, les articulations, les rimes des chanteurs avec une vièle. Bien qu’il fut très difficile de
travailler en répétition, les chanteurs étaient très satisfaits de la présence de la vièle qui
renforçait la vivacité du dialogue » 226 .
225 Thibaut de CHAMPAGNE et Raoul de SOISSONS, « Sire loëz-moi a choisir (RS 1393) », dans The Medieval
Lyric, A Project Supported by the National Endowment for the Humanities and Mount Holyoke College - The
Medieval Lyric (CD version) [CDx5], disque compact, Margaret Switten and Robert Eisenstein, dirs, 1987.
226 Ibid.
131

Conclusion : propositions d’interprétation
Par l’étude des différentes interprétations de jeux-partis et les critiques que nous avons
développées, nous pouvons constater que :
- il est nécessaire de respecter le genre du personnage (masculin ou féminin) dans
l’interprétation, le partenaire chanteur étant aussi acteur, et ce, bien que des jongleurs
aient pu plus tard interpréter ces jeux-partis à la place des trouvères 227 . Il est
également important de respecter le sens du texte, et pour cela, d’interpréter
l’intégralité des strophes.
- le rythme est celui de la langue, la musique est déclamée. Les différences textuelles (et
notamment la ponctuation) permettent des discrépances entre les strophes, au niveau
du ton employé mais aussi des respirations. L’ensemble doit rester dynamique, car le
jeu-parti était interprété dans le cadre d’une fête. Certains mots doivent donc être mis
en valeur, le dialogue doit être rendu vivant et théâtral.
- toujours dans le but d’être dynamique, il est possible que les chanteurs soient
accompagnés d’instruments qui ponctuent le discours poétique et musical. Dans un
souci de conformité musicale entre chant et instrument, il est probable qu’ils
s’accompagnaient alors eux-mêmes par des instruments à cordes. Des préludes,
interludes et postludes instrumentaux pouvaient alors servir aux chanteurs à reposer
leur voix et leur esprit entre les strophes, tout en réfélchissant à leurs arguments à
venir. Enfin, une évolution dans le caractère plus ou moins élaboré de
l’instrumentation (mais aussi pourquoi pas de l’ornementation) est envisageable tout
au long de l’interprétation d’un jeu-parti, dans la limite du possible évidemment.
- la dualité doit toujours être mise en avant, par divers moyens techniques aujourd’hui
facilement concevables comme la différenciation des voix et des instruments, la
stéréo, etc.
Concernant l’analyse des mélodies, nous constatons que les théories étudiées par Michelle
Stewart et évoquées au début de ce paragraphe, sont facilement vérifiables, notamment la
reprise des formules mélodiques ou de mélodies de timbre, la redondance des mêmes modes,
l’importance des tierces ou encore la différenciation musicale avec le plain-chant. De plus, les
227 Cette hypothèse peut être contestable : un travestissement (masqué par exemple) est aussi un élément à
envisager.
132

ambitus restent basés autour d’une octave et les mélodies sont relativement syllabiques. La
primauté des intervalles de tierces dans la construction des phrases est aussi évidente.
Enfin, la pluralité des mélodies de jeux-partis reste troublante. « [Le] mouvement […] de se
demander quelle est la mélodie exacte inventée par le poète musicien, n’a que peu de sens
pour l’homme médiéval, fort peur fétichiste à l’égard de la chanson, celle-ci se modifiant
sensiblement par son mode de transmission, l’oralité, ainsi que par les gloses ou les erreurs du
copiste » 228 . Tout cela remet en cause la question de l’authenticité d’une chanson médiévale et
des modes de composition employés à l’époque 229 . Concernant les jeux-partis, nous pouvons
penser qu’un même jeu-parti à différentes époques aurait pu être interprété sur des mélodies
différentes. Selon le cas, les mélodies pouvaient être entièrement différentes, ou seulement
quelques formules différaient.
Une étude plus globale des jeux-partis sera ultérieurement nécessaire pour déceler des
constantes de formules, de modes, de degré de syllabisme, par manuscrit. Nous avons déjà
remarqué une telle différence avec le groupement des manuscrits KMNOX et V et R. Cela
nous laisse penser que les jeux-partis aient été interprétés plusieurs fois, à chaque fois sur une
musique différente. Peut-être qu’à l’origine – c’est-à-dire à la fois dans les premiers jeuxpartis,
mais aussi dans les premières interprétations d’un jeu-parti – une mélodie de timbre
était plutôt utilisée, et qu’au fur et à mesure des années, soit de nouveaux jeux-partis étaient
créés avec des mélodies originales, soit d’anciens jeux-partis étaient ré-interprétés, avec de
nouvelles mélodies, aussi originales.
228 Pierre BEC, Anthologie des troubadours, 10/18, 1979, p. 368-9.
229 voir l’article d’Armand MACHABEY, « Comment déterminer l’authenticité d’une chanson médiévale » dans
Mélanges offerts à René Crozet, Poitiers, Société d’Etudes Médiévales, 1966, p. 915-920.
133

134

Conclusion générale
135

L’interprétation de la musique médiévale est un réel casse-tête : peu de sources
évoquent la manière d’interpréter la musique des jeux-partis, et cela nous amène à
toujours tout remettre en question, jusqu’à la répétition des strophes du jeu-parti.
Cette remise en question vient aussi du fait d’un décalage de culture entre notre société
contemporaine et la société médiévale, comme nous l’avons vu concernant la difficulté de
l’improvisation dans les jeux-partis. Deux éléments nous ont permis d’aller au-delà de ces
obstacles. D’abord la découverte de genres traditionnels apparentés aux jeux-partis (et toutes
les autres formes de débats médiévaux) et encore pratiqués aujourd’hui. Ils nous ont permis
de constater que la difficulté n’est pas un obstacle à l’improvisation et que les strophes y sont
répétées à l’identique avec discrépances. Ensuite, c’est l’étude des sources manuscrites, et
particulièrement celles apparentées aux jeux-partis du chansonnier d’Arras, qui nous ont
permis de déceler la répartition des différentes mélodies et leur origine : nouvelles et créées,
ou basées sur des formules mélodiques voire des phrases déjà entendues, ou encore basées sur
des mélodies de timbre. L’étude du chansonnier d’Arras, au-delà de l’histoire de son
élaboration et de son évolution, nous a permis de comprendre comment y était rangé le corpus
des jeux-partis, de manière réfléchie et ordonnée, car chronologique ou selon les trouvères.
Le côté musical du jeu-parti est encore trop peu étudié, et une étude généralisée des 192 jeuxpartis
s’impose aujourd’hui. Un examen attentif des nombreuses études littéraires existantes
permettrait aussi d’établir un lien plus étroit entre texte et musique. Parmi les 192 jeux-partis,
les 87 sans musique sont aussi à prendre en compte, car le schéma poétique nous aiderait à
supposer la mélodie sur laquelle il est basé. Parmi ceux avec musique, il faut encore étudier le
fonctionnement des mélodies, la filiation des sources sans négliger les aspects historiques et
textuels, tout cela pour avoir une idée encore plus précise de son interprétation et de sa
composition. Le présent mémoire a pu notamment permettre de supposer que :
- les jeux-partis étaient improvisés et peut-être préparés rapidement avant la
performance ;
- les jeux-partis étaient chantés sur des mélodies basées sur des formules récurrentes
voire des mélodies de timbre, mais, au fur et à mesure du temps, crées de toute pièce,
répétées de strophe en strophe ;
- les jeux-partis étaient réinterprétés après leur création. Cette réinterprétation laisse
présager un certain succès du genre.
136

Nous espérons que le présent mémoire pourra aussi servir aux interprètes, qui, comme nous
l’avons vu, manquent parfois de logique par rapport à la définition du genre. Une étude plus
générale pourra aussi servir la pratique et rendre les interprétations du jeu-parti – qui espérons
aussi soient plus nombreuses – plus conformes à la réalité tout en étant plus attrayantes. Car
les réflexions théoriques n’ont d’intérêt que si elles n’ignorent pas la pratique et si même elles
en sont au service. Cette conformité et cet attrait seraient possibles par :
- une déclamation vivante et plus osée du texte ;
- la différenciation sonore des personnages, notamment par la personnalisation des
instruments ;
- un accompagnement agréable mais d’un niveau d’élaboration allant de pair avec le
contexte d’improvisation ;
- l’évolution interne dans l’atmosphère d’un jeu-parti.
Après tout cela, il reste encore un obstacle et non des moindres, c’est celui de la langue. Peutêtre
faudra-t-il réfléchir à une méthode permettant à un plus large public de comprendre
directement à l’audition le sens d’un jeu-parti. Mais comment élaborer une traduction qui
respecte la charpente poétique Cette méthode permettrait à l’auditeur de mieux s’imprégner
de la musique, et, comme en Italie, de rire entre les strophes et de réfléchir pendant et après la
performance : car, malgré leurs sept siècles, les sujets ne peuvent être plus vivants, plus
actuels et plus éternels…
137

Annexes
1. Tableau descriptif du manuscrit 657.1
Folio Rubrique Incipit et Explicit Dénomination Description
1) 2 « Ici endroit conmence li
livres qui estrais est de
philosophie et ensement
de moralité »
Incipit : « Cil ki en
soi a tant de sens »
Le livre de philosophie et de moralité
d’Alard de Cambrai.
Le texte divisé en
paragraphes, précédés de
rubriques en prose, orné de
nombreuses miniatures dont
beaucoup ont disparu. Il
manque un feuillet avant le
folio 32.
2) 32v « Ici endroit défineut li
filosofe et li aucteur. Si
conmence apres le
naissence de Jhesu crist et
se mort »
Incipit : « Diex ki
cest siecle
conmencha »
Explicit :
« E.x.p.l.i.c.i.t li
romans de nostre
dame »
Poème en octosyllabes sur la vie de Jesus et sur la vie
de la Vierge.
3) 53 Légende en prose de Sainte-Suzanne (d’après la fin) en
prose.
Les miniatures sont plus
rares que dans l’ouvrage
précédent. A la fin, la
seconde colonne et le verso
sont blancs.
Il manque le
commencement.
4) 55 « Ici endroit define la vie
Sainte-Susane et li
bautisemens de Pélage qui
estoit Sarrasine. Si
conmence après le vie
Monsignieur Saint-
Julien »
5) 100v « Ici endroit définent li
prologue et li
enseignement de pluisors
sains qui sont en paradis,
si conmence après
comment li pekieres va
querant jhesu crist pour
ses peciés saner »
6) 101 Incipit : « et oreilles
en oïr et memoire et
ramembrer »
7) 115 Incipit : « et
abondations du saint
esperit »
8) 126 « Ichi endroit après
conmence li senefiance
conment on se doit
contenir a le messe »
Explicit : « Explicit.
Ci falent li ave nostre
dame en romans »
Incipit : « li introites
de le messe ce est li
entree »
Explicit : « si com
puist venir en ame et
en cors en paradis.
Amen »
Légendes en prose de :
- Saint-Julien l’Hospitalier
- Saint-Jérôme
- Saint-Eloi
- Saint-Wistaces (Eustache)
- Saint-Patris (Patrice), Saint-Alexis
- Saint-Bernard de Clairvaux
Ces légendes ne suivent pas l’ordre liturgique de la
Légende Dorée de Jacques de Voragine qui se présente
ainsi : Saint-Julien, Saint-Patrice, Saint-Alexis, Saint-
Bernard, Saint-Jérôme, Saint-Eustache. Elles ne suivent
pas non plus l’ordre du calendrier actuel (Saint-Alexis,
Saint-Patrice, Saint-Julien, Saint-Bernard, Saint-Eustache,
Saint-Jérôme, Saint-Eloi).
Toutes étaient jadis ornées de petites miniatures qui ont
presque toutes disparu.
Autre légende pieuse.
Bestiaire d’amour, en prose, de Richard de Fournival.
Il s’agit de récits empruntés à la manière de vivre des
animaux.
Paraphrase de l’Ave Maria.
Ce sont de courtes invocations à la Vierge qui
commencent toutes par des Ave.
Cours traité en prose, sur le symbolisme des
cérémonies de la messe.
« Destiné à l’édification des fidèles, [ce] texte rappelle à
plusieurs reprises que Dieu reviendra. Bien qu’il ne fasse
aucune allusion au Jugement dernier, il tient à présenter
Dieu comme un être miséricordieux, toujours prêt à
pardonner. », d’après Hugo SONNEVILLE, « “Li senefiance
comment on se doit contenir a le messe”, édition et
traduction d’un traité en ancien français », Recherches de
Théologie ancienne et médiévale, Tome XLIV (1977), p.
232.
De fréquentes lacunes
empêchent de suivre la
succession des légendes.
Il ne reste rien de cet
ouvrage (lacune de trois
feuillets qui commençaient
un cahier et dont subsistent
les onglets).
L’œuvre est incomplète : il
manque le début et elle
s’arrête au milieu du
paragraphe sur la baleine.
Ce bestiaire est orné de
nombreuses miniatures.
Les lettrines sont ornées.
Le traité est orné de
quelques miniatures.
9) 127v « Del povre clerc qui
disoit Ave Maria ades et
pour çou fu il saus »
Incipit : « Encore ne
me puis je taire »
Conte sur la Vie des Pères.
138

