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pax<br />
concordia<br />
quatrième trimestre 2012 - n° 12<br />
<strong>revue</strong> de l’église catholique d’Algérie<br />
ISSN : 2170-1709<br />
dossier : Agriculture algérienne - un aperçu<br />
Dialogue : Rendre les personnes âgées heureuses<br />
année de <strong>la</strong> foi : Le concile Vatican II et l’Église d’Algérie
03 éditorial et mot de <strong>la</strong> rédaction<br />
Une année de <strong>la</strong> foi, par Mgr Bader<br />
05 église universelle<br />
Rencontre mondiale des familles,<br />
Nigéria, Syrie<br />
Année de <strong>la</strong> foi<br />
Vatican II : des textes lumineux dans le<br />
contexte algérien, par H. Teissier<br />
08 1962-2012 Indépendance<br />
L’abbé Alfred Bérenguer,<br />
par Sid Ahmed Benchouk<br />
Interview : Pas dégoûté, Momo !<br />
10 Dialogue<br />
Petites Sœurs des Pauvres : rendre les<br />
personnes âgées heureuses !<br />
Louis Massignon (1883-1962) : pionnier<br />
du dialogue, par Armand Garin<br />
21 Trois mois en bref<br />
L’Algérie au fil des jours<br />
22 Patrimoine<br />
La mosquée Ketchâwa, par Nabi<strong>la</strong> Cherif<br />
24 Actualité des diocèses<br />
Alger, Oran, Constantine et Ghardaïa<br />
28 Des livres à lire<br />
L’équation africaine, de Y. Khadra<br />
Eldorado, de L. Gaudé<br />
Quel bonheur d’être croyant, de P. C<strong>la</strong>verie<br />
À cause de Jésus, de J. Doré<br />
Méditation<br />
Algérie, <strong>la</strong> mal-aimée par C<strong>la</strong>ude Rault<br />
31 Bloc-notes<br />
et bulletin d’abonnement<br />
13 Dossier<br />
Agriculture algérienne : un aperçu<br />
Bonjour,<br />
Ce dernier numéro de Pax et<br />
Concordia m’a particulièrement<br />
interpellée : je fréquente <strong>la</strong> fraternité<br />
des capucins de Tiaret et j’attendais<br />
le dossier « Marie d’Algérie ».<br />
Je voudrais vous remercier car il a libéré en moi le désir<br />
de proposer un temps de communion entre musulmans<br />
et chrétiens à l’occasion de l’Assomption. Le15 août, avec<br />
des amis de Tiaret profondément musulmans -c’était<br />
aussi pour eux <strong>la</strong> nuit du Destin- et grâce à l’admiration<br />
réciproque entre ces amis et les frères, nous avons eu une<br />
soirée d’enrichissement réciproque et de prière chez l’un<br />
d’eux. Ce<strong>la</strong> à partir de notre amour commun pour Marie.<br />
Un deuxième merci pour Pax et Concordia que j’aime et<br />
que je suis fière de proposer à des amis lyonnais. Mais je<br />
souffre de ne le faire lire qu’à quelques-uns, les autres me<br />
trouvant étrange de m’intéresser à l’Algérie et à <strong>la</strong> vie de<br />
son Église. Je souhaite que cette <strong>revue</strong> ait une belle et longue<br />
vie et je dis un troisième merci à ceux qui y travaillent.<br />
Marie-Thérèse Ott-Pou<strong>la</strong>in, Oullins<br />
Une lectrice attentive nous rappelle que celles que<br />
nous connaissons sous le nom de "Sœurs salésiennes",<br />
à Alger et Tizi-Ouzou, portent officiellement le nom de<br />
"Salésiennes Missionnaires de Marie Immaculée". Leur<br />
nom aurait donc dû également figurer en pages 16-17<br />
du dernier numéro.<br />
Cette branche de <strong>la</strong> Société des Filles de saint François<br />
de Sales, présente particulièrement auprès des<br />
femmes et des plus pauvres, comprend plus de mille<br />
trois cents membres vivant dans cent soixante quinze<br />
communautés réparties sur les cinq continents.<br />
Merci Janie !
