23.01.2015 Views

2 - Atelier des Sciences du Langage

2 - Atelier des Sciences du Langage

2 - Atelier des Sciences du Langage

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

►Dans une première approche, l'acculturation est l'ensemble <strong>des</strong> phénomènes<br />

qui résultent d'un contact continu et direct entre <strong>des</strong> groupes d'indivi<strong>du</strong>s de<br />

cultures différentes et qui entraîne <strong>des</strong> modifications dans les modèles culturels<br />

initiaux de l'un ou <strong>des</strong> deux groupes. Il faut bien distinguer « acculturation » et<br />

« assimilation ».<br />

L’ACCULTURATION selon Roger BASTIDE, professeur<br />

honoraire à l'université de Paris I.<br />

►lire en priorité les 4 premières pages de cet article<br />

Prise de vue<br />

Formé à partir <strong>du</strong> latin ad, qui exprime le rapprochement, le terme acculturation a été<br />

proposé dès 1880 par les anthropologues nord-américains. Les Anglais lui préfèrent celui de<br />

cultural change (moins chargé de valeurs ethnocentriques liées à la colonisation :<br />

Malinowski), les Espagnols celui de transculturation (F. Ortiz), et les Français l'expression<br />

d'interpénétration <strong>des</strong> civilisations. Mais le vocable nord-américain finit par s'imposer.<br />

Le mot acculturation a d'ailleurs été pris en deux sens différents. D'une part, en psychologie<br />

sociale, il désigne le processus d'apprentissage par lequel l'enfant reçoit la culture de l'ethnie<br />

ou <strong>du</strong> milieu auquel il appartient (il vaudrait mieux, pour éviter toute ambiguïté avec le<br />

second sens, appeler ce phénomène « enculturation », ou socialisation). D'autre part, en<br />

anthropologie culturelle, il désigne les phénomènes de contacts et d'interpénétration entre<br />

civilisations différentes (c'est le sens ici retenu).<br />

Ainsi, l'acculturation est l'étude <strong>des</strong> processus qui se pro<strong>du</strong>isent lorsque deux cultures<br />

se trouvent en contact et agissent et réagissent l'une sur l'autre. Les principaux processus<br />

étudiés ont été ceux de conflits, d'ajustement et de syncrétisation, d'assimilation ou de<br />

contre-acculturation, qui peuvent être mis en rapport avec les processus sociologiques de<br />

compétition, d'adaptation et d'intégration, tout en étant parfois distincts. L'acculturation a été<br />

étudiée selon <strong>des</strong> points de vue différents ; ceux de l'anthropologie culturelle, de la<br />

psychologie sociale, de la sociologie ou anthropologie sociale. Aujourd'hui, les recherches<br />

tendent à se cantonner dans le domaine de l'acculturation planifiée.<br />

Ce sont les historiens qui, les premiers, ont mis en lumière les phénomènes de contacts et<br />

d'interpénétrations <strong>des</strong> civilisations ; mais les historiens s'attachent aux faits, dans leurs<br />

singularités propres, sans aboutir à <strong>des</strong> concepts généraux, que seule la méthode comparative<br />

peut permettre d'élaborer. Malheureusement, la sociologie, qui aurait pu fournir cette<br />

conceptualisation, parce que née de la Révolution de 1789 et de l'avènement de la société<br />

in<strong>du</strong>strielle, s'orientait alors dans d'autres voies ; il a fallu attendre la constitution d'une<br />

ethnologie scientifique pour qu'une théorie <strong>des</strong> contacts entre civilisations différentes puisse<br />

naître. À partir de F. Boas (1858-1942), puis de l'École <strong>des</strong> cercles culturels au début <strong>du</strong><br />

XX e siècle, une grande place est donnée, dans cette science naissante, aux phénomènes de<br />

diffusion, c'est-à-dire aux passages d'un trait culturel (forme de flèche, thèmes de mythes,<br />

etc.) d'une culture à une autre. Mais la diffusion constate, après coup, ce qui résulte <strong>des</strong><br />

échanges vécus ; restait encore à étudier ces échanges en tant que réalités « en train de se<br />

faire ». « Le contact culturel, écrit Fortes, ne doit pas être regardé comme le transfert d'un<br />

1


élément d'une culture à une autre, mais comme un processus continu d'interactions entre<br />

groupes de cultures différentes. » Le terme d'acculturation a été inventé justement pour<br />

désigner cet ensemble d'interactions réciproques, dans leurs déroulements et leurs effets. Le<br />

Memoran<strong>du</strong>m de Redfield, Linton et Herskovits (1936) le définit comme l'« ensemble <strong>des</strong><br />

phénomènes qui résultent <strong>du</strong> contact direct et continu entre <strong>des</strong> groupes d'indivi<strong>du</strong>s de<br />

cultures différentes avec <strong>des</strong> changements subséquents dans les types culturels de l'un ou <strong>des</strong><br />

autres groupes ». Ainsi, c'est l'anthropologie dite culturelle, valorisant la notion de « culture »<br />

au détriment de celle de « société », qui prend en charge dès le début l'étude <strong>des</strong> faits<br />

d'acculturation. De là un certain nombre de limites : l'absence de comparaison entre les<br />

données de l'histoire et celles de l'ethnographie - et, dans ce dernier domaine, la tendance à<br />

ré<strong>du</strong>ire les faits sociaux à de simples traits culturels qui peuvent être échangés, tout comme<br />

les valeurs, les techniques ou les mythes, au lieu de considérer ces faits sociaux pour ce qu'ils<br />

sont en réalité : les cadres à l'intérieur <strong>des</strong>quels les divers échanges se pro<strong>du</strong>isent.<br />

Il faudra dépasser par conséquent les conclusions de l'anthropologie culturelle. Mais, en<br />

attendant ce dépassement, il faut bien reconnaître que, à partir d'une masse considérable<br />

d'observations et de monographies, sur la christianisation <strong>des</strong> indigènes, sur l'assimilation <strong>des</strong><br />

peuples colonisés, sur les sociétés pluralistes, sur les effets d'intégration <strong>des</strong> minorités<br />

ethniques dans les nations en voie de développement, cette anthropologie culturelle - surtout à<br />

partir de 1930 - a su mettre en lumière un certain nombre de concepts, d'hypothèses, de<br />

métho<strong>des</strong> de travail, qui constituent, encore aujourd'hui, la base théorique et pratique de toute<br />

recherche en ce domaine.<br />

1. Histoire : la perspective culturaliste<br />

Tentons de dégager brièvement cet apport. Il apparaît d'abord que les processus<br />

acculturatifs varient, mais que ces variations ne se font pas au hasard, que l'on peut dégager<br />

un certain nombre de types :<br />

- suivant que l'acculturation a lieu entre sociétés globales ou entre certains groupes<br />

seulement <strong>des</strong> populations en contact, le groupe religieux, le groupe économique, etc. ;<br />

- suivant qu'elle se fait dans l'amitié ou dans l'hostilité (acculturation demandée ou<br />

acculturation imposée) ;<br />

- suivant que les populations en contact sont, démographiquement, à peu près égales en<br />

nombre, ou au contraire que l'une est majoritaire, l'autre minoritaire ;<br />

- suivant que les cultures en contact sont, relativement, homogènes (dans les contacts en<br />

