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L'aide aux personnes pourchassées et persécutées - Maison d'Izieu

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JANVIER 2008<br />

Cahier<br />

pédagogique<br />

Concours National<br />

de la Résistance<br />

<strong>et</strong> de la Déportation<br />

Suj<strong>et</strong> de la session 2007-2008<br />

L’aide <strong>aux</strong> <strong>personnes</strong><br />

persécutées<br />

<strong>et</strong> pourchassées<br />

en France pendant<br />

la Seconde<br />

Guerre mondiale :<br />

une forme<br />

de résistance<br />

A gauche :<br />

Diane Popowski (p.10)<br />

© <strong>Maison</strong> d’Izieu / coll. succession Sabine Zlatin<br />

A droite :<br />

Groupe de résistants<br />

au Crêt de Chalam<br />

autour de Paul<strong>et</strong>te Mercier,<br />

août 1944 (p.8)<br />

(Inv. MHRD 1998.10.85,<br />

Collection Musées des pays de l’Ain)<br />

Aider les <strong>personnes</strong> persécutées <strong>et</strong> pourchassées<br />

constitue une forme de résistance que l’on peut<br />

qualifier de non violente : la résistance civile, dont<br />

les acteurs furent dans certains cas à leur tour<br />

pourchassés, voire déportés ou exécutés.<br />

« La résistance civile fut celle de la survie ; elle visait<br />

à sauver ce qui pouvait l’être, sans attendre le renversement<br />

du rapport des forces militaires. Il s’agissait de faire<br />

survivre des <strong>personnes</strong> pourchassées par les forces<br />

de l’occupant <strong>et</strong> de la collaboration, de faire survivre<br />

des valeurs <strong>et</strong> modes de vie profondément menacés<br />

par le régime nazi. […] Il s’agit d’une démarche altruiste,<br />

dangereuse, visant à dissimuler des <strong>personnes</strong><br />

recherchées afin de les soustraire à une fin tragique.<br />

[…] La résistance civile apparaît comme complémentaire<br />

à la résistance armée. […] A partir de 1943,<br />

elle s’intègre de plus en plus dans des schémas d’actions<br />

militaires ou paramilitaires. »<br />

Jacques Sémelin, Résister sans armes face à Hitler.<br />

La résistance civile en Europe (1939-1943).<br />

Le Musée d’Histoire de la Résistance <strong>et</strong> de la Déportation<br />

de l’Ain <strong>et</strong> du Haut-Jura analyse les aides apportées<br />

<strong>aux</strong> résistants par le Service de Santé des maquis de<br />

l’Ain <strong>et</strong> m<strong>et</strong> en relief le rôle des Justes du département<br />

de l’Ain.<br />

Les documents réunis par la <strong>Maison</strong> d’Izieu m<strong>et</strong>tent en<br />

évidence la diversité de l’aide que la « colonie » a reçue<br />

de la part à la fois d’individus isolés, ou d’organisations<br />

structurées.


IZ-L<strong>et</strong>tre 2008ter 25/01/08 16:46 Page 2<br />

C HRONOLOGIE DES PRINCIPALES MESURES D’ OPPRESSION ( ALLEMANDES ET FRANÇAISES)<br />

1939 • 27 août : suspension des journ<strong>aux</strong> communistes -<br />

établissement de la censure<br />

• 26 septembre : dissolution du Parti communiste français<br />

1940 • juin : 1,6 million de soldats français prisonniers sont<br />

transférés en Allemagne<br />

• 22 juill<strong>et</strong> : loi de révision des naturalisations depuis 1927<br />

• 30 juill<strong>et</strong> : épuration de l’administration française<br />

• 2 août : le général De Gaulle est condamné à mort<br />

par contumace<br />

• 3 septembre : loi autorisant l’internement des individus<br />

dangereux<br />

• 27 septembre : première ordonnance du commandant<br />

en chef allemand en zone occupée définissant les juifs<br />

• 3 octobre : premier statut des juifs de Vichy<br />

• 4 octobre : le maréchal Pétain promulgue une loi<br />

autorisant l’internement des juifs étrangers sur décision<br />

préfectorale dans des camps spéci<strong>aux</strong><br />

1941 • 29 mars : création du Commissariat général <strong>aux</strong><br />

questions juives<br />

• 26 avril : nouvelle ordonnance allemande en zone<br />

occupée concernant les juifs<br />

• 14 mai : première rafle de juifs étrangers à Paris<br />

• 2 juin : loi instaurant le recensement des juifs en France<br />

• 22 juill<strong>et</strong> : loi de Vichy pour « éliminer toute influence<br />

juive dans l’économie nationale »<br />

• 13 août : ordonnance interdisant <strong>aux</strong> juifs de posséder<br />

des postes de radio<br />

• 20 août : deuxième rafle de juifs à Paris<br />

• 22 août : ordonnance allemande dite « des otages »<br />

• 24 août : loi instituant les tribun<strong>aux</strong> d’exception<br />

contre les actions communistes<br />

• 16 septembre : exécution de 10 otages par l’armée<br />

allemande<br />

• 7 décembre : le décr<strong>et</strong> allemand « Nacht und Nebel »<br />

(Nuit <strong>et</strong> Brouillard) ordonne la déportation pour tous<br />

les ennemis du Reich <strong>et</strong> des forces d’occupation dans<br />

les territoires occupés ; ils seront transférés en Allemagne<br />

<strong>et</strong> disparaîtront dans le secr<strong>et</strong> absolu<br />

1942 • 20 janvier : ouverture de la Conférence de Wannsee<br />

où sont mises au point les modalités de la « Solution<br />

finale de la question juive »<br />

• 19 février : ouverture du procès de Riom<br />

• 27 mars : premier convoi de déportation de juifs à<br />

destination d’Auschwitz<br />

• 29 mai : ordonnance allemande sur le port de l’étoile<br />

juive en zone occupée<br />

• 16-17 juill<strong>et</strong> : rafle du Vel’ d’Hiv’<br />

• 23-26 août : les juifs étrangers de la zone sud sont<br />

livrés <strong>aux</strong> nazis par le gouvernement de Vichy<br />

• 25 août : les Alsaciens <strong>et</strong> Lorrains des territoires annexés<br />

par le Reich doivent effectuer leur service militaire en<br />

Allemagne<br />

1943 • 30 janvier : création de la Milice<br />

• 16 février : instauration du Service du Travail Obligatoire<br />

(STO)<br />

• février : premières déportations de Français à<br />

Buchenwald<br />

• 21 juin : arrestation de Jean Moulin à Caluire<br />

• août : 86 <strong>personnes</strong> transférées d’Auschwitz sont<br />

gazées au camp alsacien du Struthof<br />

• 14 décembre : à Nantua, les Allemands arrêtent<br />

<strong>et</strong> déportent 150 hommes en représailles<br />

1944 • 10 janvier : Victor Basch, ancien président de<br />

la Ligue des Droits de l’Homme, <strong>et</strong> son épouse<br />

Hélène sont assassinés par des miliciens à Neyron<br />

• 20 janvier : création de cours martiales expéditives<br />

pour juger les « terroristes » (résistants)<br />

• février : la ville de Belley est occupée par les Allemands<br />

• 5, 6 <strong>et</strong> 7 février : actions de répression allemande sur<br />

le plateau d’Hauteville <strong>et</strong> dans le Valromey (184<br />

<strong>personnes</strong> arrêtées, 42 fusillées <strong>et</strong> 38 maisons incendiées)<br />

• 19-21 février : 23 partisans FTP-MOI (main d’œuvre<br />

immigrée) arrêtés en novembre 1943 sont exécutés<br />

• 18-26 mars : les troupes allemandes <strong>et</strong> les miliciens<br />

anéantissent le maquis des Glières (Haute-Savoie)<br />

• 6 avril : rafle d’Izieu, sur ordre de la Gestapo,<br />

44 enfants juifs <strong>et</strong> 7 éducateurs sont arrêtés <strong>et</strong> déportés<br />

• 19 mai : 5 pensionnaires de la ferme de Saint-Germain,<br />

Villemotier, tombent sous les balles des SS<br />

• 5 juin : 9 lycéens résistants du lycée Lalande à Bourgen-Bresse,<br />

sont déportés<br />

• 10 juin : massacre d’Oradour-sur-Glane<br />

• 23 juin : les Allemands fusillent Joseph Viallaz, maire<br />

d’Hauteville<br />

• 10 juill<strong>et</strong> : les Allemands attaquent le maquis de Bourgen-Bresse,<br />

(1764 <strong>personnes</strong> sont arrêtées, 34 fusillées)<br />

•12-22 juill<strong>et</strong> : répression allemande à Dortan où<br />

18 <strong>personnes</strong> sont exécutées, des femmes violées <strong>et</strong><br />

le village incendié<br />

• 14 juill<strong>et</strong> : Dagostini, chef de la Milice de l’Ain, fait arrêter<br />

à l’hôpital de Nantua 9 blessés pour les faire fusiller<br />

• 18 juill<strong>et</strong> : les Allemands détruisent Pressiat<br />

• 19 juill<strong>et</strong> : de nouveau à l’hôpital de Nantua,<br />

la Gestapo fait conduire 9 blessés à la morgue pour y<br />

être fusillés<br />

• 21-23 juill<strong>et</strong> : liquidation du maquis du Vercors<br />

« Le Juif <strong>et</strong> la France », affiche, René Péron, septembre 1941,<br />

Inv. affiche 1018, Bibliothèque de Documentation Internationale<br />

Contemporaine (BDIC) <strong>et</strong> Musée d’Histoire Contemporaine<br />

2


LA FRANCE ET LE DÉPARTEMENT DE L’AIN (JUIN 1940 / AOÛT 1944)<br />

En juin 1940, la défaite française face à l’offensive allemande se solde par un découpage du territoire.<br />

Il ne cessera d’évoluer jusqu’à la fin de la guerre :<br />

zone libre, zone occupée, zone interdite, zone italienne…<br />

En raison de sa situation frontalière avec la Suisse <strong>et</strong> de sa géographie comprenant<br />

plaines <strong>et</strong> montagnes, l’Ain se trouve pris au coeur des différents découpages qui,<br />

selon la période, favorisent la création de maquis, l’afflux de juifs persécutés,<br />

la répression allemande <strong>et</strong> la mise en place de rése<strong>aux</strong> d’aides <strong>et</strong> de sauv<strong>et</strong>ages.<br />

