MAQUETTE PSYCH - Centre hospitalier Esquirol
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CONGRÈS SFPG<br />
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
François VIÉBAN, Philippe THOMAS, Jean Pierre CLÉMENT<br />
RÉSUMÉ _______________________________________________<br />
Avec la dépression et les démences, l’anxiété fait<br />
partie des troubles psychiques les plus fréquemment<br />
observés au cours de la vieillesse. Elle entre t i e n t<br />
avec l’une et l’autre des relations extrêmement étro i t e s .<br />
A côté de l’évolution sénile de l’anxiété primaire, la<br />
vieillesse par elle-même est pourvoyeuse de tro u b l e s<br />
anxieux généralement secondaires au contexte polypa -<br />
thologique dans lequel la personne se tro u v e.<br />
La thérapeutique médicamenteuse fait preuve d’effi -<br />
cacité dans le traitement de l’anxiété du sujet âgé à<br />
condition de demeurer dans une parfaite connais -<br />
sance des spécificités des produits et de la popula -<br />
tion à laquelle ils s’adressent. Mais la prise en soins<br />
de l’anxiété ne saurait être suffisante sans adjoindre<br />
des mesures non médicamenteuses destinées à favo -<br />
riser le retour à la sérénité par le biais de mesures<br />
psychothérapiques et environnementales.<br />
SUMMARY _____________________________________________<br />
With depression and dementia, anxiety occupies a<br />
central place in the psychopathology of elderly<br />
persons. In this population, its treatment is gene -<br />
rally considered as difficult, especially due to<br />
adverse effects of psychotropic drugs and especially<br />
benzodiazepines. In fact, the treatment of anxiety<br />
should not be restricted in benzodiazepines and<br />
p h a rmacotherapy. It is well-codified in a holistic<br />
approach of the aged persons, based on the recogni -<br />
tion of their individual specificities, the potential<br />
role played by their environnment and a perf e c t<br />
a w a reness of the pharmacological properties of<br />
psychotropic drugs.<br />
Mots clés : Anxiété - Sujet âgé - Clinique -<br />
Tr a i t e m e n t s .<br />
Key words : Anxiety - Elderly - Clinical approach -<br />
Treatments.<br />
Praticien Hospitalier au <strong>Centre</strong> Hospitalier <strong>Esquirol</strong>, <strong>Centre</strong> de Psychiatrie<br />
du Sujet Âgé (PT), Professeur des Universités. Praticien Hospitalier, Chef de<br />
Pôle au <strong>Centre</strong> Hospitalier <strong>Esquirol</strong>, <strong>Centre</strong> de Psychiatrie du Sujet Âgé<br />
(JPC) 87025 Limoges Cedex, France.<br />
Auteur correspondant : Docteur François Viéban, <strong>Centre</strong> Hospitalier<br />
<strong>Esquirol</strong>, <strong>Centre</strong> de Psychiatrie du Sujet Âgé, 15 rue du Dr Marcland, 87025<br />
Limoges cedex, F r a n c e.<br />
E-mail : francois.vieban@ch-esquirol-limoges.fr<br />
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Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
S<br />
igne des temps modernes où l’on va si vite que<br />
tout semble en un instant dépassé, même les<br />
représentations les plus solidement inscrites<br />
dans l’imaginaire populaire, ou bien signe du temps qui<br />
passe au mépris de l’imagerie d’Epinal qu’il renvoie au<br />
re g i s t re de l’exception, force est de constater que ce<br />
v i e i l l a rd balzacien empreint de sagesse et de sérénité<br />
qui s’éteint dans son lit entouré de l’affection des siens<br />
est souvent bien éloigné de celui que nous côtoyons,<br />
tout du moins en ce qui concerne le second terme de<br />
cette assertion.<br />
Il est vrai que, pour peu que l’on accepte d’y être<br />
c o n f r onté en abandonnant notre pro p r e re f u g e<br />
défensif, nul ne saurait dénier à celui qui approche le<br />
terme de son existence avec un corps et un psychisme<br />
fragilisés, la difficulté d’être vieux et le péril qu’il y a à<br />
subir tant de pertes et d’affronts à ses idéaux sans autre<br />
espoir que celui d’une délivrance dans la mort.<br />
Sans pour autant négliger la possibilité d’évolutions<br />
infiniment moins dramatiques, l’anxiété réside au cœur<br />
de la psychopathologie de la vieillesse. Il n’y a ainsi<br />
aucune raison de penser, comme on l’a fait pendant<br />
longtemps, que l’avancée en âge voyait sa prévalence<br />
r é g re s s e r, et bien au contraire. En fait, l’essor de la<br />
psychogériatrie a mis en question le devenir du<br />
psychisme humain avec la sénescence ce qui a conduit<br />
à une meilleure définition donc à une plus grande<br />
reconnaissance de ses perturbations, qu’il s’agisse de<br />
l’évolution sénile des troubles psychiques apparus plus<br />
précocement dans l’existence ou bien d’une morbidité<br />
psychiatrique nouvelle issue des conséquences même<br />
de la vieillesse.<br />
Dans un cas comme l’autre, lorsqu’il s’agit de l’anxiété<br />
du sujet âgé, les critères diagnostiques énoncés dans les<br />
classifications internationales des troubles mentaux<br />
(Manuel Diagnostic et Statistique de l’Association<br />
Américaine de Psychiatrie : DSM-IV, ou Classification<br />
Internationale des Maladies de l’Organisation Mondiale<br />
de la Santé : CIM-10) paraissent conserver leur validité<br />
( 1 )<br />
bien que demeure toujours en suspend la question<br />
d’une clinique spécifique qui serait plus vraisemblablement<br />
liée au contexte général dans lequel le trouble se<br />
développe (“multimorbidité” physique et psychiatrique,<br />
précarité physique, cognitive et sociale) qu’à une<br />
sémiologie distincte de celle de l’adulte plus jeune.<br />
S’il n’est pas question d’écarter cette re p r é s e n t a t i o n<br />
catégorielle, la clinique des troubles psychiques peut<br />
aussi être envisagée dans une perspective dimensionnelle,<br />
qui dans le cas de la personne âgée et tout partic<br />
u l i è rement s’il s’agit de l’anxiété, fait preuve d’une<br />
pertinence certaine. Cette conception autorise ainsi<br />
l’idée d’une continuité et donc d’une oscillation<br />
possible chez une même personne entre une incertitude<br />
douloureuse face à l’avenir, une inquiétude (qui<br />
t rouve sa justification dans le climat de fragilité<br />
ambiant) et une anxiété morbide qui déborde les frontières<br />
de la raison pour parfois conduire à des accès de<br />
panique aux conséquences éprouvantes. Un intérêt et<br />
non le moindre, de cette approche, est d’interd i re la<br />
banalisation de toutes manifestation d’anxiété chez une<br />
personne âgée par anticipation du risque de la voir<br />
adopter une intensité plus dramatique, ou de la voir se<br />
réfugier dans le repli social et la dépendance physique.<br />
Dans le même ord re d’idées, la pratique clinique<br />
suggère une simultanéité voire un lien entre les phénomènes<br />
anxieux qui sont observés chez les patients âgés<br />
et leur état de santé physique ou psychique, qu’il<br />
s’agisse notamment d’un processus démentiel ou d’un<br />
état dépressif pour lequel la question d’un continuum<br />
ou d’une comorbidité fait toujours débat dans la littérature<br />
actuelle (1) .<br />
Ce sont ces divers aspects de l’anxiété qui sero n t<br />
abordés ici avant d’évoquer le problème posé par leur<br />
évaluation et surtout celui de leur prise en soins, tant<br />
médicamenteuse que non médicamenteuse.<br />
DÉFINITION ____________________________________<br />
Dans le langage courant, anxiété et angoisse sont<br />
généralement utilisés indifféremment pour désigner un<br />
sentiment pénible d’appréhension et de détresse, issu<br />
d’un sensation de péril imprécis, subjectif mais dont<br />
l’idée de l’imminence renforce parfois jusqu’à la démesure<br />
l’intensité émotionnelle (2) .<br />
Ce sentiment est à distinguer de la peur qui, quant à<br />
elle, naît d’une menace objective, interne ou externe (3) .<br />
Si anxiété et angoisse partagent une étymologie latine<br />
commune, ainsi que l’angor, l’idée de l’étroitesse et du<br />
re s s e r rement doit être distinguée en une expérience<br />
psychique, affective, et en une expérience physique,<br />
l’angoisse étant alors restreinte à ce second terme.<br />
L’anxiété représente ainsi le terme émotionnel sous la<br />
forme d’une impression d’impasse et de resserrement<br />
d’un chemin dans lequel la volte-face est impossible ce<br />
qui, du moins de manière fantasmatique, vient priver<br />
celui qui l’éprouve de toute chance d’échapper au<br />
danger qu’il imagine. La menace d’anéantissement<br />
devient alors certaine pour lui.<br />
L’angoisse quant à elle, figure la dimension corporelle<br />
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Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
de cette expérience douloureuse. Si le re s s e r re m e n t<br />
figuré devient celui de l’oppression thoracique et de la<br />
g o rge serrée rendant pénible toute déglutition, s’y<br />
ajoute un cortège d’autres symptômes physiques tels<br />
les tremblements fins, rapides, qui peuvent aussi<br />
atteindre les muscles de la phonation, rendant alors la<br />
voix “chevrotante” à moins qu’elle ne soit devenue<br />
“blanche” du fait d’une tension plus extrême. Les<br />
nausées, parfois les vomissements, les douleurs abdominales<br />
qui accompagnent la débâcle des émonctoires,<br />
le souffle court et l’emballement du cœur confirm e n t<br />
bien que, si la situation suscite l’alerte de l’organisme,<br />
celui-ci ne saurait constituer l’allié qui perm e t t r a<br />
d’échapper au danger.<br />
La plupart des individus ayant éprouvé l’anxiété au<br />
cours de leur existence, il est possible d’imaginer<br />
qu’elle est un des constituants “normaux” de la vie<br />
psychique. Tout individu étant constamment contraint<br />
de s’adapter, il se trouve à un moment dans la situation<br />
d’une rupture d’équilibre qui le conduit à devoir<br />
“lâcher” le connu, le maîtrisé, pour se rapprocher d’un<br />
état nouveau, avec l’appréhension qu’il ne lui soit<br />
hostile ou le doute sur sa capacité à y retrouver un état<br />
d’équilibre qui, quoi qu’il en soit, ne sera pas immédiat.<br />
L’anxiété accède à une dimension pathologique lorsqu’elle<br />
occasionne une souffrance intolérable qui inhibe<br />
et stérilise l’existence (3) .<br />
Ainsi, parmi les approches théoriques de l’anxiété du<br />
sujet âgé et sans pour autant exclure une appro c h e<br />
psychodynamique attachée notamment à mettre en<br />
concordance les situations actuelles avec les angoisses<br />
archaïques fondatrices de l’individu, on mentionnera ici<br />
l ’ a p p roche quantitative telle qu’elle peut être re p r é-<br />
sentée par l’équation de Salkovskis (4) .<br />
( p e rception de conséquences menaçantes) X<br />
( p e rception de la probabilité d’un danger) X<br />
(imminence perçue)<br />
( p e rception de la capacité à faire face au danger) +<br />
( p e rception de facteur sécurisant)<br />
Bien qu’il soit évidemment impossible et l’on peut s’en<br />
f é l i c i t e r, de réduire la vie humaine à des équations<br />
mathématiques, cette représentation présente l’intérêt<br />
d'énoncer les termes en jeu lorsque l’anxiété accède à<br />
sa dimension maladive au cours de la vieillesse avec,<br />
une nouvelle fois, l’idée que l’adaptation et surtout ses<br />
d i fficultés et échecs occupent une position centrale<br />
dans la psychopathologie du vieillissement.<br />
Contribution de l’epidemiologie à la connaissance<br />
de l’anxiete du sujet age<br />
Les données épidémiologiques classiques ont contribué<br />
à l’instauration d’une idée tenace selon laquelle la<br />
prévalence des troubles anxieux diminue avec l’âge, ce<br />
qui de manière naturelle, les rend négligeables et donc<br />
justifierait qu’ils soient négligés.<br />
En fait, il n’en est rien puisque les données récentes<br />
permettent de situer la prévalence des troubles anxieux<br />
chez les personnes âgées au-delà des chiff res re l e v é s<br />
chez l’adulte plus jeune comme ont pu l’observer<br />
Lauderdale et Sheikh au cours d’une importante revue<br />