Afrique, par exemple, entre Yaruba et Fon) ou au contraire très éloignées, par leur esprit, les<br />

unes <strong>des</strong> autres (civilisation occidentale et civilisations traditionnelles) ;<br />

- enfin, suivant le lieu où se pro<strong>du</strong>isent les contacts (les processus d'acculturation entre<br />

Blancs et Noirs seront différents dans la métropole, où le Noir est un « migrant », et dans la<br />

colonie, où le Noir est chez lui - ce qui permet de distinguer deux sens <strong>du</strong> mot « minoritaire »,<br />

tous deux également employés dans la littérature contemporaine : un sens démographique,<br />

pour les migrants, et un sens culturel : les Noirs <strong>des</strong> anciennes colonies, bien que beaucoup<br />

plus nombreux que les Blancs vivant parmi eux, étaient pourtant considérés comme formant,<br />

dans cette dyade, le groupe minoritaire).<br />

2


Mais il apparaissait aussi que, malgré ces variations, un certain nombre de constantes se<br />

dégageaient, que certaines séquences se répétaient dans les processus dynamiques, bref, que<br />

<strong>des</strong> concepts généraux pouvaient déjà être proposés. Il y a d'abord une période d'opposition de<br />

la culture native à la culture conquérante - puis, le contact se prolongeant, il y a sélection par<br />

la culture native <strong>des</strong> traits offerts par la culture conquérante ; certains traits sont acceptés et<br />

deviennent partie intégrante de la nouvelle culture en formation, alors que d'autres sont<br />

refusés ; bien enten<strong>du</strong>, les échanges ne sont pas forcément à voie unique, ils peuvent se faire<br />

dans les deux sens - nous avons alors formation d'une culture syncrétique, qu'on pourrait<br />

appeler aussi, culturellement parlant, métisse - les processus de changement, en se<br />

développant, peuvent con<strong>du</strong>ire finalement aux phénomènes d'assimilation (disparition<br />

d'une culture, qui accepte intégralement les valeurs de l'autre, ce qui se pro<strong>du</strong>it en<br />

général dans le cas <strong>des</strong> populations migrantes, à la deuxième génération) ou, au contraire,<br />

à la contre-acculturation, lorsque la culture menacée de disparaître, dans un dernier<br />

sursaut, veut restaurer le mode de vie antérieur au contact (cas <strong>des</strong> messianismes, <strong>des</strong><br />

cultes <strong>du</strong> Cargo, ou de la formation <strong>des</strong> idéologies de résistance, comme celle de la<br />

« négritude »).<br />

Document photographique Encyclopedia Universalis : Le candomblé, lieu où l'on<br />

célèbre le culte aux dieux africains, est un exemple prégnant d'acculturation ; amputé de<br />

l'Afrique avec les milliers d'esclaves de la traite <strong>des</strong> Noirs, il a resurgi au Brésil, et s'y est<br />

épanoui.<br />

De toutes ces étapes, c'est certainement la seconde, celle de la formation de cultures<br />

métisses ou de cultures en transition, qui a donné lieu au plus grand nombre de travaux et cela<br />

parce que l'anthropologie culturelle s'est développée au moment même où l'expansion de la<br />

culture occidentale faisait sentir son impact sur l'ensemble <strong>du</strong> monde, soit directement (par la<br />

colonisation, le développement <strong>des</strong> impérialismes commerciaux ou culturels, la facilité <strong>des</strong><br />

voyages...), soit indirectement (à travers les livres, les mass media, etc.), et où les concepts les<br />

plus originaux ont été proposés, comme ceux de réinterprétation, de foyer culturel, de<br />

tendances culturelles.<br />

On désigne <strong>du</strong> nom de réinterprétation « le processus par lequel d'anciennes significations<br />

sont attribuées à <strong>des</strong> éléments nouveaux ou par lequel de nouvelles valeurs changent la<br />

signification culturelle de formes anciennes » (Herskovits, 1952) : par exemple, les Noirs <strong>du</strong><br />

Nouveau Monde ont réinterprété leur polygamie ancestrale, qui leur était interdite par la loi,<br />

en prenant simultanément une épouse légitime et une ou plusieurs « chéries », équivalant à<br />

l'épouse principale et aux épouses secondaires d'Afrique. Sous le nom de foyer culturel, on<br />

désigne le fait que les intérêts d'un peuple tendent à se concentrer sur un aspect déterminé de<br />

la culture, par exemple le buffle et les opérations laitières chez les Toda ou l'igname en<br />

Nouvelle-Calédonie ; contrairement à ce que l'on pourrait prévoir, la plus grande variation se<br />

trouve dans l'aspect d'une culture qui peut focaliser les intérêts d'un peuple, engendrer le<br />

conservatisme d'autres. La notion de tendance culturelles enfin, empruntée à la linguistique<br />

par Sapir, souligne que la sélection <strong>des</strong> traits de la culture donneuse par la culture preneuse<br />

se fait selon une direction déterminée, en suivant « la pente » que fixe la culture preneuse.<br />

Or tous ces phénomènes se retrouvent, sous une forme ou sous une autre, dans les cinq types<br />

opposés de contacts que nous avons distingués précédemment.<br />

Naturellement, la théorie de l'acculturation a suivi les progrès, ou les changements de<br />

perspective, de l'anthropologie culturelle au cours de son histoire. Au début elle restait prise à<br />

3


la notion de « culture » comme réalité sui generis, extérieure et supérieure aux indivi<strong>du</strong>s,<br />

considérée en quelque sorte comme un « superorganisme », obéissant à <strong>des</strong> lois propres. Mais<br />

la culture n'est qu'une abstraction ; ce ne sont donc pas <strong>des</strong> cultures qui se trouvent en<br />

contact, mais <strong>des</strong> indivi<strong>du</strong>s en interaction, et chacun réagit différemment aux stimuli qui<br />

lui viennent <strong>des</strong> indivi<strong>du</strong>s porteurs d'autres civilisations ; ainsi la perspective<br />

psychologique se glissait dans le culturalisme nord-américain et allait donner lieu à bien <strong>des</strong><br />

travaux. Certains ont insisté sur la « personnalité de base » (Kardiner) ; aux première et<br />

deuxième générations, les changements de comportements restent à la superficie de la<br />

personnalité qui n'est pas touchée profondément, d'où ces phénomènes de réinterprétation <strong>du</strong><br />

nouveau à travers l'ancien que nous avons signalés ; ce ne serait qu'à la troisième<br />

génération que la personnalité de base serait à son tour atteinte (Hallowell, 1952).<br />

D'autres, préoccupés par les questions pratiques (chercher les meilleurs agents de<br />

développements économique et social ou les gens les plus capables d'intégrer une ethnie<br />

minoritaire dans la culture nationale), se sont attachés à analyser les con<strong>du</strong>ites réactives <strong>des</strong><br />

hommes et <strong>des</strong> femmes (la femmes étant parfois un facteur de changement plus que l'homme),<br />

<strong>des</strong> diverses classes d'âge, <strong>des</strong> multiples catégories sociales (chaman, chefs politiques,<br />

commerçants, métis, etc.) ; ou à décrire la psychologie de l'homme partagé entre deux cultures<br />

qui se battent au-dedans de lui l'« homme marginal », Juif occidentalisé, Noir ayant subi<br />

l'empreinte de la civilisation anglo-saxonne, Indien « cholisé » (étude de Stonequist sur les<br />

chols <strong>du</strong> Mexique). La psychanalyse a permis d'approfondir cette pathologie de l'homme<br />

marginal, en montrant dans l'esclavage la <strong>du</strong>alité <strong>des</strong> pères, donc <strong>des</strong> « sur-moi » (le géniteur<br />

noir et le maître blanc) ou en insistant, dans le stade <strong>du</strong> miroir, sur la formation d'un<br />