2. Les différentes formes de lettres dans le manuscrit 657
manuscrit 657.1 657.3 657.2
sous-partie chansons jeux-partis
folio de référence 101v 212v 152r 137v
a
b
d
f
g
h
k
n
p
q
r
s
t
v
139

3. Ordonnance des cahiers du chansonnier
Quatrième cahier
dans l’ordre ancien
Cahier A
réclame
Cinquième et dernier cahier
dans l’ordre ancien
Cahier B
_______
Premier cahier
dans l’ordre ancien
Cahier C
[manque un ou plusieurs cahiers]
réclame
Deuxième cahier
dans l’ordre ancien
Cahier D
______
Troisième cahier
dans l’ordre ancien
Cahier E
[manque un cahier]
réclame
140

4. Répartition des chansons dans les différents cahiers
La colonne « côté » indique le côté du parchemin (« p » = poil, « c » = chair) avec
l’agencement du cahier.
La colonne « folio » indique les numéros de folios (avec l’emploi de la double foliation). Les
feuillets supposés manquants comportent trois éléments :
- la lettre « X » pour indiquer le manque ;
- la même lettre que le cahier qui contient ces feuillets manquant ;
- un numéro d’ordre de folio.
Les troisième et quatrième colonnes correspondent au numéro d’ordre de la chanson
respectivement dans les manuscrits A (« n°A ») et a (« n°a »)
La colonne « titre » indique le titre de la chanson et la colonne « auteur » l’auteur qui l’a
écrite. L’italique indique la suite d’une chanson commencée au folio précédent. Les crochets
et le caractère gras signalent les chansons supposées absentes en raison des mutilations. Leur
caractère supposé fait qu’elles ne sont pas prises en compte dans la numérotation d’ordre des
chansons du manuscrit A. Les trois astérisques indiquent les lacunes (placés avant la chanson :
lacune au début ; placés après la chanson : lacune à la fin).
La colonne « clé » indique les clés utilisées pour chaque chanson. Les chansons définies par
le terme « mélangées » sont écrites à la fois en clé d’ut et en clé de fa.
La colonne « portées » indique le nombre de portées tracées pour chaque chanson. La colonne
« à 4 l. » indique le nombre de portées de quatre lignes, la colonne « à 5 l. », le nombre de
celles de cinq lignes, et la colonne « autres » le nombre de portées comportant un nombre de
lignes différent de quatre ou cinq (le nombre de lignes alors utilisé est indiqué entre
parenthèses). La colonne « portées vides » indique la présence de portées vides avec ou sans
texte. Enfin, dans la dernière colonne « fins de l. », les chansons indiquées par le mot
« STOP » sont celles dont la dernière portée est coupée avant la fin de la colonne, pour
s’arrêter à l’endroit exact de la fin du texte et de la musique. Celles indiquées par le mot
« STOP » suivi d’un point d’interrogation « » sont celles dont la dernière portée va jusqu’au
bout de la ligne (il est donc impossible de dire si le copiste a voulu la couper ou non).
141

4. 1. Cahier A
142

4. 2. Cahier B
143

4. 3. Cahier C
144

4. 4. Cahier D
145

4. 5. Cahier E et cahier manquant XF
146

5. Représentation photographique du folio 132/155
L’image est extraite du manuscrit 657 (139), Bibliothèque d’Arras, avec l’aimable
autorisation du responsable du fonds ancien.
147

6. Les miniatures présentes dans le chansonnier
Les images sont extraites du manuscrit 657 (139), Bibliothèque d’Arras, avec l’aimable
autorisation du responsable du fonds ancien.
Le Châtelain de Coucy Gautier de Dargies Hugues de Berzé
folio 130/153 folio 133/156v folio 135/156v
Richard de Fournival Adam de la Halle Les deux partenaires
folio 140/131v folio 142/133v folio 145/136
148

7. Tableau récapitulatif des miniatures et rubriques
145/136
142/133v
140/131v
135/158v
133/156v
130/153
Folio
Les deux
partenaires
Adam de la
Halle
Richard de
Fournival
Hugues de
Berzé
Gautier de
Dargies
Châtelain de
Coucy
Trouvère
représenté
5
7
7
aucu
n
7
7
Gâbles
2
3
3
3
3
3
Arcatures
gothiques
x
x
x
x
x
Oiseau
x
x
x
x
x
Singe
x
x
x
x
x
Lièvre
x
x
x
Lapin
x
x
x
x
x
x
x
Chien
x
x
Autre animal
1)
1)
2)
1)
2)
1)
Marges
debout dans l’attitude
du dialogue
assis, écrivant avec sa
plume et son grattoir
devant un lutrin
(devant un livre
ouvert)
assis, chantant devant
un lutrin (devant un
livre ouvert)
à cheval et en armure
aspects
Miniature
représentati
on
noblesse,
chevalerie
composition
poétique,
clergé
Clergé,
échange,
partage, jeuparti
aspects
ce sont les
kançons
mon
seigneur X
Maistres X
fist ces
kançons a
sa vie
X fist ces
kançons
non-nobles :
écrivains, scribes,
chanteurs,
musiciens et
personnages
courtois
trouvères
aristocrates,
nobles
représentation
Rubrique
Action d’écrire
une chanson par
une personne en
particulier.
Appartenance,
possession des
chansons et
mise en valeur
de leur lien avec
un nom ou un
titre
aristocratique.
Signification
149

8. Synthèse chronologique de l’histoire du manuscrit 657
Date ou période Etat du manuscrit 657
XIII e siècle copie du manuscrit 657.1
1278 copie du manuscrit 657.3
entre 1278 et le début
du XIV e siècle
copie du manuscrit 657.2 (le « chansonnier d’Arras »)
début du XIV e
assemblage des trois manuscrits en un seul
le manuscrit 657 aurait été relié par Martin d’Asset à la bibliothèque de
1510
l’abbaye Saint-Vaast (reliures en veau fauve ornées de plaques gaufrées)
entre le XIII e siècle et
1628
le manuscrit est volontairement abîmé (vol de miniatures)
1628
le manuscrit est classé à la Bibliothèque de l’abbaye Saint-Vaast d’Arras,
et on note ce classement sur le folio 1.
1720
le manuscrit est classé par le bibliothécaire Lefebvre, qui suppose que le
manuscrit serait arrivé à la Bibliothèque vers l’an 1625.
1816
dégradations possibles du manuscrit par le bibliothécaire d’Arras Pierre
Léonor Caron (vol de feuillets)
1830
on inscrit la foliation « secondaire » dans l’ensemble du manuscrit 657,
notamment pour compter les feuillets
25 mai 1837
Charles-Marie-Joseph Fauchison-Duplessis, bibliothécaire à Arras,
consulte le manuscrit et annote la première garde
1841 cote 139 adoptée par Jules Quicherat
entre 1853 et 1860
cote 657 adoptée par Zéphir François Cicéron Caron lors de l’inventaire
du fonds de la Bibliothèque
entre 1853 et 1900
le manuscrit perd sa reliure
22 octobre 1910 on énumère les mutilations présentes dans le manuscrit
d’août 1915 à
décembre 1920
le manuscrit est évacué à la Bibliothèque Nationale de Paris
années 1920
Alfred Jeanroy et Friedrich Gennrich étudient le chansonnier et proposent
une nouvel ordre des cahiers : la foliation « principale » est inscrite
de septembre 1939 à
1945
le manuscrit est évacué à Trévarez (Finistère) et à Vaux (Eure-et-Loir)
le manuscrit est restauré à la Bibliothèque Nationale de France : la reliure
26 avril 1955 est changée et l’ordre des cahiers du chansonnier est alors modifié selon
les volontés d’Alfred Jeanroy et Friedrich Gennrich
150