Une année de <strong>la</strong> foi ...<br />
Comment <strong>la</strong> vivre dans notre contexte <br />
édito<br />
Mgr Ghaleb Bader<br />
archevêque d'Alger<br />
Quand vous aurez entre les mains ce numéro de Pax et Concordia,<br />
l’Année de <strong>la</strong> foi aura déjà démarré. Elle est annoncée depuis un<br />
an déjà par Benoit XVI. Ouverte jeudi 11 octobre 2012, <strong>la</strong> clôture<br />
sera en <strong>la</strong> fête du Christ-Roi dimanche 24 novembre 2013. Cette<br />
Année de <strong>la</strong> foi est proc<strong>la</strong>mée pour l'Église universelle mais aussi<br />
pour toutes les Églises particulières, qui sont appelées à <strong>la</strong> vivre chacune dans<br />
son contexte concret.<br />
Je trouve que cette initiative est une bonne occasion pour nous poser quelques<br />
questions sur notre Église et notre situation. À commencer par l’ancienne -mais<br />
toujours nouvelle- question, dans un milieu qui professe une foi tout autre<br />
que <strong>la</strong> nôtre : quel sens peut avoir cette démarche pour notre Église dans sa<br />
situation bien particulière <br />
À l'instar de tous les chrétiens du monde, nourrir notre foi<br />
Notre situation, aussi particulière et aussi difficile soit-elle, ne devrait jamais<br />
nous empêcher de vivre vraiment et sincèrement notre foi ; <strong>la</strong> vivre autrement<br />
peut-être mais toujours authentiquement. À l’instar de tous les chrétiens dans<br />
le monde, nous sommes appelés à vivre cette année, à cultiver notre foi, <strong>la</strong><br />
nourrir et <strong>la</strong> faire grandir, par nos prières, nos lectures et nos méditations, mais<br />
aussi par nos activités et nos services.<br />
La Lettre apostolique Porta Fidei par <strong>la</strong>quelle Benoit XVI a proc<strong>la</strong>mé cette Année<br />
de <strong>la</strong> foi nous propose des pistes de réponse qui peuvent être ramenées à deux :<br />
le témoignage de vie et <strong>la</strong> charité.<br />
Donner un témoignage de vie et de charité<br />
Témoignage de vie : c’est <strong>la</strong> première chose qui nous est demandée. Par leur<br />
existence elle-même dans le monde, les chrétiens sont en effet appelés à faire<br />
resplendir <strong>la</strong> Parole de vérité que le Seigneur Jésus nous a <strong>la</strong>issée (Porta Fidei, n°6).<br />
Le renouvellement de <strong>la</strong> foi est donc avant tout le renouvellement de <strong>la</strong> vie<br />
chrétienne de chacun des membres de l'Église. Avant d’annoncer <strong>la</strong> foi par <strong>la</strong><br />
parole, nous sommes appelés à l’annoncer par un témoignage de vie conforme<br />
à tout ce en quoi nous croyons, plus crédible que tout autre témoignage qu’on<br />
serait tenté de donner.<br />
Notre foi n’est pas un compendium de dogmes et d’enseignements à apprendre<br />
ni un ensemble de rites à célébrer ni non plus un pur acte intellectuel à exercer<br />
ou à parfaire. C’est avant tout une vie. « Il ne suffit pas de me dire : "Seigneur,<br />
Seigneur" ! pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire <strong>la</strong> volonté de<br />
mon Père qui est aux cieux » (Mt 7, 21). C’est donc avant tout une vie où tous<br />
les jours nous nous efforçons de mettre en pratique ce en quoi nous croyons ou<br />
plutôt <strong>la</strong> volonté de Celui en qui nous croyons.<br />
Ce témoignage de vie nous est demandé non seulement par l'Église, mais<br />
aussi par nos contemporains qui veulent voir dans <strong>la</strong> vie de ceux qui se disent<br />
croyants ce qu’ils proc<strong>la</strong>ment et enseignent.<br />
pax concordia
édito<br />
Témoignage de charité : l’amour de Dieu a sa plus grande expression dans<br />
l’amour du prochain. La foi nous pousse à aller vers le prochain et à nous<br />
mettre à son service ; c’est elle aussi qui nous rend capables et nous permet<br />
de reconnaître le Christ dans le visage de notre prochain et de toute personne<br />
humaine que nous rencontrons sur les chemins de cette vie.<br />
Foi et charité se réc<strong>la</strong>ment réciproquement : <strong>la</strong> foi sans <strong>la</strong> charité reste stérile,<br />
et <strong>la</strong> charité sans <strong>la</strong> foi est réduite à un pur sentiment humain de pitié ou de<br />
compassion et manque de tout fondement surnaturel. Foi et charité vont donc<br />