« narcissisme blanc », entraînant une crise de l'identification chez le Noir américain.<br />

Plus encore, l'anthropologie culturelle a été amenée, dans sa réélaboration <strong>du</strong> concept<br />

de culture, à abandonner le point de vue statique d'où elle était partie ; en fait, la culture<br />

est une « construction synchronique » qui s'élabore à tout instant, les indivi<strong>du</strong>s et les<br />

groupes agissant et réagissant les uns par rapport aux autres, acceptant ou rejetant les<br />

nouvelles expériences, entrant en conflit ou s'adaptant pour vivre en harmonie, ce qui fait que<br />

les processus d'acculturation doivent toujours être saisis dans leur flux comme <strong>des</strong><br />

ensembles de déculturation et de réorganisation culturelle (un peu comme à la même<br />

époque, en sociologie, G. Gurvitch critiquait la notion de structure pour lui substituer <strong>des</strong> faits<br />

de <strong>des</strong>tructuration et de restructuration incessants). Les facteurs de déculturation peuvent<br />

dominer, et certains auteurs insistent surtout sur la pathologie de l'acculturation depuis les<br />

effets biologiques, signalés par Rivers dès 1922 (disparition de la joie de vivre, de la volonté<br />

même d'exister, thanatomanie), jusqu'aux effets sociologiques (Keesing, 1941, a montré par<br />

exemple les effets désorganisateurs de deux co<strong>des</strong> de con<strong>du</strong>ite dans une situation<br />

acculturative où souvent le comportement imposé par la culture occidentale est considéré<br />

comme délinquance dans la société indigène, ou vice versa), en passant par les effets<br />

psychologiques (sentiment d'insécurité, anxiété, dépréciation de soi, etc.). Cependant deux<br />

cultures en présence peuvent coexister, sans s'interpénétrer : les Toda, peuple pasteur, les<br />

Badaga, agriculteurs, les Kota, artisans, et les Kurumba, vivant de cueillette et sorciers,<br />

vivent en contacts permanents dans la même région de l'Inde, alors qu'ils restent toujours<br />

séparés par la culture et la langue (Mandelbaum). Ou encore, le traditionnel et le moderne<br />

peuvent se partager sans qu'il y ait interférence ; Balandier nous rapportait le cas d'ethnies<br />

africaines qui vivent dans le passé quand elles cultivent leurs rizières et prennent la mentalité<br />

occidentale dans la rue de leurs villages ; nous avons parlé nous-mêmes d'un « principe de<br />

vivre, sans conflits, à la fois dans le monde africain (secteur religion <strong>des</strong> candomblés) et dans<br />

le monde occidental (secteur économico-politique <strong>des</strong> partis, <strong>des</strong> syndicats, de la profession,<br />

Bastide, 1960).<br />

4


Étudiant les problèmes <strong>des</strong> contacts entre les Juifs occidentaux et les Juifs yéménites dans<br />

la formation de l'État d'Israël, c'est-à-dire entre deux groupes ayant <strong>des</strong> orientations spatiales<br />

et temporelles différentes (l'un ayant une conception discontinue de l'espace, divisé en famille,<br />

voisinage, etc., et l'autre une conception continue, le premier vivant dans un temps<br />

mathématique, le second dans un temps sacré), Eisenstadt (1949) montre qu'il n'y a pas eu<br />

victoire d'un système sur un autre, mais, pour le Yéménite manifestations variées d'une<br />

discontinuité de la perception, les événements religieux continuant à être vécus selon<br />

l'orientation sacrale et les événements économiques selon l'orientation de la culture<br />

israélienne moderne.<br />

Le principe de coupure apporte donc une solution qui permet d'éviter la déculturalisation.<br />

Mais mieux encore : à côté <strong>des</strong> phénomènes pathologiques et <strong>des</strong> coexistences, Bernett et<br />

Linton ont montré que les processus acculturatifs enveloppent <strong>des</strong> actes de créativité de la part<br />

<strong>des</strong> indivi<strong>du</strong>s ou <strong>des</strong> groupes qui acquièrent de nouveaux éléments culturels. C'est-à-dire que<br />

la culture nouvelle qui se développe ne peut pas être considérée - tout comme à l'époque où<br />

l'on avait une conception statique de la culture - comme un ensemble de traits disparates qui<br />

s'ajoutent les uns aux autres, en « mosaïque » de traits anciens et de traits nouveaux<br />

empruntés, il faut parler, au contraire, de synthèses vivantes, d'apparition de traits culturels<br />

inédits ; Malinowski notait déjà que la famille bantoue en Afrique <strong>du</strong> Sud n'est ni la famille<br />

bantoue traditionnelle, ni la famille chrétienne occidentale, ni une simple synthèse <strong>des</strong> deux,<br />

mais une véritable création culturelle qu'il faut étudier comme une réalité originale. Linton<br />

parle, empruntant son expression au botaniste De Vries, de « mutation », c'est-à-dire<br />

apparition d'espèces entièrement nouvelles par le métissage <strong>des</strong> cultures en interpénétration.<br />

La substitution <strong>du</strong> point de vue dynamique au point de vue statique dans le développement<br />

de l'anthropologie culturelle entraîne encore une autre conséquence, celle de la distinction<br />

entre les effets primaires et les effets secondaires. Car tout se tient dans une civilisation, et la<br />

modification d'un de ses éléments entraîne, comme par une réaction en chaîne, <strong>des</strong><br />

transformations dans d'autres éléments qui n'ont pas cependant subi directement l'influence <strong>du</strong><br />

contact. Une culture touchée sur un point, donc en déséquilibre va tendre à rétablir l'équilibre<br />

défait en changeant d'autres secteurs pour les adapter à la modification déséquilibrante. Il<br />

suffit par exemple de changer les formes de pro<strong>du</strong>ction, les techniques de travail, pour que, en<br />

cercles concentriques, ce changement se répercute à l'organisation de la famille, aux relations<br />

de prestige ou de pouvoir, aux valeurs religieuses. On connaît bien là la distinction marxiste<br />

entre infra et superstructures, et les effets que ne manque pas d'avoir sur les bouleversements<br />

<strong>des</strong> superstructures toute révolution opérée dans les infrastructures - et cela à l'intérieur de la<br />

culture, par sa seule dynamique interne, sans que le « contact » intervienne partout. Mais, déjà<br />

avec le marxisme, nous sommes passés de la perspective « culturaliste » à la perspective<br />

« sociologique » qui va maintenant nous arrêter.<br />

2. Situation actuelle <strong>du</strong> problème : la perspective sociologique<br />

Malgré tous ces progrès, le « culturalisme » nord-américain ne pouvait satisfaire les esprits<br />

européens, et l'apport de l'Europe (l'Europe de la sociologie ou de l'anthropologie sociale<br />

tournée vers l'anthropologie culturelle) à la clarification <strong>des</strong> problèmes de l'acculturation nous<br />

paraît considérable : il ne tend à rien de moins qu'à une révision de tout le système théorique<br />