de littérature sur le sujet parue en 2003. Ainsi, si les<br />
troubles anxieux ont une prévalence de l’ordre de 8%<br />
chez l’adulte, celle-ci atteint 10 à 15% ( 5 ) chez les<br />
personnes âgées. Jusqu’à 20% des personnes âgées de<br />
plus de 75 ans présenteraient des symptômes anxieux<br />
significatifs (6) .<br />
Ces chiffres doivent être accueillis avec circonspection<br />
car ils ne représentent qu’un aperçu optimiste de la<br />
situation réelle. Comme pour les autres tro u b l e s<br />
psychiques, et l’on citera en premier lieu la dépression,<br />
la prévalence de l’anxiété parait effectivement larg e-<br />
ment sous-estimée lorsqu’elle concerne la population<br />
des personnes âgées. Nombre de personnes âgées<br />
subissent une gène fonctionnelle dans leur vie de tous<br />
les jours à cause d’une anxiété qui échappe aux critères<br />
diagnostics habituels (7) .<br />
A côté des biais méthodologiques (outils de dépistage<br />
inadaptés car conçus pour évaluer une séméiologie<br />
“ p u re” telle qu’elle peut être attendue chez l’adulte<br />
“mono” ou “pauci-pathologique”, classifications des<br />
t roubles mentaux irréalistes chez le vieillard fragile<br />
souvent atteint de, et traité pour, plusieurs maladies<br />
physiques et psychiques dont les effets se conjuguent et<br />
s’additionnent), il faut bien reconnaître qu’il existe une<br />
réelle difficulté à discerner les signes qui orienteraient<br />
vers l’anxiété. Un premier obstacle est représenté par<br />
l’alexithymie ou par l’émoussement affectif, qui interdisent<br />
au patient et donc à son entourage l’accès à la<br />
représentation de son malaise psychique, de sa souf-<br />
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Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
france morale, au profit d’un inconfort et d’une souffrance<br />
corporels plus aisément identifiables et qu’il<br />
conviendra d’exprimer au travers de plaintes. Envoûté<br />
par ce chant des sirènes bien involontairement entonné<br />
par son patient, son médecin et le corps médical dans<br />
son ensemble d’ailleurs, risquent d’errer parfois à<br />
jamais sans parvenir à soulager celui qui souffre du mal<br />
de vivre.<br />
Par ailleurs, le retentissement de l’anxiété sur la vie<br />
quotidienne est également examiné au travers des<br />
études épidémiologiques qui tendraient à confirmer que<br />
l’anxiété nuit à la qualité de vie des personnes âgées (8)<br />
en agissant défavorablement sur l’autonomie et l’accomplissement<br />
des actes de la vie quotidienne (ADL) (9) .<br />
Les troubles anxieux sont un facteur de risque important<br />
d’aggravation de la dépendance chez une<br />
personne âgée, ce que confirment Wetherell et al. (8) et<br />
Schultz et al. ( 10 ) qui constatent aussi qu’ils sont une<br />
cause de morbidité considérable. Elle aggrave la morbidité<br />
associée et augmente la consommation de soins.<br />
Tout ceci impose de les prendre en charge convenablement<br />
en prenant garde d’éviter au patient les eff e t s<br />
potentiellement préjudiciables du traitement, et en<br />
particulier des benzodiazépines ( 1 0 ) . Pourtant,<br />
L a u d e rda le ( 5 ) sous-entend que les médecins traitants<br />
ont tendance à méconnaître le diagnostic de l’anxiété<br />
au profit d’une dépression ou d’un trouble somatique,<br />
et ceci tout particulièrement lorsqu’elle est associée à<br />
une maladie organique grave ou à une douleur chronique<br />
persistante.<br />
Il semble possible de dégager un certain nombre de<br />
facteurs de risque anxieux. Le taux de femmes<br />
anxieuses est nettement supérieur à celui des hommes<br />
mais ceci n’est pas spécifique à la vieillesse (11, 12) .<br />
Contrairement aux plus jeunes, les antécédents personnels<br />
ou familiaux de troubles anxieux ou de l’humeur<br />
ne constituent pas un facteur de risque ( 1 3 ) . En fait,<br />
hormis le fait d’avoir reçu une éducation peu traditionnelle,<br />
c’est surtout l’existence de problèmes physiques<br />
c h roniques, de troubles cognitifs et l’existence de<br />
conditions de vie maintenant un niveau élevé de stress<br />
émotionnel qui exposent la personne âgée à développer<br />
des troubles anxieux (11, 13) .<br />
Expression clinique des troubles anxieux chez le<br />
sujet age<br />
Dans un certain nombre de situations, l’expre s s i o n<br />
clinique de l’anxiété est sans équivoque. Correspondant<br />
en tout point avec celle à laquelle le praticien est familiarisé<br />
chez l’adulte plus jeune, son diagnostic ne pose<br />
pas de difficulté (14) .<br />
Toutefois, cette présentation typique de l’anxiété est<br />
souvent remplacée par des formes incomplètes, plus<br />
ou moins noyées dans le climat polypathologique dans<br />
lequel la personne âgée se trouve placée.<br />
Dans ce cas, si l’idée d’une spécificité clinique de l’anxiété<br />
chez la personne âgée doit être mise en question,<br />
il semble possible d’envisager, en écho à la dépression<br />
du sujet âgé, l’hypothèse d’une « anxiété masquée »<br />
dans laquelle les signes psychiques sont relégués au<br />
second plan. Les signes physiques occupent alors<br />
généralement le devant de la scène.<br />
Dans les situations les plus aigues, la crise d’angoisse<br />
pourra orienter le diagnostic vers un pro b l è m e<br />
c a rdiaque ou re s p i r a t o i re qu’il sera urgent d’évaluer.<br />
Parfois, le patient se plaindra de son sommeil, de tremblements,<br />
de douleurs, de vertiges …<br />
Dans d’autres situations, notamment lorsque l’anxiété<br />
est vespérale, on redoutera une démence débutante<br />
devant des troubles de l’attention et de la concentration<br />
qui engendreront à leur tour des difficultés mnésiques.<br />
Dans certains cas, l’anxiété est source d’une inhibition<br />
qui vient renforcer les difficultés cognitives et participe<br />
à un réel handicap perceptible au travers de la vie<br />
quotidienne du patient.<br />
L’anxiété peut s’accompagner d’un sentiment de<br />
déréalisation ou de dépersonnalisation lorsqu’elle<br />
devient intense, tout comme elle peut engendrer des<br />
états confusionnels.<br />
Elle peut aussi se présenter sous la forme de perturbations<br />
comportementales, notamment lorsque la fragilité<br />
cognitive du sujet âgé le prive des autres voies d’expression<br />
de son malaise. Dans ce cas, selon l’intensité<br />
de l’anxiété, qui peut aller jusqu’à la panique avec un<br />
e ffet d’auto-entretien qui va en s’amplifiant, ce sera<br />
plutôt une instabilité motrice, une irritabilité, à moins<br />
qu’il ne s’agisse d’une véritable agitation, de « fugues »,<br />
de manifestations de rejet des autres avec plus ou<br />
moins de violence, voire des comportements directs ou<br />
indirects d’autodestruction.<br />
On le voit donc, la clinique de l’anxiété du sujet âgé<br />
peut adopter une présentation spécifique qui parait<br />
sous l’étroite dépendance du “terrain” sur lequel elle<br />
s’exprime. La comorbidité somatique et l’existence ou<br />
non d’un déclin cognitif associé représentent alors les<br />
principaux “agents colorants” de la séméiologie de cette<br />
anxiété secondaire qui sera revue un peu plus loin.<br />
E ffectivement, il est classique de distinguer aux côtés de l’anxiété<br />
primaire, isolée, qui tolère habituellement le classement<br />
catégoriel de la nosographie “moderne”, une anxiété<br />
s e c o n d a i re “co-occurrente” des situations pathologiques (14) .<br />
89
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
L’anxiété primaire chez les personnes âgées<br />
Se pose alors la question de l’adéquation des catégories<br />
nosographiques appliquées à l’anxiété de l’adulte à<br />
celle du sujet âgé. Un certain nombre de spécificités<br />
semble se dessiner et il convient donc de les examiner<br />
pour se rendre compte qu’elles demeurent applicables<br />
pour peu qu’on les assouplisse quelque peu.<br />
Le trouble panique<br />
Le trouble panique est caractérisé par la survenue<br />
d’accès récurrents d’attaques de panique, c'est-à-dire de<br />
crises d’angoisse aigues. Inattendues et récidivantes,<br />
elles doivent, pour correspondre aux critères diagnostics,<br />
être répétées au moins quatre fois ou bien le<br />
patient doit en redouter la récidive pendant au moins le<br />
mois qui suit sa survenue. (14,15) .<br />
Il serait rarement re t rouvé après 65 ans comme en<br />
témoignent les études qui lui accordent une prévalence<br />
de l’ord re de 0.1 à 0.3%. Léger ( 3 ) f o rme l’hypothèse<br />
d’une sous-évaluation du fait d’une sur-morbidité de ces<br />
patients (dépression, vertiges, problèmes re s p i r a-<br />
toires…) qui amènerait à les inclure dans d’autres catégories<br />
diagnostiques lors des études.<br />
Pour Thomas et Hazif-Thomas ( 1 5 ) , la moindre<br />
fréquence du trouble panique chez les personnes<br />
âgées, et notamment très âgées pourrait être expliquée<br />
par l’instauration de stratégies défensives plus efficaces<br />
que chez les plus jeunes à moins qu’il ne s’agisse d’une<br />
fausse diminution, soit car la clinique est remaniée avec<br />
un mode d’expression essentiellement corporel ou bien<br />
car la démotivation et les troubles du comportement<br />
ont un effet masquant.<br />
Il est aussi possible, pour ces auteurs, que de<br />
n o m b reu ses attaques de panique passent inaperçues<br />
car leur expression est abrasée par un traitement<br />
n e u roleptique ou anxiolytique donné pour un état<br />
d’agitation. Un recours à l’alcool est aussi possible chez<br />
ces patients et focalisera, souvent tard i v e m e n t<br />
d’ailleurs, l’attention du médecin (16) .<br />
D’une manière générale, les travaux réalisés récemment<br />
font état d’un remaniement du trouble panique<br />
avec l’âge. Il adopte une présentation moins aigue,<br />
avec moins d’anxiété et moins d’intensité sur le plan<br />
somatique (17) . Il y a une forte intrication à une comorbidité<br />
(notamment cardiovasculaire) qui peut masquer sa<br />
reconnaissance et engendrer la sous-évaluation. Par<br />
contre, les troubles cognitifs sont au premier plan (18,19)<br />
avec notamment des tableaux confusionnels.<br />
Les patients âgés atteint d’un trouble panique sont des<br />
personnes fragiles et si l’attaque de panique mimait<br />
une urgence cardiologique ou re s p i r a t o i re au départ,<br />
elle peut être à l’origine d’une véritable décompensation.<br />
Il conviendra donc de demeurer très prudent et de<br />
ne jamais négliger ces situations ambiguës.<br />
Le trouble anxieux généralisé<br />
Le diagnostic se fonde autour de la persistance au<br />
moins six mois de plusieurs symptômes anxieux ou de<br />
soucis injustifiés (14) .<br />
Les études sur le sujet sont nombreuses, re n d a n t<br />
compte des préoccupations qu’il suscite en psychogériatrie.<br />
Effectivement, il représente le trouble anxieux le<br />
plus fréquent au cours du troisième âge (70%) et la<br />
question de ses rapports avec la dépression est constamment<br />
posée car la comorbidité des deux est extrêmement<br />
fréquente ( 14 , 1 ) et l’efficacité des benzodiazépines<br />
très relative (20) .<br />
Il parait possible de distinguer deux sous-populations<br />
de patients : ceux dont le trouble anxieux généralisé,<br />
en relative conformité avec les critères cliniques<br />
énoncés dans le DSM-IV, évolue depuis déjà un certain<br />
temps, souvent la cinquantaine ; et ceux dont le trouble<br />
est d’apparition tardive. Dans ce dernier cas de figure,<br />
l’anxiété est souvent corrélée à des difficultés réelles<br />
dans le mode de vie ou l’état de santé mais leur caract<br />
è re excessif, le retentissement sur la vie quotidienne, et<br />
l’envahissement de la vie psychique souligne leur caract<br />
è re pathologique ce qui justifie la prise en charge ( 1 4 ) .<br />
La clinique du trouble anxieux généralisé est dominée<br />
par la plainte, avec une mise au second plan des signes<br />
psychiques de l’anxiété qui, sans être absents sont<br />