9. Les auteurs qui se sont exprimés contre la thèse de
l’improvisation des jeux-partis
auteur
Friedrich Diez
Heinrich Knobloch
Ludwig Selbach
Henri Guy
Alfred Jeanroy
Hans Spanke
David Jones
date
1883
1886
1886
1898
1890
1935
1934
arguments
« pas d’indice » (p. 167)
« aucune preuve textuelle non plus » (p.
42)
difficulté
« structure métrique assez compliquée »
« difficulté des rimes et de leur
enchaînement »
difficulté
et « parce qu’il exigeait l’entente de deux
ou plusieurs personnes »
difficultés car :
« complication de la forme rythmique »
« nécessité de suivre une pensée souvent
subtile »
proposition
« Les poètes se communiquaient
mutuellement leurs strophes l’une
après l’autre. Cet échange étant fait
quatre à cinq fois, la conférence était
close et l’on assemblait les strophes »
(p. 166).
soutient aussi la thèse de genèse « par
lettres » de Jeanroy
« On a le droit de conjecturer
qu’avant la solennité où le morceau
devait être chanté, les auteurs se
concertaient et délibéraient en des
séances où les membres du Puy
assistaient seuls »
genèse « par lettres » : « Il n’y a rien
d’étonnant à ce qu’ensuite, une fois le
genre entré dans les habitudes
quotidiennes, deux poètes se soient
envoyé par écrit des couplets dont
l’assemblage devait former une
tenson »
genèse « par lettres » imaginable dans
un grand nombre de cas
Nuances
« malgré toute l’adresse
dans l’usage poétique de la
langue provençale »
« obstacles insurmontables,
même aux versificateurs
les plus adroits »
admet l’improvisation,
mais seulement dans des
cas isolés de forme simple
151

auteur
Arthur Langfors
Lucie Nicod
Karl Vossler
Jean Maillard
Dietmar Rieger
date
1926
1917
1951
1982
1997
arguments
« complication technique »
« nécessité d’une certaine suite dans la discussion »
« Les partures appartiennent à la période des débats
réfléchis où chaque partenaire soigne sa réponse et sa
versification »
« La reprise du même schéma strophique et de la même
mélodie est un obstacle à l’improvisation »
« dans environ 10% de toutes les chansons nondialoguées,
les troubadours essaient de produire
explicitement, dans la première cobla, la fiction d’une
improvisation au moyen de formules appartenant au
registre des topos exordiaux, sans qu’on puisse en
conclure à une improvisation réelle (voir aussi Jörn
Gruber, « Singen und Schreiben »). Ce sont les raisons
théâtrales qui sont responsables de cette fiction »
pause de réflexion beaucoup trop longue entre les
strophes
pourquoi noter une première représentation qui devrait
aussi alors être la dernière Aucun indice parlant de «
première » improvisée (par les poètes) et d’autres par des
jongleurs
les rimes ne sont pas si courantes que cela - distance
géographique mentionnée dans un partimen entre Peire
Torat et Guiraut Riquier
proposition
« deux poètes se mettaient d’accord sur le
sujet à traiter, préparaient la pièce
ensemble et, la pièce terminée, la
chantaient dans une réunion littéraire »
« Il est probable que la composition se
faisait à loisir et que tout le temps
nécessaire s’écoulait entre la remise d’une
strophe et sa réponse »
« Probablement ces tensons se faisaient
par écrit, et non pas oralement »
« ces partures étaient préparées, et
données en guise de divertissement
rhétorique » (p. 68)
opposé à Neumeister :
L’alternative à l’improvisation ne serait
pas un débat concerté jusque dans les
moindres détails, une production
« dialogique » basée sur l’écriture et
achevée avant la première performance,
du texte (si l’air est emprunté) ou du texte
et de la mélodie.
Il est question de l’hypothèse d’un texte
créé successivement, de strophe en
strophe, qui n’est pas chanté devant le
public dans une version première,
imparfaite, mais dans sa version définitive
par deux troubadours, chacun assumant la
responsabilité de sa propre partie.
Nuances
« comme on pourrait être
tenté de croire »
« séduction offerte par
l’idée d’un débat
poétique improvisé » (p.
68)
152

10. Les auteurs qui se sont exprimés pour la thèse de
l’improvisation des jeux-partis
auteur
François-Just
Marie Raynouard
Claude-Charles
Fauriel
Rudolf Zenker
Erich Köhler
date
1816
1846
1888
1962-
1979
arguments
(citation simple) « dans des couplets
ordinairement improvisés »
(citation simple) « une tenson ne pouvait être
un peu piquant qu'autant qu'il était pour ainsi
dire improvisé, ou du moins rapidement
composé, et les deux adversaires en face l'un
de l'autre »
renvoie à d’autres exemples de poésie
improvisée en Europe (« Schnaderhüpferl »
des Alpes qui ne serait qu’une variante)
Si la mélodie est empruntée, l’argument de la
difficulté technique perd sa plausibilité
« prépondérance de formes strophiques
utilisées à différentes reprises, souvent même
très répandues et qui devait être assez
familières aux deux interlocuteurs » (p. 5 de
1962)
« l’accumulation […] d’arguments courants,
souvent déjà associés à des expressions
figées et à des rimes faciles et très
maniables » (p. 22 de 1979)
proposition
première rédaction,
imparfaite
puisqu’improvisée
brèves pauses de
réflexion après chaque
strophe
version définitive rédigée
très scrupuleusement
ensuite
Nuances
Critique ultérieure de Rieger :
contradiction entre spontanéité de la
production devant le public courtois
et solennité qui aurait déterminé la
mise en scène du « débat »
Critique ultérieure de Rieger :
brièveté épigrammique des exemples
européens
Auto-critique : « Sans doute une
partie très importante des tensons
conservées ne furent pas improvisées
mais composées par les poètes tout à
loisir, par écrit, lors des rencontres
personnelles, et destinées à être
chantées dans leur forme achevée »
(p. 99)
153

auteur
Sebastian
Neumeister
Michèle Gally
date
1969
2004
arguments
Leur connaissance de questions stéréotypées exige une maîtrise technique
possibilités d’improvisation qu’offre une langue poétique formulaire (p. 25)
Phénomène de l’improvisation d’un texte sur un air préexistant dans le folklore
de beaucoup de peuples (cf. Huizinga) :
mélodie en général empruntée
forme métrique souvent relativement simple
style de la « poésie formelle » et indubitable « routine » de « l’écriture »
troubadouresque
manque d’une véritable communication d’idées dans le partimen, discours à
double voix, paraphrase de positions, peu de richesse d’idées (p. 32-34)
constantes dans les rimes
terminaisons et syntaxe
abondance des paroles creuses
récurrence des syntagmes
temps mis à aborder le sujet
« On supposera raisonnablement qu’un certain nombre de combinaisons
mélodiques, sémantiques et syntaxiques sont suffisamment acquises par les
trouvères pour qu’ils les retrouvent dans une semi-improvisation »
semi-improvisation, définition de Paul Zumthor : «»
Jean Rychner étudie la chanson de geste et mesure l’importance des motifs et des
formules, « essentiels à la mémorisation de textes souvent très longs [...] : plus
l’idée est commune, plus les combinaisons sont nombreuses »
« théâtralise le caractère compétitif »
proposition
accord préalable et
commune programmation
du dialogue entier par les
deux interlocuteurs (p. 34-
35)
remaniement ultérieur de
la chanson improvisée,
mise au point en vue de sa
diffusion manuscrite
« récurrences
d’expressions même peu
chargées de sémantisme »
= « liaisons faciles à
composer
progressivement, de
mémoire selon les mètres
les plus utilisés. » (p. 77)
« A mesure que le jeu
devient plus difficile, la
tension s’accroît chez les
spectateurs » (Huizinga)
Nuances
Auto-critique :
« improviser ensemble,
sans grand-peine, sur un
air préexistant et au gré
du public, des concours
de chant au sujet de
problèmes [est] selon
toute apparence
extrêmement
compliqué » (p. 31)
« improvisation jamais
totale » : on utilise des
matériaux bruts
(thématiques, stylistiques,
musicaux) et des
souvenirs d’autres
performances ou
éléments standards
« Et quelle maîtrise de la
composition des vers
avaient des marchands et
des banquiers » (p. 79)
154

11. Les dates des trouvères figurant dans les jeux-partis du
manuscrit A 230
Prénom Nom Naissance Décès
Jeux-partis 44 à 46
Simon D'Authie c 1180 c 1235
Guillaume Le Vinier c 1190 1245
Gilles Le Vinier fl 1225-52
Richard De Fournival 1201 1260
Gautier De Dargies 1165 1236
Jeux-partis 47 à 53
Thibaut De Champagne 1201 1253
Adam De Givenci fl 1230-68
Moniot D'Arras fl 1213-39
Pierre De Corbie 1195/
Jeux-partis 54 à 75
Lambert Ferri fl c1250-1300
Robert De la Pierre 1258
Jehan De Grieviler fl milieu, fin XIII e siècle
Jehan Le Cuvelier d'Arras fl 1240-70
Philippe Verdiere
Jehan Bretel c 1210 1272
Pierrot De Neele fl milieu, fin XIII e siècle
Adam De la Halle 1245-50 1285, 1306
230 Grove Music Online sous la direction de Laura Macy [en ligne], http://www.grovemusic.com
155

12. Les différentes versions des titres des jeux-partis du manuscrit A
ordre A
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
Tishler
Maistre Simon d'un
essample
Sires fer faites
A vous mesire Gautier
Sire ne(.l) me celez mie
Sire (ke (qui fait mieuz
Amis Guillaume ainc si
Mornes ne vous anuit
Dame (merci) une rien
Bauduvin ils sont doi
Bons rois Thiebaut
Cuvelier vous amerés
Cuvelier s'il est ensi
Jehan Bretel vostre avis
Je vous pr(o)i dame
Jehan Bretel par raison
Conseilliés moi Jehan
Cuvelier et vous Ferri
De çou Rober(t) de (la
(le Piere
Jeanroy (Facsimile)
Maistre Simon, d'un essample nouvel
Sire fer (sic) faites me. I. jugement
A vous, me sire Gautier
Sire, ne me chelés mie
Sire, ki fait mieus a proisier
Amis Guillaume, ains si saige ne vi
Moines, ne vous anuit pas
Dame, merchi, une riens vous demanc (Tenson)
Bauduin, il sont doi amant
Bon rois Tibaut, sire, conseilliés moi
Cuveliers, vous amerés
Cuvelier, s'il est ensi
Jehan Bretel, vostre avis
Je vous pri, dame Maroie
Jehan Bretel, par raison
Conseilliés moi, Jehan de Grieviler
Cuvelier, et vous, Ferri
De cou, Robert de le Piere
Raynaud
Maistre Simon, d'un essample nouvel
Sire F[r]er[e], faites me .I. jugement
A vous, mesire Gautier
Sire, ne me chelés mie
Sire, ki fait mieus a proisier
Amis Guillaume, ains si saige ne vie
Moines, ne vous anuit pas
Dame, merchi, une riens vous demant
Bauduin, il sont doi amant
Bon rois Tibaut, sire, conseillés moi
Cuveliers, vous amerés
Cuvelier, s'il est ainsi
Jehan Bretel, vostre avis
Je vous pri, dame Maroie
Jehan Bretel, par raison
Conseillés moi, Jehan de Grieviler
Cuvelier, et vous, Ferri
De çou, Robert de le Piere
Personnel
Maistre Simon d'un essample nouvel
Sires fer faites me. I. jugement
A vous me sire gautier
Sire ne me cheles mie
Sire ki fait mieus a proisier
Amis guillaume ains si saige ne vi
Moines ne vous anuit pas
Dame, merchi, une riens vous demant
Bauduvin il sont doi amant
Bon rois tibaut sire conseilliés moi
Cuveliers vous amerés
Cuvelier s'il est ensi
Jehan bretel vostre avis
Je vous pri dame Maroie
Jehan bretel par raison
Conseilliés moi jehan de grieviler
Cuvelier et vous ferri
De cou robert de le piere
156

ordre A
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
72
73
74
75
Tishler
Cuvelier un gugement
Biau Phelipot (Verdiere (Vrediere
Grieviler vostre enscient
Amis Pierot de Neele
Lambert Ferri
Respondés à ma Demande
Jehan Simon li quieus
Adan amis mout savés
Avoir quidai (engané (engigné
Adan vaurriés vous manoir
Adan mout fu Aristotes
Adan a moi respondés
Adan qui aroit amee
Sire Jehan ains ne
Jeanroy (Facsimile)
Cuvelier, un gugement
Biau Phelipot Vrediere, je vous proi
Grieviler, vostre ensient
Amis Pierot de Neele
Lambert Ferri, li qeus doit mieus avoir
Respondés a ma demande
Jehan Simon, li qieus s'aquita miex
Adan amis, mout savés bien vo roi
Avoir quidait engané le marchié
Adan, vauriés vous manoir
Adam, mout fu Aristotes sachans
Adan, a moi respondés
Adan, ki aroit amee
Sire Jehan, ains ne fustes partis
Raynaud
Cuvelier, un jugement
Biau Philipot Vrediere, je vous proi
Grieviler, vostre ensient
Amis Pierot de Neele
Lambert Ferri, li queus doit mieux avoir
Respondés a ma demande
Jehan Simon, li quieus s'aquita mieus
Adan amis, mout savés bien vo roi
Avoir quidait engané le marchié
Adan, vauriés vous manoir
Adam, mout fu Aristotes sachans (Sans
doute le même jeu-parti avec variante que
Adan, mout fu Aristotes boins clers.)
Adan, a moi respondés
Adan, ki aroit amée
Sire Jehan, ains ne fustes partis
Personnel
Cuvelier un gugement
Biau phelipot vrediere je vous proi
Grieviler vostre ensient
Amis pierot de neele
Lambert ferri li qeus doit mieus avoir
Respondés a ma demande
Jehan simon li qieus saquita miex
Adan amis mout savés bien vo roi
Avoir quidai engané le marchié
Adan vauriés vous manoir
Adam mout fu aritotes sachans
Adan a moi respondés
Adan, ki aroit amee
Sire Jehan ains ne fustes partis
157