élaboré en grande partie d'abord en Amérique.<br />

Certes, il est indéniable que le culturel et le social peuvent se dissocier, et nous comprenons<br />

bien le point de vue américain, car ces dissociations ont été découvertes surtout dans les<br />

5


ethnies indiennes ; certaines d'entre elles sont complètement désorganisées, <strong>des</strong>tructurées,<br />

cependant les indivi<strong>du</strong>s conservent jalousement et maintiennent - sur la ruine de leurs<br />

systèmes sociaux détruits par l'arrivée <strong>des</strong> Blancs - les valeurs culturelles et leurs systèmes de<br />

pensée dans leur intégrité primitive. D'autres tribus au contraire ont per<strong>du</strong> leurs systèmes<br />

anciens de valeur, ont adopté ceux <strong>des</strong> Blancs (sous l'influence surtout <strong>des</strong> missionnaires<br />

catholiques ou protestants) sans que leurs systèmes économiques, politiques et sociaux se<br />

soient désorganisés ; les normes de la vie communautaire résistent aux efforts déployés pour<br />

intégrer les Indiens aux nouveaux systèmes économiques, aux partis nationaux, à une société<br />

de type capitaliste et à famille nucléaire. Ces faits incontestables dépendent cependant, en<br />

dernière analyse, <strong>des</strong> situations dans lesquelles les contacts s'établissent, et avec l'apparition<br />

de cette nouvelle variable, les situations sociales de contact, la sociologie va rompre le cercle<br />

enchanté <strong>du</strong> culturalisme. Balandier en France, Gluckman en Angleterre, en parlant de la<br />

situation coloniale, n'ont pas été sans doute les premiers à employer l'expression et à souligner<br />

le fait ; on la trouve chez Herskovits et nous avons noté que le type <strong>des</strong> relations, amicales ou<br />

hostiles, était une <strong>des</strong> variables données dans le Memoran<strong>du</strong>m - mais ce n'était qu'une<br />

« variable », alors que Balandier ou Gluckman vont en faire le ressort dernier d'explication :<br />

« Quand, procédant de manière unilatérale, elle [l'anthropologie culturelle] décèle les<br />

processus de changement par rapport au seul fonds traditionnel [ou « primitif »], elle ne peut<br />

guère que les énumérer et les classer ; de même, lorsqu'elle se limite à l'étude <strong>du</strong> « contact »<br />

entre « institutions » de même nature... » (Balandier, 1963). Et, abordant alors les notions de<br />

« situation » et de « phénomène social total », ce sociologue conclut : « Dans le cas de<br />

l'Afrique noire, société noire et société blanche participent à un même ensemble [c'est nous<br />

qui soulignons]. Le contact et ses effets ne peuvent être compris qu'à la condition d'être<br />

replacés dans <strong>des</strong> « ensembles », c'est-à-dire dans les totalités sociales qui les encadrent, les<br />

orientent et les unifient ».<br />

En même temps que l'anthropologie culturelle établissait la série ordonnée de ces concepts,<br />

depuis le conflit jusqu'à l'assimilation, la sociologie nord-américaine (qui est partie <strong>du</strong><br />

relationnisme allemand et n'a découvert Durkheim que bien après) établissait à son tour une<br />

série de concepts qui se trouvent être - dans le domaine de la société au lieu de l'être dans<br />

celui de la culture - parallèles aux premiers : ceux de compétition, d'accommodation et<br />

d'intégration sociales. La compétition entre les groupes peut être écologique (c'est-à-dire la<br />

lutte pour l'espace, qui est forcément, par ses racines biologiques, libre et non contrôlée),<br />

économique (avec la lutte <strong>des</strong> entreprises capitalistes ou, dans une même entreprise, entre<br />

employeurs et employés) ou sociale et morale (qui est sanctionnée, elle, par le groupe<br />

dominant). L'accommodation définit le processus par lequel les indivi<strong>du</strong>s ou les groupes<br />

s'ajustent à une situation de conflit, par exemple par l'institutionnalisation de la ségrégation<br />

raciale, ou le régime <strong>des</strong> castes, ou encore la réglementation de la division <strong>du</strong> travail social ;<br />

mais l'accommodation ne peut porter que sur <strong>des</strong> ajustements externes. L'intégration consiste,<br />

par le métissage entre les races, par un système unique d'é<strong>du</strong>cation, ou par d'autres mesures<br />

(comme l'aide aux groupes déshérités), à forger, avec <strong>des</strong> ethnies ou <strong>des</strong> groupes différents,<br />

une nation commune à tous. Il apparaît clairement que la compétition joue, pour les<br />

interrelations entre groupes, le même rôle que le conflit, la résistance, la contre-acculturation<br />

pour les contacts culturels ; l'accommodation rejoint le syncrétisme, et l'intégration nous<br />

évoque l'assimilation culturelle. Cependant la sociologie nord-américaine tend à séparer<br />

nettement les deux ordres de phénomènes ; l'intégration, en effet, peut - et même doit - se<br />

réaliser en conservant la diversité <strong>des</strong> mentalités culturelles, il s'agit seulement de faire en<br />

sorte qu'elles contribuent toutes à <strong>des</strong> fins communes : la prospérité et la grandeur de la<br />

nation. Les Mexicains, par exemple, dans leurs programmes indigénistes, s'éfforcent d'intégrer<br />

6


les Indiens à la communauté nationale, sans détruire cependant pour cela leurs cultures<br />

spécifiques, et en respectant les coutumes locales (Beltrán, 1957).<br />

Une pareille dichotomie est-elle possible Qu'il existe une dialectique entre le culturel et le<br />

social, cela est évident, et l'on peut voir les deux séries de phénomènes se séparer parfois ; il<br />

n'en reste pas moins qu'il y a dialectique et que l'intégration, par exemple, postule une<br />

assimilation préalable ou, si elle n'existe pas encore, con<strong>du</strong>it à une homogénéisation <strong>des</strong><br />

mentalités forgées par les cultures différentes en contact. L'accommodation con<strong>du</strong>it à <strong>des</strong><br />

échanges culturels et à un certain syncrétisme ; la ligne <strong>des</strong> couleurs ou la séparation <strong>des</strong><br />

« castes » aux États-Unis n'a pas empêché l'acculturation progressive <strong>du</strong> Noir et son<br />

acceptation <strong>des</strong> valeurs anglo-saxonnes ; mais, en même temps qu'il s'assimilait, il se voyait<br />

repoussé, d'où sa volonté de conserver <strong>des</strong> valeurs qui lui soient propres ; l'accommodation<br />

aboutissait ainsi à ces faits de syncrétisme et de réinterprétation signalés plus haut. Mais, dans<br />

cette dialectique, comme on le voit, le social joue le plus souvent le rôle de facteur causant<br />

(bien que le contraire puisse être parfois vrai ; R. Bastide, 1960). C'est sur cette constatation<br />

que s'est développée la perspective sociologique <strong>des</strong> phénomènes d'acculturation, qui se<br />

refuse à séparer ce qui est uni, et envisage les contacts de civilisation comme <strong>des</strong><br />