de pair. La charité est <strong>la</strong> traduction concrète de <strong>la</strong> foi. La charité, c’est <strong>la</strong> foi vécue<br />
et mise en pratique en faveur de nos frères. Saint Jacques nous le rappelle dans<br />
son épitre : « À quoi sert-il, mes frères, que quelqu’un dise "J’ai <strong>la</strong> foi" s’il n’a<br />
pas les œuvres La foi peut-elle le sauver Si un frère ou une sœur sont nus,<br />
s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous leur<br />
dise "Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous" sans leur donner ce qui est<br />
nécessaire à leur corps, à quoi ce<strong>la</strong> sert-il Ainsi en est-il de <strong>la</strong> foi : si elle n’a<br />
pas les œuvres, elle est tout à fait morte » (Jc 2, 14-18). Benoit XVI insiste sur le<br />
service de l’homme et des plus pauvres, indiquant de quel côté les chrétiens<br />
doivent se ranger : « Je vous invite à être des sentinelles qui proc<strong>la</strong>ment jour<br />
et nuit <strong>la</strong> gloire de Dieu qui est <strong>la</strong> vie de l’homme. Soyez du côté de ceux qui<br />
sont marginalisés par <strong>la</strong> force, le pouvoir ou une richesse qui ignore ceux qui<br />
manquent de presque tout. L'Église ne peut pas séparer <strong>la</strong> louange de Dieu du<br />
service des hommes ».<br />
Dans <strong>la</strong> situation concrète de notre Église, nous sommes appelés tous les jours à<br />
donner le témoignage de notre foi et à répondre aux besoins de notre prochain<br />
avec lequel nous partageons presque tout au quotidien.<br />
Ces deux témoignages donc de <strong>la</strong> vie et de <strong>la</strong> charité que nous propose <strong>la</strong> Lettre<br />
apostolique Porta Fidei correspondent parfaitement à notre situation. Soyons<br />
donc de vrais et d’authentiques témoins de <strong>la</strong> foi, de cette foi qui se fait charité<br />
et amour du prochain.<br />
+ Ghaleb Bader<br />
Le mot de <strong>la</strong> rédaction<br />
Pas tous dégoûtés !<br />
Ils ne sont désabusés ni de <strong>la</strong> vie, ni de <strong>la</strong> foi, ni de leur<br />
pays. Les témoignages donnés dans ce numéro donnent<br />
de l'al<strong>la</strong>nt, de l'é<strong>la</strong>n même pour poursuivre au-delà de<br />
ce cinquantenaire du pays. Témoignage de Momo qui<br />
veut être un citoyen algérien moderne ; écho des Petites<br />
Sœurs des Pauvres sur les jeunes qui les encouragent pour<br />
rendre les personnes âgées heureuses ; présentation par<br />
Sid Ahmed Benchouk de son ami le P. Bérenguer.<br />
La même vigueur émane du dossier sur l'agriculture algérienne,<br />
soigneusement préparé par Emmanuel Auphan,<br />
agronome, actuellement gestionnaire à l'évêché de<br />
Ghardaïa, mais toujours passionné de son métier.<br />
Année de <strong>la</strong> foi<br />
Nous entamons avec ce numéro une nouvelle rubrique,<br />
à l'occasion de l'Année de <strong>la</strong> foi. Comment Dieu nous<br />
ouvre-t-il <strong>la</strong> porte de <strong>la</strong> foi, comme il l'a fait pour nos<br />
pères (cf. Ac 14,27) <br />
À <strong>la</strong> suite de Jean-Paul II, le pape Benoit XVI considère<br />
que le concile Vatican II est « <strong>la</strong> grande grâce dont l'Église<br />
a bénéficié au XX e siècle ». Le concile a coïncidé avec les<br />
premières années de l'indépendance. C'est pourquoi<br />
nous avons demandé à Mgr Teissier comment ce concile<br />
a touché l'Église d'Algérie dans sa situation spécifique.<br />
Ketchâwa et Massignon<br />
Quel rapport entre l'antique mosquée d'Alger et Louis<br />
Massignon, décédé il y a tout juste cinquante ans <br />
L'existence du monument comme celle de l'homme<br />
est tissée par le christianisme et par l'is<strong>la</strong>m. L'édifice<br />
fut tour à tour mosquée et cathédrale, et l'homme doit<br />
à <strong>la</strong> rencontre du monde musulman le choc spirituel<br />
qui l'a re<strong>la</strong>ncé dans <strong>la</strong> vie et <strong>la</strong> foi chrétienne, au point<br />
de consacrer sa vie entière à <strong>la</strong> compréhension entre<br />
chrétiens et musulmans. Une étude nous est donnée sur<br />
<strong>la</strong> mosquée Ketchâwa par Madame Nabi<strong>la</strong> Cherif et une<br />
présentation de Louis Massignon par Armand Garin.