minimisés ou carrément omis par le patient. Ce sont<br />
des patients qui se plaignent surtout de leur corps (troubles<br />
locomoteurs, douleurs, troubles de la vigilance,<br />
insomnie…). Lorsque le médecin tente de dépasser la<br />
plainte physique, c’est pour entendre la personne se<br />
p l a i n d r e de la solitude, de sa dépendance, des<br />
mauvaises conditions de vie qui sont les siennes (14) .<br />
Comme on l’a vu plus haut, l’intrication avec la dépression<br />
du sujet âgé est très ténue mais il parait possible<br />
de dissocier les deux, la dépression faisant souvent<br />
suite au trouble. Pour certains, mais la contro v e r s e<br />
existe, la plainte serait moins intense dans le tro u b l e<br />
anxieux généralisé que dans la dépression (1) .<br />
Quoi qu’il en soit, le retentissement sur la qualité de vie<br />
des personnes et sur leur dépendance est certain (8) . De<br />
plus, qu’il s’agisse de sa famille ou de tous ceux qui la<br />
côtoient, notamment lorsqu’elle vit en institution, l’entourage<br />
d’une personne âgée anxieuse n’est jamais<br />
90
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
épargné. Sans aucun doute, il en concevra de la peine<br />
et de l’inquiétude, mais aussi du désespoir et de la<br />
colère face à son impuissance et à l’envahissement de<br />
la relation par l’anxiété, ses plaintes et le handicap<br />
qu’elle génère. Des réactions d’irritation et de re j e t<br />
avec plus ou moins de violence risquent alors de<br />
s’abattre sur la malheureuse victime qui en contrecoup<br />
n’en sera que plus anxieuse.<br />
Les troubles phobiques<br />
Ils peuvent se définir comme des réactions d’anxiété<br />
survenant lorsque celui qui en souffre est confronté à<br />
une situation donnée. On distingue des phobies spécifiques,<br />
l’agoraphobie et les phobies sociales principalement.<br />
Le patient met en place des stratégies destinées<br />
à lui épargner la souffrance de la confrontation à<br />
l’objet ou la situation phobogène. Il peut s’agir de<br />
conduites d’évitement ou de réassurance qui peuvent<br />
ê t re lourdes de conséquences par leur re t e n t i s s e m e n t<br />
sur la vie du sujet (repli sur soi, dépression, alcoolisme,<br />
suicide …) (14) .<br />
Les études sur le sujet sont plus anciennes que les<br />
précédentes. Elles font état de prévalences variables.<br />
On retiendra des chiffres de l’ordre de 4,8% pour les<br />
phobies spécifiques, 1.4% pour l’agoraphobie et 0.4%<br />
pour les phobies sociales ( 1 ) . Léger ( 3 ) comme Lang et<br />
Stein (7) relèvent des chiffres nettement plus alarmants<br />
ce qui laisse imaginer la difficulté qu’il peut y avoir à<br />
estimer précisément les troubles mentaux du sujet âgé.<br />
Chez les personnes âgées en particulier, les difficultés<br />
essentielles sont posées par l’agoraphobie et les<br />
phobies sociales du sujet âgé. Alors que l’on connaît<br />
bien les phobies de l’adulte qui évoluent avec son<br />
avance en âge, les phobies débutant tard dans la vie<br />
sont souvent méconnues et négligées alors que leur<br />
fréquence est loin d’être négligeable (1) .<br />
- L’agoraphobie qui apparaît chez une personne<br />
âgée succède très souvent à un problème de santé, une<br />
chute, une atteinte à son intégrité physique voire une<br />
a g res sion. Elle engendre un handicap fonctionnel et<br />
relationnel évident car l’individu mettra en place des<br />
conduites d’évitement pourvoyeuses d’isolement, de<br />
retrait social puisqu’il fuira les lieux publics, les activités<br />
sociales, les réunions conviviales pour ne pas être<br />
confronté à une situation d’où il lui serait impossible de<br />
s’échapper ou de recevoir de l’aide en cas de crise<br />
d’angoisse (3) .<br />
Concernant la phobie des chutes, il se pose encore la<br />
question de savoir s’il s’agit d’une phobie simple, d’un<br />
s t ress aigu post traumatique ou d’une manifestation<br />
d’agoraphobie survenue à la suite d’une chute ou d’un<br />
traumatisme et caractérisée par la peur de ne pas être<br />
secouru en cas de nouvelle chute (3) . Une autre conception<br />
pourrait être de considérer le “syndrome postchute”<br />
comme une phobie particulière au sujet âgé<br />
associant à la peur de tomber une anxiété et une<br />
dépression (21) .<br />
- Les phobies sociales du sujet âgé ne font quant à<br />
elles q u ’ e x c e p t ionnellement l’objet d’une demande de<br />
prise en soins. Elles sont en conséquence larg e m e n t<br />
moins étudiées que chez les adultes plus jeunes pour<br />
qui elles occasionnent un handicap extrêmement<br />
préoccupant tant dans de domaine social que pro f e s-<br />
sionnel. Leur prévalence au cours de la vieillesse serait<br />
moins importante mais elle est loin d’être négligeable<br />
(22)<br />
, soit entre 0.6 et 1.37% (3) , voire 3.1% (11) selon les<br />
études.<br />
La caractéristique dominante est une peur intense et<br />
excessive d’être observé et de se sentir humilié ou<br />
victime des railleries des autres. L’instauration de<br />
conduites d’évitement des contacts sociaux est la seule<br />
solution envisageable pour échapper à l’angoisse.<br />
Léger (3) considère que la seule particularité des phobies<br />
sociales du troisième âge est le chevauchement avec<br />
l’agoraphobie qui elle-même est plus souvent qu’aux<br />
autres âges de l’existence associée à une autre phobie,<br />
et tout particulièrement les phobies sociales.<br />
Quoi qu’il en soit, sans pouvoir parler de véritable<br />
spécificité des phobies sociales avec l’âge, il faut néanmoins<br />
en reconnaître les particularités séméiologiques<br />
qui devront alerter. Une personne jeune en eff e t ,<br />
inquiètera lorsqu’elle rompra les relations avec son<br />
entourage et désertera son travail et toute vie sociale.<br />
Par contre, le désinvestissement social est la plupart du<br />
temps banalisé, “rationalisé” par les proches d’un<br />
vieillard qui avance lui-même les prétextes de “l’âge”,<br />
de la fatigue, des douleurs, de la lenteur à se mouvoir<br />
ou à manger, de la surdité ou du deuil de son conjoint<br />
pour fuir les réunions de famille, le club du tro i s i è m e<br />
âge, sa communauté religieuse ou la salle à manger de<br />
la maison de retraite dans laquelle il réside. Il n’est<br />
évidemment pas question ici d’être irrespectueux du<br />
désir d’un individu de choisir le mode de vie qui lui<br />
convient, l’animation et l’activation “coûte que<br />
coûte””de certains vieillards confinant parfois à la<br />
maltraitance. Il semble plutôt nécessaire d’alerter sur le<br />
risque d’assister à l’installation d’une phobie sociale<br />
sous-tendue par la crainte injustifiée de manger, de<br />
parler en public ou tout simplement d’être vue telle<br />
qu’elle se pense être.<br />
91
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
Les états de stress aigu et post-traumatique<br />
Les idées reçues sont souvent tenaces. Qui n’a jamais<br />
entendu dire que les personnes âgées supportaient<br />
mieux les à-coups de la vie que les jeunes après ce<br />
qu’ils avaient vécu et notamment les guerres, les<br />
périodes de privation et les pertes de toute une vie <br />
Ainsi, longtemps négligés et méconnus, les états de<br />
stress aigu et post traumatique commencent à susciter<br />
l’intérêt et l’on se rend compte au travers des études<br />
qu’ils sont aussi importants chez les personnes âgées<br />
que chez les jeunes (23) . Leur prévalence serait de l’ordre<br />
de 2% chez les plus de 65 ans (3) . Bien que l’évolution<br />
au long cours des traumatismes demeure mal connue<br />
avec des conclusions souvent contradictoires dans les<br />
études ( 1 ) , l’accumulation des évènements de vie traumatisants,<br />
particulièrement dans l’enfance, jouerait un<br />
rôle fragilisant sur l’installation de troubles anxieux qui<br />
répondent à la définition des états de stress post traumatique<br />
au cours de la vieillesse (24, 25) .<br />
Les états de stress aigu ou post traumatiques répondent<br />
à une définition précise. Généralement, une peur<br />
intense se produit au moment où survient l’évènement<br />
avec le sentiment que les défenses sont débordées et<br />
que l’on va être anéanti. Par la suite, se met en place le<br />
“syndrome de répétition traumatique” qui traduit l’inscription<br />
pathologique du traumatisme. Briole et al. ( 2 6 )<br />
soulignent que ce syndrome de répétition traumatique<br />
ne constitue pas une entité nosologique indépendante<br />
mais que quatre regroupements symptomatiques principaux<br />
le constituent : le cauchemar traumatique, la<br />
répétition à l’état de veille, la réaction de sursaut et l’inhibition.<br />
Ainsi, le sujet pourra-t-il se placer dans l’évitement<br />
constant des situations réactivant le traumatisme<br />
ou au contraire subir l’assaut de symptômes anxieux ou<br />
de manifestations neurovégétatives qui, bien évidemment,<br />
lui étaient étrangères avant le traumatisme.<br />
Entre les deux états de stress, seule diffère le délai de<br />
survenue des troubles anxieux par rapport au traumatisme,<br />
c'est-à-dire le temps de latence qui sépare les deux ( 3 ) .<br />
La spécificité de la pathologie post traumatique chez le<br />
sujet âgé est avant tout qu’elle peut s’exprimer parfois<br />
avec un temps de latence extrêmement long chez une<br />
personne qui, de surcroît, peut être aussi victime d’une<br />
réduction de ses facultés cognitives. Non xeulement e l l e<br />
peut être mise en cause dans la réactivation du tro u b l e ,<br />
mais de surc roît elle n’aide pas à son identification.<br />
C’est souvent à la faveur d’un nouveau traumatisme<br />
mais qui provoquera la reviviscence du passé, parf o i s<br />
d ’ a p p a ren ce dérisoire (une chute, l’entrée à l’hôpital,<br />
un conflit, un reportage télévisé, une contention<br />
physique lors d’un accès confusionnel ou en réponse à<br />
un risque de chute estimé par l’équipe soignante …),<br />
qu’on assistera à la décompensation. Ses manifestations<br />
peuvent être difficiles à discerner des “particularités<br />
de conduite ou du caractère” ( 26 ) des personnes<br />
âgées (“rabâchage”, troubles du sommeil avec cauchemars,<br />
inhibition, troubles du caractère, réactions d’all<br />
u re phobique et conduites d’évitement conduisant à<br />
l’isolement, au confinement voire à la grabatisation).<br />
Les troubles obsessionnels-compulsifs<br />
Les obsessions correspondent à l’intrusion non contrôlable,<br />
persistante et récurrente d’une pensée (obsession<br />
idéative) ou d’une crainte (obsession phobique) dont<br />
celle de perdre le contrôle de soi (phobie d’impulsion).<br />
Les compulsions quant à elles sont destinées à neutraliser<br />
l’angoisse générée par l’impulsion sous la form e<br />
de conduites répétitives et stéréotypées sous la forme<br />
de rituels (lavage, comptage, vérification, rangement,…).<br />
Les obsessions comme les compulsions<br />
appartiennent au re g i s t re névrotique ce qui sousentend<br />
que la personne qui en souff re conserve la<br />
conscience d’en être la source et le lien à la réalité qui<br />
lui permet de re c o n n a î t re le caractère absurde et<br />
excessif de ses compulsions (14) . Ceci ne l’empêche bien<br />
évidement pas de subir un handicap parfois majeur<br />
dans sa vie quotidienne et d’en concevoir une souffrance<br />
qui parfois conduit au suicide.<br />
Il est admis que les obsessions et les compulsions sont<br />
des symptômes observables en l’absence de personnalité<br />
obsessionnelle. Considérés comme très rares chez<br />
les personnes âgées (0,8 à 1,4%), il importera de<br />
distinguer les troubles obsessionnels-compulsifs liés au<br />
vieillisement d’une névrose obsessionnelle (avec des<br />
rituels classiquement inamovibles, automatisés et sans<br />
véritable lutte anxieuse) des conduites ritualisées<br />
souvent observées chez les personnes âgées. Ces<br />
d e rn i è res ne revêtent pas le caractère excessif des<br />