« phénomènes sociaux totaux ».<br />

Il n'y a jamais en effet, nous l'avons dit, <strong>des</strong> cultures en contact, mais <strong>des</strong> indivi<strong>du</strong>s,<br />

porteurs de cultures différentes ; cependant ces indivi<strong>du</strong>s ne sont pas <strong>des</strong> êtres indépendants,<br />

ils sont en interrelation dans <strong>des</strong> réseaux complexes de communication, de dominationsubordination,<br />

ou d'échanges égalitaires ; ils appartiennent à <strong>des</strong> institutions, qui ont <strong>des</strong><br />

règles d'action, <strong>des</strong> normes, et une organisation. Ce qui fait que les interpénétrations <strong>des</strong> deux<br />

civilisations en présence suivent les réseaux de ces interrelations, ou ceux <strong>des</strong> rapports entre<br />

les institutions. Le tout est plus important que les parties et c'est lui qui les détermine. Nous<br />

n'avons donc pas, dans les étu<strong>des</strong> d'acculturation, à faire, comme on procédait autrefois,<br />

d'abord une <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> deux civilisations avant le contact (le fameux « point zéro »<br />

critiqué par Malinowski), puis à voir ce qui se passe quand elles se rencontrent. Nous n'avons<br />

jamais d'autre objet d'étude que <strong>des</strong> sociétés complexes, pluriethniques, et ce sont ces sociétés<br />

que nous devons analyser avec leurs diverses formes de sociabilité. Les incompatibilités<br />

culturelles supposent les conflits sous-jacents <strong>des</strong> groupes ou <strong>des</strong> races et les phénomènes<br />

culturels sont conditionnés par ces derniers. Pour ne prendre comme exemple que la situation<br />

« coloniale », étudiée par Georges Balandier, nous nous trouvons en présence d'un « tout » où<br />

il n'y a pas abstraitement les uns en face <strong>des</strong> autres, <strong>des</strong> Noirs et <strong>des</strong> Blancs avec leurs cultures<br />

propres, mais uniquement <strong>des</strong> systèmes de relations sociologiques entre <strong>des</strong> citadins et <strong>des</strong><br />

ruraux, <strong>des</strong> prolétaires et <strong>des</strong> bourgeois, <strong>des</strong> évolués et <strong>des</strong> masses de couleurs, d'ethnies, de<br />

sexes et de générations différentes : « Chacune de ces fractions participe de manière différente<br />

à la société globale. Le contact de races et de civilisations qu'impose la colonisation n'a ni la<br />

même signification, ni les mêmes incidences, pour chacune d'elles ; il doit être étudié en<br />

fonction de cette diversité » (Balandier, 1963). C'est ce que nous proposerions d'appeler « les<br />

cadres sociaux de l'acculturation ».<br />

Bien que le point de vue que nous venons de proposer soit primitivement et essentiellement<br />

celui d'écoles européennes, sociologie française ou anthropologie sociale anglaise, il faut<br />

noter en terminant que, par suite de l'évolution rapide de notre monde (formation d'États<br />

modernes avec problèmes d'intégration et de développement économique et social dans les<br />

sociétés multiraciales, décolonisation et création d'États indépendants), les Nord-Américains<br />

sont amenés de plus en plus à intro<strong>du</strong>ire dans leurs conceptions de l'acculturation <strong>des</strong> faits<br />

politiques (comme les nationalismes) ou économiques (comme l'in<strong>du</strong>strialisation), bref, à<br />

7


eplacer les faits d'acculturation de plus en plus dans <strong>des</strong> cadres sociaux, nationaux et<br />

internationaux. Et cela d'autant plus que ce que l'on appelle le « développement » ne peut se<br />

confondre avec la simple « croissance économique » ; il postule une acculturation avec les<br />

normes et les valeurs de la société occidentale, mais volontaire maintenant et non plus<br />

imposée <strong>du</strong> dehors par un groupe de domination. Ce qui se tra<strong>du</strong>it parfois par un changement<br />

de vocabulaire, la substitution au terme d'acculturation, qui paraissait trop lié à l'ancien<br />

colonialisme et trop ethnocentrique, de celui de rencontre entre deux « modèles », le modèle<br />

occidental (le moderne) et le modèle ancien indigène (la tradition), le passage donc d'une<br />

causalité externe (imposition de la colonisation) à une causalité interne (choix <strong>du</strong> modèle<br />

occidental par les gouvernants), tandis que le syncrétisme est défini désormais comme un<br />

effort d'adaptation de l'ancien à l'occidentalisme. Un certain consensus tend donc à se réaliser<br />

sur les meilleures manières d'aborder les faits d'acculturation.<br />

3. L'acculturation contrôlée et planifiée<br />

Eaton a intro<strong>du</strong>it le concept d'acculturation contrôlée dans son étude sur la secte religieuse<br />

<strong>des</strong> huttérites aux États-Unis (1952) qui veut maintenir sa culture paysanne archaïque, qui est<br />

cependant obligée de tenir compte <strong>du</strong> nouveau milieu anglo-saxon où elle s'est réfugiée, mais<br />

qui ne laisse passer <strong>des</strong> influences extérieures que ce qui ne porte pas préjudice aux valeurs<br />

fondamentales <strong>du</strong> groupe. Si l'expression est récente, en réalité toute acculturation est plus ou<br />

moins dirigée, orientée et manipulée par l'un <strong>des</strong> deux groupes en présence, ou par <strong>des</strong><br />

membres <strong>des</strong> deux groupes. Si on avait pu parler jadis d'une acculturation libre, c'est que le<br />

point de vue ancien, culturaliste, négligeait justement les aspects sociologiques, et<br />

particulièrement politiques, <strong>des</strong> phénomènes, comme leurs aspects psychologiques, dans la<br />

concurrence <strong>des</strong> pouvoirs et <strong>des</strong> prestiges. Aussi bien dans le contact entre tribus voisines (les<br />

Fon vainqueurs prenant les dieux <strong>des</strong> Yoruba vaincus pour se les attacher) que dans les<br />

rapports entre l'Occident et les préten<strong>du</strong>s « primitifs » (comme dans le cas <strong>des</strong> missions<br />

jésuitiques chez les Guarani), il y a toujours eu une stratégie de l'acculturation, soit que l'on<br />

s'efforce de maintenir les anciennes cultures natives (diviser pour régner), soit qu'au contraire<br />

on essaie de les assimiler, ce qui suppose leur dé-culturalisation préalable (par l'école, l'Église,<br />

etc.). Ce qu'il faut dire, c'est que - en l'absence d'une science sociale valable - l'acculturation<br />

contrôlée restait empirique, que les « projets » acculturatifs se soldaient alors par <strong>des</strong> échecs,<br />

faute de dominer les diverses variables en jeu, négligeant ainsi les possibilités incessantes de<br />

nouvelles créations totalement imprévisibles.<br />

Mais nous sommes au siècle de la planification. L'acculturation va, de simplement<br />

contrôlée, devenir planifiée et rationnellement orientée. Cette constatation a une grande<br />

importance, d'abord pour une sociologie de la connaissance ; elle révèle que les sciences<br />

sociales, dans leur évolution théorique, suivent de très près les exigences ou les intérêts <strong>des</strong><br />

gran<strong>des</strong> nations, à l'intérieur <strong>des</strong>quelles elles se forgent. Elles restent tributaires,<br />

inconsciemment <strong>du</strong> moins, de notre ethnocentrisme. L'anthropologie culturelle, en repoussant<br />

toute hiérarchie <strong>des</strong> cultures (les cultures sont différentes, mais il n'y a pas de cultures<br />

supérieures et inférieures), manifestait la réaction <strong>des</strong> États-Unis au colonialisme européen ;<br />

elle tendra même, de plus en plus, à substituer à la notion de « fertilisation » par les échanges<br />

culturels les <strong>des</strong>criptions <strong>des</strong> phénomènes pathologiques qui en seraient les conséquences<br />

obligatoires (dans une certaine mesure, tendance dirigée aussi contre la politique <strong>des</strong> services<br />

indigénistes <strong>des</strong> États-Unis qui voulaient assimiler les Indiens <strong>des</strong> réserves, après une époque<br />

de relative tolérance et de ségrégation <strong>des</strong> indigènes). L'anthropologie sociale, à partir de<br />