13. Les numéros d’éditions des jeux-partis du manuscrit A
ordre A Titre Folio Jeanroy Raynaud Tischler Langfors Stewart Nicod Badel
44 Maistre Simon d'un essample nouvel 145/136 33 572 329 131 88
45 Sires fer faites me. I. jugement 145/136v 34 691 411 129 84
46 A vous me sire gautier 145/136v 34 1282 728
47 Sire ne me cheles mie 146/137 35 1185 674 5 79
48 Sire ki fait mieus a proisier 146/137v 36 1293 735 130 89
49 Amis guillaume ains si saige ne vi 147/138 37 1085 625 128 87
50 Moines ne vous anuit pas 147/138v 38 378 219 127 85
51 Dame, merchi, une riens vous demant 148/139 39 335 195
52 Bauduvin il sont doi amant 148/139v 40 294 174 9 77
53 Bon rois tibaut sire conseilliés moi 149/140 41 1666 1175 6 80
54 Cuveliers vous amerés 149/140v 42 909 540 64 42
55 Cuvelier s'il est ensi 150/141 43 1025 598 67 43
56 Jehan bretel vostre avis 150/141 43 1523 869 85 60
57 Je vous pri dame Maroie 150/141v 44 1744 1005 144 99
58 Jehan bretel par raison 151/142 45 1888 1078 88 63
59 Conseilliés moi jehan de grieviler 152/142v 46 862 514 24 1
60 Cuvelier et vous ferri 152/143 47 1042 605 47 49
61 De cou robert de le piere 152/143v 48 1331 751 106 73
62 Cuvelier un gugement 152/143v 48 692 412 99 91
63 Biau phelipot vrediere je vous proi 153/144 49 1674 970 103 74
64 Grieviler vostre ensient 153/144v 50 668 391 27 2
65 Amis pierot de neele 154/145 51 596 345 70 45
66 Lambert ferri li qeus doit mieus avoir 155/146 53 1794 1030 51 18
67 Respondés a ma demande 155/146v 54 258 153 28 3
68 Jehan simon li qieus saquita miex 156/147 55 1354 765 74 51
69 Adan amis mout savés bien vo roi 156/147v 56 1675 971 11 11
70 Avoir quidai engané le marchié 157/148v 58 1094 632 123 41 15 16
71 Adan vauriés vous manoir 158/149v 60 1798 1033 109 32 2 2
72 Adam mout fu aritotes sachans 158/149v 60 277 166 116 38 9 9
73 Adan a moi respondés 159/150v 62 950 562 113 35 6 6
74 Adan, ki aroit amee 160/151 63 494 285 114 36 7 7
75 Sire Jehan ains ne fustes partis 160/151v 64 1584 916 111 70 4 4
158

14. Personnages et sujets dans les jeux-partis du manuscrit A 231
Titres
Maistre Simon d'un
essample nouvel
Sires fer faites me. I.
jugement
A vous me sire
gautier
Sire ne me cheles
mie
Sire ki fait mieus a
proisier
Amis guillaume ains
si saige ne vi
Moines ne vous anuit
pas
Protagoniste 1
Gille le Vinier
Guillaume le
Vinier
Richart de
Fournival
Guillaume le
Vinier
Gille le Vinier
Adam de
Givenci
Guillaume le
Vinier
Protagoniste 2
Simon
d'Authie
Gilles le Vinier
Gautier de
Dargies
Thibaut de
Champagne
Guillaume le
Vinier
Guillaume le
Vinier
Moniot d'Arras
()
Sujet général
Le temps dans
l'amour
Le service et
l'amour
Les épreuves
dans l'amour
Différents
actes
amoureux
La réputation
dans l'amour
La conquête
amoureuse
L'évolution de
l'amour
Question de 1
Lequel vaut mieux, qu'un homme vieux
ait une amie jeune, ou qu'un adolescent ait
une amie vieille
Une dame, pour le récompenser de son
service fidèle, admet son ami, la nuit,
dans son lit, mais sans lui accorder d'autre
faveur que de l'embrasser. Lequel des
deux fait le plus pour l'autre
D'abord débat, puis jeu-parti : Qui sait le
mieux aimer entre celui qui ne connaît
que des joies et celui à qui l'amour a
apporté des déceptions
Préférez-vous avoir votre amie toute nue
dans un lit, la nuit, en pleine obscurité, ou
jouir en plein jour, dans un pré, de ses
embrassements, de son sourire, sans
qu'elle vous accorde autre chose
De deux amants, l'un a accepté les faveurs
de sa dame, tandis que l'autre, qui est
encore à faire la cour à la sienne, hésite,
bien que sûr de les obtenir, à les lui
demander, de peur de nuire à sa
réputation. Lequel des deux se conduit le
mieux
Qu'est-ce qui vaut mieux, une grande joie
qui bientôt nous fait défaut ou un haut
espoir qui jamais ne se réalise
Après avoir obtenu les dernières faveurs
de votre dame, l'aimerez-vous moins
Réponse de 2
On estime plus un
homme vieux qui
prend un château neuf
qu'un jeune homme qui
s'empare d'une tour
abandonnée
Lui
Le dernier
La première
alternative
Le premier
Le dernier
non
Juges
Gilon et
Jehan
Pierre de
Corbie
231 Les sujets sont ceux d’Arthur LANGFORS, Alfred JEANROY et Louis BRANDIN, Recueil général des jeux-partis
français, 2 vol., Paris, Édouard Champion (Société des anciens textes français), sauf pour Dame, merchi, une
riens vous demant et Je vous pri dame Maroie.
159

Titres
Dame, merchi, une
riens vous demant
Bauduvin il sont doi
amant
Bon rois tibaut sire
conseilliés moi
Cuveliers vous amerés
Cuvelier s'il est ensi
Jehan bretel vostre avis
Protagoniste 1
Thibaut de
Champagne
Thibaut de
Champagne
un clerc
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Jehan de
Grieviler
Protagoniste 2
Dame
Baudouin
Thibaut de
Champagne
Cuvelier
Cuvelier
Jehan Bretel
Sujet général
L’amour et la
mort
Beauté du corps
et beauté de
l'esprit
La conquête
amoureuse
La rivalité dans
l'amour
Statuts de la
dame
Le temps dans
l'amour
Question de 1
Quand je mourrai, que deviendra
Amour
Deux amoureux courtisent une jeune
fille. Ce qui plaît à l'un d'eux, ce
sont ses mérites et sa courtoisie ;
c'est sa beauté qui charme l'autre.
Lequel des deux a raison
Dois-je faire taire ou avouer mon
amour à une dame pour laquelle je
brûle depuis longtemps
Vous faites la cour à une dame et
vous avez un rival. Préfèreriez-vous
qu'elle vous éconduisît tous deux ou
qu'elle vous accordât ses faveurs à
tous deux également
Vous aimez tendrement une jeune
demoiselle. Voudriez-vous l'avoir
pour femme ou pour maîtresse
Un homme est également aimé de
deux femmes qu'il a courtisées, mais
l'une s'est fait prier longtemps,
tandis que l'autre l'a écouté sans
retard. Laquelle doit-elle servir de
préférence
Réponse de 2
Amour sera toujours
aussi grand après la
mort
Le premier
Vous ne devez le lui
faire savoir qu'en
continuant à la servir
fidèlement
Le premier
Le premier
La seconde
Juges
Ferri et Dragon
160

Titres
Je vous pri dame
Maroie
Jehan bretel par raison
Conseilliés moi jehan
de grieviler
Cuvelier et vous ferri
De cou robert de le
piere
Cuvelier un gugement
Biau phelipot vrediere
je vous proi
Protagoniste 1
Dame Margot
Lambert Ferri
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Lam bert Ferri
Jehan de
Grieviler
Lambert Ferri
Protagoniste 2
Dame Maroie
Jehan Bretel
Jehan de
Grieviler
Cuvelier, Ferri &
Grieviler
Robert de le
Piere
Cuvelier
Philippot
Verdiere
Sujet général
La conquête
amoureuse
La rivalité dans
l'amour
La conquête
amoureuse
La conquête
amoureuse
L'évolution de
l'amour
La conquête
amoureuse
La conquête
amoureuse
Question de 1
Si une dame se sait aimée mais que
son ami n’ose pas agir, doit-elle agir
ou se taire
Ma dame, sans aucune raison, me
délaisse, pour en prendre un autre.
Que dois-je faire
Je soupire depuis longtemps en vain
auprès d'une dame. Dois-je
continuer à la courtiser ou me
tourner vers une autre qui me fait
des avances
Un homme demande son amour à
une dame, qui le lui accorde, mais
en paroles seulement. A-t-il le droit
de réclamer d'avantage
Si un amant épouse son amie, leur
amour en diminue-t-il Il semble
qu'il en soit ainsi, puisque Robert,
depuis qu'il a épousé son amie, a
cessé de chanter.
Deux jeunes hommes font la cour à
la même dame. L'un la prie
gracieusement, tandis que l'autre lui
fait de larges présents. Lequel arrive
à ses fins
Une dame a donné rendez-vous à
son ami ; mais il sait que, s'il y va, il
sera vu des médisants. Agit-il plus
mal en y allant ou en s'abstenant
Réponse de 2
Agir
Il faut vous éloigner d'elle
Vous avez tort d'insister si vous
trouvez auprès d'une autre ce
que vous désirez
Oui
Non, au contraire
Le dernier
C'est dans le second cas qu'il est
le plus blâmable
Juges
Le Trésorier
d'Aire et
Dragon
Sire Audefroy
et Dragon
Viet et Varlet
Simon Poucin et
Dragon
Le Trésorier
d'Aire et
Dragon
161