compulsions, par contre, une valeur équivalente de<br />
limitation de l’angoisse face à la nécessité périlleuse de<br />
s’adapter paraît devoir leur être attribuée. Les obsessions<br />
quant à elles sont réputées rarissimes (1) mais la<br />
pratique clinique laisse envisager l’hypothèse d’une<br />
sous-évaluation des idées obsédantes qui envahissement<br />
souvent les pensées de nombre de personnes<br />
âgées soumises aux tourments de l’existence. Dans ce<br />
cas, le recours aux compulsions n’ayant plu cours afin<br />
de limiter l’angoisse, la voie sera ouverte vers l’irruption<br />
d’idées délirantes ou des somatisations (14) .<br />
L’hypocondrie<br />
L’hypocondrie correspondant à la peur d’être atteint<br />
d’une maladie somatique, souvent centrée sur un<br />
92
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
organe ou une fonction. La crainte est exprimée sous<br />
la forme d’une plainte constamment répétée et stéréotypée<br />
qui après un temps semble être dégagée de l’angoisse<br />
qu’elle pouvait générer. Dans certains cas, l’impression<br />
est que cette plainte “corporalisée” devient le<br />
mode d’expression adopté par une personne âgée à sa<br />
p ro p re insu pour échapper à la souffrance plus forte<br />
encore d’avoir à penser la douleur de sa situation.<br />
Aux côtés de la nosophobie, de la dépression ou de la<br />
dysthymie, au cœur du climat polypathologique dans<br />
lequel se déroule la vieillesse, l’évaluation des troubles<br />
hypocondriaques parait délicate comme en témoigne la<br />
disparité des résultats des études sur le sujet (15 à 60%<br />
des personnes d’âge supérieur à soixante ans) (3) .<br />
Les troubles anxieux secondaires<br />
Ils correspondent aux troubles anxieux qui se développent<br />
dans un autre contexte pathologique.<br />
Les modifications brutales, mal préparées ou non<br />
élaborables par la personne âgée (institutionnalisation,<br />
s y n d rome de transferts notamment) s’accompagnent<br />
d’une anxiété parfois prolongée. Elle s’exprime volontiers<br />
par des manifestations somatiques, des malaises,<br />
une agitation ou des chutes qui finissent par engendrer<br />
le doute à leur sujet : sont-elles cause pre m i è re ou<br />
conséquence des problèmes observés <br />
Anxiété et comorbidité somatique<br />
Silverstone ( 2 7 ) , tout en reconnaissant que seule la<br />
moitié d’entre eux était identifiée et que les infirmiers<br />
avaient un diagnostic plus fin que les médecins en la<br />
matière, accordait une prévalence des troubles anxieux<br />
de l’ord re de 5,8% dans un service de médecine où<br />
avait été effectué un entretien semi-structuré à la<br />
recherche des troubles psychiatriques (27,2%).<br />
Il parait difficile d’avoir auprès de la population âgée<br />
une estimation fiable des troubles anxieux qui accompagnent<br />
les maladies physiques car ils peuvent être<br />
masqués par des troubles du comportement notamment<br />
chez une personne démente, par un état confusionnel,<br />
par des symptômes d’allure dépressive ou bien<br />
ê t re seulement reconnus comme constitutifs de la<br />
pathologie organique qu’ils accompagnent comme on<br />
le voit au cours de l’embolie pulmonaire, des poussées<br />
d ’ i n s u ffisance coronarienne, cardiaque ou re s p i r a t o i re …<br />
Inversement, en occupant le devant du tableau clinique,<br />
ils peuvent masquer la décompensation physique, s’ils<br />
n’y ont pas participé, et dans tous les cas, la réalisation<br />
d’un examen rigoureux s’impose.<br />
On soulignera également la nécessité de pre n d re en<br />
compte l’anxiété qui accompagne la douleur physique.<br />
Si la re c h e rche de la sérénité des mourants est de<br />
mieux en mieux prise en compte lorsqu’on se place<br />
dans une attitude palliative, dans le cadre de la prise en<br />
charge des décompensations physiques des personnes<br />
âgées, l’anxiété risque d’être négligée, assimilée à une<br />
réaction contextuelle normale sans considération pour<br />
la souffrance de celui qui est malade.<br />
Anxiété et dépression<br />
Anxiété et dépression sont très fréquemment associées.<br />
L’anxiété complique plus d’une dépression sur<br />
t rois et en majore les risques suicidaires. A l’inverse,<br />
21% (14,3) et jusqu’à 47.5% selon certains ( 2 8 ) d e s<br />
personnes âgées anxieuses verraient évoluer leur<br />
trouble vers une dépression.<br />
Dans ce contexte, l’anxiété revêt une présentation<br />
dominée par les symptômes et plaintes somatiques.<br />
Anxiété et démence<br />
L’anxiété accompagne la maladie démentielle tout au<br />
long de son évolution. Mis à part la nécessité évidente<br />
de soulager celui qui en souff re, son traitement est<br />
justifié car elle re n f o rce tous les déficits, peut être à<br />
l’origine (mais aussi conséquence) de décompensations<br />
confusionnelles, de perturbations comportementales et<br />
de passages à l’acte auto ou hétéro a g ressifs même à<br />
des stades avancés de la maladie en cas de raptus<br />
anxieux.<br />
L’idée d’une participation de l’anxiété, plus particulièrement<br />
aux longs cours, dans la génèse d’une démence<br />
ne sera pas développée ici. Par contre, comme pour la<br />
dépression, on reconnaît de mieux en mieux à l’anxiété<br />
de certains sujets vieillissants une valeur prédictive du<br />
risque de devenir dément (29) .<br />
La question de la valeur prédictive du risque est dans ce<br />
cas sujette à caution car la pratique quotidienne permet<br />
d’attribuer à l’anxiété non pas une valeur prodromique<br />
mais déjà la première manifestation d’une démence qui<br />
n’a pas encore été identifiée, le patient subissant déjà<br />
des échecs adaptatifs du fait d’un raisonnement de plus<br />
en plus difficile où l’appréhension du réel devient<br />
compliquée et l’inscription mnésique déjà éprouvante.<br />
La personnalité prémorbide entre en ligne de compte<br />
dans ce cas, surtout lorsque les traits dominants situent<br />
la personnalité sur un mode obsessionnel ou anxieux.<br />
Avec l’avancée de la maladie, la confrontation aux<br />
échecs devient de plus en plus fréquente et douloureuse<br />
avec la possibilité de véritables réactions de<br />
panique ou de catastrophe.<br />
L’alcool peut être un recours pour lutter contre l’angoisse<br />
des échecs, comme on le voit dans certains cas.<br />
93
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
Elle peut être source de délire et d’hallucinations.<br />
A un stade plus avancé de la maladie démentielle, lorsqu’il<br />
devient plus difficile d’établir une pensée élaborée,<br />
l’anxiété devient essentiellement agie. La déambulation,<br />
les cris, les réactions d’agrippement, l’hyperactivité<br />
avec des mouvements stéréotypés ou désordonnés,<br />
l’irritabilité, voire la violence physique ou verbale ou au<br />
contraire la prostration peuvent être la traduction d’une<br />
souffrance anxieuse et justifient d’être prises en charge<br />
comme telle.<br />
Anxiété, médicaments et substances psychoactives<br />
L’alcool et l’anxiété sont tout au long de l’existence<br />
dans une relation complexe à laquelle n’échappe pas<br />
celui qui vieillit. La consommation d’alcool ayant dans<br />
n o m b re de cas pour objectif d’apaiser l’anxiété, elle<br />
génère à son tour des phénomènes anxieux lorsque la<br />
dépendance s’installe. Quatorze pour cent des sujets de<br />
plus de 65 ans souffriraient d’une addiction alcoolique ( 3 ) .<br />
Sans o m e t t re le risque d’état confusionnel lié au<br />
sevrage brutal, on rappellera qu’il est lui-même anxiogène.<br />
La France détient un peu glorieux re c o rd de surc o n-<br />
sommation de psychotropes au premier rang desquels<br />
se situent les anxiolytiques et principalement les benzodiazépines.<br />
Selon l’enquête PAQUID citée par Frémont<br />
et Epain (1) , 40% des plus de 65 ans vivant à domicile<br />
sont concernés et ces chiff res sont portés à 66% en<br />
institution !!!<br />
Le sevrage ou les effets paradoxaux toujours possibles<br />
des benzodiazépines sont pourvoyeurs d’anxiété, de<br />
troubles du caractère ou d’insomnie.<br />
Les substances sympathomimétiques, les corticoïdes<br />
mais aussi le café peuvent aussi engendrer de l’anxiété<br />
chez les personnes âgées.<br />
Evaluation de l’anxiété<br />
L’évaluation de l’anxiété repose avant tout sur la<br />
clinique.<br />
Celle-ci doit être rigoureuse et reposer sur une<br />
démarche systématique qui visera à caractériser avec la<br />
plus grande précision possible le trouble anxieux d’où<br />
découlera la prise en soins. Elle peut être résumée par<br />
le tableau 1.<br />
Les examens complémentaires ont pour objectif d’éliminer<br />
les diagnostics diff é rentiels et d’évaluer l’existence<br />
d’une anxiété secondaire. Devant l’apparition<br />
• ANAMNESE récente et plus ancienne.<br />
• ELEMENTS DE BIOGRAPHIE susceptibles de jouer<br />
un rôle dans la situation actuelle selon le patient.<br />
• Peut-on repérer un EVENEMENT DECLENCHANT <br />
Changements récents dans l’environnement …<br />
• Quels ANTECEDENTS <br />
- Anxiété<br />
- Dépression<br />
- Antécédents familiaux<br />
- Antécédents somatiques (recherche d’une comorbidité)<br />
• N ATURE DE L’ANXIETE ET MODALITES D’EVOLUTION<br />
(c’est en partie ce qui permettra d’orienter le diagnostic<br />
vers un trouble ou l’autre)<br />
- Manifestations somatiques<br />
- Caractère de l’anxiété, intensité,<br />
1. Anxiété généralisée <br />
2. Crises (durée, horaire, circonstances, rémission<br />
complète entre les crises )<br />
- Retentissement sur la vie quotidienne<br />
• T R A I T E M E N T (cause ou conséquence) (alcool, café,<br />
médicaments dont benzodiazépines, antidépre s s e u r s ,<br />
notion d’une autoprescription )<br />
• EXAMEN PHYSIQUE rigoureux à la recherche d’une<br />
comorbidité<br />
• EVALUATION DE L’HUMEUR (dépression) ET DE<br />
LA COGNITION. Evocation d’une démence débutante<br />
(à évaluer secondairement : retentissement péjoratif de<br />
l’anxiété sur l’évaluation neuropsychologique)<br />
Tableau 1 : Evaluation clinique de l’anxiété chez le sujet âgé.<br />
d’une anxiété récente chez une personne âgée, il est<br />
n é c e s s a i re de réaliser un bilan à la re c h e rche d’un<br />
problème organique.<br />
Les diagnostics différentiels à évoquer, tout en sachant<br />
qu’ils peuvent être intriqués à des phénomènes anxieux<br />
à pre n d re aus si en compte, sont présentés dans le<br />
tableau 2.<br />
En fait, dans le cadre de la pratique courante, le<br />
diagnostic de l’anxiété n’est pas toujours aisé.<br />
94
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
• CARDIOLOGIQUES<br />
- angor<br />
- infarctus du myocard e<br />
- trouble du rythme<br />
- prolapsus mitral<br />
- hypotension orthostatique<br />
- poussée hypertensive<br />
- insuffisance card i a q u e<br />
(décompensation, IC<br />
terminale)<br />
• R E S P I R ATOIRES<br />
- hypoxie, hyperc a p n i e<br />
- i n s u ffisance re s p i r a t o i re<br />
a i g u e<br />
- insuffisance respiratoire<br />
c h ro n i q u e<br />
- asthme<br />
- embolie pulmonaire<br />
• E N D O C R I N O L O G I Q U E S<br />
- dysthyroïdie (hypo ou<br />
h y p e r )<br />
- hypoglycémie, diabète<br />
- hyperc o r t i c i s m e<br />
- phéochro m o c y t o m e<br />
- hypoparathyro ï d i e<br />
- porphyrie<br />
Tableau 2 : diagnostics différentiels.<br />
• N E U R O L O G I Q U E S<br />
- syndrome confusionnel<br />
- tumeur cérébrale<br />
- démence débutante<br />
- migraine<br />
- crises comitiales complexes<br />
- troubles vestibulaire s<br />
• MEDICAMENTS<br />
- sympathomimétiques<br />
- théophylline<br />
- hormones thyro ï d i e n n e s<br />
- stéro ï d e s<br />
- psychostimulants<br />
- antidépre s s e u r s<br />
- NLP<br />
• S E V R A G E<br />
- alcool<br />
- hypnotiques<br />
- tabac<br />
- caféine<br />
Lorsque le motif de la consultation est représenté par<br />
une plainte physique avec une présentation d’allure<br />
d é p ressive, l’anxiété pourra être évoquée de manière<br />