De juin 1940 à novembre 1942,<br />

le territoire est soumis à deux<br />

législations : celle de l’occupant au nord<br />

de la ligne de démarcation, <strong>et</strong> celle<br />

du gouvernement de Vichy au sud,<br />

dite zone non occupée, dont fait partie<br />

le département de l’Ain à l’exception<br />

du Pays de Gex intégré à la zone<br />

interdite.<br />

Le gouvernement de Vichy, engagé dans<br />

la collaboration, produit une législation<br />

antisémite, anticommuniste <strong>et</strong><br />

xénophobe proche de celle des<br />

Allemands. Il prend seul la décision de<br />

dénaturaliser les étrangers devenus<br />

français à partir de 1927.<br />

Le 3 octobre 1940, il promulgue<br />

un premier statut des juifs suivi,<br />

le 4 octobre, d’une loi qui autorise<br />

les préf<strong>et</strong>s à interner « les étrangers<br />

de race juive dans des camps spéci<strong>aux</strong> »<br />

(camps d’internement français).<br />

Les juifs sont privés de nombreux<br />

droits <strong>et</strong> exclus de plusieurs métiers<br />

dans les domaines de l’administration,<br />

de l’enseignement, de la justice, de<br />

la santé, ...<br />

Le 11 novembre 1942, après le<br />

débarquement des Alliés en Afrique<br />

du Nord, l’armée allemande envahit<br />

la zone sud. Les camps français sont<br />

« vidés » <strong>et</strong> les internés qui s’y<br />

trouvent sont déportés.<br />

Le territoire compris entre la rivegauche<br />

du Rhône <strong>et</strong> la frontière<br />

italienne est occupé par les Italiens<br />

jusqu’au 8 septembre 1943 <strong>et</strong><br />

devient un refuge pour de nombreux<br />

juifs.<br />

Le département de l’Ain, en raison<br />

de sa situation frontalière, connaît un<br />

régime particulier. Sa partie située au<br />

sud d’une ligne Ambérieu-en-Bugey –<br />

Nantua – Bellegarde-sur-Valserine<br />

se trouve dans c<strong>et</strong>te zone italienne<br />

tandis que le pays de Gex reste<br />

inclus dans la zone interdite. Le reste<br />

du département est occupé par<br />

les Allemands.<br />

Zone “libre” (ou zone Sud)<br />

jusqu’en novembre 1942<br />

Ligne de démarcation<br />

Mur de l’Atlantique<br />

(zone interdite littorale)<br />

Découpage de la France à partir de juin 1940<br />

Zone occupée<br />

administration allemande de Paris<br />

Zone réservée<br />

Zone interdite au<br />

r<strong>et</strong>our des réfugiés<br />

Nantua <strong>et</strong> Izieu ont en commun<br />

ces mêmes conditions spécifiques :<br />

une occupation italienne peu répressive<br />

suivie d’une brutale offensive allemande<br />

qui se traduit par des représailles,<br />

des exécutions <strong>et</strong> des rafles dès<br />

le 14 décembre 1943.<br />

Le STO<br />

Le 16 février 1943, avec la complicité<br />

active du gouvernement de Vichy<br />

l’Allemagne nazie impose la mise en<br />

place du STO (Service du Travail<br />

Obligatoire) pour compenser le<br />

manque de main d’œuvre dû à l’envoi<br />

de ses soldats sur le front russe.<br />

Les travailleurs forcés français sont<br />

les seuls d’Europe à avoir été requis<br />

par les lois de leur propre Etat, <strong>et</strong><br />

non pas par une ordonnance allemande.<br />

Le STO, durant l’occupation de<br />

la France par l’Allemagne nazie,<br />

consiste à réquisitionner des centaines<br />

de milliers de travailleurs français <strong>et</strong><br />

Zone occupée<br />

administration de Bruxelles<br />

Région annexée au Reich<br />

Zone d’occupation italienne<br />

après novembre 1942<br />

à les transférer en Allemagne afin de<br />

participer à l’effort de guerre allemand<br />

(usines, agriculture, chemins de fer…).<br />

Les <strong>personnes</strong> réquisitionnées dans<br />

le cadre du STO sont hébergées<br />

dans des camps de travailleurs situés<br />

sur le sol allemand. Le recrutement<br />

se fait par classes d’âge entières.<br />

Les jeunes gens nés entre 1920 <strong>et</strong><br />

1922 sont obligés de travailler en<br />

Allemagne à titre de substitut de service<br />

militaire.<br />

Au total, 650 000 travailleurs français<br />

sont acheminés vers l’Allemagne<br />

entre juin 1942 <strong>et</strong> juill<strong>et</strong> 1944.<br />

Le refus du STO provoque le départ<br />

dans la clandestinité de près de<br />

200 000 réfractaires, dont environ<br />

un quart gagne les maquis en pleine<br />

formation. Cela constitue un apport<br />

considérable pour la Résistance.<br />

3


IZ-L<strong>et</strong>tre 2008ter 25/01/08 16:47 Page 4<br />

Les persécutions<br />

Dans toute la France, des <strong>personnes</strong><br />

sont persécutées pour ce qu’elles sont :<br />

juives, tziganes, étrangères. D’autres<br />

sont pourchassées pour leurs actions<br />

de désobéissance civile, de refus de<br />

l’occupation : communistes, gaullistes,<br />

francs-maçons, réfractaires au STO,<br />

opposants <strong>et</strong> résistants.<br />

Le nombre total des victimes de ces<br />

répressions est mal connu : plusieurs<br />

milliers de <strong>personnes</strong> ont été assassinées<br />

par les nazis en France même,<br />

dont une partie avec la complicité<br />

directe du gouvernement français <strong>et</strong><br />

des collaborateurs.<br />

Selon Henri Rousso, on estime à<br />

87 000 hommes <strong>et</strong> femmes (résistants,<br />

civils, condamnés de droit commun,<br />

homosexuels…) le nombre de<br />

déportés dans les camps de<br />

concentration allemands (Dachau,<br />

Buchenwald, Ravensbrück…) dont<br />

40% n’ont pas survécu.<br />

Sur une population estimée à<br />

350 000 avant la guerre, environ<br />

76 000 juifs de France ont été déportés<br />

vers les camps d’extermination de<br />

Pologne ; 2 500 ont survécu. Parmi<br />

ces déportés il y avait 2 000 enfants<br />

de moins de six ans, 8 700 enfants<br />

de 6 à 7 ans <strong>et</strong> 9 700 <strong>personnes</strong> de<br />

plus de 60 ans.<br />

Les persécutions recouvrent toutes<br />

les formes de violences possibles,<br />

de la pression psychologique à<br />

la désignation publique comme juif,<br />

à l’arrestation, la torture, la déportation<br />

<strong>et</strong> l’exécution.<br />

La résistance civile :<br />

le tournant de l’année 1942<br />

Avec l’intensification de la guerre,<br />

les persécutions sont de plus en plus<br />

nombreuses <strong>et</strong> visibles. Une part<br />

croissante de la population est choquée<br />

<strong>et</strong> certaines <strong>personnes</strong> réagissent en<br />

portant secours <strong>aux</strong> victimes.<br />

Les acteurs de c<strong>et</strong>te résistance civile<br />

viennent de tous les horizons de la<br />

société. Ce sont des individus isolés<br />

ou appartenant à des groupes<br />

soci<strong>aux</strong> ou politiques, qui interviennent<br />

par sympathie, esprit de solidarité<br />

« Avis très important concernant les atterrissages d’aviateurs <strong>et</strong> parachutages », 6 juill<strong>et</strong> 1943,<br />

Inv. MHRD 1998.17.30, Coll. Musées des pays de l’Ain<br />

Découpage de la France. Détail de la région de l’Ain<br />

ou pour des raisons culturelles,<br />

politiques ou juridiques.<br />

Les formes de résistance civile sont<br />

individuelles ou collectives, anonymes,<br />

clandestines ou publiques. Le sauv<strong>et</strong>age<br />

des juifs en est l’une des formes les<br />

plus fréquentes.<br />

L’opinion publique <strong>et</strong> les prises de<br />

position de certains responsables<br />

administratifs, juridiques, politiques<br />

ou religieux (représentants des institutions)<br />

encouragent ou provoquent<br />

des initiatives. Ainsi se développent<br />

de multiples formes d’aide :<br />

on (gendarmes, policiers,<br />

fonctionnaires) prévient les victimes<br />

désignées ; on héberge, on cache ;<br />

on ravitaille, on fournit de f<strong>aux</strong>-papiers ;<br />

on fait passer la ligne de démarcation,<br />

les frontières ; on dénonce, on proteste,<br />

on manifeste.<br />

Les journ<strong>aux</strong> <strong>et</strong> bull<strong>et</strong>ins clandestins<br />

soutiennent ces actions en dénonçant<br />

<strong>et</strong> défiant la légitimité du pouvoir.<br />

4


L’AIDE CIVILE AUX RÉSISTANTS<br />

La documentation sur les formes de secours apportées <strong>aux</strong> proscrits de la société<br />

entre 1940 <strong>et</strong> 1944 est bien souvent très parcellaire. C’est pourquoi le musée d’Histoire<br />

de la Résistance <strong>et</strong> de la Déportation de l’Ain <strong>et</strong> du Haut-Jura a choisi de présenter pour le dossier<br />

seulement l’exemple du Service de Santé du maquis, pour lequel il dispose d’une documentation<br />

relativement fournie sur le suj<strong>et</strong> : collections, archives <strong>et</strong> témoignages or<strong>aux</strong>.<br />

La situation géographique du département de l'Ain<br />

(dont les limites sont formées par les vallées de<br />

la Saône <strong>et</strong> du Rhône <strong>et</strong> par la frontière suisse à l'est) <strong>et</strong><br />

la présence d'axes de communication européens vers<br />

la Suisse, l'Italie <strong>et</strong> l'est en font un secteur particulièrement<br />

stratégique durant la Seconde Guerre mondiale.<br />

La présence par ailleurs d'une topographie à la fois de<br />

plaines <strong>et</strong> collines à l'ouest <strong>et</strong> de la zone de moyenne<br />

montagne ouverte du Bugey à l'est, ainsi que la mise en<br />

place de la ligne de démarcation, puis de la zone d'occupation<br />

italienne dans le Bas Bugey, vont favoriser le refuge<br />

<strong>et</strong> les passages frontaliers. Les proscrits du régime de<br />

Vichy vont tenter de fuir vers la Suisse, se réfugier dans<br />

les maquis, où se cacher dans c<strong>et</strong>te zone de moyenne<br />

montagne. Les Alliés britanniques, conscients de l’intérêt<br />

de la topographie du département vont établir en Bresse<br />

<strong>et</strong> en Dombes une véritable base logistique pour<br />

approvisionner la majeure partie des groupes de résistance<br />

dans la région Rhône-Alpes <strong>et</strong> en Saône-<strong>et</strong>-Loire.<br />

Les formes d’aides apportées <strong>aux</strong> <strong>personnes</strong> persécutées<br />

ou pourchassées ont été multiples. Certains vont cacher<br />

des <strong>personnes</strong>, d’autres vont confectionner des f<strong>aux</strong>papiers,<br />

approvisionner les maquis, soigner les résistants<br />

blessés, tenter de faire passer la frontière à des familles<br />

juives… C<strong>et</strong>te aide est le fait de <strong>personnes</strong> individuelles<br />

ou de rése<strong>aux</strong> plus ou moins organisés.<br />

L E SERVICE DE SANTÉ DES MAQUIS DE L’AIN<br />

Les premières aides apportées<br />

par des médecins à<br />

la Résistance dans l’Ain<br />

De nombreux membres du corps<br />

médical ont aidé la Résistance,<br />

le maquis, ou se sont engagés dans<br />

des mouvements de résistance<br />

dans l’Ain.<br />

A Bourg-en-Bresse, le chirurgien<br />

dentiste Rémond Charv<strong>et</strong> est responsable<br />

du Service de Renseignement<br />

des Mouvements Unis de la Résistance.<br />

Le docteur Ponc<strong>et</strong> est membre du<br />

Comité Départemental de Libération<br />

clandestin <strong>et</strong> est aussi inspecteur<br />

départemental de la Santé.<br />

Le docteur Gustave Léger, médecin<br />

des prisons, facilite l’évasion de<br />

résistants <strong>et</strong> accueille à son domicile<br />

des réunions importantes des<br />

Mouvements Unis de la Résistance<br />

où sont présents Jean Moulin <strong>et</strong><br />

le général Delestraint.<br />

A Nantua, Emile Mercier, médecin,<br />

devient chef de l’Armée Secrète<br />

<strong>et</strong> s’engage dès 1940 avec son épouse<br />

Paul<strong>et</strong>te, pharmacienne, dans<br />

la Résistance. Fin 1943, il prend<br />

la responsabilité du Service de Santé<br />

des camps des maquis de l’Ain avec<br />

quelques médecins : les docteurs<br />

Noël, Bastian <strong>et</strong> Caraco de Thoir<strong>et</strong>te.<br />

Dénoncé, il est fusillé lors de la rafle<br />

du 14 décembre 1943.<br />

A partir de juin 1944, s’organise un<br />

véritable Service de Santé du maquis.<br />

Les Docteurs Georges, Guill<strong>et</strong>,<br />

Parker <strong>et</strong> le Service de Santé<br />

du maquis de l’Ain<br />

Jacques Guttières dit « Docteur<br />

Georges », adhérent du mouvement<br />

« Libération » depuis 1942, est<br />

contraint de quitter son poste de<br />

médecin ORL à Villeneuve-sur-Lot,<br />

suite à son fort engagement dans<br />

la résistance locale. Sur l’ordre d’Henri<br />

Gabrielle, responsable du Comité<br />

Médical de la Résistance auprès de<br />

l’Etat Major régional des Forces<br />

Françaises de l’Intérieur, Jacques<br />

Guttières est affecté au maquis<br />

de l’Ain pour organiser un Service<br />

de Santé en avril 1944. Il est aidé par<br />

le Docteur René Guill<strong>et</strong> qui le rejoint<br />

le 24 juin 1944, <strong>et</strong> une douzaine<br />

d’autres médecins.<br />

Sa première tâche consiste à recruter<br />

de jeunes médecins <strong>et</strong> à les affecter<br />

<strong>aux</strong> groupements princip<strong>aux</strong> de<br />

combattants. Ainsi par exemple, le<br />

Docteur Valentin (Paulin) est affecté<br />

au camp Rolland, le Docteur Bastien<br />

au camp Jo, le Docteur L<strong>et</strong>eyssier<br />

dans le secteur de Jujurieux, le Docteur<br />

Weiler au groupement Chabot.<br />

Il se m<strong>et</strong> ensuite en quête de<br />

matériel sanitaire. Il organise par<br />

ailleurs des Postes de Secours disposant<br />

de quelques lits dans des loc<strong>aux</strong> vides<br />

sous la responsabilité de médecins à<br />

Hauteville, Champagne-en-Valromey,<br />

Brénod, Bellegarde-sur-Valserine,<br />

Saint-Germain-de-Joux, Oyonnax,<br />

Chavannes-sur-Suran, Corveissiat…<br />

Des postes de repli sont prévus en<br />

cas d’attaque à Lantenay, au Poizat,<br />

à Charix.<br />

Fin juin 1944, des hôpit<strong>aux</strong><br />

complémentaires sont installés à<br />

Oyonnax <strong>et</strong> dans l’hôtel de France<br />

à Nantua .<br />

Dans la nuit du 7 au 8 juill<strong>et</strong>,<br />

le chirurgien britannique Geoffray<br />

Edward Parker dit « Parsifal »<br />

débarque d’un avion Dakota avec du<br />

matériel. Le 9 juill<strong>et</strong> 1944, un centre<br />

chirurgical est organisé sous sa direction<br />

dans l’Ecole Pratique d’Oyonnax.<br />

Début août 1944, sur ordre d’Henri<br />

P<strong>et</strong>it dit « Romans », chef des maquis<br />

de l’Ain, « Parsifal », spécialiste en<br />

chirurgie de guerre, prend la direction<br />

du Service de Santé <strong>et</strong> est secondé<br />

par René Guill<strong>et</strong>.<br />

René Guill<strong>et</strong>, Coll. René Guill<strong>et</strong><br />

5


L’AIDE AUX RÉSISTANTS À L’ HÔPITAL DE N ANTUA<br />

L’aide du personnel médical<br />

de l’hôpital<br />

A l’hôpital de Nantua, dès 1940,<br />

la complicité du docteur Jacques Touillon<br />

chirurgien, de Fernand Geoffray,<br />

directeur <strong>et</strong> de la Mère Supérieure<br />

Sœur Joannas, de nombreux clandestins<br />

<strong>et</strong> résistants malades ou blessés sont<br />

cachés <strong>et</strong> soignés.<br />

Le Capitaine Romans-P<strong>et</strong>it décide à<br />

l’automne 1943, en concertation avec<br />

les docteurs Touillon, Mercier, médecin<br />

à Nantua, <strong>et</strong> Romars, de l’utilisation<br />

de l’ambulance de Nantua pour le<br />

transport de maquisards gravement<br />

blessés vers le Centre Hospitalier,<br />

les blessés légers recevant des soins<br />

sur place.<br />

La bienveillance<br />

de quelques civils<br />

L’hôpital est bien approvisionné en<br />

matériel de soins (coton, gaze, tarlatane,<br />

sparadrap…) <strong>et</strong> régulièrement<br />

ravitaillé grâce au soutien de<br />

Monsieur Nattier des Laboratoires<br />

Sajier de Bellegarde-sur-Valserine <strong>et</strong><br />

de l’aide de Gabriel Grobon, Simon<br />

Pernod, Louis P<strong>et</strong>tini.<br />

Des résistants blessés<br />

soignés <strong>et</strong> cachés<br />

Lors de la rafle de Nantua du 14<br />

décembre 1943, malgré une fouille<br />

par les Allemands de l’hôpital, aucun<br />

des 35 maquisards qui y séjournent<br />

n’est découvert. Fin juin 1944,<br />

un hôpital complémentaire est installé<br />

à l’hôtel de France de Nantua.<br />

De 1943 à 1944, plus de 550 résistants<br />

sont hospitalisés à Nantua, autant y<br />

reçoivent des soins.<br />

L’HÔPITAL AMBULANT DANS LA FORÊT D’APREMONT EN JUILLET 1944<br />

Afin de les soustraire <strong>aux</strong> vraisemblables représailles des Allemands envers<br />

les résistants, tous les blessés des hôpit<strong>aux</strong> d’Oyonnax <strong>et</strong> de Nantua, à l’exception<br />

des « intransportables » de Nantua (dont neuf seront fusillés le 19 juill<strong>et</strong> 1944 à<br />

la Croix-Châlon) sont évacués vers la colonie de vacances de la Got<strong>et</strong>te à<br />