Titres
Grieviler vostre ensient
Amis pierot de neele
Lambert ferri li qeus
doit mieus avoir
Respondés a ma
demande
Jehan simon li qieus
saquita miex
Protagoniste 1
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Protagoniste 2
Jehan de
Grieviler
Perrot de Neele
Lambert Ferri
Jehan de
Grieviler
Jehan Simon
Sujet général
Beauté du corps
et beauté de
l'esprit
La rivalité dans
l'amour
L'évolution de
l'amour
La rivalité dans
l'amour
L'âge dans
l'amour
Question de 1
Préféreriez-vous que votre amie fût
passablement belle et pleine
d'intelligence, ou qu'elle fût
passablement intelligente et
extraordinairement belle
Supposez que nous aimions
sincèrement la même femme, et
qu'elle vous ait accordé, à vous seul,
ses faveurs. Au moment où je suis
sur le point de les obtenir, moi aussi,
nous sommes obligés, tous les deux,
de nous séparer d'elle pour toujours.
Lequel de nous deux doit avoir le
plus de chagin
Lequel est plus disposé à faire des
prouesses, celui qui sert Amour en
bon espoir, ou celui qui est déjà en
possession de ses joies
J'aime une dame et je suis payé de
retour. Or il arrive qu'un autre
homme la prie d'amour, mais sans
succès. Doit-elle me le cacher ou me
le dire
Lequel a mieux servi Amour, celui
qui l'a fait dès l'âge de seize ans
jusqu'à l'âge de cinquante, puis y a
renoncé, ou celui qui s'est mis à
aimer à l'âge de quarante ans
seulement et a persévéré jusqu'à la
fin de ses jours
Réponse de 2
Le premier
Celui qui n'a rien
obtenu
Le dernier
Vous le dire
Le premier
Juges
Dragon et Demisele
Oede (A/a) /Sire
Audefroy (G/Z/b)
Grieviler et Ferri
Tassart de Rains et
Dragon
Ferri et Felippot
162

Titres
Adan amis mout savés
bien vo roi
Avoir quidai engané le
marchié
Adan vauriés vous
manoir
Adam mout fu aritotes
sachans
Adan a moi respondés
Adan, ki aroit amee
Sire Jehan ains ne
fustes partis
Protagoniste 1
Adam de la
Halle
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Jehan Bretel
Adam de la
Halle
Protagoniste 2
Jehan Bretel
Adam de la
Halle
Adam de la
Halle
Adam de la
Halle
Adam de la
Halle
Adam de la
Halle
Jehan Bretel
Sujet général
Très long :
autour de
l'Amour, la
loyauté, la
jeunesse
La rivalité dans
l'amour
Le sacrifice
d'une ville dans
l'amour
La confiance
dans l'amour
La place de
l'amour
La rupture
amoureuse
La conquête
amoureuse
Question de 1
Vous savez fort bien les droits et règles de
l'amour : de grâce, dites avec quoi, comment
et pourquoi vous servez l'amour
J'ai fait la cour à une dame, si bien qu'elle m'a
accueilli courtoisement ; mais je m'aperçois
qu'elle accueille tout le monde avec la même
amabilité. Ai-je perdu ou gagné à la
conquérir
Voudriez-vous demeurer à Arras toute votre
vie, disposant de toutes les richesses qui s'y
trouvent et d'une belle que vous aimeriez
bien, s'il vous fallait n'y voir personne qu'elle
et ne jamais quitter la ville
Le savant Aristote fut chevauché en selle par
une amie qui lui manqua de parole : voudriezvous
être traité de même par votre dame, à
condition qu'elle tînt sa promesse
Qu'est-ce qui est préférable : faire la conquête
de sa dame par trahison, ou la servir toute sa
vie sans autre récompense que de la voir
satisfaite
Un amant, après avoir fidèlement servi sa
dame pendant sept ans, sans en avoir reçu
merci, peut-il l'abandonner et chercher
consolation auprès d'une autre
De deux hommes, lequel aime mieux, celui
qui fait sa cour avec entrain, allègrement, ou
celui qui se conduit avec discrétion, en
homme réservé
Réponse de 2
Je sers Amour du
cœur, par mon chant
et ma bonne
conduite
Puisque vous avez
ce que vous désiriez,
vous avez gagné
Oui
Oui
Le premier
Oui
Le discret
Juges
Dame de
Danemoi,
Audefroi et
Ferri
Ferri
Grieviler et
Cuvelier
Evrart et Ferri
(Ferri et Dragon
d'après Q)
Ferri et
Grieviler
Ferri et Dragon
Sire Audefroy et
Dragon
163

Concernant les tableaux des pages suivantes, placés en annexes n°15, 16 et 18 (pages 165 à
171), les références utilisées pour les mélodies et leurs structures sont les catalogues d’Hans
Tischler 232 et Michelle Stewart 233 . Le tableau ci-après donne les légendes des couleurs :
jaune
couleur représente les jeux-partis :
gris clair
en unica
ou vert lorsqu’il aux mélodies (et donc structures) similaires (moins de cinq
y a doublon
variantes 234 )
orange clair
aux mélodies (et donc structures) à peu près similaires (plus de
cinq variantes)
marron
aux mélodies différentes mais aux structures (seules) similaires
rouge
aux mélodies et aux structures complètement différentes
232 Michelle STEWART, The Melodic Structure in the Music of the Thirteenth-Century Jeux-Partis, Master of Arts
with Honours, University of New England, 1977.
233 Hans TISCHLER, Trouvères Lyrics with Melodies: Complete comparative edition, 15 vol., Neuhausen,
Hänssler Verlag, 1997.
234 Il y a de toute manière toujours au moins une variante entre deux mélodies de jeu-parti : aucun jeu-parti ne
présente deux fois une mélodie exactement la même.
164

15. Les concordances des sources musicales : mélodies et
structures
Titre
Maistre Simon d'un essample nouvel
Sires fer faites me. I. jugement
A vous me sire gautier
Sire ne me cheles mie
Sire ki fait mieus a proisier
Amis guillaume ains si saige ne vi
Moines ne vous anuit pas
Dame, merchi, une riens vous
demant
Bauduvin il sont doi amant
Bon rois tibaut sire conseilliés moi
ordre de A
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
A
ABAB’
X
ABAB
X
ABAB
X
ABAB
X
ABAB
X
libre1
ABAB
X
ABAB
X
ABAB
X
ABAB
X
K
CDCD
Y
A’B’A’B’
X’
CDCD
Y
M
pas de
musique
CDCD
Y
A’B’A’B’
X’
libre3’
CDCD
Y
A’’B’’
A’’B’’
X’’
portées
vides
CDCD
Y
O
CDCD
Y
A’’’B’’’
A’’’B’’’
X’’’
portées
vides
C’D’C’D’
Y’
Q
T
CDCD
Y
pas de
musique
A''B''A’’B''
X’’
libre3
pas de
musique
portées
vides
portées
vides
V
libre1
libre1
libre1
W
X
CDCDY
A’B’A’B’
X’
C’’D’’
C’’D’’
Y’’
Y
perdu
Z
absence
des
données
a
(manque
12,5 vers
au début)
libre1
portées
vides
ABAB
X
libre3
CDCD
Y
ABAB
X
CDCD
X
C’D’C’D’
Y’
165

Titre
Cuveliers vous amerés
Cuvelier s'il est ensi
Jehan bretel vostre avis
Je vous pri dame Maroie
Jehan bretel par raison
Conseilliés moi jehan de grieviler
Cuvelier et vous ferri
De cou robert de le piere
Cuvelier un gugement
Biau phelipot vrediere je vous proi
Grieviler vostre ensient
Amis pierot de neele
Lambert ferri li qeus doit mieus avoir
Respondés a ma demande
Jehan simon li qieus saquita miex
ordre de A
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68
A
ABAB X
ABAB X
ABAB X
ABAB X
libre1
ABAB X
ABAB X
ABAB X
ABAB X
ABAB X
ABAB X
ABAB X
ABAB X
ABAB X
ABAB X
K
M
O
Q
T
V
W
X
Y
Z
ABAB X
ABAB X
libre1
CDCD Y
A’B’A’B’ Y
(quinte audessus)
a
ABAB X
libre1
ABAB X
CDCD Y
libre2
CDCD Y
CDCD Y
ABAB X
ABAB X
libre1’
EFEF Z
CDCD Y
CDCD Y
CDCD Z
CDCD Y
166

Titre
Adan amis mout savés bien vo roi
Avoir quidai engané le marchié
Adan vauriés vous manoir
Adam mout fu aritotes sachans
Adan a moi respondés
Adan, ki aroit amee
Sire Jehan ains ne fustes partis
ordre de A
69
70
71
72
73
74
75
A
ABAB
X
libre1
libre1
libre1
libre1
libre1
ABAB
X
K
M
O
Q
pas de
musique
pas de
musique
pas de
musique
pas de
musique
pas de
musique
pas de
musique
pas de
musique
T
V
W
libre1
ABAB
X
libre2
libre2
libre2
libre2
CDCD
Y
X
Y
Z
a
CDCD
Y
CDCD
Y
ABAB
X
libre3
libre3
libre3
EFEF
Z
167

16. Concordance des mélodies des 105 jeux-partis avec musique
entre les manuscrits
Les manuscrits sont donnés en abscisse et les numéros d’ordre des jeux-partis en
ordonnées (ils suivent l’ordre du catalogue de Michelle Stewart). Le code de couleur est
donné page 164.
A a Z W M T K O R V X D N P
1
2
3

A a Z W M T K O R V X D N P
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
72
73
74

17. Éditions des Jeux-partis enregistrés
Titre
Avoir cuidai engané le marchié
Assignis chi, Griviler, jugerient
Phelipe, je vos demant
Adan, vauriés vous manoir
Princes del Pui, selonc vostre
pensee
Amis, quelx est li mieus vaillanz
Sire, loez moi a choisir
Protagonistes
Jehan Bretel & Adam
de la Halle
Adam de la Halle &
Jehan de Grieviler
Thibaut de
Champagne &
Phelippe (de
Nanteuil )
Jehan Bretel & Adam
de la Halle
Lambert Ferri &
Jehan Bretel
La Dame & l'Ami
Raoul (de Soissons )
& Thibaut de
Champagne
Raynaud
1094
690
334
1798
547
365
1393 et
1423a selon
Stewart
Tischler
632
410
194-432
1033
314
203
804,1
Langfors
123
122
3
109
90
153
7
Stewart
41
105
76
32
65
103
81
Nicod
15
(p. 114)
14
(p. 110)
2
Badel
16
15
2
170

18. Sources des jeux-partis enregistrés
Titre
Avoir cuidai engané le marchié
Assignis chi, Griviler, jugerient
Phelipe, je vos demant
Adan, vauriés vous manoir
Princes del Pui, selonc vostre pensee
Amis, quelx est li mieus vaillanz
Sire, loez moi a choisir
A
157/148v
libre1
158/149v
libre1
K
37
ABAB
X
43
ABAB
X
strophes
1 à 5
M
70
ABAB
X
72
ABAB
X
N
perdu
10
ABAB
X
O
96
ABAB
X
13v
libre1
strophes
1 à 3
128
ABAB
X
P
228
(Langfors
marque O)
ABAB X
R
V
81v
libre1
19v
libre2
22 libre1
W
31v
ABAB
X
31 libre1
24 libre2
X
38v
ABAB
X
42
ABAB
X
a
176
CDCD
Y
180
libre2
177
ABAB
X
171
libre1
171

19. Références des enregistrements et critiques discographiques
Titre du jeu-parti
Avoir cuidai
engané le marchié
Assignis chi,
Griviler, jugerient
Phelipe, je vos
demant
Adan, vauriés vous
manoir
Princes del Pui,
selonc vostre
pensee
Amis, quelx est li
mieus vaillanz
Sire, loez moi a
choisir
Titre du CD
Trouvères, Courtly Love Songs
from Northern France c. 1175-
1300
The Spirits of England and
France, vol. 2 (Songs of the
Trouvères)
Danzas medievales espaňolas, La
Espaňa de los Cinco Reino
Les Motés d'Arras
Les Motés d'Arras
Heu, fortuna, musique au temps
de Philippe IV le Bel (1260-1314
Teaching Medieval Lyric with
modern technology - New
Windows on the Medieval World
(National Endowment for the
Humanities and Mount Holyoke
College)
groupe
Sequentia (ici :
Benjmain Bagby et
Josep Benep
Gothic Voices
dirigés par
Christopher Page
Eduardo Paniagua
Group
New Orleans
Musica da Camera
(Scheuermann, St-
Julien)
New Orleans
Musica da Camera
(Scheuermann, St-
Julien)
La Rota
Robert Eisenstein
Peter Becker
(Raoul) and Mark
Bleeke (Thibaut),
Vielle
Producteur
Deutsche
Harmonia
Mundi
Hyperion
M-A
Recordings
Centaur
Centaur
ATMA
Classique
Margaret
Switten and
Robert
Eisenstein
année
1984
1994
1995
2000
2000
2007
1987 -
2001
plage
16 du
CD1
14
10
10
2
4
4 et 15
durée
3'56
3'41
4'30
6'10
8'36
4'02
5'04
Ms.
de
base
W
P
K
W
a
O
K
Nombre de
strophes
interprétées
7 sur 7
4 sur 8
7 sur 8 +
introduction et
conclusion
instrumentales
8 sur 8 +
introduction et
conclusion
instrumentales
8 sur 8 +
introduction et
conclusion
instrumentales
3 sur 8 +
introduction et
conclusion
instrumentales
6 sur 6 +
introduction et
conclusion
instrumentales
Chant
2 hommes
2 hommes
Pas de chant
Un homme
et une
femme
Un homme
et une
femme
Une seule
femme
2 hommes
en jouant sur
la stéréo et
le ton de la
voix
Instruments
aucun
aucun
cornemuse, flûte à
bec, vihula de
pinola, oud,
crécelle en
dialogue
vièle qui
accompagne par de
simples harmonies
un instrument par
interprète : une
vièle et un rebec
une vièle, une
harpe et une flûte
en écriture
évolutive et
élaborée
une vièle qui
ponctue et double
Rythme
vivant et
déclamé,
sans mode
rythmique
notes très
régulières
très
rythmique
: pas
d'édition
valable
vivant,
mais sans
mode
rythmique
vivant,
mais sans
mode
rythmique
notion de
rythme et
de
pulsation
172

Sources manuscrites
Les différents manuscrits évoqués au cours de ce mémoire sont désignés par les sigles
d’Eduard Schwan 235 , aussi utilisés par Gaston Raynaud et Alfred Jeanroy.
1. Source principale
manuscrit A : Arras, Bibliothèque Municipale, ms. 657 (anciennement ms. 139).
2. Sources secondaires
manuscrit a : Vatican, Biblioteca apostolica Vaticana, ms. Reg. lat. 1490.
manuscrit B : Frankfurt, Stadtbibliothek, olim 29.
manuscrit D : Berne, Burgerbibliothek, ms. 231.
manuscrit K : Paris, Bibliothèque de l’Arsenal 5198.
manuscrit M : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 844.
manuscrit N : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 845.
manuscrit O : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 846.
manuscrit P : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 847.
manuscrit Q : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 1109.
manuscrit R : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 1591.
manuscrit T : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12615.
manuscrit U : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 20050.
manuscrit V : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 24406.
manuscrit W : Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 25566.
manuscrit X : Paris, Bibliothèque Nationale de France, nouvelle acquisition française 1050.
manuscrit Z : Siena, Bibliothèque Municipale, H x 36.
manuscrit p7 : Paris, Bibliothèque Nationale de France, lat. 14947.
235 Eduard SCHWAN, Die altfranzösischen Liederhandschriften, ihr Verhältniss, ihre Entstehung und ihre
Bestimmung, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1886, p. 2.
173

Bibliographie
1. Éditions (par ordre chronologique)
1.1. Editions du chansonnier d’Arras
JEANROY, Alfred, Le Chansonnier d’Arras, reproduction en phototypie, Paris, Société des
Anciens Textes Français, 1925.
STEWART, Michelle Fernande, Select chansons from Le Chansonnier d'Arras, mémoire
universitaire, University of New England, 1975.
LOCKERT, Robin, The “Chansonnier d’Arras”: a critical edition, thèse de doctorat, McMaster
University, 1993.
TISCHLER, Hans, Trouvères Lyrics with Melodies: Complete comparative edition, 15 vol.,
Neuhausen, Hänssler Verlag, 1997.
1.2. Éditions des jeux-partis
DE COUSSEMAKER, Edmond, Œuvres complètes du trouvère Adam de la Halle, Paris, A.
Durand et Pédone-Lauriel, 1872. Avec musique.
RAYNAUD, Gaston, « Deux jeux-partis inédits d'Adam de la Halle », Romania, 6 (1877), p.
590-593.
NICOD, Lucie, « Les jeux partis d’Adam de la Halle », Bibliographie de l’École des Hautes
Études 224, 1917. Avec traduction des textes.
LANGFORS, Arthur, Alfred JEANROY et Louis BRANDIN, Recueil général des jeux-partis
français, 2 vol., Paris, Édouard Champion (Société des anciens textes français), 1926.
STEWART, Michelle Fernande, The Melodic Structure in the Music of the Thirteenth-Century
Jeux-Partis, Master of Arts with Honours, University of New England, 1977.
BADEL, Pierre-Yves, Oeuvres complètes d’Adam de la Halle, Paris, Le livre de poche, 1995.
Avec traduction des textes et musique (édition d’Edmond de Coussemaker).
TISCHLER, Hans, Trouvères Lyrics with Melodies: Complete comparative edition, 15 vol.,
Neuhausen, Hänssler Verlag, 1997. Avec musique.
2. Études du manuscrit A
2. 1. Dans les catalogues anciens
174

CARON, Zéphir François Cicéron (dit « Caron II »), Catalogue des manuscrits de la
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Thibaut de CHAMPAGNE et Raoul de SOISSONS, « Sire loëz-moi a choisir (RS 1393) », dans
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World - A Project Supported by the National Endowment for the Humanities and
Mount Holyoke College, The Medieval Lyric, 2 CD-ROM et 7 CD, Mark Bleeke (Ténor
- Thibaut) Peter Becker (Baryton - Raoul), Robert Eisenstein (Vielle), disque compact,
sous la direction de Margaret Switten et Robert Eisenstein, 1987.
Thibaut de CHAMPAGNE et Raoul de SOISSONS, « Sire loëz-moi a choisir (RS 1393) », dans
The Medieval Lyric, A Project Supported by the National Endowment for the
Humanities and Mount Holyoke College - The Medieval Lyric, 5 CD, avec Pierre Bec
pour la récitation, disque compact, sous la direction de Margaret Switten et Robert
Eisenstein, 1987.
Thibaut de CHAMPAGNE et Raoul de SOISSONS, « Sire loëz-moi a choisir (RS 1393) », dans
Teaching Medieval Lyric with modern technology - New Windows on the Medieval
World - A Project Supported by the National Endowment for the Humanities and
Mount Holyoke College, The Medieval Lyric, 2 CD-ROM et 7 CD, avec Pierre Bec pour
la récitation, disque compact, sous la direction de Margaret Switten et Robert
Eisenstein, 1987.
186

1. 2. Jehan Bretel et Adam de la Halle
Adam de la HALLE et Jehan BRETEL, « Avoir cuidai engané le marchié (jeu-parti) - 2 voix »,
dans Trouvères, Courtly Love Songs from Northern France, c.1175-1300, Sequentia,
disque compact, Deutsche Harmonia Mundi (EMI) CDS 7 49387 2 (2 CDs), juillet
1982.
Adam de la HALLE et Jehan de GRIEVILER, « Assenés chi, Grievilier », dans The Spirits of
England and France, vol. 2 (Songs of the Trouvères), Gothic Voices (dir. : Christopher
Page), disque compact, Hyperion, 1994.
Adam de la HALLE et Jehan BRETEL, « Adan, vaurries vous manoir », dans Les Motés d'Arras
- The Songs of Arras, New Orleans Musica Da Camera (dir. : Milton Scheuermann &
Thaïs St. Julien), disque compact, Centaur 2583, juillet 2000.
Jehan BRETEL et Lambert FERRI, « Princes del Pui selonc vostre pensee », dans Les Motés
d'Arras - The Songs of Arras, New Orleans Musica Da Camera (dir. : Milton
Scheuermann & Thaïs St. Julien), disque compact, Centaur 2583, juillet 2000.
2. Références troubadouredesques
Bernart de Ventadorn, « Quan vei la lauzeta mover », dans La Tròba, Anthologie chantée des
troubadours, vol. 1, CD 4, Troubadours Art Ensemble (dir. Gérard Zuchetto), disque
compact, Tròba Vox, 2007.
Tensons e partimens de trobairitz, Gérard Zuchetto chante les troubadours XII e et XIII e siècles,
vol. 3, disque compact, Gallo, 1993 237 .
3. Quelques joutes poétiques traditionnelles chantées
Contrasto de scène dans Elisabeth ROSSE, Chanter la poésie en Italie Centrale, mémoire de
Maîtrise préparé sous la direction de Jérôme Cler, Université Paris IV-Sorbonne, 2004.
Gara poetica dans Maria MANCA, La poésie pour répondre au hasard, une approche
anthropologique des joutes poétiques de Sardaigne, préparé sous la direction de Aurore
Monod-Becquelin, Université Paris X-Nanterre, 2002.
Bertsu, récupéré sur le site Internet [en ligne], www.bertsulari.com (consulté le 6 août 2009).
237 En introduction de ce CD, Gérard ZUCHETTO écrit « Jongleurs d’aujourd’hui, nous avons élaboré cet
enregistrement dans la confrontation et l’improvisation vocale et instrumentale en essayant de donner aux
œuvres l’actualité qu’elles contiennent ».
187