préférentielle lorsque le patient allègue des symptômes<br />
qui sont généralement constitutifs des manifestations<br />
physiques de l’anxiété (vertiges, palpitations, douleurs<br />
p r é c o rdiales, insomnie, diarrhée, gêne re s p i r a t o i re<br />
avec sensation d’oppression thoracique). L’anxiété sera<br />
d i fficile à confirmer car le patient a généralement du<br />
mal à se dégager de sa plainte physique et peut<br />
d e m e u rer dans le déni de son anxiété. To u t e f o i s ,<br />
quelques questions se recoupant les unes les autre s<br />
pourront l’aider (7) :<br />
- Vous sentez-vous concerné ou tourmenté par un<br />
certain nombre de choses <br />
- Y a-t-il quelque chose qui vous crée du souci en ce<br />
moment <br />
- Trouvez-vous qu’il vous est difficile de faire sortir les<br />
idées de votre esprit <br />
- Que faisiez-vous lorsque la douleur thoracique est<br />
apparue <br />
- A quoi pensiez-vous lorsque les palpitations ont<br />
commencé <br />
- Que se passe-t-il dans votre tête lorsque vous n’arrivez<br />
pas à trouver le sommeil <br />
- …<br />
Kogan et al. ( 30 ) reconnaissent un certain nombre de<br />
c a r a c t è res pouvant orienter vers une anxiété plutôt<br />
qu’une anxiété liée à un problème organique. Il s’agirait<br />
de symptômes anxieux d’apparition brutale, fluctuant<br />
en intensité et en durée, avec une période d’asthénie<br />
ayant précédé l’apparition des autres symptômes aff e c t i f s .<br />
A l’inverse, on évoquera plus volontiers des facteurs<br />
psychologiques devant une évolution stable des symptômes<br />
depuis plus de deux ans et en cas d’autres symptômes<br />
psychiques décrits spontanément par la personne.<br />
Les outils d’évaluation de l’anxiété ont pour la plupart<br />
été élaborés à destination des adultes plus jeunes avec,<br />
pour certains, une utilisation possible chez les<br />
personnes âgées. Ils sont difficilement applicables chez<br />
le sujet dément et en cas de comorbidité.<br />
Clément et al. ont proposé une échelle de mesure de<br />
l’anxiété intitulée MASA (Mesure de l’Anxiété chez le<br />
Sujet Âgé) (tableau 3) (31) . Il s’agit d’un outil de dépistage<br />
qui permet d’avoir une évaluation qualitative mais<br />
aussi éventuellement quantitative du niveau d’anxiété<br />
actuel du patient.<br />
Constitué de 20 items dichotomiques (2 questions<br />
d’observation et 18 questions posées au cccpatient) la<br />
MASA a fait l’objet d’une validation auprès d’une<br />
population de 302 personnes âgées de plus de 65<br />
ans vivant en institution (logement foyer ou EHPA D )<br />
ou hospitalisées en service de soins aigus de psychiatrie<br />
du sujet âgé. L’anxiété seule ou accompagnée<br />
d’une dépression était appréciée selon des critère s<br />
cliniques et par l’échelle d’anxiété de Hamilton<br />
(HARS), assimilée au “gold standard” en la matière .<br />
Comparée à l’échelle de Hamilton, la MASA a fait<br />
p reuve de qualités métrologiques incontestables (rho :<br />
0.864 p
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
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1 6<br />
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1 8<br />
1 9<br />
2 0<br />
O B S E RV E R<br />
Est-ce que le sujet est tendu avec une<br />
e x p ression douloureuse sur le visage et<br />
tremblement des mains <br />
A-t-il un débit verbal perturbé (inhibé ou<br />
important) ou une parole bredouillante <br />
D E M A N D E R<br />
Êtes-vous souvent grognon, de mauvaise<br />
humeur <br />
Êtes-vous facilement impatient, irritable,<br />
c o l é reux <br />
Vous sentez-vous souvent bloqué, entravé<br />
par une peur suffisamment importante pour<br />
vous gêner dans la vie de tous les jours <br />
Vous sentez-vous souvent inquiet <br />
Avez-vous souvent peur de l’avenir <br />
Avez-vous tendance à dramatiser, à vous<br />
faire un soucis démesuré pour des riens <br />
Vous sentez-vous tendu à l’intérieur de vous<br />
avec des difficultés pour vous détendre <br />
Vous sentez-vous souvent agité à l ’intérieur<br />
de vous <br />
Vous sentez-vous souvent las avec une fatigabilité<br />
exagérée et gênante <br />
Avez-vous un sentiment d ’imperfection par<br />
rapport à votre situation personnelle <br />
Avez-vous un sentiment pénible d ’être<br />
moins performant en raison de votre âge <br />
Faites-vous souvent des cauchemars <br />
Avez-vous une préoccupation exagérée<br />
c o n c e r nant votre santé ou une inquiétude<br />
injustifiée d ’avoir une maladie au point que<br />
cela devienne une obsession <br />
Vous plaignez-vous de blocage de la re s p i r a-<br />
t i o n, de sensation d ’étouffement <br />
Avez-vous peur d ’avoir l’air ridicule avec les<br />
autres <br />
Avez-vous peur de rencontrer des gens <br />
Vous plaignez-vous d’avoir du mal à être<br />
attentif, à rester concentré sur ce que vous<br />
faites <br />
Avez-vous du mal à prendre des décisions <br />
T O TA L<br />
O U I<br />
N O N<br />
Tableau 3 : Echelle de mesure de l’anxiété du sujet âgé<br />
(MASA) (Clément et al., 2005).<br />
Traitement de l’anxiété du sujet âgé<br />
Si la bibliographie concernant le traitement de l’anxiété<br />
du sujet âgé est étoffée, elle reflète la suspicion généralement<br />
éprouvée vis-à-vis de l’utilisation des substances<br />
psycho-actives en gériatrie. Ainsi, la grande majorité<br />
des publications sont des études de toxicité et concernent<br />
donc la iatropathogénie. Par contre, les études sur<br />
l’évaluation de l’efficacité du traitement médical,<br />
psychothérapique ou psychosocial de l’anxiété du sujet<br />
âgé sont infiniment plus rares et extrapolées dans la<br />
plupart des cas de données recueillies chez l’adulte plus<br />
jeune quand elles ne reposent pas sur des données<br />
empiriques issues de l’expérience individuelle ( 3 2 ) . On<br />
d é p l o re par contre la rareté des essais cliniques<br />
contrôlés sur le traitement médicamenteux et psychosocial<br />
de l’anxiété du sujet âgé (33) .<br />
Traiter l’anxiété d’une personne âgée repose sur une<br />
d é m a rche diagnostique et thérapeutique rigoure u s e .<br />
Chaque paramètre biologique, psychologique, social et<br />
p h a rmacologique doit être apprécié, pris en compte<br />
puis réévalué tout au long d’un traitement dont la pertinence<br />
sera quotidiennement rediscutée, chacun d’eux<br />
étant susceptible d’avoir une influence positive ou<br />
m a l h e u reusement plus volontiers néfaste à court ou<br />
plus long terme (figure 1).<br />
Dans tous les cas, la thérapeutique médicamenteuse ne<br />
saurait être l’unique manière de prendre en charge une<br />
personne anxieuse. Comme toujours une appro c h e<br />
globale de l’individu et de sa situation est indispensable<br />
et guide la prise en soins. Les interactions avec un<br />
e n v i ronnement sur lequel il est toujours possible d’intervenir<br />
pour tenter de re t rouver plus de sérénité,<br />
doivent être prises en compte. Dans la même intention,<br />
un bénéfice est à espérer des méthodes psychothérapiques<br />
applicables chez les sujets âgés en permettant<br />
un travail “de fond” sur les déterminants de l’anxiété,<br />
qu’elle soit aiguë ou chronique.<br />
Traitement médicamenteux<br />
Aucun psychotrope ne saurait être prescrit sans tenir<br />
compte des changements physiopathologiques liés à l’âge.<br />
Ils concourent à accro î t re la sensibilité du système nerveux<br />
central aux substances psychoactives ( 34 ) et à augmenter<br />
leur accumulation dans l’organisme (vitesse d’absorption,<br />
de distribution, liaison aux protéines, réduction du<br />
débit cardiaque, métabolisme hépatique et rénal) (35,36) .<br />
Ainsi, face à un risque démultiplié de voir apparaître<br />
des effets secondaires, une sélection circonspecte de la<br />
molécule s’impose d’emblée avant de l’utiliser à des<br />
posologies plus faibles. Généralement, il est préconisé<br />
d’utiliser des posologies de départ limitées à la moitié<br />
des doses prescrites habituellement chez l’adulte d’âge<br />
moyen.<br />
96
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
ANXIÉTÉ<br />
TERRAIN<br />
• Comorbidité<br />
• Diagnostic différentiel<br />
• Iatrogène <br />
• Clinique<br />
• Retentissement sur :<br />
- Qualité de vie<br />
- Humeur<br />
- Environnement<br />
- Familial<br />
- Institutionnel<br />
- Social<br />
ENVIRONNEMENT<br />
(matériel, social, familial)<br />
• Rôle pathogène<br />
• Rôle thérapeutique éventuel<br />
ÉVALUATION<br />
GLOBALE<br />
STRATÉGIE<br />
THÉRAPEUTIQUE<br />
MESURES ENVIRONNEMENTALES<br />
• Psychothérapies<br />
• Thérapies à médiation corporelle<br />
TRAITEMENT<br />
PHARMACOLOGIQUE<br />
• Privilégier l’approche non pharmacologique (seule ou en association<br />
avec traitement médicamenteux)<br />
• Choix du produit en fonction de<br />
- Clinique<br />
- Terrain<br />
- Propriétés pharmacologiques<br />
- Limiter la polymédication<br />
• Réévaluer quotidiennement le traitement (efficacité/tolérance)<br />
Figure 1 : Traitement de l’anxiété : démarche diagnostique<br />
et thérapeutique.<br />
97
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
Les benzodiazépines, longtemps considérées comme le<br />
traitement anxiolytique de choix sont aujourd’hui détrônées<br />
par certains antidépresseurs infiniment moins<br />
p roblématiques dans le cadre d’une pre s c r i p t i o n<br />
destinée à une personne âgée. Néanmoins, une revue<br />
de la pharmacopée des anxiolytiques ne saurait exclure<br />
les benzodiazépines, ne serait-ce que pour rappeler les<br />
risques encourus et les règles à respecter impérativement<br />
lors de leur prescription.<br />
Les benzodiazépines<br />
Depuis les années soixante, les benzodiazépines sont<br />
les anxiolytiques de référence, notamment dans le traitement<br />
de l’anxiété généralisée, du trouble panique, de<br />
l’agoraphobie et de l’anxiété situationnelle ( 37 ) . Elles<br />
peuvent encore être utilisées de manière adjuvante à la<br />
phase initiale du traitement d’une dépression associée<br />
à des symptômes anxieux (38) .<br />
Tous âges confondus, ce sont les personnes âgées qui<br />
consomment la plus grande partie des benzodiazépines<br />
( 39 )<br />
et celles-ci occupent le premier rang des pre s c r i p t i o n s<br />
qui leurs sont adressées, notamment en institution ( 38 ) .<br />
Il n’est pas rare de constater que les tranquillisants et<br />
tout particulièrement les benzodiazépines sont prescrits<br />
de manière inadéquate pour traiter un état dépre s s i f<br />
dont ils constituent trop souvent le seul traitement (40) . Il<br />
en va de même pour certains symptômes entrant dans<br />
le cadre d’une décompensation psychotique ou d’un<br />
p rocessus démentiel. Tout laisse donc penser que les<br />
benzodiazépines sont prescrites de manière excessive<br />
et abusive ( 41 ) à une population de personnes fragiles<br />
qui se trouvent par voie de conséquence exposées à<br />
des risques la plupart du temps inutiles.<br />
Leur maniement délicat et la sévérité potentielle des conséquences<br />
d’un surdosage en estompent les vertus et contribueraient<br />
à leur mise à l’index alors qu’elles constituent le<br />
traitement de choix de la plupart des états anxieux aigus et<br />
subaigus ( 3 8 ) . Il ne fait aucun doute que les benzodiazépines<br />
conservent encore une place dans la pharmacopée du<br />
g é r i a t re à condition de les pre s c r i re à bon escient en<br />
respectant des règles d’utilisation très codifiées ( f i g u re 2).<br />
D’une manière générale, les études effectuées chez les<br />
adultes d’âge plus jeune n’ont pas permis d’identifier une<br />
molécule plus efficace que les autres. Le choix sera donc<br />
guidé par les caractéristiques du patient (comorbidité notamment),<br />
les propriétés pharmacologiques du produit, l’urgence<br />
de la situation et la durée envisagée de traitement.<br />
Les paramètres pharmacocinétiques à pre n d re en<br />
compte sont la rapidité et la durée d’action ainsi que le<br />
