dossier prod une femme seule 010911 - La Strada et compagnies
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les <strong>femme</strong>s. Giulia est unique <strong>et</strong> universelle. Elle est notre miroir <strong>et</strong> notre conscience. Fidèles à<br />
leur proj<strong>et</strong> de provoquer la réflexion, Dario Fo <strong>et</strong> Franca Rame ont choisi d'être incisifs <strong>et</strong><br />
percutants. Ils n'ont pas craint d'aller fouiller dans les sombres recoins de l'âme, pour<br />
dénicher ce qu'habituellement on tait, de m<strong>et</strong>tre en scène les situations les plus délicates, voir<br />
les plus choquantes. Mais dans le même temps ils n'ont pas oublié non plus d'être drôles, de<br />
provoquer le recul par le rire, de se frotter aux extrêmes pour devenir explosifs, de faire de la<br />
place à l'humain <strong>et</strong> au sensible pour toucher juste.<br />
Voilà pourquoi l'écriture d’ « Une <strong>femme</strong> <strong>seule</strong> » virevolte avec grâce du plus sombre au plus<br />
drôle, voyage du sensible au poétique, du réalisme au métaphorique.<br />
<strong>La</strong> scénographie place volontairement Giulia au centre d'un espace métaphorique très<br />
particulier : la salle de bain. Lieu stratégique <strong>et</strong> paradoxal où le meilleur comme le pire peut<br />
advenir. Espace ordinairement dédié à la douceur, au plaisir, à la rêverie, la salle de bain<br />
convoque aussi l'idée du froid, de l'étrang<strong>et</strong>é, de l'angoisse. L'endroit idéal pour travailler<br />
l'intime <strong>et</strong> explorer la grande solitude dans laquelle baigne Giulia.<br />
Si l'on suit les didascalies, Giulia est censée s'adresser par la fenêtre ouverte à <strong>une</strong> voisine<br />
hypothétique. Mais comment croire en 2011 à un dialogue nourri de fenêtre à fenêtre <strong>La</strong><br />
mise en scène choisit de prendre au pied de la l<strong>et</strong>tre ce que dit Giulia à son mari "Lorsque je<br />
suis <strong>seule</strong>, je me parle à moi même". Giulia s'est inventée <strong>une</strong> amie compatissante pour<br />
dépasser le bruit de la télé, <strong>seule</strong> compagne réelle de son enfermement. Ironie du confort<br />
moderne que c<strong>et</strong>te télé qui lui déverse dans les oreilles un monde de bêtise, de messages<br />
convenus pour le plus grand nombre, à elle qui cherche <strong>une</strong> solution personnelle, <strong>une</strong> vision<br />
juste d'elle même. Un chemin hors des sentiers battus.<br />
Ce dialogue absurde entre la télé <strong>et</strong> elle, m<strong>et</strong> en scène, entre tragédie <strong>et</strong> comédie, la p<strong>et</strong>ite folie<br />
qui habite Giulia. A force d'être coupée du monde, les limites de l'acceptable deviennent<br />
floues, la réalité perd de ses contours, Quelle est la vérité objective<br />
Le mari au téléphone, le beau frère à l'interphone, le voyeur sous la trappe, l'agressivité qui<br />
fuse fait basculer l'univers du quotidien au fantastique.<br />
Dans c<strong>et</strong> espace temps où tout dérape, Giulia s'accroche aux mots. Giulia parle. Et de<br />
constats ironiques en pensées nostalgiques, la révolte s'organise. <strong>La</strong> véritable arme du texte<br />
c'est la parole. C'est elle qui va provoquer l'action, inciter Giulia à prendre le fusil. Et c'est par<br />
le véhicule de l'auto-analyse que c<strong>et</strong>te <strong>femme</strong> ordinaire va faire basculer la situation <strong>et</strong> se<br />
révéler.<br />
Dans l'eau réside la mémoire, Giulia plonge dans son bain comme pour s'y laver de c<strong>et</strong>te<br />
culpabilité qui l'anéantie, comme pour y r<strong>et</strong>rouver aussi l'élan premier de c<strong>et</strong>te rencontre avec<br />
le je<strong>une</strong> homme qui a ouvert son désir d'émancipation. Dans le bain, corps à corps avec le<br />
désir, l'amour <strong>et</strong> la mort qui menace. Avec ironie, l'univers sonore joue avec le temps. Gouttes<br />
d'eau, plongeon, comptine, séquençage <strong>et</strong> répétition des dialogues télévisuels. <strong>La</strong> machine<br />
sonore, de douce devient obsédante, tissant ensemble les voix du beau frère, les pleurs du<br />
bébé, les sonneries du téléphone jusqu'au silence enfin trouvé, où Giulia attend fusil à la main,<br />
l'arrivée du mari.