Rencontre mondiale des familles<br />
Début juin, à Mi<strong>la</strong>n, l’Église catholique a<br />
fêté les familles. C’était lors de <strong>la</strong> septième<br />
Rencontre mondiale des familles : des<br />
« JMF » en quelque sorte, plus discrètes<br />
que les JMJ, avec un congrès théologique,<br />
des catéchèses, des tables-rondes, une « fête des<br />
témoignages », et <strong>la</strong> messe finale présidée par le pape.<br />
Si ces foyers venus de plus de cent cinquante pays<br />
étaient rassemblés à l’invitation de l’Église catholique, ils<br />
ne vou<strong>la</strong>ient pas défendre une<br />
vision catholique de <strong>la</strong> famille,<br />
mais bien plutôt célébrer <strong>la</strong><br />
famille « traditionnelle » comme<br />
un bien commun partagé par<br />
tous, une sorte de « patrimoine<br />
de l’humanité », selon les mots<br />
de Benoît XVI.<br />
Ils ont rappelé que <strong>la</strong> famille<br />
« durable » est un élément<br />
indispensable du tissu social,<br />
aujourd’hui malmené par <strong>la</strong><br />
crise économique et par <strong>la</strong><br />
montée de l’individualisme qui s’accompagne d’une<br />
explosion des solitudes. Un lieu d’apprentissage du<br />
vivre-ensemble, du partage et de <strong>la</strong> solidarité, un espace<br />
de sécurité et de liens entre les générations.<br />
Nigéria<br />
Au Nigéria, les chrétiens sont victimes<br />
d’attentats terroristes le plus souvent<br />
commis par <strong>la</strong> secte Boko Haram,<br />
qui veut instaurer dans ce pays une<br />
république is<strong>la</strong>mique intégriste. La<br />
secte s’en prend aussi aux musulmans<br />
qu’elle juge trop modérés et à l’État. Cette violence<br />
risque d’embraser ce pays qui, en Afrique, est celui qui<br />
compte le plus grand nombre de musulmans, vivant<br />
surtout dans le nord, le sud étant majoritairement<br />
chrétien.<br />
En mai dernier, une délégation interreligieuse is<strong>la</strong>mochrétienne<br />
est venue enquêter sur p<strong>la</strong>ce. Cette initiative<br />
Brèves<br />
était le fruit du colloque is<strong>la</strong>mo-chrétien de Genève<br />
(novembre 2010) au cours duquel les participants<br />
s’étaient mis d'accord pour approfondir leur<br />
col<strong>la</strong>boration dans les situations de conflit. Le rapport<br />
« Au nom de Dieu » publié ensuite re<strong>la</strong>tivise le caractère<br />
religieux de <strong>la</strong> violence au Nigéria, en soulignant que<br />
« les causes originelles des tensions sont plutôt liées<br />
à un ensemble complexe de problèmes politiques,<br />
sociaux, ethniques, économiques ». Il recommande<br />
donc de résoudre les problèmes de corruption et<br />
d’illettrisme, et surtout de « trouver des moyens de<br />
"désengager" <strong>la</strong> religion » du rôle de générateur de<br />
conflits et de « <strong>la</strong> "réengager" dans <strong>la</strong> résolution des<br />
conflits et <strong>la</strong> justice compatissante ».<br />
Syrie<br />
La Syrie descend aux enfers. La minorité<br />
chrétienne est prise en étau entre le pouvoir<br />
et l’opposition. Cependant, les partisans<br />
d’une résolution du conflit par le dialogue se<br />
font entendre.<br />
Paolo Dall’Oglio a quitté le pays en juin dernier à <strong>la</strong><br />
demande de l'Église et des autorités. Le monastère<br />
de Mar Moussa, voué à <strong>la</strong> prière, à l’hospitalité et au<br />
dialogue is<strong>la</strong>mo-chrétien est resté ouvert, mais a été<br />
depuis <strong>la</strong> cible d’attaques armées. La raison du départ<br />
du père jésuite semble être une "lettre ouverte" qu'il a<br />
adressée en mai à l'émissaire de l'ONU Kofi Annan, dans<br />
<strong>la</strong>quelle, mettant en garde contre "le risque d'une dérive<br />
confessionnelle violente", il appe<strong>la</strong>it à un "authentique<br />
changement démocratique" et "un changement dans <strong>la</strong><br />
structure du pouvoir".<br />
Par ailleurs le mouvement "Mussa<strong>la</strong>ha" (Réconciliation)<br />
gagne du terrain. Ce comité popu<strong>la</strong>ire interreligieux indépendant<br />
est<br />
né de <strong>la</strong> société<br />
civile. Il entend<br />
dialoguer avec<br />
les deux parties<br />
en conflit, il promeut<br />
l'unité et <strong>la</strong><br />
fraternité entre<br />
syriens, et a déjà<br />
sauvé des vies<br />
humaines.<br />
église universelle<br />
pax concordia
Année de <strong>la</strong> foi<br />
Vatican II et l'Église d'Algérie<br />
Des textes lumineux dans le contexte algérien<br />
Dans <strong>la</strong> première contribution pour cette rubrique ouverte à l'occasion de<br />
l'Année de <strong>la</strong> foi, l'archevêque émérite d'Alger évoque les textes du concile<br />
Vatican II qui ont le plus éc<strong>la</strong>iré l'Église d'Algérie dans sa situation spécifique,<br />
en milieu musulman, dans les premières années de l'indépendance.<br />
La célébration d'ouverture du concile<br />
Vatican II a coïncidé avec <strong>la</strong> rentrée<br />
pastorale de <strong>la</strong> nouvelle Église d’Algérie,<br />
celle de l’indépendance du pays, en<br />
octobre 1962. Après le départ de <strong>la</strong> quasitotalité<br />
des Européens d’Algérie et avec l’arrivée de<br />
coopérants chrétiens de divers pays, nous avions<br />
à mettre en œuvre <strong>la</strong> nouvelle orientation de <strong>la</strong><br />
mission de notre Église d’Algérie. Et nous avions<br />
à le faire au moment même où l'Église universelle<br />
célébrait le concile Vatican II (1962-1965).<br />
Le premier document qui a nourri <strong>la</strong><br />
méditation des chrétiens d’Algérie à cette<br />
époque, ce fut évidemment <strong>la</strong> Constitution<br />
dogmatique sur l'Église, Lumen Gentium<br />
(LG), notamment le numéro 16 sur « Les<br />
non-chrétiens ». Après avoir évoqué le dessein du salut<br />
et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qu’y tient le peuple de l‘Ancienne Alliance,<br />
ce texte déc<strong>la</strong>re à propos des croyants des autres<br />
religions et en particulier des musulmans : « Ceux qui<br />
n’ont pas reçu l'Évangile sous des formes diverses<br />
sont, eux aussi, ordonnés au peuple de Dieu… (car)<br />
le dessein de salut enveloppe, également, ceux qui<br />
reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les<br />
musulmans qui, professant avoir <strong>la</strong> foi d’Abraham,<br />
adorent avec nous le Dieu Unique, Miséricordieux,<br />
futur juge des hommes au dernier jour ». Le document<br />
traite ensuite des « autres (croyants) qui cherchent<br />
encore, dans les ombres et sous des images, un Dieu<br />
qu’ils ignorent, mais qui n’est pas loin… puisqu’il<br />
veut, comme Sauveur, amener tous les hommes au<br />
salut » (LG 16).<br />
Ce document annonçait, d’ailleurs, ce qui al<strong>la</strong>it<br />
être développé, ensuite, dans <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration sur les<br />
re<strong>la</strong>tions de l'Église avec les religions non chrétiennes,<br />
Nostra Aetate (NA) : « Tous les peuples forment une<br />
seul communauté ; ils ont une seule origine, ... et une<br />
© www.vatican.va<br />