Apremont le 12 juill<strong>et</strong> 1944.<br />

Suite <strong>aux</strong> risques que faisait encourir à la population civile d’Apremont ce regroupement,<br />

le capitaine Romans-P<strong>et</strong>it ordonne une dispersion. Trente blessés sont<br />

conduits dans une sapinière, dont onze grâce <strong>aux</strong> paysans d’Apremont <strong>et</strong> leurs<br />

chars à bœufs. Le maire du village, Alphonse Levrat, a quant à lui la responsabilité<br />

de cacher le matériel médical du chirurgien britannique Parker.<br />

Les blessés restent onze jours en forêt sous la surveillance médicale de Jacques<br />

Guttières (Docteur Georges), de Madame Mercier, pharmacienne, épouse du<br />

Docteur Mercier fusillé par les Allemands le 14 décembre 1943, de Lily, infirmière à<br />

Oyonnax, <strong>et</strong> de Germaine Bernardi du groupe Franc Tireur Partisan d’Oyonnax dont<br />

le frère fait partie des blessés.<br />

Le 16 juill<strong>et</strong> 1944, les Allemands fouillent toutes les habitations d’Apremont <strong>et</strong><br />

emportent tout le matériel médical laissé à La Got<strong>et</strong>te. Ils se rendent à quelques<br />

mètres du campement en forêt sans toutefois le découvrir.<br />

Le 23 juill<strong>et</strong> 1944, un orage oblige le repli des blessés dans la maison abandonnée<br />

du maire à Apremont. Tous sont transférés le lendemain au Crêt de Chalam dans le<br />

Haut-Jura, où une infirmerie de fortune est installée par le chirurgien anglais<br />

Geoffrey Edward Parker dans une grange. Tous les blessés sont sains <strong>et</strong> saufs.<br />

Colonie de vacances de la « Got<strong>et</strong>te », Coll. René Guill<strong>et</strong><br />

6


A IDER LES PERSONNES PERSÉCUTÉES ET POURCHASSÉES : UN ENGAGEMENT RISQUÉ<br />

La tragédie de juill<strong>et</strong> 1944<br />

à l’hôpital de Nantua<br />

A l’annonce de la progression des<br />

Allemands vers Nantua, l’évacuation<br />

de l’hôpital est décidée le 12 juill<strong>et</strong><br />

1944 en début d’après-midi.<br />

Une partie des blessés rejoint la forêt<br />

à pied, d’autres sont acheminés vers<br />

la colonie de vacances de la Got<strong>et</strong>te<br />

en ambulance ou camion.<br />

Il ne reste à l’hôpital qu’une dizaine<br />

d’intransportables <strong>et</strong> quatre blessés<br />

allemands prisonniers des F.F.I.<br />

Représailles<br />

Vers 16h, les Allemands, suivis de la<br />

Gestapo puis des miliciens de Dagostini,<br />

occupent l’hôpital, inspectent les salles<br />

<strong>et</strong> procèdent à des interrogatoires,<br />

opérations qu’ils renouvellent durant<br />

plusieurs jours.<br />

Le 14 juill<strong>et</strong> 1944, Dagostini, chef de<br />

la Milice de l’Ain, fait arrêter à l’hôpital<br />

9 blessés pour les faire fusiller.<br />

L’économe de l’hôpital, Fernand<br />

Geoffray, <strong>et</strong> la Mère Supérieure<br />

s’interposent, <strong>et</strong> après une discussion<br />

orageuse obtiennent la promesse du<br />

transport des blessés à l’hôpital<br />

de Bourg-en-Bresse. Tous le sont<br />

effectivement, à l’exception d’Yves<br />

Gaillot, reconnu pour avoir tué<br />

un milicien, r<strong>et</strong>rouvé fusillé le 15 juill<strong>et</strong>.<br />

Le 19 juill<strong>et</strong> 1944, la Gestapo revient,<br />

désigne neuf blessés <strong>et</strong> ordonne<br />

de les conduire à la morgue pour<br />

les fusiller. Il s’agit de Pierre Gayat,<br />

56 ans secrétaire de Mairie de<br />

Saint-Rambert ;<br />

André Burtschell, 36 ans<br />

juge de paix à Saint-Rambert ;<br />

Joseph Marguin, 50 ans<br />

garde-champêtre à Saint-Rambert ;<br />

Albert Bertin, 17 ans ;<br />

Mohamed Kheroumi, 25 ans ;<br />

Roger Morand, 21 ans ;<br />

Lucien Gay, 24 ans ;<br />

André Bullon, 20 ans ;<br />

Jean Vuitton, 28 ans.<br />

Un blessé a déjà été transporté à<br />

la morgue lorsque le major Kock,<br />

officier de la Wehrmacht, intervient.<br />

Alerté par la Supérieure, il fait arrêter<br />

c<strong>et</strong>te barbarie <strong>et</strong> négocie un transfert<br />

vers un autre hôpital. Les blessés tous<br />

incapables de se tenir debout sont<br />

chargés couchés sur des matelas dans<br />

un camion à benne basculante.<br />

Les cadavres de ces hommes sont<br />

r<strong>et</strong>rouvés quelques heures plus tard<br />

dans la carrière de Montréal-la-Cluse<br />

à la Croix-Châlon, alignés sur deux rangs<br />

à même le sol. Trois des victimes,<br />

Gayat, Burtschell, <strong>et</strong> Marguin étaient<br />

les rescapés d’une exécution collective<br />

qui avait eu lieu à Saint-Rambert-en-<br />

Bugey le 8 juill<strong>et</strong>. Ils ont donc été<br />

fusillés deux fois.<br />

Princip<strong>aux</strong> maquis de l’Ain dans le Bugey, 1943-1944.<br />

Légende<br />

Camp de maquis<br />

Terrain d’atterrissage clandestin<br />

7


G EOFFREY E DWARD PARKER DIT «PARSIFAL »<br />

Major de l’armée britannique, spécialiste en chirurgie de guerre,<br />

il s’est porté volontaire pour soigner les maquisards de l’Ain<br />

dans le cadre de la mission Marksman du Special Operation<br />

Executive. Parachuté à Izernore dans la nuit du 7 au 8 juill<strong>et</strong><br />

1944, il est affecté au Service Santé du maquis <strong>et</strong> de l’Armée<br />

Secrète à l’hôpital d’Oyonnax. Lors de l’attaque allemande de<br />

juill<strong>et</strong> 1944, il se replie avec le maquis au Crêt de Chalam. Il<br />

prend la direction du Service de Santé début août 1944.<br />

L E D OCTEUR R ENÉ G UILLET<br />

Chef de clinique chirurgicale des Hospices Civils de Lyon, le<br />

docteur René Guill<strong>et</strong> sur recommandation du docteur Marx<br />

dit « Renaud », membre du Comité Médical de la Résistance,<br />

rejoint les maquis de l’Ain le 24 juin 1944 <strong>et</strong> aide Jacques<br />

Guttières dit « docteur Georges » à m<strong>et</strong>tre en place un<br />

Service de Santé des maquis.<br />

Le capitaine Henri P<strong>et</strong>it dit « Romans », chef des maquis de<br />

l’Ain, le détache le 8 juill<strong>et</strong> 1944 auprès de Geoffray Parker<br />

dit « Parsifal » comme aide chirurgical avec mission d’aider<br />

à l’organisation d’un centre chirurgical à l’Ecole Pratique<br />

d’Oyonnax. La durée de c<strong>et</strong> hôpital fut brève, l’armée allemande<br />

déclenchant des opérations de représailles dès le<br />

9 juill<strong>et</strong> 1944.<br />

René Guill<strong>et</strong> prend l’initiative, avec l’aide du docteur Hazemann,<br />

d’évacuer tous les blessés de l’hôpital d’Oyonnax à la<br />

colonie de vacances la Got<strong>et</strong>te à Apremont où stationnait une<br />

section résistante de Francs Tireurs Partisans commandée<br />

par Louis Mathieu. A défaut d’autres moyens de transport disponibles,<br />

une trentaine de blessés lourds sont chargés dans<br />

la nuit du 11 au 12 juill<strong>et</strong> 1944 dans des bennes à ordures,<br />

les autres étant partis par leurs propres moyens dans la forêt.<br />

Le 1 er août 1944, René Guill<strong>et</strong> remplace Jacques Guttières<br />

au poste de médecin départemental.<br />

L ES D OCTEURS E MILE G UILLET ET B EYSSAC<br />

Né à Oyonnax en 1916, Emile Guill<strong>et</strong>, jeune Interne des<br />

Hôpit<strong>aux</strong> de Lyon, rejoint le Service de Santé des maquis de<br />

l’Ain <strong>et</strong> du Haut-Jura en juin 1944. Lors des attaques allemandes<br />

de juill<strong>et</strong> 1944, il prend en charge un Poste de<br />

Secours à Saint-Germain-de-Joux dans la clinique du docteur<br />

Guillerm<strong>et</strong> avec son camarade d’internat, le docteur Lucien<br />

Beyssac. Tous deux sont ensuite responsables du Poste Médico-<br />

Chirurgical de Charnod sur les premiers contreforts du Jura<br />

dans le secteur d’Elie Deschamps dit « Ravignan ».<br />

Groupe de résistants au Crêt de Chalam autour de Paul<strong>et</strong>te Mercier, août<br />

1944. Inv. MHRD 1998.10.85, Collection Musées des pays de l’Ain<br />

Centre hospitalier<br />

Centre chirurgical<br />

Poste de secours<br />

Poste de repli<br />

L’organisation du Service de Santé des maquis<br />

PAULETTE M ERCIER<br />

Pharmacienne à Nantua, hostile à la défaite <strong>et</strong> au maréchal<br />

Pétain, Paul<strong>et</strong>te Mercier s’engage dans la Résistance dès<br />

1940, <strong>aux</strong> côtés de son mari, le Docteur Emile Mercier. Aux<br />

heures les plus sombres de l’antisémitisme, le couple Mercier,<br />

en relation avec des rése<strong>aux</strong> d’évasion, aide les juifs <strong>et</strong> autres<br />

clandestins à passer en Suisse <strong>et</strong> place les jeunes filles juives<br />

dans des familles du département. En juill<strong>et</strong> 1944, lors de la<br />

contre-attaque allemande, Paul<strong>et</strong>te est menacée d’arrestation.<br />

Elle décide de rejoindre la colonie de vacances de la Got<strong>et</strong>te<br />

à Apremont transformée en hôpital où ont été transportés<br />

les blessés des hôpit<strong>aux</strong> de Nantua <strong>et</strong> Oyonnax. Elle demeure<br />

<strong>aux</strong> côtés des blessés durant leurs onze jours de refuge en<br />

forêt. Puis les blessés sont transférés au Crêt de Chalam où<br />

le Poste de Commandement de Noël Perrotot dit « Montréal<br />

», chef du Groupement Nord des maquis de l’Ain s’est<br />

replié. Là, Paul<strong>et</strong>te assiste le chirurgien anglais « Parsifal » <strong>et</strong><br />

dirige une équipe d’infirmières. La Libération survient quelques<br />

jours plus tard.<br />

8


A CCUEILLIR ET SAUVER LES JUIFS RÉFUGIÉS DANS L’AIN<br />

La frontière avec la Suisse puis l’occupation italienne d’une partie de l’Ain<br />

ont pour conséquence la création d’une zone refuge pour les juifs de France.<br />