Malinowski, se met au service de la colonisation ; il s'agit de constituer une science <strong>des</strong> faits<br />

d'interprétation <strong>des</strong> civilisations, pour que la colonisation « réussisse » et que les<br />

8


administrateurs impériaux ne commettent plus les erreurs <strong>du</strong> passé. La sociologie française ne<br />

s'intéressera au problème qu'après la Seconde Guerre mondiale, en relation avec la politique<br />

de décolonisation, dont elle n'est que le pressentiment ou le premier reflet. L'acculturation<br />

planifiée apparaît avec la formation d'États indépendants en Asie, Océanie et Afrique, et avec<br />

la concurrence <strong>des</strong> divers impérialismes, soit économiques, soit idéologiques, autour de ces<br />

nouveaux États. Elle consiste : 1. à faire prendre en charge l'acculturation dans le seul sens de<br />

l'occidentalisation par les gouvernements <strong>des</strong> pays récemment apparus sur la carte <strong>du</strong> monde ;<br />

2. à se servir <strong>des</strong> théories scientifiques en vue d'intérêts qui restent par trop ambigus ; c'est<br />

pourquoi, comme nous l'avons dit, un nouveau vocabulaire est inventé (développement se<br />

substituant à acculturation), et le consensus se réalise sur la primauté de la perspective<br />

sociologique (plus particulièrement économico-politique).<br />

D'un autre côté, l'acculturation planifiée présente un grand intérêt <strong>du</strong> point de vue<br />

méthodologique, puisqu'elle constitue une espèce d'expérience in vivo, et que nous<br />

soumettons les hypothèses tirées <strong>des</strong> faits d'observation (anciennes données <strong>des</strong> ethnographes<br />

sur les divers phénomènes acculturatifs) à la vérification expérimentale. On fait varier un<br />

phénomène, considéré comme « dominateur », ou on le supprime, ou on le réalise (les trois<br />

métho<strong>des</strong> classiques de variations concomitantes, d'absence et de présence, de Stuart Mill),<br />

pour observer les effets qui vont se pro<strong>du</strong>ire, en suivant le processus de changement tout au<br />

long de son cours, et en « évaluant » les résultats terminaux. Seulement, le facteur<br />

« dominateur » hypothétique n'était pas le même dans les systèmes de planification mis au<br />

point à l'Ouest et à l'Est. L'acculturation planifiée de l'Ouest valorise le culturel et, par<br />

conséquent, les notions d'adaptation (<strong>des</strong> traditions natives aux valeurs modernes), de<br />

maturation (les changements réussiront d'autant mieux qu'on leur laissera <strong>du</strong> temps, il ne faut<br />

pas forcer la nature) et de fonction (toute institution culturelle remplit une fonction, on ne peut<br />

donc la remplacer par une autre, jugée supérieure parce qu'occidentale, que si cette dernière<br />

remplit la même fonction). La stratégie consiste à utiliser deux postulats de la théorie de<br />

l'anthropologie culturelle : 1. toute culture est composée d'un ensemble de traits culturels ; ces<br />

traits sont liés ensemble par <strong>des</strong> réseaux d'action et de réaction réciproques ; 2. le culturel<br />

domine le social, par conséquent toute modification <strong>des</strong> institutions, <strong>des</strong> structures, <strong>des</strong><br />

comportements sera vaine, si on n'a pas modifié au préalable le système <strong>des</strong> valeurs, ou, si<br />

l'on préfère, si les mentalités n'ont pas bougé elles aussi. De là toute une série d'actions, qu'il<br />

serait trop long d'énumérer, mais qui, en gros, consistent à changer un seul trait (par exemple<br />

les habitu<strong>des</strong> alimentaires), en sachant que, par les réseaux d'interconnexion <strong>des</strong> faits<br />

culturels, une réaction en chaîne se pro<strong>du</strong>ira, mais que les experts pourront surveiller ; à agir<br />

d'abord sur les mentalités, à travers l'alphabétisation <strong>des</strong> a<strong>du</strong>ltes ou <strong>des</strong> enfants ; ou à faire<br />

naître <strong>des</strong> besoins nouveaux, que l'ancienne culture ne connaissait pas, par exemple en<br />

intro<strong>du</strong>isant la monnaie et en jetant sur le marché <strong>des</strong> biens inconnus ; enfin, pour éviter les<br />

réactions xénophobes, à choisir dans chaque communauté à « acculturer » <strong>des</strong> leaders que l'on<br />

« acculturera » pour que ce soient <strong>des</strong> membres de l'in-group et non de l'out-group qui se<br />

fassent les défenseurs, à l'intérieur de la forteresse culturelle à abattre, <strong>du</strong> changement et de<br />

l'occidentalisation (et qui d'ailleurs sont seuls capables de trouver les meilleurs moyens<br />

d'adaptation pour éviter les crises).<br />

Dans les anciennes républiques socialistes, l'acculturation (qui n'osait pas dire son nom)<br />

reposait sur les deux postulats suivants : 1. la distinction marxiste entre l'infra et la<br />

superstructure ; il suffira de changer les mo<strong>des</strong> de pro<strong>du</strong>ction pour que, automatiquement, les<br />

systèmes culturels changent ou que les anciennes cultures se transforment en simples « faits<br />

folkloriques » qui ne présentent plus dès lors aucun danger ; 2. puisque ces œuvres culturelles<br />

dépendent, en dernière analyse, <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de pro<strong>du</strong>ction issus <strong>des</strong> conflits politiques qui se<br />

9


placent sur le plan de la force et de la révolution (lutte contre le féodalisme, les confréries<br />

religieuses bouddhistes, etc.), il y aura tout de même un autre choc, sur le seul plan culturel,<br />

entre les cultures <strong>des</strong> pays socialistes et les cultures <strong>des</strong> pays environnants ou, pour employer<br />

les expressions consacrées, entre la « culture prolétarienne » et les diverses « cultures<br />

nationales ». On connaît la phrase de Lénine qui résume la dialectique idéale entre ces deux<br />

types de cultures : « La culture prolétarienne n'abolit pas la culture nationale, elle lui donne un<br />

contenu ; et, inversement, la culture nationale n'abolit pas la culture prolétarienne, elle lui<br />

donne une forme. » Mais il s'agissait ici encore d'un programme d'action préalable, en vue de<br />

s'appuyer, dans la révolution, sur les idéologies nationalistes, en maintenant les valeurs<br />

nationales comme coloris, en quelque sorte, de la culture prolétarienne extérieure et<br />

envahissante.<br />

Nous possédons de nombreuses monographies, déjà, de ces processus actuels<br />

d'acculturation. Le problème qui se pose est de savoir si, sous leur opposition, les mêmes<br />

phénomènes ne se retrouvent pas. Il est évident que les objectifs russes en Asie<br />