Table des illustrations
Fig. 1 – Hybrides musiciens présents en marge respectivement aux folios 22, 28, 89 et 116v.
.................................................................................................................................................. 16
Fig. 2 – Personnages musiciens présents dans les miniatures du Bestiaire d’amour de Richard
de Fournival, respectivement aux folios 101v, 104 et 104v. .................................................... 18
Fig. 3 – Tailles des lettres avec et sans jambage dans trois folios du chansonnier d’Arras. .... 22
Fig. 4 – Fiche de réglure référence du chansonnier d’Arras .................................................... 24
Fig. 5 – La forme des six premières piqûres des cahiers A-B-C-D. ........................................ 26
Fig. 6 – La forme des six premières piqûres du cahier E. ........................................................ 26
Fig. 7 – Le folio 147/138v avec la couleur de tous les versos (147/138v, 146/137v, 145/136v,
144/135v). ................................................................................................................................ 27
Fig. 8 – Les trouvères du chansonnier d’Arras : noms, fonctions, période d’activité. ............. 35
Fig. 9 – Les différences d’agencement des lignes des manuscrits a et A. ................................ 38
Fig. 10 – Partie inférieure de la baguette du folio 145/136 (on y voit, de gauche à droite, le
singe gris, le lièvre et le chien gris). ......................................................................................... 55
Fig. 11 – La fleur de lys présente au bas du folio 137/160. ..................................................... 56
Fig. 12 – Différence entre les dessins des bas de folios. .......................................................... 56
Fig. 13 – Les différentes joutes poétiques traditionnelles chantées citées. .............................. 62
Fig. 14 – Fréquence en pourcentage des structures des 207 mélodies de jeux-partis. ............. 67
Fig. 15 – Fréquence en pourcentage des correspondances de structures mélodique et textuelle.
.................................................................................................................................................. 68
Fig. 16 – Différences notables des caractéristiques musicales entre l’ensemble des mélodies
de plain-chant et celles de jeux-partis. ..................................................................................... 70
Fig. 17 – Fréquence des modes dans les jeux-partis. ............................................................... 70
Fig. 18 – Les deux principaux dessins mélodiques. ................................................................. 71
Fig. 19 – Les deux dessins mélodiques secondaires. ............................................................... 71
Fig. 20 – Fréquence de répétition des hauteurs finales et/ou initiales dans les 140 mélodies de
jeux-partis de la forme AB AB X. ............................................................................................ 72
Fig. 21 – Répétition du même motif mélodique au début de plusieurs jeux-partis. ................. 72
Fig. 22 – Répétition du même motif mélodique au début d’un jeu-parti et à la fin d’un autre.
.................................................................................................................................................. 73
188

Fig. 23 – Les mouvements cadentiels dans les 1855 phrases de jeux-partis, classés par
mouvement numérique (sans distinction entre tons et demi-tons). .......................................... 73
Fig. 24 – Les seuls jeux-partis dont les mélodies sont reprises dans d’autres manuscrits. ...... 88
Fig. 25 – Éléments pris en compte pour la mise en valeur des ensemble de jeux-partis. ........ 91
Fig. 26 – Les mélodies du jeu-parti Avoir cuidai engané le marchié. ..................................... 99
Fig. 27 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de A. ............................................. 100
Fig. 28 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de W. ............................................ 100
Fig. 29 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de a. ............................................. 100
Fig. 30 – Les mélodies du jeu-parti Assignés chi, Grivilier, jugement !................................ 104
Fig. 31 – Les mélodies du jeu-parti Phelipe, je vos demant, Qu’est devenuë amors. ............ 108
Fig. 32 – Les mélodies du jeu-parti Phelipe, je vos demant, Dui ami de cuer verai ............. 109
Fig. 33 – Les instruments utilisés dans les questions-réponses des couplets centraux d’une
version instrumentale enregistrée de Phelip je vous demant. ................................................. 111
Fig. 34 – Les mélodies du jeu-parti Adam, vaurriés vous manoir ......................................... 114
Fig. 35 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de A. ............................................. 114
Fig. 36 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de W. ............................................ 115
Fig. 37 – séries de tierces dans les phrases de la mélodie de a. ............................................. 115
Fig. 38 – L’introduction de la vièle (ligne supérieure) superposée à la ligne mélodique du jeuparti
Adam vaurriés vous manoir (original et à la quinte). .................................................... 116
Fig. 39 – La conclusion de la vièle dans l’enregistrement du jeu-parti Adam vaurriés vous
manoir. ................................................................................................................................... 116
Fig. 40 – La mélodie du jeu-parti Princes del Pui, selonc vostre pensee. ............................. 119
Fig. 41 – La mélodie du jeu-parti Amis, quelx est li mieuz vaillanz ....................................... 121
Fig. 42 – Conduite mélodique du jeu-parti Amis, quelx est li mieuz vaillanz ........................ 122
Fig. 43 – Les mélodies de timbre du jeu-parti Amis, quelx est li mieuz vaillanz. .................. 124
Fig. 44 – Les mélodies du jeu-parti Sire, loëz moi a choisir. ................................................. 130
189

Table des illustrations sonores
Les numéros précédant chaque référence correspondent à la piste du CD joint avec ce
mémoire.
1) Adam de la HALLE et Jehan BRETEL, « Avoir cuidai engané le marchié (jeu-parti) - 2
voix », dans Trouvères, Courtly Love Songs from Northern France, c.1175-1300,
Sequentia, disque compact, Deutsche Harmonia Mundi (EMI) CDS 7 49387 2 (2 CDs),
juillet 1982.
2) Adam de la HALLE et Jehan de GRIEVILER, « Assenés chi, Grievilier », dans The Spirits of
England and France, vol. 2 (Songs of the Trouvères), Gothic Voices (dir. : Christopher
Page), disque compact, Hyperion, 1994.
3) Thibaut de CHAMPAGNE et PHELIPE, « Phelipe, je vous demand », dans Danzas medievales
españolas, La España de los Cinco Reinos - The Spain of Five Kingdoms, Eduardo
Paniagua Group, disque compact, M·A Recordings M034A 1995.
4) Adam de la HALLE et Jehan BRETEL, « Adan, vaurries vous manoir », dans Les Motés
d'Arras - The Songs of Arras, New Orleans Musica Da Camera (dir. : Milton
Scheuermann & Thaïs St. Julien), disque compact, Centaur 2583, juillet 2000.
5) Jehan BRETEL et Lambert FERRI, « Princes del Pui selonc vostre pensee », dans Les Motés
d'Arras - The Songs of Arras, New Orleans Musica Da Camera (dir. : Milton
Scheuermann & Thaïs St. Julien), disque compact, Centaur 2583, juillet 2000.
6) La DAME et l’AMI, « Amis, quelx est li mieuz vaillanz », dans Heu fortuna, Musique au
temps de Philippe IV le Bel (1260-1314), La Rota, disque compact, ATMA
« Classique », ACD2 2561, 2007.
7) Thibaut de CHAMPAGNE et Raoul de SOISSONS, « Sire loëz-moi a choisir (RS 1393) », dans
The Medieval Lyric, A Project Supported by the National Endowment for the
Humanities and Mount Holyoke College - The Medieval Lyric, 5 CD, avec Mark Bleeke
(Ténor - Thibaut) Peter Becker (Baryton - Raoul), Robert Eisenstein (Vielle), disque
compact, sous la direction de Margaret Switten et Robert Eisenstein, 1987.
Thibaut de CHAMPAGNE et Raoul de SOISSONS, « Sire loëz-moi a choisir (RS 1393) », dans
Teaching Medieval Lyric with modern technology - New Windows on the Medieval
World - A Project Supported by the National Endowment for the Humanities and
Mount Holyoke College, The Medieval Lyric, 2 CD-ROM et 7 CD, Mark Bleeke (Ténor
190

- Thibaut) Peter Becker (Baryton - Raoul), Robert Eisenstein (Vielle), disque compact,
sous la direction de Margaret Switten et Robert Eisenstein, 1987.
8) Thibaut de CHAMPAGNE et Raoul de SOISSONS, « Sire loëz-moi a choisir (RS 1393) », dans
The Medieval Lyric, A Project Supported by the National Endowment for the
Humanities and Mount Holyoke College - The Medieval Lyric, 5 CD, avec Pierre Bec
pour la récitation, disque compact, sous la direction de Margaret Switten et Robert
Eisenstein, 1987.
Thibaut de CHAMPAGNE et Raoul de SOISSONS, « Sire loëz-moi a choisir (RS 1393) », dans
Teaching Medieval Lyric with modern technology - New Windows on the Medieval
World - A Project Supported by the National Endowment for the Humanities and
Mount Holyoke College, The Medieval Lyric, 2 CD-ROM et 7 CD, avec Pierre Bec pour
la récitation, disque compact, sous la direction de Margaret Switten et Robert
Eisenstein, 1987.
9) Bernart de Ventadorn, « Quan vei la lauzeta mover », dans La Tròba, Anthologie chantée
des troubadours, vol. 1, CD 4, Troubadours Art Ensemble (dir. Gérard Zuchetto),
disque compact, Tròba Vox, 2007.
10) « Amics, en gran cossirier », dans Tensons e partimens de trobairitz, Gérard Zuchetto
chante les troubadours XII e et XIII e siècles, vol. 3, disque compact, Gallo, 1993 238 .
11) Début d’un contrasto de scène à propos de l’école privée et l’école publique entre Gianni
CIOLLI et Enrico RUSTICCI, à Ribolla en avril 2003, dans Elisabeth ROSSE, Chanter la
poésie en Italie Centrale, mémoire de Maîtrise préparé sous la direction de Jérôme Cler,
Université Paris IV-Sorbonne, 2004.
12) Extrait d’une gara poetica à propos de « ce Monde-ci » et « l’Autre Monde » entre
Bernardu ZIZI et Mariu MASALA, à Ghilearza le 8 août 1999, dans Maria MANCA, La
poésie pour répondre au hasard, une approche anthropologique des joutes poétiques de
Sardaigne, préparé sous la direction de Aurore Monod-Becquelin, Université Paris X-
Nanterre, 2002.
13) Extrait d’un bertsu, récupéré sur le site Internet [en ligne], www.bertsulari.com (consulté
le 6 août 2009).
238 En introduction de ce CD, Gérard ZUCHETTO écrit « Jongleurs d’aujourd’hui, nous avons élaboré cet
enregistrement dans la confrontation et l’improvisation vocale et instrumentale en essayant de donner aux
œuvres l’actualité qu’elles contiennent ».
191

Table des matières
Remerciements ....................................................................................................................... 5
Sommaire ............................................................................................................................... 7
Avertissement ......................................................................................................................... 9
Introduction générale ................................................................................................................ 11
Première partie : Étude codicologique du chansonnier d’Arras ............................................. 13
1. Aspects généraux du manuscrit ........................................................................................ 14
1. 1. Diversité des cotes .................................................................................................... 14
1. 2. Contenu général du manuscrit A .............................................................................. 15
1. 2. 1. Premier manuscrit 657.1 .................................................................................. 16
1. 2. 2. Deuxième manuscrit 657.2 ............................................................................... 19
1. 2. 3. Troisième manuscrit 657.3 ............................................................................... 19
1. 3. Datation .................................................................................................................... 20
1. 4. Les copistes .............................................................................................................. 20
1. 5. Lieu de copie ............................................................................................................ 22
2. État du manuscrit et codicologie ...................................................................................... 23
2. 1. Format, dimensions et fiche de réglure .................................................................... 23
2. 2. Forme ....................................................................................................................... 24
2. 3. Structures extrêmes .................................................................................................. 25
2. 4. Les piqûres ............................................................................................................... 26
2. 5. Les côtés « poil » et « chair »................................................................................... 26
3. Un manuscrit mutilé ......................................................................................................... 28
3. 1. Histoire du manuscrit et de ses mutilations .............................................................. 28
3. 2. Des feuillets manquants ........................................................................................... 31
3. 3. Des feuillets désordonnés ......................................................................................... 32
4. Contenu du chansonnier ................................................................................................... 35
4. 1. Cahiers A et B (folios 129/152 à 137/160) .............................................................. 37
192

4. 1. 1. Cahier A ........................................................................................................... 37
4. 1. 2. Cahier B ............................................................................................................ 40
4. 2. Cahier C (folios 138/129 à 144/135v) ...................................................................... 41
4. 2. 1. L’hypothèse de pièces du Duc de Brabant exclue ............................................ 41
4. 2. 2. L’hypothèse d’une pièce tardive exclue ........................................................... 41
4. 2. 3. L’hypothèse de pièces d’Hugues de Berzé exclue ........................................... 42
4. 2. 4. L’hypothèse de pièces de Jacques de Cysoing et Raoul de Soissons exclue ... 42
4. 2. 5. L’hypothèse de l’intégralité des chansons de Guillaume le Vinier, en plus de
celles de Jacques de Cysoing et Raoul de Soissons, exclue ......................................... 42
4. 2. 6. L’hypothèse d’une partie des chansons de Guillaume le Vinier comme idée
favorite ......................................................................................................................... 42
4. 3. Cahiers D et E : Jeux-partis (folios 145/136 à 160/151v) ........................................ 43
4. 4. La conclusion de Madeleine Tyssens ....................................................................... 44
5. Décoration et aspects paléographiques ............................................................................ 45
5. 1. Présentation du texte et de la musique ..................................................................... 45
5. 1. 1. Le texte ............................................................................................................. 45
5. 1. 2. La notation musicale ........................................................................................ 47
5. 2. Les miniatures distinguant le clerc et le chevalier ................................................... 49
5. 2. 1. La forme de la miniature .................................................................................. 49
5. 2. 2. Les fonds et la forme de l’architecture ............................................................. 50
5. 2. 3. Les personnages représentés ............................................................................ 50
5. 2. 4. L’environnement des miniatures ...................................................................... 53
5. 3. Décorations diverses ................................................................................................ 55
Conclusion : chronologies .................................................................................................... 57
Deuxième partie : La composition et l’interprétation des jeux-partis arrageois ..................... 61
1. Définition ......................................................................................................................... 63
1. 1. Structure textuelle .................................................................................................... 63
1. 2. Contexte ................................................................................................................... 64
193

1. 3. Acteurs ..................................................................................................................... 65
1. 4. Sujets et intérêts ....................................................................................................... 66
1. 5. Parentés avec d’autres pratiques didactiques médiévales ........................................ 66
2. Éléments musicaux : les « formules mélodiques » .......................................................... 67
2. 1. Structure musicale .................................................................................................... 67
2. 2. Les modes rythmiques .............................................................................................. 69
2. 3. Modes et tonalités ..................................................................................................... 69
2. 4. Caractéristiques du dessin mélodique ...................................................................... 71
2. 5. La répétition de formules mélodiques ...................................................................... 72
2. 6. Les cadences ............................................................................................................. 73
3. La performance ................................................................................................................ 74
3. 1. L’utilisation de timbres ............................................................................................ 74
3. 1. 1. Des références historiques ................................................................................ 74
3. 1. 2. Des références ethnomusicologiques ............................................................... 75
3. 1. 3. Remarques sur les discrépances ....................................................................... 76
3. 1. 4. Les traités du Moyen-Age ................................................................................ 77
3. 1. 5. Les deux contrafacta dans les jeux-partis du chansonnier d’Arras .................. 78
3. 2. L’improvisation du texte .......................................................................................... 79
3. 3. L’improvisation de la musique ................................................................................. 82
3. 4. Présence d’instruments .......................................................................................... 83
4. Les traces écrites .............................................................................................................. 83
4. 1. Le rôle de la notation ................................................................................................ 83
4. 2. Le rôle de la musique ............................................................................................... 84
4. 3. Les différentes mélodies : une erreur .................................................................... 85
5. Le corpus des jeux-partis du chansonnier d’Arras ........................................................... 87
5. 1. Les premiers jeux-partis de 1225-1235 (n°44 à 46) ................................................. 88
5. 2. Thibaut de Champagne ou Guillaume le Vinier (n°47 à 53) ................................... 88
194

5. 2. 1. L’ensemble des jeux-partis n°47-51-53 ........................................................... 89
5. 2. 2. L’ensemble des jeux-partis n°48 à 50 .............................................................. 89
5. 2. 3. Le jeu-parti n°52............................................................................................... 89
5. 3. Jehan Bretel (n°54 à 60) ........................................................................................... 89
5. 4. Lambert Ferri et/ou Jean-Bretel (n°60 à 68) ............................................................ 90
5. 4. 1. L’ensemble des jeux-partis n°61 à 64 .............................................................. 90
5. 4. 2. L’ensemble des jeux-partis n°65-66-68 ........................................................... 90
5. 4. 3. Le jeu-parti n°67............................................................................................... 90
5. 5. Adam de la Halle et Jehan Bretel (n°69 à 75) .......................................................... 90
Conclusion : un défi de mémoire ......................................................................................... 92
Troisième partie : Analyse de jeux-partis enregistrés ............................................................ 95
1. Avoir cuidai engagné le marché ....................................................................................... 97
1. 1. Présentation du texte ................................................................................................ 97
1. 2. Les théories des formules et des tierces ................................................................... 98
1. 3. La musique de la langue ......................................................................................... 101
2. Assignés chi, Grivilier, jugement ! ................................................................................. 101
2. 1. Présentation du texte .............................................................................................. 101
2. 2. Le système strict des modes ecclésiastiques .......................................................... 103
2. 3. La plénitude du chant ............................................................................................. 105
3. Phelipe, je vos demant .................................................................................................... 106
3. 1. Présentation du texte .............................................................................................. 106
3. 2. Convergences et divergences dans les sources ...................................................... 106
3. 3. La version instrumentale d’un jeu-parti ................................................................. 111
4. Adam vaurriés vous manoir ........................................................................................... 112
4. 1. Présentation du texte .............................................................................................. 112
4. 2. La théorie des tierces .............................................................................................. 113
4. 3. Réflexion autour de l’accompagnement instrumental ............................................ 115
195

5. Princes del Pui, selonc vostre pensee ............................................................................ 117
5. 1. La différenciation des instruments accompagnateurs ............................................ 117
5. 2. Présentation du texte .............................................................................................. 117
5. 3. Présentation de la mélodie, unicum du manuscrit a ............................................... 119
6. Amis, quelx est li mieuz vaillanz..................................................................................... 119
6. 1. Présentation du texte .............................................................................................. 119
6. 2. Une analyse graphique ........................................................................................... 121
6. 3. L’évolution de l’accompagnement instrumental .................................................... 125
7. Sire, loëz moi a choisir ................................................................................................... 126
7. 1. Présentation et analyse du texte ............................................................................. 126
7. 2. Analyse rédigée ...................................................................................................... 128
7. 3. Critique de la proposition discographique ............................................................. 131
Conclusion : propositions d’interprétation ......................................................................... 132
Conclusion générale ............................................................................................................... 135
Annexes .............................................................................................................................. 138
1. Tableau descriptif du manuscrit 657.1 ....................................................................... 138
2. Les différentes formes de lettres dans le manuscrit 657 ............................................ 139
3. Ordonnance des cahiers du chansonnier .................................................................... 140
4. Répartition des chansons dans les différents cahiers ................................................. 141
4. 1. Cahier A ............................................................................................................. 142
4. 2. Cahier B .............................................................................................................. 143
4. 3. Cahier C .............................................................................................................. 144
4. 4. Cahier D ............................................................................................................. 145
4. 5. Cahier E et cahier manquant XF ........................................................................ 146
5. Représentation photographique du folio 132/155 ...................................................... 147
6. Les miniatures présentes dans le chansonnier ............................................................ 148
7. Tableau récapitulatif des miniatures et rubriques ...................................................... 149
196

8. Synthèse chronologique de l’histoire du manuscrit 657 ............................................ 150
9. Les auteurs qui se sont exprimés contre la thèse de l’improvisation des jeux-partis . 151
10. Les auteurs qui se sont exprimés pour la thèse de l’improvisation des jeux-partis . 153
11. Les dates des trouvères figurant dans les jeux-partis du manuscrit A ..................... 155
12. Les différentes versions des titres des jeux-partis du manuscrit A .......................... 156
13. Les numéros d’éditions des jeux-partis du manuscrit A .......................................... 158
14. Personnages et sujets dans les jeux-partis du manuscrit A ...................................... 159
15. Les concordances des sources musicales : mélodies et structures ........................... 165
16. Concordance des mélodies des 105 jeux-partis avec musique entre les manuscrits 168
17. Éditions des Jeux-partis enregistrés ......................................................................... 170
18. Sources des jeux-partis enregistrés .......................................................................... 171
19. Références des enregistrements et critiques discographiques .................................. 172
Sources manuscrites ........................................................................................................... 173
1. Source principale ........................................................................................................ 173
2. Sources secondaires .................................................................................................... 173
Bibliographie ...................................................................................................................... 174
1. Éditions (par ordre chronologique) ............................................................................ 174
1.1. Editions du chansonnier d’Arras ......................................................................... 174
1.2. Éditions des jeux-partis ....................................................................................... 174
2. Études du manuscrit A ............................................................................................... 174
2. 1. Dans les catalogues anciens ............................................................................... 174
2. 2. Dans le cadre d’études précises anciennes ......................................................... 175
2. 3. Dans le cadre d’études précises récentes ............................................................ 175
3. Autour du manuscrit sous son aspect matériel ........................................................... 176
3. 1. Histoire du livre médiéval .................................................................................. 176
3. 2. La décoration et les enluminures ........................................................................ 176
3. 3. La notation musicale .......................................................................................... 177
197

4. Autour d’Arras et de son histoire ............................................................................... 177
4. 1. Histoire de la Bibliothèque Saint-Vaast d’Arras ................................................ 177
4. 2. La vie arrageoise au Moyen-Age ....................................................................... 178
5. La poésie et la musique au Moyen-Age ..................................................................... 178
5. 1. Études généralistes par des médiévistes de la musique ...................................... 178
5. 2. Études généralistes par des spécialistes de la poésie médiévale ........................ 180
5. 3. Études précises de trouvères .............................................................................. 181
5. 4. Les instrumentistes espagnols au Moyen-Age ................................................... 182
6. Autour des jeux-partis ................................................................................................ 182
6. 1. Sur les joutes poétiques médiévales ................................................................... 182
6. 2. Sur les contrafacta .............................................................................................. 182
6. 3. Sur la chanson .................................................................................................... 183
7. Sur le jeu-parti ............................................................................................................ 183
7. 1. Etudes littéraires du jeu-parti ............................................................................. 183
7. 2. Études musicales du jeu-parti ............................................................................. 184
8. Des exemples dans les musiques de tradition orale ................................................... 185
Discographie ....................................................................................................................... 186
1. Les jeux-partis de trouvères ....................................................................................... 186
1. 1. Thibaut de Champagne ....................................................................................... 186
1. 2. Jehan Bretel et Adam de la Halle ....................................................................... 187
2. Références troubadouredesques ................................................................................. 187
3. Quelques joutes poétiques traditionnelles chantées ................................................... 187
Table des illustrations ......................................................................................................... 188
Table des illustrations sonores ........................................................................................... 190
Table des matières .............................................................................................................. 192
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