mode de biotransformation avec les interactions médicamenteuses<br />
à redouter.<br />
Les benzodiazépines qui subissent une glucuronoconjug<br />
a ison présentent un certain nombre d’avantages<br />
appréciables chez les personnes âgées. Elles sont<br />
h y d rosolubles et sont donc éliminées dans les urines<br />
c o n t r a i rement aux benzodiazépines éliminées par<br />
oxydation qui interagissent avec le cytochrome P450<br />
4A3 et posent un problème en cas de perturbations<br />
hépatiques. Leur demi-vie est plus brève que les<br />
a u t r es et elles n’ont pas de catabolites actifs.<br />
Globalement, les benzodiazépines éliminées par<br />
conjugaison sont moins susceptibles d’avoir des<br />
interactions avec d’autres produits ( 4 2 ) et leurs<br />
p ropriétés pharmacologiques ne subissent pas de<br />
modifications notables avec le vieillissement (43<br />
h o rmis les demi-vies d’élimination qui sont allongées<br />
sans toutefois excéder la journée qui suit la dern i è re<br />
prise pour les benzodiazépines à demi-vie courte ou<br />
intermédiaire (44) .<br />
La voie orale étant toujours à privilégier, en cas d’anxiété<br />
paroxystique on choisira des produits ayant des<br />
délais d’action brefs ce qui est le cas pour l’alprazolam.<br />
Le clorazepate, comme le diazépam, sont disponibles<br />
sous une forme injectable qui fait preuve d’intérêt dans<br />
certaines situations d’urgence. Toutefois, la demi-vie<br />
p rolongée de ces deux produits est à pre n d re en compte.<br />
La durée d’un traitement par benzodiazépines est<br />
conditionnée par la nature des troubles. En principe,<br />
elle ne devrait pas excéder trois à quatre mois en<br />
amorçant la décroissance posologique dès 4 à 8<br />
semaines après le début ( 42 ) pour contrer les phénomènes<br />
d’accoutumance.<br />
Une tolérance apparaît également. Elle conduit à<br />
augmenter progressivement les posologies pour obtenir<br />
le même effet anxiolytique. Cette surenchère accroît le<br />
risque d’une accumulation qui se traduit essentiellement<br />
par des troubles de la vigilance aux conséquences<br />
potentiellement graves à court (chute, inhalation …) ou<br />
plus long terme (état grabataire avec complications<br />
liées au décubitus et engagement du pronostic vital).<br />
L’accumulation étant en relation avec le volume adipeux,<br />
il est nécessaire de tenir compte de ce risque chez les<br />
personnes en surpoids et médicalement fragiles.<br />
L’accoutumance apparaît après environ 3 à 4 mois<br />
d’utilisation quotidienne (34) et concerne environ 40 %<br />
des personnes traitées depuis plus de 6 mois ( 4 5 ) . Elle<br />
est à l’origine d’une dépendance physique et psychique<br />
à l’égard des benzodiazépines. Comme chez les individus<br />
plus jeunes, une toxicomanie médicamenteuse<br />
peut être observée chez les personnes âgées.<br />
98
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
É VA L U ATION CLINIQUE GLOBALE<br />
Anxiété<br />
Térrain<br />
Comorbidité somatique, co-préscrition, alcool <br />
Diagnostic<br />
CHOIX DE LA MOLÉCULE<br />
Conditionné par les critères ci-dessus<br />
Demi-vie brève à intermédiaire (< 12h)<br />
Catabolisme rénal (glucuronoconjugaison, hydrosolubilité)<br />
Galénique : voie orale à privilégier<br />
DÉMARCHE THÉRAPEUTIQUE<br />
“START LOW - GO SLOW !!!”<br />
= Titrage en commençant à demi-dose<br />
Progréssion posologique ralentie<br />
Maintenir une hydratation suffisante<br />
Évaluation quotidienne : efficacité/tolérance<br />
TRAITEMENT DU<br />
SURDOSAGE<br />
Arrêt immédat<br />
Hydrater<br />
Prévenir complications<br />
(Troubles de la vigilence, immobilisation)<br />
Reprendre à demi-dose<br />
SEVRAGE<br />
Progressif<br />
Débuter dès 4 à 8 semaines<br />
TRAITEMENT DU<br />
SYNDRÔME DE SEVRAGE<br />
Reprendre le traitement :<br />
Benzodiazépines à courte demi-vie<br />
(oxazepam)<br />
D é c roissance progessive sur 1 à 2 semaines<br />
DURÉE DE PRES-<br />
CRIPTION LIMITÉE<br />
MAXI 3-4 mois<br />
Figure 2 : Règles de prescription des benzodiazépines chez<br />
les personnes âgées.<br />
99
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
L’état de manque apparaît sous la forme d’un<br />
syndrome de sevrage à l’arrêt brutal ou même en cas<br />
de décroissance posologique trop rapide. D’autre s<br />
facteurs de risque entrent en ligne de compte, notamment<br />
la demi-vie d’élimination avec un risque plus<br />
élevé pour les demi-vies courtes, l’ancienneté du traitement,<br />
l’utilisation de posologies élevées, une consommation<br />
d’alcool concomitante, une personnalité structurée<br />
sur un mode passif-dépendant et un niveau socioculturel<br />
faible (45) .<br />
Le délai de survenue et la sévérité sont corrélés à la<br />
demi-vie, à l’existence de métabolites actifs et à la<br />
vitesse de décroissance posologique (46) .<br />
Chez les personnes âgées, le syndrome de sevrage se<br />
traduit surtout par une réactivation de l’anxiété avec<br />
son cortège de manifestations physiques mais on<br />
observe plus généralement une symptomatologie<br />
confusionnelle. Comme chez l’adulte plus jeune, les<br />
risques de poussée hypertensive, d’ischémie myocardique<br />
et de convulsion demeurent. Le traitement<br />
repose sur le rétablissement d’une benzodiazépine à<br />
demi-vie brève (oxazepam) dont on re p r endra la<br />
d é c roissance pro g ressive sur une à deux semaines<br />
environ.<br />
Les effets secondaires des benzodiazépines surviennent<br />
nettement plus souvent chez les personnes âgées<br />
qu’aux autres âges de la vie.<br />
L’effet le plus fréquent est une dépression du système<br />
nerveux central dose-dépendante qui associe asthénie,<br />
ataxie, troubles de la vigilance, dysarthrie, faiblesse<br />
musculaire, troubles de l’accommodation, nystagmus et<br />
une altération des perf o r mances psychomotrices et<br />
cognitives suffisamment sévère pour laisser suspecter<br />
une démence (47,48,49) . Le risque de chutes est plus élevé<br />
tout comme celui de décompensation respiratoire chez<br />
les personnes fragilisées, surtout si un autre dépresseur<br />
du système respiratoire (dont l’alcool) est associé. Les<br />
benzodiazépines sont également confusogènes, même<br />
à faible dose. Il est aussi possible d’assister à des réactions<br />
paradoxales de nervosité, d’anxiété et d’agitation.<br />
Des cas de manie induite par les benzodiazépines ont<br />
aussi été rapportés (50,51) .<br />
Au vu des effets bénéfiques et délétères des benzodiazépines,<br />
il est possible d’énoncer un certain nombre de<br />
règles de bon usage qui visent à en maîtriser l’emploi<br />
chez les personnes âgées, l’objectif étant d’obtenir la<br />
sédation des symptômes anxieux sans engendrer d’effets<br />
secondaires alors que la limite entre bénéfice et<br />
préjudice est particulièrement ténue.<br />
En premier lieu, on considèrera l’état de santé de la<br />
personne âgée anxieuse en attachant une importance<br />
p a r t i c u l i è re aux fonctions susceptibles de subir l’influence<br />
délétère de la prescription et aux autres traitements.<br />
Le choix du produit se fera en fonction des propriétés<br />
p h a rmacologiques de la molécule. Malgré un risque<br />
plus élevé de voir apparaître un syndrome de sevrage à<br />
l’arrêt, on privilégiera les benzodiazépines à demi-vie<br />
brève (
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
Un consensus se dégage donc pour exclure ces<br />
produits du traitement de l’anxiété du sujet âgé (38), et<br />
ceci d’autant plus qu’elles n’ont jamais été form e l l e-<br />
ment étudiées chez la personne âgée.<br />
La buspirone - La buspirone est un des rares anxiolytiques<br />
ayant fait l’objet d’études spécifiques chez les<br />
personnes âgées. Dans cette population elle a été<br />
utilisée avec bénéfice dans le traitement de l’anxiété<br />
généralisée. Elle fait preuve d’une très bonne tolérance<br />
et d’une efficacité comparable à celle des benzodiazépines<br />
(42) .<br />
Elle appartient à la famille des azapirones, anxiolytiques<br />
non apparentés aux benzodiazépines. La buspirone<br />
agit en réduisant ou au moins modulant l’activité<br />
sérotoninergique et en renforçant l’activité dopaminergique<br />
et noradrénergique (38) .<br />
Peu sédative mais dénuée de propriétés anticonvulsivantes<br />
et myorelaxantes, elle est généralement très<br />
bien tolérée. Ses effets secondaires se limitent à une<br />
intolérance digestive, des céphalées, des vertiges, une<br />
fatigabilité ou au contraire une nervosité paradoxale. Par<br />
c o n t re on n’observe pas de sédation excessive, de repli sur<br />
soi, de troubles attentionnels et de la mémoire comme on<br />
le voit avec les benzodiazépines. Elle n’entraîne pas de<br />
phénomènes de dépendance et n’expose pas à une toxicomanie<br />
médicamenteuse. Les risques d’interactions avec<br />
l’alcool et les molécules sédatives demeurent ( 5 2 ) .<br />
La buspirone a la réputation d’être moins efficace chez<br />
les patients ayant déjà reçu des benzodiazépines (53).<br />
Pourtant les données de la littérature sont contradict<br />
o i res. Certains auteurs vont même jusqu’à re c o m-<br />
mander de pre s c r i re transitoirement une benzodiazépine<br />
lors de l’initiation d’un traitement par buspirone (42)<br />
puisque son inconvénient majeur est une eff i c a c i t é<br />
différée d’une à trois semaines après le début du traitement.<br />
Sa demi-vie brève impose trois prises quotidiennes.<br />
L’efficacité de la buspirone persiste au-delà de<br />
six semaines mais elle s’épuise à plus long terme.<br />
Ses indications sont préférentiellement l’anxiété généralisée,<br />
l’anxiété mêlée à la dépression, les tro u b l e s<br />
obsessionnels-compulsifs en adjuvant de la thérapeutique<br />
antidépressive, et les patients qui ne tolèrent pas<br />
les benzodiazépines ou en abusent ( 5 4 ) . Par contre, la<br />
buspirone ne semble pas très intéressante dans le traitement<br />
des phobies sociales et des troubles post-traumatiques.<br />
Elle n’a pas d’intérêt dans le traitement de<br />
l’anxiété aiguë et des troubles paniques puisqu’elle<br />
réclame un délai avant d’être active (55,56) .<br />
Les béta-bloquants<br />
Si les béta-bloquants ont été utilisés avec bénéfice dans<br />
le traitement des manifestations physiques neurovégétatives<br />
de l’anxiété chez le sujet jeune et même au-delà<br />
de la crise, leur intérêt chez les personnes âgées n’est<br />
pas clairement établi. Small ( 44 ) s u g g è re que de faibles<br />
doses de propranolol (5 à 10 mg une à quatre fois par<br />
jour) pourraient être prescrites dans cette indication<br />
chez des sujets âgés. En l’absence d’étude validée, la<br />
l i t t é r a t u r e faisant seulement état d’expériences<br />
cliniques, il est difficile d’en justifier l’emploi au regard<br />
des contre-indications et risques considérables d’aggravation<br />
de pathologies card i o v a s c u l a i res, re s p i r a t o i re s ,<br />
n é p h rologiques et diabétiques. Les béta-bloquants ont<br />
également des effets confusogènes et aggravent les<br />
troubles cognitifs et mnésiques (38) .<br />
En conséquence, l’action purement symptomatique des<br />
béta-bloquants sur les signes physiques de l’anxiété ne<br />
c o n t rebalance pas les risques encourus à les utiliser<br />
chez les personnes âgées généralement polypathologiques.<br />
A de rares exceptions près, il ne paraît pas légitime de<br />
retenir les béta-bloquants dans le traitement de l’anxiété<br />
du sujet âgé.<br />
Les neuroleptiques et autres antipsychotiques<br />
Dans le cadre de la pratique clinique, on assiste très<br />
souvent à des manifestations d’anxiété intenses, à l’origine<br />
d’une souffrance psychique profonde chez les<br />
personnes dont les troubles s’inscrivent dans une<br />
problématique psychotique ou dépressive grave. Cette<br />
angoisse peut déboucher sur des réactions de panique<br />
avec un risque suicidaire certain, des états d’agitation<br />
ou au contraire une inhibition majeure.<br />
Dans tous ces cas, les antipsychotiques font pre u v e<br />
d ’ e fficacité en agissant en amont, des symptômes<br />
anxieux proprement dits.<br />
Ces manifestations ne sont pas l’apanage des<br />
personnes de moins de soixante-cinq ans et il est<br />
possible, par analogie structurelle, d’y associer les<br />
symptômes psychotiques susceptibles de se développer<br />
au cours des démences.<br />
Cependant, tous les antipsychotiques, même de «<br />
nouvelle génération » (olanzapine, risperidone et aripiprazole),<br />
ne sont pas dénués d’effets secondaires aux<br />
conséquences désastreuses s’ils surviennent chez un<br />
sujet âgé : dyskinésies aigues et tardives, décompensation<br />
ou aggravation d’un syndrome parkinsonien, sédation,<br />
effets anticholinergiques, hypotension et troubles<br />
de la conduction cardiaque avec un risque de mort<br />
101
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
subite, chutes. Si le praticien fait le choix d’untiliser un<br />
antipsychotique, sa prescription doit être la plus brève<br />
possible conformément aux règles établies.<br />
D ’ a u t re part, le risque d’une intolérance grave, voire<br />
mortelle, en cas d’utilisation chez une personne souffrant<br />
d’une démence à corps de Lewy en contre -<br />
indique de manière absolue l’emploi dans ce cas.<br />
Il ne fait pas de doute que le traitement au long cours<br />
est à pro s c r i re et que l’on ne peut les considére r<br />
comme un traitement anxiolytique à part entière (34).<br />
Toutefois, les neuroleptiques sont souvent utiles dans le<br />
traitement de l’agitation anxieuse associée à une<br />
démence, une psychose ou un état confusionnel (57).<br />
Les antipsychotiques, seuls ou prescrits en association<br />
au traitement antidépresseur, trouvent aussi leur place<br />
dans le traitement de l’anxiété du sujet âgé à condition<br />
qu’elle soit sous-tendue par des symptômes « psychotiques<br />
» et la prescription constamment réévaluée.<br />
Les antidépresseurs<br />
Dans la pratique quotidienne, on observe couramment<br />
les conséquences sur l’humeur de l’anxiété chronique.<br />
Les antidépresseurs trouvent donc leur place dans la<br />
prise en soins de la dépression induite par l’anxiété<br />
chronique.<br />
Parallèlement, une action spécifique de certains antidépresseurs<br />
sur l’anxiété qui se développe dans un certain<br />
nombre d’états dépressifs. Elle est mise en avant pour<br />
justifier leur emploi en monothérapie, même à la phase<br />
initiale du traitement lorsqu’une levée d’inhibition<br />
préalable à l’amélioration thymique renforce les risques<br />
d’un passage à l’acte suicidaire.<br />
C’est cette action qualifiable « d’anxiolytique » qui a conduit<br />
à les proposer dans le traitement des troubles anxieux non<br />
associés à une symptomatologie dépressive avérée.<br />
Les Inhibiteurs de la Recaptur e de la<br />
Sérotonine (IRS)<br />
Grâce à leur efficacité mais aussi leur bonne tolérance<br />
et leur maniabilité aisée, les antidépresseurs séro t o n i-<br />
nergiques sont devenus les produits de référence dans<br />
le traitement de la dépression. Ils sont aussi couramment<br />
utilisés dans celui de l’anxiété, avec des indications<br />
reconnues selon le profil d’activité dans l’anxiété<br />
généralisée, les troubles paniques avec ou sans agoraphobie,<br />
les phobies sociales, les troubles obsessionnelscompulsifs<br />
et le trouble anxieux post-traumatique.<br />
L’utilisation chez les personnes âgées est issue des<br />
données obtenues chez l’adulte plus jeune mais il existe<br />
des travaux spécifiques qui tendraient à démontrer un<br />
bénéfice dans le traitement de l’anxiété associée à un<br />
épisode dépressif (42) .<br />
D’autres études suggèrent l’efficacité de certains antidép<br />
resseurs dont des IRS (sertraline, paroxetine, fluoxetine,<br />
fluvoxamine) dans les troubles anxieux entrant<br />
dans le cadre de phobies sociales (58,59) , dans les troubles<br />
obsessionnels-compulsifs pour ce qui est de la fluvoxamine<br />
et de la fluoxetine (60,61) .<br />
Bien que la fluoxetine ait prouvé son intérêt dans le<br />
traitement des dépressions agitées du sujet âgé ( 44 ) e t<br />
chez des patients anxieux et déprimés ( 42 ) , l’action<br />
psychostimulante de certains IRS et tout particulièrement<br />
de la fluoxetine peut être à l’origine d’un renforcement<br />
des symptômes anxieux ce qui incitera à<br />
p r é f é rer l’emploi de produits ayant une demi-vie plus<br />
brève et dont le profil d’action est moins psychostimulant<br />
comme le citalopram, l’escitalopram, la sertraline<br />
ou la paroxetine. Concernant cette dernière molécule,<br />
il lui est reconnu une action anticholinergique qui peut<br />
ê t re problématique chez les personnes âgées fragilisées ( 42 ) .<br />
Les antidépresseurs séro t o n i n e rgiques exposent les<br />
patients et tout particulièrement les personnes âgées<br />
polymédiquées et polypathologiques à un risque accru<br />
de voir se développer un syndrome séro t o n i n e rg i q u e ,<br />
une hyponatrémie ou des interactions médicamenteuses<br />
dues à l’inhibition du cytochrome P450. La tolérance<br />
digestive et les perturbations de l’appétit peuvent<br />
être un obstacle supplémentaire dans des situations où<br />
l’état nutritionnel du patient est précaire.<br />
Tout ceci incitera à évaluer au plus juste la situation, à<br />
adapter les posologies en cas d’insuffisance rénale<br />
et/ou hépatique et renforcer la surveillance clinique et<br />
biologique des patients et leur évolution.<br />
Les antidépresseurs tricycliques<br />
Les antidépresseurs tricycliques sont les premiers à<br />
avoir été utilisés et prouvé leur intérêt dans le traitement<br />
de l’anxiété. Des travaux déjà anciens affirment<br />
leur intérêt auprès des personnes âgées pour apaiser<br />
l’anxiété associée à un état dépressif, dans les troubles<br />
anxieux généralisés mais aussi dans le trouble panique.<br />
Chez l’adulte d’âge moyen, la clomipramine a une indication<br />
reconnue dans le traitement de l’anxiété qui<br />
s’inscrit dans les syndromes post-traumatiques et les<br />
troubles obsessionnels-compulsifs (62,63) .<br />
Cependant, si leurs effets secondaires sont pro b l é m a-<br />
tiques chez l’adulte jeune, ils le sont encore plus chez des<br />
patients fragilisés par l’âge et le cumul des pathologies .<br />
Avec le développement de nouvelles classes d’antidép<br />
resseurs offrant des propriétés comparables, notamment<br />
les inhibiteurs de la re c a p t u re de la séro t o n i n e ,<br />
102
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
les antidépresseurs tricycliques voient leur utilisation se<br />
raréfier mais, dans certains cas il demeurent une alternative<br />
au traitement des troubles anxieux généralisés (64)<br />
et des dépressions associées à une anxiété (38) .<br />
Dans ce cas, la nortryptiline, réputée pour avoir moins<br />
d’effets hypotenseurs et qui aurait moins d’effets antic<br />
h o l i n e rgiques que les autres, pourrait être préférée<br />
(38) dans le cadre d’une prescription qui dans tous les<br />
cas demeurera circonspecte.<br />
Les Inhibiteurs de la Mono-Amino Oxydase<br />
sélectifs A (IMAO-A)<br />
A côté des IMAO irréversibles, dont l’emploi est difficile<br />
à justifier chez le sujet âgé, les IMAO A, sélectifs et<br />
réversibles dont le chef de file en Europe est le moclobémide<br />
constituent une alternative thérapeutique dans<br />
le traitement de l’anxiété.<br />
Les IMAO A sélectifs ont démontré leur efficacité dans<br />
les troubles anxieux associés à la dépression, dans les<br />
phobies sociales et le trouble panique ( 6 5 , 6 6 , 6 7 ) . Par<br />
contre, leur intérêt dans l’anxiété généralisée n’est pas<br />
clairement établi (38) .<br />
Chez une personne âgée, les risques principalement<br />
encourus seront la confusion mentale, et, en cas d’interaction<br />
médicamenteuse ou diététique (tyramine), un<br />
risque majoré de poussée hypertensive, de vasoconstriction<br />
coronarienne et de syndrome sérotoninergique.<br />
Autres antidépresseurs<br />
La tianeptine fait partie des antidépresseurs eff i c a c e s<br />
lorsqu’un état dépressif est associé à de l’anxiété (68),<br />
tout comme la venlafaxine qui freine non seulement<br />
l’activité noradrénergique mais aussi sérotoninergique.<br />
Dans les études menées dans la population générale la<br />
venlafaxine est également reconnue dans le traitement<br />
des troubles anxieux généralisés (69). Chez les<br />
personnes âgées hypertendues la prudence est recommandée<br />
du fait du risque élevé de poussées hypertensives,<br />
surtout lorsque les posologies dépassent<br />
200mg/j.<br />
Enfin, la mirtazapine présente un intérêt tout à fait<br />
singulier dans le traitement de l’anxiété du sujet âgé.<br />
En conjuguant un re n f o rcement de l’activité séro t o n i-<br />
nergique et noradrénergique à une action antihistaminique,<br />
elle a prouvé chez l’adulte jeune son intérêt dans<br />
le traitement des symptômes anxieux et des troubles du<br />
sommeil contemporains d’un état dépressif sans engend<br />
rer d’effets secondaires anticholinergiques, adrénergiques<br />
et sérotoninergiques majeurs (70).<br />
Bien qu’elle n’ait pas fait à ce jour l’objet d’études<br />
spécifiques, l’expérience clinique permet d’observer<br />
une action tout aussi favorable chez les personnes<br />
âgées avec une tolérance remarquable. L’action sédative<br />
attribuable aux effets antihistaminiques étant<br />
obtenue dans un bref délai après l’initiation du traitement<br />
contribue à limiter la prescription concomitante<br />
d’anxiolytiques et particulièrement de benzodiazépines.<br />
Les antihistaminiques<br />
Les antihistaminiques, dont l’hydroxyzine, exercent une<br />
action sédative sur l’anxiété nettement moins spectacul<br />
a i re que les benzodiazépines. Ils n’entraînent pas de<br />
phénomènes de dépendance mais exposent les<br />
patients, et surtout les personnes âgées, à des eff e t s<br />
indésirables anticholinergiques particulière m e n t<br />
gênants.<br />
Un consensus se dégagerait pour considérer que la<br />
p rescription en pre m i è re intention des antihistaminiques<br />
dans le traitement de l’anxiété du sujet âgé n’est<br />
pas justifiée. Ils peuvent néanmoins constituer une<br />
a l t e rnative thérapeutique dans les cas où, face à une<br />
anxiété modérée, le recours aux autres anxiolytiques et<br />
notamment les benzodiazépines est contre indiqué,<br />
p a r t i c u l i è rement en cas de toxicomanie médicamenteuse<br />
ou d’insuffisance respiratoire (38,42).<br />
Thérapeutique non médicamenteuse de l’anxiété<br />
du sujet âgé<br />
Lorsqu’on aborde la question du traitement de l’anxiété<br />
d’une personne âgée, la stratégie à mettre en uvre est<br />
généralement centrée sur la prise en charge médicamenteuse,<br />
objet de toutes les préoccupations en raison<br />
notamment des relations conflictuelles qu’entre t i e n t<br />
l’organisme sénescent avec les psychotropes. Dans ce<br />
cas, le versant non pharmacologique du traitement<br />
risque d’être relégué à l’arrière-plan si ce n’est totalement<br />
occulté.<br />
Pourtant, alors que la situation du patient doit être<br />
appréhendée dans sa globalité, on pourra identifier un<br />
certain nombre de facteurs environnementaux plus ou<br />
moins fortement impliqués dans la genèse de la situation<br />
actuelle mais qui entretiennent un climat d’instabilité<br />
propice à cette décompensation anxieuse.<br />
Dans le même temps se mêlent et interf è rent des<br />
facteurs psychiques en lien avec la problématique existentielle<br />
d’un individu en crise soumis à la vieillesse et à<br />
l’achèvement de sa vie<br />
S’il ne fait aucun doute qu’au cur de la décompensation<br />
anxieuse, le traitement médicamenteux occupe le<br />
devant de la scène afin de permettre le soulagement de<br />
la personne et la réouverture de l’échange relationnel,<br />
103
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
une approche psychothérapique pourra utilement être<br />
proposée dans un second temps en complément d’une<br />
action sur l’environnement du patient destinée à établir<br />
un climat environnant propice à la restauration de la<br />
sérénité.<br />
A p p r oche psychothérapique de l’anxiété du<br />
sujet âgé<br />
C o n t r a i rement à un certain nombre d’idées re ç u e s ,<br />
l’âge et le niveau de compétences cognitives d’une<br />
personne ne constituent pas en eux-mêmes des obstacles<br />
insurmontables pour qu’elle se voie offrir la possibilité<br />
de bénéficier d’une prise en soins psychothérapique.<br />
Il existe différentes approches qui ont toutes un intérêt<br />
mais sont sous la dépendance conjointe du patient<br />
mais aussi du thérapeute car encore plus que chez<br />
l’adulte plus jeune probablement, les phénomènes<br />
t r a n s f é rentiels et de contre - t r a n s f é rentiels jouent un<br />
rôle déterminant dans l’accomplissement du travail<br />
psychothérapique.<br />
Le choix de la technique qui sera proposée sera avant<br />
tout guidé par la demande, rarement spontanée, du<br />
patient. Il dépendra également de la nature de la<br />
décompensation anxieuse et de ses déterminants, ou<br />
tout du moins ceux qui seront identifiés ou suspectés à<br />
priori. Les facultés d’introspection de la personne, dans<br />
lesquelles interviennent autant, sinon plus, ses capacités<br />
prémorbides que son efficience cognitive actuelle,<br />
sont également des facteurs prépondérants. La nature<br />
de son environnement relationnel, familial notamment,<br />
et son aptitude à s’engager aux côtés de la personne<br />
entrent en jeu, principalement lorsqu’il paraît opportun<br />
de proposer une prise en charge systémique. Enfin,<br />
l’orientation théoricoclinique, la formation des thérapeutes<br />
constituent des facteurs d’influence certains.<br />
Psychanalyse et psychothérapies d’inspiration<br />
psychanalytique<br />
Bien qu’elles diff è rent par le cadre dans lequel se<br />
déroule la cure, avec notamment l’adoption d’une position<br />
allongée dos au thérapeute pour la pre m i è re et en<br />
face-à-face pour la seconde, psychanalyse et psychothérapie<br />
d’inspiration psychanalytique partagent des fondements<br />
théoriques communs et la même intention de réint<br />
ro d u i re un espace de parole et surtout de pensée chez<br />
un individu soumis à la difficile problématique de l’achèvement<br />
de son existence. L’objectif est de perm e t t re au<br />
patient, en favorisant son accès à la part inconsciente de<br />
sa vie psychique, de procéder à des réaménagements<br />
i n t e rne s, suivis d’effet dans sa relation aux autres et au<br />
monde extérieur avec une sérénité renouvelée.<br />
“Le fonctionnement psychique d’une personne âgée<br />
n’est pas fondamentalement diff é rent de celui d’une<br />
personne plus jeune et les conflits psychosexuels<br />
inconscients qui sont à l’origine des symptômes se<br />
re p roduisent chez l’adulte” ( 7 1 ) . On comprend donc<br />
qu’au cours de la vieillesse, et peut-être plus qu’à tout<br />
a u t re moment de l’existence, se rejouent les conflits<br />
anciens et se voient réactivées les angoisses archaïques<br />
issues des expériences infantiles de perte et d’abandon.<br />
Le renoncement et les deuils imposés par la vieillesse,<br />
la nécessité de donner une consistance à ce que l’on<br />
devient en rétablissant la cohésion et la cohére n c e<br />
entre la vie passée, la vie actuelle et la réalité plus ou<br />
moins proche de la mort ne peuvent s’accomplir qu’au<br />
prix d’une démarche active de la part de celui qui est<br />
en souffrance. En cela, le travail psychothérapique, en<br />
offrant un étayage et un guidage plus ou moins affirmé<br />
du patient, est un gage supplémentaire en faveur d’un<br />
apaisement des angoisses devenues à un moment intolérables.<br />
Psychothérapies cognitives et comportementales<br />
Ces techniques psychothérapiques sont souvent opposées<br />
aux précédentes car elles sont axées sur des<br />
préoccupations en lien avec la réalité du quotidien,<br />
sans que soit nécessairement procédée à une mise à<br />
jour des déterminants des symptômes, et en particulier<br />
de l’anxiété.<br />
Elles reposent sur l’application dans un cadre contractuel<br />
et limité dans la durée, de mesures comportementales<br />
pragmatiques qui visent au désamorçage des<br />
a ffects, à l’instauration de stratégies alternatives qui<br />
dans tous les cas ont pour objectif de favoriser l’adaptation<br />
du patient à la situation environnante qui lui était<br />
intolérable jusqu’à lors.<br />
Ces techniques de soin, opérantes dans le traitement<br />
de l’anxiété de l’adulte plus jeune, sont attrayantes chez<br />
les personnes âgées dans la mesure où une grande<br />
partie de la problématique est représentée par la difficulté,<br />
parfois insurmontable, de s’adapter à la situation<br />
qu’il lui est donné de vivre. A condition que ses<br />
re s s o u rces cognitives le lui permettent, le patient<br />
pourra procéder à des aménagements concrets dont le<br />
bénéfice se fera sentir très rapidement ce qui est en<br />
totale adéquation avec les projets thérapeutiques le<br />
concernant.<br />
Psychothérapie de soutien<br />
D’un intérêt certain dans le cas de l’anxiété du sujet<br />
âgé, elle est la plupart du temps développée à l’insu<br />
même de celui qui l’applique, sans qu’elle ne soit basée<br />
104
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
sur une technique de soin précise mais plutôt sur le<br />
bon sens du thérapeute, ses qualités humaines et celles<br />
de la relation existant entre le patient et lui-même.<br />
Il s’agit en fait d’un étayage bienveillant, destiné à<br />
renforcer la confiance en lui-même de celui qui est en<br />
s o u ffrance. L’intention est de l’aider à surmonter les<br />
obstacles qui s’élèvent face à lui en lui témoignant<br />
n o t re intérêt sans pour autant nous abandonner à la<br />
compassion, en l’assistant dans l’identification de sa<br />
problématique et la recherche des solutions à apporter.<br />
Psychothérapies systémiques et familiales<br />
P a r mi tous les soignants qui exercent auprès des<br />
personnes âgées, nul ne peut ignorer la complexité des<br />
relations qui régissent les échanges interpersonnels au<br />
sein de la famille et avec le patient.<br />
Si des relations harmonieuses et équilibrées sont possibles,<br />
il arrive plus fréquemment que l’on assiste à des<br />
dysfonctionnements pathogènes car à l’origine de<br />
situations conflictuelles où la violence des échanges<br />
peut conduire à la rupture de la relation ou à l’effondrement<br />
psychique et parfois physique du plus affaibli.<br />
C’est dans ces moments, alors que l’on se trouve au<br />
cœur de la crise et au terme de l’existence que semble<br />
devoir se jouer le dernier acte d’un drame qui, comme<br />
on le constate généralement, a débuté dès le début de<br />
l ’ h i s t o i re familiale si ce n’est avant qu’elle ne se constitue.<br />
Dans ces situations, généralement très tendues du fait<br />
de la gravité des enjeux, les soignants se trouvent la<br />
plupart du temps pris à témoin malgré eux quand ils ne<br />
sont pas pris à partie. La violence des échanges et le<br />
climat d’incertitude et de doute sont à l’origine d’une<br />
angoisse massive qui s’étend à chacune des parties en<br />
présence, le patient lui-même n’étant évidemment pas<br />
épargné.<br />
L’approche psychothérapique a dans ce cas des vertus<br />
qui dépassent le seul intérêt du patient pour s’étendre<br />
aux autres membres de la famille. En favorisant sinon<br />
une réécriture de la mythologie familiale, tout du moins<br />
sa relecture, elle pourra contribuer à ce que le silence<br />
soit levé sur certains épisodes, permettant ainsi de<br />
donner un éclairage nouveau et libérateur à la relation.<br />
De l’apaisement du groupe découlera celui du patient.<br />
Psychothérapies à médiation corporelle<br />
Les techniques de soins faisant appel à la médiation<br />
c o r p o relle, notamment la relaxation mais aussi la<br />
thérapie psychomotrice paraissent particulière m e n t<br />
adaptées à la prise en charge de l’anxiété du sujet âgé.<br />
En permettant une réappropriation du corps et une<br />
remobilisation de l’imaginaire à partir des sensations<br />
corporelles (72) , ces techniques de relaxation contribueront<br />
à une reconstruction narcissique indispensable au<br />
maintien de la vie mais aussi à un retour à la sérénité.<br />
Mesures environnementales<br />
Aux côtés des techniques de soin psychothérapiques<br />
applicables aux personnes âgées, des mesures environnementales,<br />
essentiellement de bon sens, joueront un<br />
rôle incontestable dans l’apaisement de l’anxiété.<br />
Comme on le constate très régulièrement, les<br />
personnes âgées vivent dans des conditions de précarité,<br />
d’isolement et d’insécurité propices à l’émergence<br />
d’une pathologie anxieuse, d’autant qu’elles s’y maintiennent<br />
avec un psychisme fragilisé et un arsenal réactionnel<br />
affaibli.<br />
En institution, si le problème de l’isolement d’une<br />
personne trouve une réponse, la confrontation à une<br />
vie communautaire à laquelle elle est censée se<br />
r é s o u d re faute de l’avoir choisie est loin d’être<br />
dépourvue du risque de voire se développer une<br />
anxiété le plus souvent associée à des phénomènes<br />
dépressifs.<br />
Les réponses à apporter apparaissent généralement<br />
dès l’examen de la situation, qu’il s’agisse d’une renforcement<br />
du réseau relationnel et des recours ou bien<br />
d’une mise en adéquation de l’environnement matériel<br />
avec les aptitudes physiques et intellectuelles de la<br />
personne âgée.<br />
A cet effet, le réseau médical et médico-social, auquel<br />
participent les structures institutionnelles gériatriques et<br />
la psychiatrie du sujet âgé joue un rôle capital d’expertise<br />
et de soutien.<br />
CONCLUSION ________________________<br />
Les troubles anxieux représentent un problème de<br />
santé crucial tout au long de l’existence mais principalement<br />
chez les personnes âgées. Qu’il s’agisse de<br />
l’évolution au cours de la vieillesse des troubles anxieux<br />
p r i m a i res de l’âge adulte ou bien d’une morbidité<br />
nouvelle en relation avec le contexte dans lequel se<br />
déroule cette période critique entre toutes, les troubles<br />
anxieux ont de lourdes conséquences sur la qualité de<br />
vie des personnes. Leur évaluation est avant tout<br />
clinique. Sans qu’il soit possible de re c o n n a î t re une<br />
105
Quelques réflexions au sujet de l’anxiété du sujet âgé<br />
spécificité de l’anxiété du troisième âge, un certain<br />
n o m b re de spécificités sont à connaître pour ne pas<br />
l’ignorer, liées au terrain (particulièrement à la morbidité<br />
concomitante, physique, affective et cognitive)<br />
suscite l’idée d’une “anxiété masquée” au même titre<br />
qu’est reconnue une dépression masquée chez le sujet<br />
âgé. Les échelles d’anxiété sont classiquement validées<br />
chez l’adulte plus jeune et risquent d’être prises en<br />
défaut dans cette population, surtout lorsque des items<br />
somatiques représentent l’essentiel des épreuves. La<br />
MASA (31) constitue un outil de dépistage des troubles<br />
anxieux du sujet âgé fiable et simple d’emploi.<br />
C o n c e rnant la prise en soins de l’anxiété, l’heure est<br />
aujourd’hui à l’utilisation préférentielle des antidépresseurs<br />
dont la mirtazapine et les inhibiteurs de la recapture<br />
de la sérotonine.<br />
Une approche psychothérapique adaptée au patient<br />
auquel elle s’adresse, paraît incontournable tout<br />
comme le sont les mesures d’accompagnement et<br />
d’adaptation de l’environnement social et matériel. ■<br />
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