Des filières de sauv<strong>et</strong>age se m<strong>et</strong>tent en place,<br />

des enfants juifs sont accueillis dans des familles<br />

<strong>et</strong> une colonie est créée à Izieu.<br />

L ES VOIES DE PASSAGE POUR LE CANTON DE G ENÈVE<br />

De tous les cantons suisses, Genève<br />

est le seul à avoir conservé les dossiers<br />

de toutes les <strong>personnes</strong> qui se<br />

sont présentées à ses frontières entre<br />

1942 <strong>et</strong> 1945. Les témoins r<strong>et</strong>rouvés<br />

sont pour les deux tiers des réfugiés<br />

parvenus à la frontière, acceptés ou<br />

refoulés, le tiers restant est composé<br />

de passeurs, de paysans habitant en<br />

bordure de la frontière <strong>et</strong> aussi de<br />

douaniers <strong>et</strong> de soldats.<br />

La politique fédérale en matière d'accueil<br />

est inconstante <strong>et</strong> incohérente,<br />

mais laisse souvent une marge de<br />

manœuvre <strong>aux</strong> <strong>personnes</strong> travaillant<br />

sur le terrain, douaniers <strong>et</strong> militaires<br />

au premier plan. En novembre 1942,<br />

les soldats italiens préposés à la surveillance<br />

de la frontière franco-suisse<br />

ne font pas de zèle, ce qui ne sera<br />

pas le cas des soldats allemands<br />

venus les remplacer en septembre<br />

1943. Les trav<strong>aux</strong> de Ruth Fivaz-<br />

Silbermann montrent que, de 1942 à<br />

1945, 23 000 <strong>personnes</strong>, dont 10 000<br />

étaient juives, ont franchi la frontière<br />

genevoise ; parmi elles, 5 des enfants<br />

d’Izieu ont trouvé refuge en Suisse.<br />

2 000 d'entre elles furent refoulées,<br />

dont 900 juifs. On dénombre 117<br />

<strong>personnes</strong> déportées à la suite de<br />

leur refoulement. Dans le contexte<br />

de l'époque, ce chiffre est des plus<br />

bas, mais il correspond tout de<br />

même à 117 vies humaines sacrifiées.<br />

Quelques exemples d’aide à des familles juives<br />

L E REFUGE DU DOMAINE DU SAPPEL<br />

En 1942, le pasteur suisse Roland de<br />

Pury installé à Lyon, membre actif de<br />

« l’Organisme de Secours <strong>aux</strong> Enfants<br />

israélites » prend contact, par l’intermédiaire<br />

de Paul<strong>et</strong>te Mercier de Nantua,<br />

avec les familles Jaccard-Monney <strong>et</strong><br />

Dupeyreix d’origine suisse, exploitantes<br />

au domaine du Sappel, pour établir une<br />

filière avec la Suisse.<br />

Situé dans le Bugey à proximité de Labalme<br />

sur Cerdon entre Lyon <strong>et</strong> Genève, ce<br />

domaine est un refuge pour plusieurs<br />

fill<strong>et</strong>tes d’origine juive : Sophie <strong>et</strong> Rachèle<br />

Markowitz, Fanny Krinbert, Hélène<br />

Sismann <strong>et</strong> sa mère. Il sert également de<br />

lieu de transit vers la frontière.<br />

André Monney, relayé par la famille<br />

Fonjallaz à Prévessin-Moens, assure<br />

notamment le passage en Suisse de douze<br />

enfants juifs.<br />

Claude <strong>et</strong> Col<strong>et</strong>te dans sa maison de<br />

campagne de Grièges jusqu’à la Libération<br />

en septembre 1944.<br />

R ENÉ N ODOT<br />

René Nodot, délégué du Service social<br />

des étrangers pour l’Ain <strong>et</strong> le Jura, en liaison<br />

avec les mouvements de Résistance,<br />

les Croix-Rouge alliées, les œuvres<br />

catholiques, protestantes, israélites, le<br />

Secours Quaker, l’Aide suisse <strong>aux</strong> enfants,<br />

crée sous l’occupation différentes filières<br />

clandestines dont l’une vers la Suisse. Il<br />

réussit à sauver de la déportation <strong>et</strong> de<br />

la mort plus de 200 femmes, enfants,<br />

adolescents <strong>et</strong> vieillards juifs.<br />

Passage d’enfants juifs en Suisse à travers la frontière genevoise par l’OSE <strong>et</strong> les rése<strong>aux</strong> de résistance juive associés<br />

Janvier 1943 :<br />

2 convois refoulés, 12 enfants (dont 3 accueillis)<br />

Février 1943 :<br />

8 convois, 81 enfants<br />

Août à octobre 1943 :<br />

36 convois, 398 enfants<br />

Mars à juin 1944 :<br />

42 convois, 516 enfants (dont 44 arrêtés en France)<br />

Entre octobre 1942 <strong>et</strong> mai 1944,<br />

84 enfants passent, isolés ou en mini-groupes<br />

M ARIE L ACROIX,<br />

Marie Lacroix héberge de 1942 à 1945<br />

à Miribel quatre enfants juifs confiés par<br />

leurs parents.<br />

A LEXANDRE N ICOLOT,<br />

Alexandre Nicolot fait adm<strong>et</strong>tre, à<br />

l’hôpital rural de Saint-Laurent-sur-<br />

Saône, Jules <strong>et</strong> Marthe Bloch d’origine<br />

juive. Il recueille leurs deux enfants<br />

9


IZ-L<strong>et</strong>tre 2008ter 25/01/08 16:48 Page 10<br />

S’ENGAGER POUR LA COLONIE D’IZIEU : DES SOLIDARITÉS INSTITUTIONNELLES ET LOCALES<br />

Les documents réunis par<br />

la <strong>Maison</strong> d’Izieu m<strong>et</strong>tent en<br />

évidence la diversité de l’aide<br />

que la « colonie des enfants<br />

réfugiés de l’Hérault » a reçue<br />

de la part à la fois d’individus<br />

isolés, ou d’organisations<br />

structurées.<br />

L’engagement de Sabine Zlatin<br />

Sabine Zlatin nait à Varsovie<br />

le 13 janvier 1907. Elle fuit<br />

la Pologne <strong>et</strong> arrive en France vers<br />

1925. Elle étudie l’histoire de l’art à<br />

l’Université de Nancy où elle<br />

rencontre son époux, Miron Zlatin,<br />

juif d’origine russe, ingénieur<br />

agronome. Tous deux s’installent à<br />

Landas dans le Nord <strong>et</strong> exploitent<br />

un élevage avicole. Ils sont naturalisés<br />

français en juill<strong>et</strong> 1939.<br />

A la déclaration de guerre, Sabine<br />

Zlatin décide de se rendre à Lille<br />

suivre des cours de la Croix-Rouge<br />

pour devenir infirmière militaire. A<br />

cause de l’avancée allemande, après<br />

un bref passage à Paris <strong>et</strong> à Argentan<br />

Sabine Zlatin<br />

© <strong>Maison</strong> d’Izieu, coll. Succession Sabine Zlatin<br />

où Sabine avait été affectée à l’hôpital,<br />

Miron <strong>et</strong> Sabine se replient à<br />

Montpellier. Ils s’installent dans une<br />

p<strong>et</strong>ite ferme dans la banlieue. Sabine<br />

Zlatin est engagée à l’hôpital militaire<br />

de Lauwe. En 1941, elle est congédiée<br />

parce qu’elle est juive.<br />

Elle contacte alors la Préfecture de<br />

l’Hérault* car elle veut « faire<br />

quelque chose » pour les étrangers<br />

juifs internés dans les camps.<br />

L’assistante sociale lui confirme « qu’il<br />

y avait, à Agde, un camp de réfugiés<br />

étrangers, juifs pour la plupart, <strong>et</strong> où<br />

se trouvaient des femmes <strong>et</strong> des<br />

enfants. » C’est l’OSE, Œuvre de<br />

Secours <strong>aux</strong> Enfants,* qui est chargée<br />

du service social. Engagée comme<br />

assistante sociale pour le camp<br />

d’Agde, Sabine est autorisée par la<br />

Préfecture à faire sortir quatre ou<br />

cinq enfants de moins de dix ans à<br />

chaque visite.<br />

« Je n’avais pas à choisir les cas<br />

soci<strong>aux</strong>, je ne pouvais que prendre<br />

les enfants dont les mères se bousculaient<br />

autour de moi. » En uniforme<br />

d’infirmière <strong>et</strong> munie d’autorisations<br />

administratives, elle agit parfois<br />

clandestinement, cachant des enfants<br />

sous sa cape d’infirmière comme<br />

la p<strong>et</strong>ite Diane Popowski, ou ach<strong>et</strong>ant<br />

les gardiens pour qu’ils ferment<br />

les yeux.<br />

L’OSE accueille de nombreux enfants<br />

sortis des camps d’internement au<br />

solarium marin de Palavas-les-Flots<br />

mis à disposition par l’abbé Prévost*.<br />

Au printemps 1942, Sabine Zlatin en<br />

prend la direction.<br />

A partir d’août 1942, les enfants juifs<br />

sont envoyés dans des convois vers<br />

les camps de la mort. L’ OSE m<strong>et</strong><br />

tous ses moyens pour sauver le<br />

maximum d’enfants en les dispersant<br />

dans différents hébergements de<br />

la zone non occupée. Fin 1942, après<br />

l’occupation de la zone sud par<br />

l’armée allemande, l’OSE ferme<br />

toutes les maisons <strong>et</strong> « quitte<br />

les lieux ». Parmi ces maisons, celle<br />

de Campestre abrite quatorze<br />

enfants. La Préfecture de l’Hérault<br />

persuade les époux Zlatin de les<br />

prendre en charge pour les conduire<br />

Colonie d’Izieu, été 1943.<br />

Au fond, debout sur la fontaine, Théo Reis,<br />

devant lui, Aimé Perticoz, voisin de la colonie.<br />

© coll. Philippe Dehan<br />

dans la zone d’occupation italienne ;<br />

en avril 1943, ils se réfugient à Chambéry<br />

en Savoie. Sur les recommandations<br />

de M. Fridrici, chef de division à la<br />

préfecture de l’Hérault, Sabine Zlatin<br />

rencontre à Belley Pierre-Marcel<br />

Wiltzer, Sous-préf<strong>et</strong> de l’Ain. Ce<br />

dernier propose alors son aide pour<br />

installer une maison d’enfants réfugiés<br />

au village d’Izieu.<br />

Sources :<br />

Sabine Zlatin,<br />

Mémoires de la « Dame d’Izieu »<br />

collection Témoins/Gallimard, <strong>et</strong><br />

Pierre-Jérôme Biscarat,<br />

Les enfants d’Izieu 6 avril 1944.<br />

Un crime contre l’humanité,<br />

le Dauphiné Libéré, collection<br />

Les Patrimoines<br />

* Cf glossaire page 13<br />

10


S’ENGAGER POUR LA COLONIE D’IZIEU : DES SOLIDARITÉS INSTITUTIONNELLES ET LOCALES<br />

L’aide de la Sous-préfecture<br />

Aux enfants de Campestre<br />

s’ajoutent à la colonie d’Izieu de nouve<strong>aux</strong><br />

arrivants provenant de différentes<br />

maisons d’enfants cachés. Leur<br />

nombre ne cesse de croître pour<br />

atteindre, en septembre 1943, la<br />

soixantaine. Un p<strong>et</strong>it groupe d’éducateurs<br />

est chargé de leur encadrement.<br />

Quant à l’administration de<br />

l’OSE, elle verse des pensions pour<br />

les enfants dépendant de ses services.<br />

Le Sous-préf<strong>et</strong> Pierre-Marcel<br />

Wiltzer fait alors valoir son influence<br />

pour aider au bon fonctionnement<br />

de la colonie. Il est secondé activement<br />

dans sa tâche par sa secrétaire<br />

en chef, Marie-Antoin<strong>et</strong>te Cojean.<br />

Pour le ravitaillement, il récupère<br />

une quarantaine de cartes d’alimentation<br />

mais elles ne suffisent pas à<br />

nourrir tous les enfants. A Brégnier-<br />

Cordon, la boulangerie <strong>et</strong> la boucherie<br />

donnent des denrées ainsi que la<br />

confiserie Bilbor qui distribue quelquefois<br />

des sucreries <strong>et</strong> du chocolat.<br />

Les meubles <strong>et</strong> les couvertures sont<br />

fournis par le Secours national.<br />

La bonne volonté<br />

de fonctionnaires<br />

de l’Education Nationale<br />

La volonté de scolariser les<br />

enfants va être l’un des premiers<br />

soucis de la direction de la colonie<br />

d’Izieu. Des fonctionnaires de<br />

l’Education nationale vont se mobiliser<br />

pour les aider. Le 4 mai 1943,<br />

Marcel Bulka, 13 ans, fait sa rentrée<br />

en classe de sixième, au cours du<br />

3 ème trimestre, au collège moderne<br />

de garçons de Belley. Il est le premier<br />

enfant à être scolarisé. Pour la rentrée<br />

d’octobre 1943, Marcel Bulka<br />

est accompagné de Max Balsam, 12<br />

Pierre-Marcel Wiltzer, Sous-préf<strong>et</strong> de Belley © Wiltzer<br />

Carte postale datant de l’avant-guerre représentant la maison qui hébergea la colonie <strong>d'Izieu</strong>.<br />

© <strong>Maison</strong> d’Izieu / Collection succession Sabine Zlatin<br />

ans, qui rentre en cinquième ; Henri<br />

Goldberg, 12 ans, est orienté au sein<br />

du même établissement en 1 ère<br />

année de l’école saisonnière d’agriculture<br />

<strong>et</strong> d’artisanat rural. En<br />

décembre, c’est un nouvel arrivant à<br />

Izieu qui fait sa rentrée, Maurice<br />

Gerenstein, 12 ans.<br />

L’accueil de ces enfants doit<br />

beaucoup à la personnalité du directeur<br />

du collège moderne de Belley :<br />

Gaston Lavoille. Marcel Ramillon,<br />

ancien élève du collège se souvient :<br />

« La carrure d’un catcheur, la poigne<br />

solide, une chevelure poivre <strong>et</strong> sel,<br />

épaisse <strong>et</strong> légèrement ondulante, toujours<br />

habillé d’une manière élégante<br />

que soulignait un éternel nœud<br />

papillon, tel apparaissait Gaston<br />

Lavoille. (...) Avant d’être le Directeur<br />

de l’Ecole Primaire Supérieure de<br />

Belley, il avait été professeur d’histoiregéographie<br />

à l’Ecole Normale de Bourg.<br />

(...) Sa formation d’historien l’a aidé à<br />

comprendre les enjeux de l’époque <strong>et</strong><br />

à assumer pleinement sa responsabilité<br />

d’homme <strong>et</strong> de chef d’établissement :<br />

accueillir quatre enfants juifs de la colonie<br />

d’Izieu n’était pas une entreprise<br />

sans risque, Belley avait son lot de collaborateurs<br />

<strong>et</strong> de miliciens ». Un voile<br />

de discrétion entoure ces nouve<strong>aux</strong><br />

venus. André Castelnau, qui avait leur<br />

âge, évoque l’atmosphère particulière<br />

de leur arrivée : « On nous a discrètement<br />

mis au courant en nous recommandant<br />

de ne pas trop leur parler ou<br />

tout au moins les questionner.<br />

Nous jouions tous le jeu : “bonjour”,<br />

“bonjour”, “ça va”, “ça va”.<br />

Les jours passent <strong>et</strong> à la faveur<br />

des conversations entre professeurs <strong>et</strong><br />

les nouve<strong>aux</strong> arrivants, nous essayons<br />

de comprendre d’autant que nous<br />

avons appris qu’ils ne mangent pas<br />

au réfectoire mais qu’ils logent chez<br />

Madame <strong>et</strong> Monsieur Lavoille ».<br />

Parallèlement, dans les premiers<br />

mois de l’installation de la colonie, se<br />

pose aussi le problème de la scolarisation<br />

des plus jeunes dans le primaire.<br />

Dans ses « Mémoires », Pierre-Marcel<br />

Wiltzer, rapporte la proposition qu’il<br />

fit à Sabine Zlatin : « (...) vers le mois<br />

de juin, juill<strong>et</strong>, je proposais à mon interlocutrice<br />

de créer une classe pour ces<br />

enfants, dans le souci de leur donner<br />

un but, une occupation. Avec son<br />

accord, je demandais à l’Inspecteur<br />

Primaire, M. Gonn<strong>et</strong>, la possibilité de<br />

créer ce poste <strong>et</strong> il fut immédiatement<br />

consentant. Il n’était évidemment pas<br />

question de mêler le ministère à l’affaire :<br />

cela s’est fait en douce avec<br />

l’Inspection Académique. On a parlé<br />

d’enfants réfugiés, ce qui n’a pas posé<br />

de problème, la région de Lyon étant<br />

noyée de dizaines de milliers de<br />

réfugiés expulsés de la Moselle. »<br />

Ce qui fut fait. En plein cœur de l’été,<br />

le dossier est sérieusement suivi par<br />

M. Gonn<strong>et</strong>, l’Inspecteur de<br />

l’Enseignement Primaire de Belley.<br />

De concert avec l’Inspecteur<br />

d’Académie de l’Ain à Bourg-en-Bresse<br />

<strong>et</strong> le maire d’Izieu Henri Tissot,<br />

M. Gonn<strong>et</strong> obtient du Ministère de<br />

l’Education Nationale, le 23 septembre<br />

1943, l’autorisation d’ « ouvrir, à titre<br />

essentiellement provisoire <strong>et</strong> pour la<br />

durée de la guerre, une classe primaire<br />

destinée <strong>aux</strong> enfants réfugiés de<br />

11


IZ-L<strong>et</strong>tre 2008ter 25/01/08 16:49 Page 12<br />

S’ENGAGER POUR LA COLONIE D’IZIEU : DES SOLIDARITÉS INSTITUTIONNELLES ET LOCALES<br />

Gaston Lavoille, directeur du collège moderne de Belley. Année scolaire 1945-1946 © Coll. Roger Perticoz<br />

la <strong>Maison</strong> d’enfants d’Izieu ».<br />

Le 18 octobre, une jeune institutrice<br />

de 21 ans, Gabrielle Perrier, recrutée<br />

par M. Gonn<strong>et</strong> lui-même, fait sa<br />

rentrée devant les élèves de la colonie<br />

d’Izieu.<br />

Le rôle bienveillant<br />

de la gendarmerie<br />

Une brigade de la gendarmerie<br />

nationale se trouvait en poste à<br />

Brégnier-Cordon à 2 km au sud<br />

d’Izieu. En l’état actuel des<br />

recherches, les témoignages <strong>et</strong> les<br />

documents d’archives sembleraient<br />

nous indiquer que c<strong>et</strong>te brigade était<br />

intervenue au moins à quatre<br />

reprises en faveur du personnel de la<br />

colonie d’Izieu.<br />

Le 21 août 1943, Le Préf<strong>et</strong><br />

régional de Lyon transm<strong>et</strong> par télégramme<br />

au Préf<strong>et</strong> de l’Ain des instructions<br />

selon lesquelles il convient<br />

d’arrêter des juifs « aptes au travail »<br />

pour les diriger sur l’organisation<br />

TODT (Service du Travail Obligatoire<br />

pour les juifs de France). Le même<br />

jour, à Brégnier-Cordon, les gendarmes<br />

délivrent un sauf-conduit à<br />

un éducateur de la colonie d’Izieu,<br />

Léon Reifman, juif roumain agé de 29<br />

ans, étudiant en médecine. Ce document<br />

lui donne le droit de se rendre<br />

librement à Chambéry du 22 au 30<br />

août. Le 23 août, Léon Reifman quitte<br />

Izieu en possession de son saufconduit.<br />

Le 24 août, le Maréchal des<br />

Logis-chef de Gendarmerie de<br />

Brégnier-Cordon, Marcel Fontaine, se<br />

rend à Izieu en fin de soirée, à 22<br />

heures, avec pour ordre de l’arrêter.<br />

Sans succès puisqu’il est parti la veille.<br />

Dans un courrier au Préf<strong>et</strong> de l’Ain,<br />

le 30 août, Sabine Zlatin indique que<br />

Léon Reifman n’est pas rentré à la<br />

colonie <strong>et</strong> qu’il l’a avertie par téléphone<br />

qu’il ne reviendrait pas à Izieu.<br />

Le 4 septembre 1943, le Préf<strong>et</strong> de la<br />

Savoie écrit au Préf<strong>et</strong> de l’Ain pour<br />

l’informer que les recherches effectuées<br />

dans son « département en vue<br />

de r<strong>et</strong>rouver la trace de c<strong>et</strong> étranger<br />

sont demeurées infructueuses à ce jour ».<br />

Nous formulons l’hypothèse que le<br />

sauf-conduit a été délivré délibérément<br />

par la gendarmerie de Brégnier-Cordon<br />

afin que Léon Reifman échappe à<br />

son arrestation. Si c<strong>et</strong>te thèse se<br />

confirmait, les gendarmes auraient<br />

sauvé la vie de Léon Reifman car<br />

après avoir travaillé au sein de la<br />

TODT, les juifs étaient déportés.<br />

D’autres faits plaident en faveur de<br />

la bienveillance de la gendarmerie.<br />

En septembre ou en octobre 1943,<br />

Paul Niedermann, 15 ans, a dû<br />

précipitamment quitter Izieu :<br />

« Un jour est arrivé un gendarme. Il a<br />

dit que j’étais trop grand, que j’attirerai<br />

un jour ou l’autre l’attention. Je suis<br />

parti immédiatement à Grenoble. J’ai<br />

fini par aboutir dans un presbytère à<br />

Douvaine ; le curé, un saint-homme<br />

décédé à Buchenwald, avait des passeurs.<br />

J’ai été dans un groupe qui a<br />

réussi à franchir la frontière suisse.<br />

J’ai su que la traque était finie. »<br />

Paul Niedermann vit aujourd’hui en<br />

région parisienne. Il témoigne régulièrement<br />

pour des élèves ou des étudiants,<br />

aussi bien en France qu’en<br />

Allemagne.<br />

Autre cas, celui de Rachel <strong>et</strong><br />

Serge Pludermarcher, éducateurs à la<br />

maison d’Izieu. Rachel est enceinte.<br />

Dans un témoignage livré à l’historienne<br />

Katy Hazan, elle raconte que<br />

lors d’une visite médicale, elle<br />

apprend par un gendarme qu’une<br />

rafle se prépare. Ce n’est pas la première<br />

fois qu’une telle rumeur se<br />

répand, mais Serge <strong>et</strong> Rachel décident<br />

de ne pas r<strong>et</strong>ourner à Izieu<br />

avant la naissance de leur fils<br />

Georges. Leur départ est confirmé<br />

par les archives dans un courrier de<br />

Sabine Zlatin, daté du 9 mars 1944,<br />

adressé au Préf<strong>et</strong> de l’Ain dans lequel<br />

elle précise que Rachel « a quitté notre<br />

maison ces jours-ci, munie d’un saufconduit,<br />

<strong>et</strong> m’avertit par la suite qu’elle ne<br />

reviendra plus travailler ». Sauf-conduit<br />

délivré par la gendarmerie.<br />

Enfin, Léa Feldblum, jeune éducatrice<br />

juive polonaise de 24 ans, se<br />

voit rem<strong>et</strong>tre un sauf-conduit par la<br />

gendarmerie de Brégnier-Cordon afin<br />

de se rendre dans l’Hérault entre le<br />

9 <strong>et</strong> le 25 mars 1944. Elle avait pour<br />

mission de trouver un lieu pour les<br />

enfants dans un département moins<br />

exposé. Fin mars, elle est de r<strong>et</strong>our à<br />

la colonie. Elle est arrêtée le jour de<br />

la rafle puis déportée à Auschwitz.<br />

Elle sera la seule du groupe d’Izieu à<br />

revenir des camps.<br />

L’aide du voisinage<br />

Les relations avec le voisinage<br />

sont bonnes, notamment avec la<br />

famille Perticoz dont la ferme se<br />

trouve à proximité de la maison. Les<br />

anim<strong>aux</strong> de la ferme font partie des<br />

distractions des plus jeunes. Julien<br />

Fav<strong>et</strong>, employé des Perticoz, a les<br />

faveurs de certains enfants qui lui<br />

apportent son casse-croûte quand il<br />

travaille <strong>aux</strong> champs.<br />

Des <strong>personnes</strong> du village aident<br />

la colonie. Ainsi la famille Héritier qui<br />

habite le village d’Izieu accueille<br />

Yv<strong>et</strong>te Benguigui 2 ans, la p<strong>et</strong>ite<br />

sœur des trois frères Benguigui. Elle<br />

est hébergée plusieurs mois. Quant à<br />

la famille Borgey, elle recueille deux<br />

enfants juifs qui ne proviennent pas<br />

de la colonie mais de la famille<br />

d’un médecin lyonnais. Le 6 avril<br />

1944, Mme Borgey ira cacher<br />

ces deux enfants dans la montagne.<br />

Ils ne seront pas inquiétés.<br />

12


G LOSSAIRE<br />

OSE, Œuvre de Secours <strong>aux</strong> Enfants<br />

Créée en 1912 en Russie tsariste<br />

antisémite, la Société pour la protection<br />

sanitaire des populations juives<br />

décide de mener une action humanitaire<br />

envers les juifs nécessiteux.<br />

En 1923, à Berlin, elle fonde une organisation<br />

internationale, l’Union-OSE.<br />

En 1933, l’arrivée des nazis l’oblige à<br />

déplacer son siège à Paris. En 1935,<br />

sa filiale française est créée sous le<br />

nom « Œuvre de secours <strong>aux</strong><br />

enfants <strong>et</strong> de protection de la santé<br />

des populations juives ».<br />

Après l’armistice du 22 juin 1940,<br />

l’OSE installe son siège à Vichy puis<br />

le transfère à Montpellier.<br />

En novembre 1941, elle est intégrée<br />

à l’UGIF (Union Générale des<br />

Israélites de France).<br />

Préfecture de l’Hérault<br />

Le personnel de la préfecture de<br />

l’Hérault adopte une attitude courageuse<br />

en favorisant le sauv<strong>et</strong>age<br />

d’enfants juifs. M. Bened<strong>et</strong>ti, Préf<strong>et</strong><br />

régional, M. Ernst, secrétaire général,<br />

<strong>et</strong> M. Fridrici, chef de division,<br />

délivrent des autorisations pour<br />

la libération de jeunes internés dans<br />

les camps.<br />

C’est M. Fridrici qui signale à<br />

Sabine Zlatin un groupe d’enfants à<br />

prendre en charge d’urgence. Ce<br />

sont ces enfants que Miron <strong>et</strong> Sabine<br />

Zlatin emmènent avec eux en zone<br />

italienne.<br />

L'abbé Prévost © BNF / <strong>Maison</strong> <strong>d'Izieu</strong>, collection Sabine Zlatin<br />

L’abbé Prévost<br />

Il est parfois difficile de trouver<br />

rapidement une place pour accueillir<br />

les enfants que l’OSE fait sortir<br />

des camps. L’abbé Prévost, directeur<br />

de l’Institut Saint-Jean-François-Régis<br />

à Montpellier (Hérault) propose<br />

d’utiliser le sanatorium 1 Saint-Roch à<br />

Palavas-les-Flots (Hérault) comme<br />

lieu de transit.<br />

« Je voudrais ici rendre un hommage<br />

tout particulier à l’abbé Prévost pour<br />

l’accueil chaleureux qu’il me réserva<br />

toujours. Il prit bon nombre d’enfants<br />

dans son établissement, surtout des<br />

garçons. Un jour que je lui amenais<br />

cinq garçons, il appela la mère<br />

supérieure <strong>et</strong> lui dit : « Ces enfants<br />

sont juifs. Vous ne les emmènerez<br />

pas à la messe le dimanche.<br />

Débrouillez-vous. » C’était révélateur<br />

de la générosité de coeur de l’abbé<br />

Prévost. » Sabine Zlatin, opus cit.<br />

1 sanatorium : maison de santé.<br />

Brouillon d’une l<strong>et</strong>tre de Sabine Zlatin,<br />

adressée à Pierre-Marcel Wiltzer, Sous-préf<strong>et</strong><br />

de Belley, fin 1943 :<br />

« Grâce à vous, M. le Sous-préf<strong>et</strong>, une colonie<br />

d’enfants réfugiés a trouvé gîte dans votre<br />

arrondissement. Depuis notre venue à Izieu,<br />

vous nous avez témoigné votre sympathie par<br />

une multitude d’attentions <strong>aux</strong>quelles nous<br />

sommes expressément sensibles. (...)<br />

Perm<strong>et</strong>tez-moi, au nom de nos enfants, <strong>et</strong> de<br />

toute la colonie de vous souhaiter une bonne <strong>et</strong><br />

heureuse année 1944, <strong>et</strong> la réalisation de tous<br />

vos voeux les plus chers. »<br />

© <strong>Maison</strong> d’Izieu / Succession Sabine Zlatin<br />

13


L ES PALLARÉS, UNE FAMILLE DE J USTES<br />

Léon Reifman, colonie <strong>d'Izieu</strong>, été 1943<br />

© <strong>Maison</strong> <strong>d'Izieu</strong> / Coll. Henri Alexander.<br />

L’aide à Léon Reifman,<br />

le 6 avril 1944.<br />

Le 6 avril 1944, Léon Reifman, ancien<br />

éducateur de la colonie, rend visite à<br />

sa famille réfugiée à la maison d’Izieu.<br />

En cours de route, il prend en charge<br />

deux garçons qui étaient pensionnaires<br />

au collège de Belley. Sitôt arrivé,<br />

il monte à l’infirmerie. La rafle a lieu<br />

au même moment. Prévenu par sa<br />

sœur, il saute par la fenêtre du 1 er<br />

étage <strong>et</strong> se cache dans un buisson. Il<br />

est trouvé par l’ouvrier agricole travaillant<br />

pour la famille Perticoz, Julien<br />

Fav<strong>et</strong>. Grâce <strong>aux</strong> Perticoz, dont la<br />

ferme jouxte la colonie, il se réfugie<br />

dans un hameau voisin avant de<br />

passer plusieurs jours à Peyrieu situé<br />

à une dizaine de kilomètres d’Izieu.<br />

Il est caché par la famille de la sœur<br />

de Madame Perticoz, la famille<br />

Bouvier. Enfin, il est accueilli par<br />

la famille Cardot de Belley dont<br />

le père est l’un des responsables du<br />

maquis. Après la guerre, il devient<br />

médecin. Dès le r<strong>et</strong>our de Klaus<br />

Barbie en France, en 1983, il se<br />

porte partie civile pour sa famille.<br />

Il décède en 1994, l’année de<br />

l’inauguration du « Musée-mémorial<br />

des enfants d’Izieu ».<br />

Dans l’histoire de l’aide apportée<br />

à la colonie des enfants<br />

d’Izieu, il convient de souligner<br />

l’action <strong>et</strong> le courage d’une famille<br />

de Montpellier, les Pallarés. Au printemps<br />

1942, par le biais d’une<br />

relation de voisinage, Sabine Zlatin<br />

fait la connaissance de Marie-<br />

Antoin<strong>et</strong>te Pallarés <strong>et</strong> de ses enfants<br />

Guy, Paul<strong>et</strong>te <strong>et</strong> Renée. Le mari,<br />

instituteur, se trouve mobilisé au<br />

Togo. Les deux filles alors adolescentes<br />

font parties des Eclaireuses de<br />

France. A ce titre, elles se chargent<br />

de porter des colis de ravitaillement<br />

préparés par les Eclaireurs israélites<br />

de Montpellier <strong>aux</strong> juifs internés<br />

dans les camps. Malgré les risques<br />

liés à la surveillance allemande,<br />

Renée se porte même volontaire<br />

pour convoyer une quarantaine<br />

d’adolescentes juives <strong>et</strong> étrangères<br />

de Montpellier à Annecy afin<br />

qu’elles puissent se réfugier en<br />

Suisse.<br />

Dans le cadre de ses actions<br />

de sauv<strong>et</strong>age, Sabine Zlatin sort du<br />

camp d’Agde une fill<strong>et</strong>te âgée de<br />

deux ans : Diane Popowski, née à<br />

Luxembourg, le 22 avril 1940.<br />

Réfugiées dans le sud de la France,<br />

cachée à Prades-le-Pez dans<br />

l’Hérault, Diane <strong>et</strong> sa mère sont<br />

arrêtées par la gendarmerie française<br />

puis internées au camp d’Agde. Les<br />

parents sont déportés le 11 septembre<br />

1942. L’enfant se r<strong>et</strong>rouve seule au<br />

camp d’Agde. L’histoire raconte que<br />

Sabine Zlatin l’aurait sortie du camp<br />

clandestinement en la cachant sous<br />

sa cape. Pour éviter que les pleurs<br />

du bébé n’alertent les gardiens, elle<br />

lui aurait calé un p<strong>et</strong>it morceau de<br />

sucre dans la bouche. Vers la fin de<br />

l’été 1942, Diane est confiée à la<br />

famille Pallarés qui accueillera aussi<br />

un autre enfant âgé de 3 ans :<br />

Albert Bulka dit « Coco ». Celui-ci<br />

rejoint en mai 1943, la « colonie des<br />

enfants réfugiés de l’Hérault » à<br />

Izieu, fondée par les époux Zlatin.<br />

Aux environs du mois de juin<br />

1943, Miron Zlatin a besoin d’aide<br />

pour s’occuper du jardin de la<br />

colonie. Pour aider son mari, Sabine<br />

Zlatin songe à faire venir deux<br />

adolescents juifs cachés dans<br />

la région d’Agen. Elle demande à<br />

Renée Pallarés d’aller les chercher.<br />

Renée est alors lycéenne. Elle<br />

convoie les deux adolescents<br />

jusqu’à Izieu. Il s’agit de Théo Reis<br />

<strong>et</strong> de Paul Nierdermann. Après ce<br />

périple, Renée passe son bac puis<br />

elle vient passer l’été 1943 avec<br />

sa sœur <strong>et</strong> son frère, à la colonie<br />

d’Izieu. La fratrie emmène avec elle,<br />

la p<strong>et</strong>ite Diane Popowski. Les deux<br />

sœurs sont aide-monitrices <strong>et</strong><br />

participent activement à la bonne<br />

marche de la colonie. Renée <strong>et</strong><br />

Paul<strong>et</strong>te prirent un nombre<br />

important de photographies qui<br />

aujourd’hui nous sont parvenues.<br />

Ces clichés témoignent de la vie<br />

quotidienne : séances de pluches,<br />

En partant de la gauche : Renée, Guy <strong>et</strong> Paul<strong>et</strong>te Pallarés, colonie <strong>d'Izieu</strong>, été 1943<br />

© <strong>Maison</strong> <strong>d'Izieu</strong> / Coll. Niedermann – Pallarés-Roche.<br />

14


HAUTEVILLE-LOMPNES : LES ENFANTS DE L’ESPÉRANCE<br />

distribution du courrier, jeux, <strong>et</strong>c.<br />

Grâce à ces photographies, Serge<br />

Klarsfeld a pu compléter son<br />

dossier sur les 44 enfants raflés à<br />

Izieu en vue du procès Barbie qui<br />

s’est tenu à Lyon en 1987.<br />

Certaines de ces photographies<br />

sont exposées aujourd’hui à<br />

la <strong>Maison</strong> d’Izieu.<br />

A la fin de l’été 1943,<br />

les Pallarés doivent rentrer à<br />

Montpellier. Très attachées à Diane,<br />

qu’elles considèrent comme leur<br />

propre sœur, elles réussissent à<br />

convaincre Sabine Zlatin de rentrer<br />

chez elle avec Diane. La mère de<br />

Renée <strong>et</strong> Paul<strong>et</strong>te accepte. Elles<br />

rentrent alors à Montpellier en<br />

compagnie de Diane. « On était tous<br />

les trois en admiration. Elle était<br />

extraordinaire. D’abord, elle était très<br />

jolie, très mignonne (...) Mon frère<br />

la taquinait tout le temps, nous on<br />

la pouponnait » se souvient Renée.<br />

Sans l’accueil de c<strong>et</strong>te famille<br />

durant la guerre, Diane Popowski<br />

aurait été probablement déportée.<br />

En 1949, le père de Diane, rescapé<br />

d’Auschwitz, décide de récupérer<br />

sa fille.<br />

C’est à la demande de Diane,<br />

que le diplôme de « Juste des<br />

Nations », délivré par Israël à ceux<br />

qui ont sauvé des juifs, est remis à<br />

Renée Pariselle, Paul<strong>et</strong>te Roche<br />

<strong>et</strong> à leur mère, Marie-Antoin<strong>et</strong>te<br />

Pallarés, à titre posthume, le<br />

16 septembre 1987, à Montpellier.<br />

Quelques mois avant, le 1 er juin<br />

1987, Paul<strong>et</strong>te témoignait à Lyon<br />

pour le procès Barbie.<br />

Diane Popowski, aujourd’hui<br />

Diane Fenster, vit au Canada<br />

ainsi que son père. Renée fut<br />

la dernière à avoir témoigné de<br />

ce sauv<strong>et</strong>age. Elle est décédée<br />

le 3 août 2007.<br />

Hauteville est une commune<br />

du Bugey (Ain) située sur<br />

un plateau du Jura, à une<br />

cinquantaine de kilomètres d’Izieu.<br />

C’est avant tout une station climatique<br />

où l’on soigne des malades atteints<br />

de tuberculose.<br />

Zone de maquis, le plateau sera<br />

le théâtre d’actes de résistance <strong>et</strong><br />

de répression allemande.<br />

Dans les années 30, de nombreuses<br />

familles de juifs polonais fuyant<br />

les persécutions nazies arrivent à<br />

Hauteville. A c<strong>et</strong>te époque,<br />

Hauteville <strong>et</strong> Lompnes sont deux<br />

villages distincts ; ils seront réunis en<br />

1942. Le maire de Lompnes, Léon<br />

Bonafé, est également médecin chef<br />

du sanatorium de l’Espérance<br />

d’Hauteville. Il y héberge, soigne <strong>et</strong><br />

cache des femmes juives. Certaines<br />

ayant des enfants, il leur indique des<br />

adresses de familles du plateau qui<br />

peuvent les accueillir. Ainsi, il crée<br />

un réseau de confiance entre<br />

les « mères de l’Espérance » <strong>et</strong><br />

les « nourrices de Cormaranche ».<br />

Son action est soutenue dans<br />

l’ombre par l’attitude courageuse de<br />

Frédéric Dumarest, « président de<br />

la délégation spéciale » d’Hauteville-<br />

Lompnes.<br />

« Les enfants cachés d’Hauteville<br />

ont gardé un souvenir plutôt bon de<br />

l’Espérance <strong>et</strong> son grand parc où<br />

ils jouaient, insouciants de la guerre,<br />

près de leurs mamans. […]<br />

Les pensionnaires de l’Espérance<br />

vivaient dans les meilleures conditions<br />

possibles en temps de guerre. […]<br />

Hauteville était un monde presque<br />

paisible jusqu’à l’arrivée des Allemands. »<br />

Georges Levy,<br />

Les enfants de l’Espérance.<br />

Hauteville 1939-1945<br />

Fin juin 1941, le Préf<strong>et</strong> rappelle <strong>aux</strong><br />

maires qu’ils doivent impérativement<br />

fournir la liste de tous les juifs.<br />

Il est demandé à la directrice de<br />

l’Espérance de donner la liste<br />

de toutes les pensionnaires <strong>et</strong> celle<br />

du personnel. Elle ne déclare que<br />

34 juifs <strong>et</strong> en dissimule une quinzaine.<br />

Après ce recensement, le Préf<strong>et</strong><br />

dispose d’une liste de 64 juifs de<br />

la région de Belley parmi lesquels<br />

figurent les familles Halpern <strong>et</strong><br />

Ament, juifs autrichiens arrivés<br />

en France après l’Anschluss en 1938.<br />

Bien que connaissant l’existence<br />

de « ce sanatorium de juives », les<br />

Allemands ne procèderont à aucune<br />

rafle dans l’établissement.<br />

L’histoire d’Hauteville-Lompnes <strong>et</strong><br />

celle de la maison d’Izieu sont liées à<br />

travers le destin des familles de deux<br />

des enfants victimes de la rafle du<br />

6 avril 1944 à la « colonie ».<br />

Au début de l’été 1939, Séraphine<br />

Halpern née le 23 septembre 1907,<br />

commence une cure à l’Espérance.<br />

Elle y fera plusieurs séjours.<br />

Auparavant hospitalisée à Perpignan,<br />

elle a dû se séparer de son fils<br />

Georges.<br />

En septembre, quand la guerre éclate,<br />

des juifs étrangers s’engagent dans<br />

l’armée française pour prouver leur<br />

attachement à la France <strong>et</strong> leur<br />

volonté d’intégration ; parmi eux,<br />

son mari Julius Halpern.<br />

Georges Halpern, dit Georgy, né<br />

le 30 octobre 1935, d’abord placé<br />

dans la maison d’enfants de l’O.S.E.<br />

au château de Chaumont à Mainsat<br />

(Creuse) puis à la maison de<br />

Campestre à Lodève, arrive le 18 mai<br />

à la « colonie » d’Izieu avec le premier<br />

groupe d’enfants venus de l’Hérault.<br />

Georgy Halpern<br />

© <strong>Maison</strong> <strong>d'Izieu</strong> / Coll. Henri Alexander<br />

15


IZ-L<strong>et</strong>tre 2008ter 25/01/08 16:50 Page 16<br />

Il est déporté par le convoi n° 71 <strong>et</strong><br />

assassiné à Auschwitz-Birkenau.<br />

Fin mars, trois semaines après la<br />

déportation de son mari, Ernestine<br />

Ament très malade entre à<br />

l’Espérance. Elle y décède le 7 août<br />

1944.<br />

Hans Ament, né le 15 février 1934,<br />

rejoint la colonie d’Izieu en<br />

septembre 1943. Il est déporté par<br />

le convoi n° 75 du 30 mai 1944.<br />

Alfred, son frère aîné, est sauvé par<br />

l’OSE qui l’a fait passer en Suisse.<br />

Les recherches historiques récentes<br />

de Georges Levy ont permis de<br />

Hans Hament, coll. Serge Klarsfeld<br />

découvrir c<strong>et</strong>te histoire d’enfants juifs<br />

hébergés ou cachés – parfois avec<br />

leurs parents, ou près d’eux – au<br />

Sud de l’Ain, à Hauteville, Lompnes<br />

<strong>et</strong> Cormaranche, grâce au courage<br />

<strong>et</strong> à la bonté de quelques habitants :<br />

un médecin, un maire, des agriculteurs,<br />

des commerçants, un enseignant.<br />

Bibliographie<br />

C<strong>et</strong>te bibliographie indicative est constituée<br />

d’ouvrages consultables au Musée d’Histoire de<br />

la Résistance <strong>et</strong> de la Déportation de l’Ain <strong>et</strong><br />

du Haut-Jura <strong>et</strong> à la <strong>Maison</strong> d’Izieu.<br />

Ouvrages génér<strong>aux</strong> :<br />

• J.P Azema, François Bedarida,<br />

« La France des années noires »,<br />

édition du Seuil, novembre 1993<br />

Tome 1 : pages 387 à 392 sont traités les premiers<br />

rése<strong>aux</strong> qui organisaient des évasions<br />

Tome 2 : la page 331 traite du rôle du monde paysan<br />

dans la survie du Maquis<br />

• Olivier Wieworka<br />

« Une certaine idée de la Résistance »,<br />

édition du Seuil, novembre 1995<br />

A la page 118, est traité le thème des f<strong>aux</strong> papiers<br />

• Henri Rousso<br />

« Les années noires; vivre sous l’occupation »,<br />

collection découvertes Gallimard Histoire,<br />

Septembre 2005<br />

A la page 98, l’auteur évoque la France des Justes.<br />

• Laurence Thibault<br />

« Les cahiers de la Résistance : les jeunes dans la Résistance »,<br />

collection La Documentation Française, édition AERI,<br />

juill<strong>et</strong> 2007.<br />

A la page 142, l’auteur nous dresse un portrait<br />

d’une jeune employée de mairie, qui fabriquait<br />

des f<strong>aux</strong> papiers.<br />

A la page suivante, 143, c’est un autre portrait qui est<br />

réalisé, celui d’Henri Barbot, qui appartenait à<br />

un réseau d’aide <strong>aux</strong> <strong>personnes</strong> évadées.<br />

Ouvrages loc<strong>aux</strong> :<br />

■ Sur l’évacuation des maquisards blessés :<br />

• Témoignage du Docteur René Guill<strong>et</strong><br />

sur l’évacuation de maquisards blessés, de l’hôpital<br />

d’Oyonnax jusqu’à Lagotète (Apremont),<br />

fuyant la répression nazie de juill<strong>et</strong> 1944. (pages 8,9 <strong>et</strong> 17)<br />

• Jacques Guttieres<br />

« Le chemin du maquis »<br />

Récits sur les évacuations des hôpit<strong>aux</strong> de Nantua <strong>et</strong><br />

d’Oyonnax en juill<strong>et</strong> 1944. (pages 85 à 103)<br />

• Témoignage de Fernand Geoffray,<br />

directeur de l’hôpital de Nantua<br />

• Jacqueline Di Carlo<br />

« La guerre de 39-45 à Saint--Rambert-en-Bugey »<br />

de la page 140 à 145 sont évoqués les « fusillés deux<br />

fois » de l’hôpital de Nantua, <strong>et</strong> de l’évacuation.<br />

■ Sur la confection de f<strong>aux</strong> papiers<br />

<strong>et</strong> la résistance dans les administrations<br />

• Marcel Royer alias « André »,<br />

« Pour mieux comprendre la Résistance en Dombes »<br />

16


A la page 6, sont relatés des faits concernant des<br />

employés de mairie résistants.<br />

La page 7 s’intitule « résistants <strong>et</strong> gendarmes, main<br />

dans la main », où certains gendarmes prévenaient<br />

les réfractaires dénoncés.<br />

• La Résistance du secteur de Bellegarde relate aussi de<br />

la confection de f<strong>aux</strong>-papiers (Cristal 4 p 27 <strong>et</strong> p 79-80<br />

dressant une typologie de f<strong>aux</strong> papiers)<br />

• Il faut évoquer aussi<br />

• les moines trappistes de la Dombes,<br />

qui ont fourni tampons, appareil photo <strong>et</strong> machine à<br />

écrire. Ces trois obj<strong>et</strong>s sont exposés au musée de<br />

la Résistance de Nantua.<br />

• Témoignage de Henri Girardi,<br />

sur l’aide du village de Cerdon qui a ravitaillé<br />

les maquis alentours. Le maire du village Emile<br />

Rougemont, ainsi que certains gendarmes ont protégé<br />

les réfractaires.<br />

■ Concernant l’aide <strong>aux</strong> réfractaires du STO,<br />

<strong>et</strong> <strong>aux</strong> maquis par extension.<br />

• Témoignage de Rose Deville,<br />

bergère à Chougeat en mars 1943, lorsque les premiers<br />

réfractaires sont arrivés dans son village. À travers<br />

ce témoignage sont évoquées les représailles contre<br />

ceux qui ont désobéi au régime de Vichy, puisque<br />

Madame Deville a été déportée avec d’autres qui<br />

comme elle, ont caché <strong>et</strong> nourri les réfractaires.<br />

• Témoignage de Louise Jeanjacquot,<br />

« 1943, l’année terrible » (pages 6 <strong>et</strong> 10)<br />

• Témoignage de René Coll<strong>et</strong><br />

(chapitres 318, 362), jeune maquisard, suite à son<br />

évasion du train de déportation vers le camp de<br />

BUCHENWALD, lors de la rafle à Nantua, le 14<br />

décembre 1943. Monsieur COLLET a été caché <strong>et</strong><br />

soigné durant de longues semaines dans une famille<br />

en Haute Savoie.<br />

■ A propos des rése<strong>aux</strong> de passeurs<br />

• Témoignage de Pierre Marcault<br />

qui a participé a un réseau de passeurs sur la ligne de<br />

démarcation. , (page 8, chap 478)<br />

• Témoignage de Robert Molinatti<br />

sur des passeurs vers la Suisse (page 10)<br />

• Témoignage des Justes du Sappel<br />

des familles protestantes vivant vers le col du Sappel<br />

entre Labalme Cerdon <strong>et</strong> Vieu d’Izenave ont caché<br />

des Juifs <strong>et</strong> les ont aidés à passer en Suisse.<br />

• Anne Grynberg<br />

Les camps de la honte.<br />

Les internés juifs des camps français 1939-1944,<br />

éditions la découverte / textes à l’appui<br />

• Pierre-Jérôme Biscarat<br />

Les enfants réfugiés d’Izieu, 6 avril1944 :<br />

un crime contre l’humanité.<br />

Veurey : Le Dauphiné Libéré, 2003, (Les Patrimoines)<br />

• Rolande Causse<br />

Les enfants d’Izieu.<br />

Paris : Syros jeunesse, 2004<br />

• Collection de Sabine Zlatin. Paris :<br />

Bibliothèque nationale de France ;<br />

Association du Musée-mémorial d’Izieu,<br />

1994 Garde-le toujours :<br />

l<strong>et</strong>tres <strong>et</strong> dessins des enfants d’Izieu,<br />

• Serge Klarsfeld,<br />

Les enfants d’Izieu : une tragédie juive. Paris :<br />

Les Fils <strong>et</strong> filles des Déportés Juifs de France, 2000<br />

• Serge Klarsfeld,<br />

En souvenir de Georgy :<br />

l<strong>et</strong>tres <strong>et</strong> dessins de la <strong>Maison</strong> d’Izieu.<br />

New-York : Aperture Foundation, 2002<br />

• Georges Levy,<br />

Les enfants de l’Espérance. Hauteville 1939-1945,<br />

2006<br />

• Pierre-Marcel Wiltzer,<br />

Sous les feux croisés. Parole de Préf<strong>et</strong>.<br />

Chambéry : Comp’Act, 1999<br />

• Sabine Zlatin,<br />

Mémoires de la « Dame d’Izieu ».<br />

Paris : Gallimard, 1992<br />

■ Lieux ressources<br />

• Archives départementales<br />

1 boulevard Paul Valéry 01000 Bourg-en-Bresse<br />

T : 04 72 32 12 80<br />

• Anciens Combattants <strong>et</strong> Victimes de Guerre<br />

(Service départemental de l’Office national)<br />

3 rue Brillat-Savarin 01000 Bourg-en-Bresse<br />

T : 04 74 21 09 95<br />

■ A propos de la persécution des juifs<br />

• Le Monde<br />

L’histoire au jour le jour. La deuxième guerre mondiale.<br />

1939/1945<br />

• Centre de documentation juive contemporaine<br />

L’internement des Juifs sous Vichy<br />

17


IZ-L<strong>et</strong>tre 2008ter 25/01/08 16:51 Page 18<br />

LE MUSÉE D’HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION DE L’AIN ET DU HAUT-JURA<br />

Transm<strong>et</strong>tre la mémoire <strong>et</strong> appréhender l’Histoire :<br />

de la vie quotidienne à la résistance civile en passant par les maquis ou la Déportation,<br />

le musée offre une approche pédagogique de la période adaptée à tous les nive<strong>aux</strong>.<br />

Le Musée d’Histoire de la Résistance <strong>et</strong> de la Déportation de l’Ain <strong>et</strong> du Haut-Jura est aujourd’hui<br />

l’un des princip<strong>aux</strong> musées de France consacrés à la période de la Seconde Guerre mondiale.<br />

Installé au cœur de la ville de Nantua dans l’ancienne maison d’arrêt datant du 19 e siècle,<br />

la richesse de ses collections <strong>et</strong> leur mise en valeur en font un haut lieu de mémoire<br />

<strong>et</strong> un outil pédagogique de qualité.<br />

A travers de nouve<strong>aux</strong> espaces thématiques, le musée vous invite à explorer<br />

les méandres de la Seconde Guerre mondiale.<br />

Eclairée par l’analyse historique des événements loc<strong>aux</strong> <strong>et</strong> nation<strong>aux</strong>,<br />

l’exposition donne les clés pour mieux comprendre c<strong>et</strong>te période complexe.<br />

LES EXPOSITIONS PERMANENTES<br />

L’Allemagne nazie<br />

De 1919 à 1939, l’Allemagne passe du statut<br />

d’Etat vaincu à celui de nation conquérante.<br />

Autour d’obj<strong>et</strong>s évoquant le régime<br />

nazi, cartes <strong>et</strong> documents décrivent la préparation<br />

du pays à une guerre totale.<br />

De la mobilisation à l’armistice<br />

Le 2 septembre 1939, une affiche annonce<br />

l’entrée en guerre de la France <strong>et</strong> la<br />

mobilisation générale. Cartes, chronologie<br />

<strong>et</strong> documents ou eff<strong>et</strong>s personnels<br />

r<strong>et</strong>racent le chemin de la défaite.<br />

Vie quotidienne sous l’Occupation<br />

Conséquence de l’armistice, l’occupation<br />

allemande bouleverse la vie quotidienne<br />

des Français. Tick<strong>et</strong>s de rationnement,<br />

gazobois, savon à la cendre, Ausweis …<br />

font leur apparition. L’image du maréchal<br />

Pétain <strong>et</strong> l’idéologie du régime de Vichy<br />

envahissent les foyers.<br />

Résistance civile<br />

Souvent réunis autour d’un journal clandestin,<br />

les premiers rése<strong>aux</strong> de résistance<br />

s’organisent pour fournir de f<strong>aux</strong>-papiers<br />

ou élaborer des filières d’évasion. Portraits<br />

de résistants loc<strong>aux</strong> <strong>et</strong> documents historiques<br />

témoignent de la naissance de ces<br />

mouvements pionniers.<br />

Vie au maquis <strong>et</strong> résistance armée<br />

Les reconstitutions de scènes de la vie au<br />

camp <strong>et</strong> de l’organisation d’un parachutage<br />

évoquent le quotidien de ces maquisards.<br />

Déportation<br />

Vêtements, l<strong>et</strong>tres, ou obj<strong>et</strong>s rapportés<br />

des camps de concentration racontent le<br />

combat quotidien des déportés pour leur<br />

survie.<br />

Vue intérieure du musée, l'occupation allemande<br />

Coll. Musées des pays de l'Ain © Jorge Alves<br />

UN FONDS DE COLLECTION REMARQUABLE<br />

Le musée dispose d’une collection<br />

particulièrement riche <strong>et</strong> variée d’environ<br />

12 000 obj<strong>et</strong>s, provenant essentiellement<br />

de dons de <strong>personnes</strong> ayant vécu ou<br />

connu c<strong>et</strong>te période sombre de<br />

la Seconde Guerre mondiale. Obj<strong>et</strong>s<br />

du quotidien, collection d’affiches de<br />

propagande <strong>et</strong> administratives locales<br />

remarquables, tracts, journ<strong>aux</strong>, archives,<br />

armes, munitions, matériel de sabotage,<br />

de transmission, de parachutage, matériel<br />

médical, uniformes, bannières,<br />

iconographie, souvenirs de déportation …<br />

perm<strong>et</strong>tent d’illustrer les événements de<br />

la Seconde Guerre mondiale de la montée<br />

des périls à la Libération à l’échelle<br />

départementale, nationale, internationale.<br />

Des images d’archives cinématographiques<br />

départementales notamment<br />

sur le voyage de Pétain à Bourg-en-<br />

Bresse en septembre 1942, sur le défilé<br />

de maquisards à Oyonnax le 11 novembre<br />

1942, sur la vie au maquis, sur les bombardements<br />

de juill<strong>et</strong> 1944 <strong>et</strong> l’incendie<br />

de Dortan, sur la bataille de Meximieux<br />

en septembre 1944, sur la construction<br />

<strong>et</strong> l’inauguration du Monument à la<br />

mémoire des maquis de l’Ain perm<strong>et</strong>tent<br />

un éclairage local tout à fait exceptionnel.<br />

LES EXPOSITIONS TEMPORAIRES 2008-2009<br />

Propagande contre propagande<br />

1939-1945 Jusqu’en septembre 2008.<br />

Enjeu stratégique majeur, le contrôle de<br />

l’opinion engendre une propagande surabondante.<br />

Affiches, tracts, messages<br />

radio, actualités cinématographiques…<br />

illustrent l’affrontement idéologique des<br />

différents groupes engagés dans le conflit.<br />

Grandes résistantes contemporaines<br />

Du 1 er octobre 2008 au 30 avril 2009<br />

Le photographe Pierre-Yves Gin<strong>et</strong> nous<br />

invite dans c<strong>et</strong>te exposition à suivre l’itinéraire<br />

de femmes du monde entier dont<br />

les parcours ont été forgés par l’esprit de<br />

résistance. Différents portraits de femmes<br />

engagées dans le combat pour la paix :<br />

Lucie Aubrac, Germaine Tillon, Anna<br />

Politkovskaia… nous interrogent sur les<br />

questions d’égalité des droits de l’homme,<br />

de citoyenn<strong>et</strong>é, de liberté d’expression,<br />

mais aussi d’écologie <strong>et</strong> protection de<br />

la planète encore d’actualité aujourd’hui.<br />

Vivre libre ou mourir, tract,<br />

Inv. MHRD 1998.16.26, Coll. Musées des pays de l'Ain<br />

18


M AISON D’IZIEU, MÉMORIAL DES ENFANTS JUIFS EXTERMINÉS<br />

« C<strong>et</strong>te maison sera un lieu de vie, comme une sorte de défi à ce qui s’est passé dans ces lieux.<br />

Elle accueillera des classes <strong>et</strong> des groupes qui trouveront ici des espaces de travail,<br />

d’activité <strong>et</strong> de rencontre. Des classes <strong>et</strong> des groupes de toutes origines, tous horizons,<br />

de toutes formations <strong>et</strong> toutes religions. »<br />

Extrait du discours de François Mitterrand, Président de la République, le 24 avril 1994.<br />

La rafle d’Izieu : rappel des faits<br />

Le 6 avril 1944, à l’heure du p<strong>et</strong>it déjeuner,<br />

des hommes de la Wehrmacht accompagnés<br />

par la Gestapo de Lyon - sur ordre de<br />

Klaus Barbie - font irruption devant<br />

la maison, “colonie des enfants réfugiés<br />

de l’Hérault” <strong>et</strong> raflent les 44 enfants <strong>et</strong><br />

les 7 adultes présents, parce qu’ils sont<br />

juifs. Seul Léon Reifman, un ancien<br />

éducateur, parvient à s’enfuir en sautant<br />

d’une fenêtre. Les fermiers voisins,<br />

les Perticoz, l’aident à se cacher.<br />

Enfants <strong>et</strong> adultes sont emprisonnés<br />

au fort Montluc à Lyon puis envoyés<br />

au camp de Drancy, où ils arrivent<br />

le 8 avril 1944. Le 13 avril, par<br />

le convoi n° 71, 34 enfants <strong>et</strong><br />

4 adultes sont déportés à Auschwitz-<br />

Birkenau. Il en est de même pour<br />

les 8 autres enfants <strong>et</strong> 3 éducateurs<br />

partis dans les convois n° 72 (29 avril),<br />

74 (20 mai), 75 (30 mai) <strong>et</strong> 76<br />

(30 juin). À l’exception de Léa Feldblum,<br />

sélectionnée pour le travail, tous sont gazés.<br />

Miron Zlatin <strong>et</strong> les deux adolescents,<br />

Théo Reis <strong>et</strong> Arnold Hirsch, sont déportés<br />

le 15 mai 1944 vers l’Estonie par<br />

le convoi n° 73, uniquement composé<br />

d’hommes dans la force de l’âge.<br />

Ils sont exécutés au cours de l’été 1944.<br />

La colonie des enfants réfugiés de<br />

l’Hérault a fonctionné environ un an<br />

<strong>et</strong> a permis d’accueillir 105 enfants juifs<br />

<strong>et</strong> leurs éducateurs. On estime que<br />

la plupart de ceux qui l’ont quittée avant<br />

la rafle ont survécu.<br />

De la colonie des enfants réfugiés<br />

de l’Hérault à la <strong>Maison</strong> d’Izieu<br />

La mémoire de la rafle d’Izieu est tout<br />

d’abord portée par Sabine Zlatin. Grâce<br />

à son engagement, une première commémoration<br />

officielle se déroule le 7<br />

avril 1946. A c<strong>et</strong>te occasion, un monument<br />

est érigé à Brégnier-Cordon <strong>et</strong><br />

une plaque, où sont gravés les noms<br />

des enfants <strong>et</strong> des adultes raflés, est<br />

apposée sur la façade de la maison<br />

d’Izieu. La population locale entr<strong>et</strong>ient<br />

alors la mémoire des enfants d’Izieu <strong>et</strong><br />

commémore chaque année le souvenir<br />

de la rafle.<br />

Au début des années 70, les époux<br />

Klarsfeld r<strong>et</strong>rouvent la trace de Klaus<br />

Barbie en Bolivie. Ils parviennent à le<br />

faire arrêter en février 1983 puis à le<br />

faire extrader en France. C’est avec le<br />

procès Barbie que la mémoire d’Izieu<br />

s’inscrit véritablement dans l’histoire<br />

française. Le 4 juill<strong>et</strong> 1987, la Cour d’assises<br />

du Rhône déclare Klaus Barbie<br />

coupable de crime contre l’humanité <strong>et</strong><br />

le condamne à la réclusion à vie. Au<br />

lendemain de ce procès, une association<br />

se constitue autour de Sabine Zlatin.<br />

Grâce à une souscription nationale,<br />

l’association acquiert en juill<strong>et</strong> 1990<br />

la « <strong>Maison</strong> <strong>d'Izieu</strong> ». Le 24 avril 1994,<br />

François Mitterrand, président de<br />

la République inaugure le « Musée -<br />

mémorial des enfants d’Izieu. »<br />

Les activités pédagogiques<br />

de la <strong>Maison</strong> d’Izieu<br />

L’histoire de la Shoah est une histoire<br />

européenne.<br />

Lieu de mémoire active <strong>et</strong> vivante,<br />

la <strong>Maison</strong> d’Izieu reçoit notamment un<br />

large public scolaire, des écoliers du primaire<br />

<strong>aux</strong> étudiants de l’université, en<br />

passant par les collégiens <strong>et</strong> les lycéens.<br />

Elle répond à sa vocation pédagogique<br />

en m<strong>et</strong>tant à la disposition des enseignants<br />

les moyens de compléter leur<br />

travail ou de développer de<br />

nouve<strong>aux</strong> proj<strong>et</strong>s tels qu’ateliers,<br />

parcours artistiques, rencontres avec<br />

des témoins <strong>et</strong> intervenants divers,<br />

voyages sur des lieux de mémoire<br />

comme les camps d’Auschwitz en<br />

Pologne ou de Rivesaltes en France.<br />

Des proj<strong>et</strong>s de réflexion <strong>et</strong> d’échanges,<br />

scolaires mais aussi universitaires,<br />

perm<strong>et</strong>tant de saisir la dimension<br />

européenne de c<strong>et</strong>te histoire, sont<br />

initiés régulièrement depuis plusieurs<br />

années, notamment en Allemagne <strong>et</strong> en<br />

Italie. Le fonds d’archives enrichi par<br />

des documents apportés par les anciens<br />

enfants d’Izieu ainsi que des trav<strong>aux</strong><br />

d’historiens perm<strong>et</strong>tent de reconstituer<br />

la vie de la colonie <strong>et</strong> de r<strong>et</strong>racer<br />

des parcours individuels. Le centre<br />

de documentation m<strong>et</strong> à la disposition<br />

des élèves de nombreux ouvrages<br />

traitant de la Shoah <strong>et</strong> des crimes<br />

contre l’humanité<br />

© <strong>Maison</strong> d’Izieu<br />

19


Informations pratiques :<br />

Musée d’Histoire de la Résistance<br />

<strong>et</strong> de la Déportation<br />

de l’Ain <strong>et</strong> du Haut-Jura<br />

3 montée de l’abbaye<br />

01130 Nantua.<br />

Ouvert toute l’année<br />

<strong>aux</strong> groupes sur rendez-vous.<br />

Contacts service pédagogique :<br />

Florence Saint-Cyr-Gherardi<br />

Séverine Champonnois<br />

Nathalie Le Baut<br />

Tél : 04 74 75 07 50<br />

Fax : 04 74 75 27 58<br />

<strong>et</strong> Mounira Cherraben-Lapin,<br />

professeur relais de<br />

la DAAC de Lyon<br />

Accès<br />

45 mn de Bourg-en-Bresse<br />

1h de Lyon, Chambéry,<br />

Annecy <strong>et</strong> Genève<br />

Autoroute A40 sortie n°8<br />

Saint-Martin-du-Fresne<br />

ou autoroute A404<br />

sortie n°9 l à Cluse/Nantua<br />

Sommaire<br />

Chronologie page 2<br />

La France <strong>et</strong> le département de l’Ain (juin 1940-août 1944) page 3<br />

Le STO<br />

Les persécutions<br />

La résistance civile : le tournant de l’année 1942<br />

L’aide civile <strong>aux</strong> résistants page 5<br />

Le Service de Santé des maquis de l’Ain<br />

L’aide <strong>aux</strong> résistants à l’hôpital de Nantua<br />

Aider les <strong>personnes</strong> persécutées <strong>et</strong> pourchassées :<br />

un engagement risqué<br />

Accueillir <strong>et</strong> sauver les juifs réfugiés dans l’Ain page 9<br />

Les voies de passage pour le canton de Genève<br />

S’engager pour la colonie <strong>d'Izieu</strong> :<br />

des solidarités institutionnelles <strong>et</strong> locales<br />

Hauteville-Lompnes : les enfants de l’Espérance<br />

Bibliographie page 16<br />

Le Musée d'Histoire de la Résistance <strong>et</strong><br />

de la Déportation de l'Ain <strong>et</strong> du Haut-Jura page 18<br />

La <strong>Maison</strong> <strong>d'Izieu</strong>,<br />

mémorial des enfants juifs exterminés page 19<br />

Informations pratiques page 20<br />

Informations pratiques<br />

La <strong>Maison</strong> d’Izieu est ouverte au public<br />

tous les jours.<br />

Les groupes, adultes <strong>et</strong> scolaires,<br />

sont accueillis sur réservation.<br />

Les services de l’accueil <strong>et</strong><br />

de la pédagogie sont à leur disposition<br />

pour préparer leur venue.<br />

Une équipe pédagogique<br />

est à la disposition des enseignants,<br />

des scolaires <strong>et</strong> des étudiants :<br />

Marie-Ange Baron<br />

E-mail : marie-ange@nomade.fr<br />

Pierre-Jérôme Biscarat<br />

E-mail : biscarat@hotmail.com<br />

<strong>Maison</strong> d’Izieu 01300 IZIEU<br />

Tél : 04 79 87 20 08<br />

Fax : 04 79 87 59 27<br />

<strong>et</strong> les professeurs relais<br />

de la DAAC de Lyon<br />

Sylvie Haution <strong>et</strong> Gérard Mola<br />

Collège du Bugey<br />

113 rue du 5ème RTM, 01300 Belley,<br />

Tél : 04 79 81 02 18<br />

Centre de documentation<br />

Accès sur rendez-vous.<br />

Stéphanie Boissard<br />

izieu.documentation@nomade.fr<br />

Document réalisé par :<br />

le Musée d’Histoire de la Résistance<br />

<strong>et</strong> de la Déportation<br />

de l’Ain <strong>et</strong> du Haut-Jura à Nantua<br />

<strong>et</strong> par la <strong>Maison</strong> d’Izieu,<br />

mémorial des enfants juifs exterminés<br />

Rédaction :<br />

Marie-Ange Baron,<br />

Pierre-Jérôme Biscarat,<br />

Mounira Cherraben-Lapin <strong>et</strong><br />

Florence Saint-Cyr-Gherardi,<br />

Sylvie Haution,<br />

Gérard Mola<br />

Crédits cartographiques :<br />

- Cadastre © droits de l'Etat réservés © Latitude - Cartagène - Mona pour<br />

la cartographie ESRI ® Data & Maps © BD ALTI ® Conseil Général de l'Ain<br />

DGAT - Service du système d'Information Géographique (SIG) décembre 2007<br />

- Ruth Fivaz-Silbermann, 2003<br />

Le Conseil général de l'Ain<br />

prend en charge les coûts de transport des collégiens<br />

de l'Ain qui se rendent en visite dans le cadre scolaire<br />

au Musée d’Histoire de la Résistance<br />

<strong>et</strong> de la Déportation de l’Ain <strong>et</strong> du Haut-Jura<br />

<strong>et</strong> à la <strong>Maison</strong> d’Izieu.<br />

Graphisme : Bernad<strong>et</strong>te Dressler<br />

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