(in<strong>du</strong>strialisation, sédentarisation <strong>des</strong> noma<strong>des</strong>, transformation de la structure sociale par la<br />

substitution aux anciennes élites d'élites nouvelles, changement de statut de la femme et<br />

unification de l'enseignement) sont <strong>des</strong> objectifs qui ne peuvent être compris que par une<br />

volonté d'intro<strong>du</strong>ire les valeurs de la culture occidentale dans <strong>des</strong> cultures différentes. Ces<br />

cultures résisteront ; sans doute le vocabulaire soviétique a-t-il différé de celui de<br />

l'anthropologie culturelle ; l'opposition, par exemple, s'appelait lutte <strong>des</strong> classes ; mais sous<br />

ces variations terminologiques, nous retrouvons les mêmes processus décrits au début de cet<br />

article : opposition, syncrétisme, réinterprétation, métissage culturel, assimilation et contreacculturation.<br />

Par exemple, l'imposition <strong>des</strong> kolkhoz comme nouvelle structure de la société et<br />

de la pro<strong>du</strong>ction n'a pas entraîné la disparition de l'ancienne structure lignagère en Asie<br />

centrale ; les lignages se sont reformés en kolkhoz endogamiques (kolkhoz nains) et quand,<br />

dans une nouvelle étape, les Soviets ont voulu briser avec cette forme, considérée par eux<br />

comme non rationnelle et antipro<strong>du</strong>ctive, alors les kolkhoz ont ten<strong>du</strong> à se former en suivant la<br />

ligne <strong>des</strong> clans (réinterprétation ; Bennigsen, 1959, Tiersunbeav, 1958). L'assimilation s'est<br />

révélée plus facile dans les territoires <strong>du</strong> Nord, qui avaient une culture plus simple et ont<br />

absorbé plus facilement les innovations techniques, que dans l'Asie centrale, riche de<br />

traditions complexes et bien charpentées, d'où, dans cette dernière région, le syncrétisme entre<br />

l'ancien (la position de la belle-sœur, les tabous <strong>des</strong> systèmes de parenté traditionnels, certains<br />

éléments de la culture matérielle, etc.) et le nouveau (l'alphabétisation de la femme, son<br />

intro<strong>du</strong>ction dans l'usine, son égalisation politique avec l'homme, Académie <strong>des</strong> sciences,<br />

U.R.S.S., 1967), etc. Il n'est pas jusqu'à certains raffinements contemporains <strong>des</strong> théories de<br />

l'anthropologie culturelle, comme la distinction de Redfield entre la grande et la petite<br />

tradition (great and little traditions) ou celle de Dunn entre les aspects publics et privés de la<br />

culture, qui ne se retrouvent dans cette acculturation orientée et manipulée <strong>du</strong> dehors ; ainsi,<br />

dans le domaine religieux, la petite tradition qui était largement préislamique continua à se<br />

faire sentir et même à dominer, dans la mesure où la propagande athée de la Russie<br />

affaiblissait l'islam qui s'était superposé à ces « petites » traditions, cependant toujours<br />

pratiquées dans le cercle de la famille, particulièrement par le groupe féminin (S. P. Dunn et<br />

E. Dunn, 1962). D'une façon générale, et à l'intérieur même de l'idéologie soviétique, une<br />

coupure s'était établie entre les aspects économiques (infrastructures) et les aspects culturels<br />

(superstructures) qui restaient, eux, inaccessibles à l'acculturation dirigée et contrôlée, ce qui<br />

nous fait retrouver un autre concept de l'anthropologie culturelle (le retard culturel, cultural<br />

lag), faussant « la loi <strong>du</strong> développement social » marxiste (les changements de l'infrastructure<br />

entraînent automatiquement <strong>des</strong> changements dans les superstructures) ; il faudrait donc la<br />

corriger en distinguant dans les superstructures les aspects institutionnels (où la loi serait<br />

10


valable) et les aspects idéologiques (où le culturel se séparerait <strong>du</strong> social, pour vivre d'une vie<br />

indépendante). En somme, les mêmes phénomènes se retrouvent dans les divers types<br />

d'acculturation planifiée, il suffit de récrire la <strong>des</strong>cription de ces phénomènes, qui sont donnés<br />

dans l'ethnologie russe en termes d'évolutionnisme, dans le langage courant de l'anthropologie<br />

anglo-saxonne, pour se rendre compte de l'identité <strong>des</strong> faits, sous la différence <strong>des</strong> concepts.<br />

Cette identité n'a rien pour nous surprendre. D'abord parce que s'il existe un déterminisme<br />

social, ce déterminisme est partout le même, par définition. En second lieu parce que toute<br />

acculturation planifiée part de l'idée de la supériorité de certaines valeurs occidentales - <strong>du</strong><br />

moins dans les domaines technique et économique, souvent aussi politique - et qu'elle<br />

suppose, en conséquence, l'imposition de ces valeurs par le groupe au pouvoir (que ce groupe<br />

soit extérieur ou intérieur à l'ethnie considérée). Mais la création <strong>des</strong> nations indépendantes,<br />

libres de leur <strong>des</strong>tin, a, dans la perspective sociologique à l'intérieur de laquelle nous nous<br />

sommes placés, une importance considérable, car elle va permettre de faire prédominer les<br />

phénomènes d'adaptation sur les phénomènes de tension. On en a de bons exemples en<br />

Afrique, où la « négritude » (c'est-à-dire la volonté de maintenir les traditions africaines à<br />

l'intérieur <strong>des</strong> processus acculturatifs) cessa de prendre la forme polémique qu'elle avait chez<br />

Césaire pour prendre la forme syncrétique qu'elle connut chez Senghor. Ce que l'on a appelé<br />

« le socialisme africain », qui voulait être un socialisme « communautaire » en opposition au<br />

socialisme « sociétaire » de l'Occident, est une tentative pour mouler les apports d'une culture<br />

(européenne) selon le paideuma d'autres cultures (africaines). Nous n'avons pas encore assez<br />

de recul pour juger de cette tentative, il nous suffit de signaler qu'elle ne va pas, elle non plus,<br />

contre la conceptualisation classique <strong>des</strong> problèmes d'acculturation.<br />

L'acculturation planifiée, politiquement orientée par les groupes dominants, est la loi<br />

générale de notre époque. Cependant l'acculturation libre subsiste encore en quelques<br />

points <strong>du</strong> globe, où il existe <strong>des</strong> populations dites « sauvages », en dehors <strong>des</strong> contacts<br />

culturels continus, et qui vont rencontrer <strong>des</strong> populations blanches envahissant leurs<br />

territoires, ainsi en Amazonie. Il est nécessaire de considérer un de ces cas, pour voir si<br />

l'inverse de ce que nous venons de dire ne se justifie pas, c'est-à-dire qu'après avoir montré<br />

que l'acculturation planifiée retrouve les concepts anciens de l'époque où elle ne l'était pas, il<br />

reste à montrer que l'acculturation libre est déjà une acculturation planifiée (mais par un<br />

groupe d'intérêts, et non un groupe national).<br />

La société tribale Tukuna est en opposition à la société nationale brésilienne qui<br />

l'environne, historiquement et structurellement ; une opposition qui n'est pas seulement de<br />

contraires, mais de contradictoires, c'est-à-dire que l'existence de l'une tend à nier celle de<br />

l'autre. Les cabocles (sang-mêlés brésiliens) qui viennent s'installer dans l'aire Tukuna<br />

commencent par distribuer <strong>des</strong> cadeaux en échange <strong>des</strong> terres, ou plus exactement <strong>du</strong> droit de<br />

vivre sur les terres avoisinantes : ainsi ils créent chez les Indiens de nouveaux besoins qui ne<br />

peuvent être satisfaits par la culture locale - de cette façon s'incorpore la notion de « valeur de<br />

troc » pour <strong>des</strong> biens qui n'avaient d'autre valeur jusque-là que d'usage - ce qui forcera peu à<br />

peu l'indigène à « troquer » la seule chose dont il est vraiment propriétaire, son corps (maind'œuvre<br />

pour l'homme, travaux domestiques et sexuels pour la femme), contre les objets<br />

étrangers ; le système monétaire qui est alors assumé, comme intermédiaire entre le travail<br />

(salaire) et la satisfaction <strong>des</strong> besoins (achats), permet, en endettant l'Indien, de le soumettre à<br />

un demi-esclavage définitif. Une nouvelle structure sociale apparaît alors, où les diverses<br />

institutions tribales (la moitié, le clan, le système <strong>des</strong> parentés), maintenues par les plus vieux<br />

forment une totalité syncrétique avec les institutions <strong>des</strong> Blancs, acceptées par les fils <strong>des</strong><br />

unions interethniques qui, autrement, ne pourraient qu'artificiellement, dans une société<br />

11


patrilinéaire, acquérir un statut clanique. Cette « caboclisation » à son tour entraîne la perte<br />

<strong>des</strong> valeurs mystiques qui fondaient l'organisation sociale traditionnelle Tukuna. Nous voyons<br />

donc qu'on ne peut analyser les phénomènes d'acculturation, même libre, sans décrire d'abord<br />

les structures de pouvoir (économique ou politique), et que les faits culturels s'insèrent dans<br />

un processus de nature sociologique, qui retire à la société indigène toute son autonomie ; les<br />

phénomènes d'interaction culturelle non planifiée entre Indiens et Blancs doivent donc, pour<br />

être compris, être situés dans un ensemble mouvant de con<strong>du</strong>ites, soit paternalistes, soit<br />

agressives, c'est-à-dire à travers une ethnologie reposant en dernière analyse sur une<br />

sociologie structurale et dynamique (R. Cardoso de Oliveira, 1964).<br />

Tandis que, d'un côté, l'exemple emprunté aux planifications russes nous montre la valeur<br />

de la conceptualisation de l'anthropologie culturelle à travers la sociologie <strong>du</strong> développement,<br />

de l'autre, l'exemple <strong>des</strong> Tukuna nous montre que cette conceptualisation, même dans le cas<br />

d'acculturation non planifiée, ne peut avoir de valeur explicative qu'à la condition d'être liée<br />

aux cadres sociaux dans lesquels se fait le contact. La tâche de l'anthropologie contemporaine,<br />

en ce domaine, est donc de distinguer les divers types de dialectiques pouvant s'instaurer entre<br />

les contacts culturels et les contacts sociaux, entre les interpénétrations <strong>des</strong> civilisations et les<br />

intégrations <strong>des</strong> ethnies en <strong>des</strong> ensembles nationaux.<br />

Roger BASTIDE<br />

Bibliographie<br />

ACADEMY OF SCIENCES U.S.S.R., « Comments by Members of the<br />

N. N. MikluhoMaklaia Institute of Ethnography », in Current Anthrop., n o 8, 1967<br />

G. AGUIRRE BELTRÁN, El Proceso de aculturación, Mexico, 1957<br />

G. BALANDIER, Sociologie actuelle de l'Afrique noire, 4 e éd., P.U.F., Paris, 1982<br />

R. BASTIDE, « Problèmes de l'entrecroisement <strong>des</strong> civilisations et de leurs œuvres », in<br />

Traité de sociologie de G. Gurvitch, vol. II, ibid., 1963<br />

R. BEALS, « Acculturation », in Anthropology Today, Chicago, 1953<br />

R. CARDOSO DE OLIVEIRA, O Indio e o Mundo dos Brancos, São Paulo, 1964<br />

M. DE CERTEAU, L'Invention <strong>du</strong> quotidien, t. I, U.G.E., Paris, 1980<br />

M. DE CERTEAU, D. JULIA & J. REVEL, Une politique de la langue. La Révolution<br />

française et les patois, Gallimard, Paris, 1975<br />

S. P. DUNN & E. DUNN, « Directed Culture Change in the Soviet Union : some soviet<br />

studies », in Amer. Anthrop., n o 64, 1962 ; « Soviet Regime and native culture in Central Asia<br />

and Kazakhstan : the major peoples », in Current Anthrop., n o 8, 1967<br />

J. W. EATON, « Controlled Acculturation : a survival technique », in Amer. Soc. R., n o 17,<br />

1952<br />

12


S. N. EISENSTADT, « The Perception of time and space in a situation of culture contact », in<br />

Journ. of the Royal Anthrop. Inst., 1949<br />

R. FIRTH, Social Change in Tikopia, Londres, 1959<br />

M. FORTES, « Culture Contact as a dynamic process », in Africa, n o 9, 1936<br />

G. FREYRE, Maîtres et esclaves, trad. R. Bastide, Gallimard, 1974<br />

M. GLUCKMAN, « Analysis of a social situation in modern Zululand », in Bantu Studies,<br />

n o 14, 1960<br />

A. I. HALLOWELL, « Ojibwa personality and acculturation », in Acculturation in the<br />

Americas, Proceeding of the 29th Int. Congress of Americ., Chicago, 1952<br />

M. J. HERSKOVITS, Les Bases de l'anthropologie culturelle, trad. franç., Payot, Paris, 1952<br />

J.-M. HURAULT, Français et Indiens en Guyane, Cayenne, 1989<br />

A. KARDINER, L'Indivi<strong>du</strong> dans sa société (The Indivi<strong>du</strong>al in His Society, 1945), Gallimard,<br />

1971<br />

F. KEESING, The South Seas in the Modern World, New York, 1941, rééd. Hippocrene<br />

Books 1972 ; Culture Change : an Analysis and Bibliography Sources, Stanford, 1953, rééd.<br />

ibid. 1973<br />

T. KOSAKAI, Les Japonais sont-ils <strong>des</strong> Occidentaux , L'Harmattan, Paris, 1991<br />

D. LAPEYRONIE dir., Les Politiques locales d'intégration <strong>des</strong> minorités immigrées en<br />

Europe et aux États-Unis, Agence pour le dév. <strong>des</strong> rel. interculturelles, 1991<br />

B. MALINOWSKI, « Intro<strong>du</strong>ctory Essay », in Methods of Study of Culture Contact in Africa,<br />

Oxford, 1938<br />

D. C. MANDELBAUM, « Culture Change among the Nilghiri Tribes », in Amer. Anthrop.,<br />

n o 43, 1941<br />

R. REDFIELD, R. LINTON & M. J. HERSKOVITS, « Memoran<strong>du</strong>m on the study of<br />

acculturation », in Amer. Anthrop., n o 38, 1936<br />

SINGARAVELOU, Les Indiens de la Caraïbe, vol. III, L'Harmattan, 1988<br />

13

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!