seule fin dernière, Dieu, … dont les desseins de salut<br />
s’étendent à tous » (NA 1). « L'Église catholique ne<br />
rejette rien de ce qui est vrai et saint dans les religions<br />
(du monde). Elle considère avec respect ces manières<br />
d‘agir et de vivre, qui reflètent souvent un rayon de<br />
<strong>la</strong> vérité qui illumine tous les hommes » (NA 2). La<br />
Déc<strong>la</strong>ration proposait ensuite un développement de<br />
ce qui avait été dit plus brièvement sur l’is<strong>la</strong>m dans<br />
Lumen Gentium : « L'Église regarde avec estime les<br />
musulmans qui adorent le Dieu unique, vivant et<br />
subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur<br />
du ciel et de <strong>la</strong> terre et qui a parlé aux hommes. Ils<br />
cherchent à se soumettre de toute leur âme aux<br />
décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est<br />
soumis à Dieu Abraham, auquel <strong>la</strong> foi musulmane<br />
se réfère volontiers… » (NA 3). Tous les catholiques<br />
vivant parmi les musulmans connaissent ce texte<br />
qu’on ne peut reproduire ici en entier mais qui<br />
demeure une référence fondatrice première dans <strong>la</strong><br />
re<strong>la</strong>tion à l’is<strong>la</strong>m et aux musulmans.<br />
Gaudium et Spes (GS), <strong>la</strong> Constitution sur l'Église dans<br />
le monde de ce temps, apportait aussi des éléments<br />
très précieux pour éc<strong>la</strong>irer <strong>la</strong> vie de nos communautés<br />
et particulièrement l’engagement des coopérants<br />
de l’époque avec des Algériens dans les différents<br />
domaines de l’existence humaine : <strong>la</strong> paix, <strong>la</strong> vie<br />
économique et sociale, <strong>la</strong> culture, <strong>la</strong> famille, <strong>la</strong> dignité
humaine, <strong>la</strong> communauté<br />
humaine, etc. Dans le contexte de<br />
ces développements, se trouvait<br />
en particulier cette phrase du<br />
§22 qui ouvre à tous les hommes<br />
de bonne volonté <strong>la</strong> voie de <strong>la</strong><br />
participation au mystère pascal<br />
de mort et de résurrection en<br />
Jésus-Christ : « Puisque le Christ<br />
est mort pour tous et que <strong>la</strong><br />
vocation dernière de l’homme<br />
est réellement unique, à savoir<br />
divine, nous devons tenir que<br />
l’Esprit Saint offre à tous, d’une<br />
façon que Dieu connaît, <strong>la</strong> possibilité d’être associés<br />
au mystère pascal » (GS 22,5).<br />
La Déc<strong>la</strong>ration sur <strong>la</strong> liberté religieuse, Dignitatis<br />
Humanae (DH), est aussi un document qui rejoignait<br />
plus directement les questions que nous nous posions<br />
dans notre re<strong>la</strong>tion quotidienne avec les croyants<br />
d’une autre religion. « La réponse de <strong>la</strong> foi donnée<br />
par l’homme à Dieu doit être libre ; en conséquence,<br />
personne ne doit être contraint à embrasser <strong>la</strong> foi<br />
malgré lui» (DH 10). « C’est par sa conscience que<br />
l’homme perçoit et reconnaît les injonctions de <strong>la</strong> loi<br />
divine ; c’est elle qu’il est tenu de suivre fidèlement<br />
en toutes ses activités, pour parvenir à <strong>la</strong> fin qui est<br />
Dieu » (DH 3).<br />
Les différentes suggestions sur <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion aux<br />
musulmans retenues des documents précédemment<br />
cités du Concile ne nous ont pas empêchés d’accueillir<br />
© Brigitte Vandorpe<br />
également avec joie le Décret sur<br />
l’activité missionnaire de l'Église,<br />
Ad Gentes (AG). