Rencontre « Une personne = une voix » ou l'économie ... - L'Atelier
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Môm'artre / Crédit photos : © Séb! Godefroy<br />
N’EST NI UN CHOIX, NI UNE QUALITÉ NATURELLE !<br />
Si ces initiatives partagent <strong>une</strong> dimension<br />
synonyme de compromis et non de<br />
contestation frontale, c’est bien parce<br />
qu’elles sont le fruit d’<strong>une</strong> construction<br />
sociale révélée à travers l’inégalité de<br />
genre : celle-ci se traduit par <strong>une</strong> inégalité<br />
d’accès aux ress<strong>ou</strong>rces, à l’emploi, et a<br />
fortiori, aux rênes du p<strong>ou</strong>voir.<br />
La confrontation est trop risquée : « Par<br />
exemple, au Bangladesh <strong>ou</strong> aux Philippines,<br />
les initiatives syndicales de femmes préfèrent<br />
maintenir la discussion possible avec les<br />
DES INITIATIVES INTRINSÈQUEMENT FRAGILES<br />
Et c’est bien ce qui rend leur combat si<br />
difficile : ces femmes doivent p<strong>ou</strong>rsuivre<br />
leurs activités incompressibles à côté de<br />
leur engagement économique et politique<br />
et risquent, à t<strong>ou</strong>t moment, de perdre leur<br />
emploi, si elles vont trop loin. « On constate<br />
combien ces initiatives sont également très<br />
précaires, avec un fonctionnement<br />
chaotique, fait d’apprentissages, d’avancées,<br />
dans <strong>une</strong> sorte de statu quo au point que les<br />
<strong>personne</strong>s engagées se déc<strong>ou</strong>ragent »<br />
rappelle Isabelle Guérin. « Et si au contraire,<br />
ces initiatives prennent <strong>une</strong> certaine envergure<br />
économique, elles sont rapidement<br />
récupérées ». Entre le trop et le pas assez, le<br />
point d’équilibre est fragile…<br />
Sans compter qu’au Nord, les législations<br />
en vigueur exigent de ces femmes qu'elles<br />
soient des professionnelles dans la gestion<br />
de leur entreprise avant même d’avoir<br />
réuni les fonds p<strong>ou</strong>r démarrer. « Quand<br />
j’accompagne des collectifs de femmes,<br />
de services p<strong>ou</strong>r répondre aux besoins quotidiens<br />
des femmes concernées » illustre<br />
Isabelle Guérin.<br />
Certaines initiatives se positionnent davantage<br />
sur l’aspect économique et présente<br />
un potentiel assez limité en matière de<br />
transformation sociale. D’autres, au<br />
contraire, plaident p<strong>ou</strong>r <strong>une</strong> revalorisation<br />
des activités dites reproductives, et<br />
engagent à <strong>une</strong> véritable révision des<br />
modes d’organisation de la société. Il s’agit<br />
alors de montrer et d’accepter la plus-value<br />
sociale de ces activités qu’il faudrait rémunérer<br />
à leur juste valeur.<br />
s<strong>ou</strong>vent d’origine immigrée, dans des zones<br />
urbaines dites sensibles, relate Madeleine<br />
Hersent. On demande à ces <strong>personne</strong>s d’être<br />
en capacité de t<strong>ou</strong>t gérer au niveau légal,<br />
administratif, gestionnaire, hygiène,<br />
sécurité… En France, on demande à ces<br />
initiatives d’être hyper professionnelles ! Mais<br />
ce n’est pas la même chose selon moi de<br />
demander à des cadres <strong>ou</strong> à des <strong>personne</strong>s<br />
qui n’ont pas les pré-requis nécessaires p<strong>ou</strong>r<br />
cette création d’activité, de faire leurs preuves<br />
de manière identique ».<br />
Dernier point de fragilité relevé par les<br />
auteurs, la femme peut être elle-même…<br />
« <strong>une</strong> l<strong>ou</strong>ve p<strong>ou</strong>r la femme », p<strong>ou</strong>r reprendre<br />
la célèbre formule de T. Hobbes. « Les collectifs<br />
féminins sont également traversés de<br />
hiérarchies et peuvent t<strong>ou</strong>t à fait reproduire<br />
des inégalités entre femmes, avec notamment<br />
<strong>une</strong> certaine monopolisation des<br />
décrit<br />
Isabelle Guérin.<br />
« Initiatives »,<br />
de quoi<br />
parle-t-on <br />
Madeleine Hersent, la « praticienne » du<br />
trio des auteurs, n<strong>ou</strong>s en offre <strong>une</strong><br />
« Par initiative,<br />
j’entends des <strong>personne</strong>s qui se<br />
prennent en charge et qui veulent faire les<br />
choses par elles-mêmes, parce qu’à un<br />
moment, elles tr<strong>ou</strong>vent que les besoins<br />
sont peu <strong>ou</strong> mal c<strong>ou</strong>verts, décident d’y<br />
répondre et s’auto-organisent p<strong>ou</strong>r cela ».<br />
Laurent Fraisse s<strong>ou</strong>ligne aussi le caractère<br />
informel et non statutaire des<br />
activités décrites dans l’<strong>ou</strong>vrage. « Le<br />
mot « initiative » désigne quelque chose<br />
d’indéterminé et d’hybride. On parle<br />
également d’initiatives p<strong>ou</strong>r ne pas<br />
rabattre celles-ci à la seule dimension<br />
entrepreneuriale, où l'unique déb<strong>ou</strong>ché<br />
s<strong>ou</strong>haité p<strong>ou</strong>r ces initiatives féminines<br />
serait l’activité marchande.<br />
Certaines initiatives ne se réduisent pas à<br />
cette trajectoire, et notamment, t<strong>ou</strong>tes les<br />
expériences de gestion collective, qu’on<br />
appellerait ici des services d’intérêts<br />
généraux (<strong>ou</strong> gestion de biens publics)<br />
qui, justement, ne relèvent pas d’<strong>une</strong><br />
logique entrepreneuriale. A travers ce<br />
terme d’initiative, on fait appel à des<br />
registres de l’action hybrides et non<br />
fermés dans <strong>une</strong> case marchande et<br />
entrepreneuriale, avec <strong>une</strong> forme statu-<br />
Le terme d’initiative renvoie donc à <strong>une</strong><br />
manière de penser l’hybridation et de fuir<br />
les catégories très appréciées des<br />
programmes de développement et de<br />
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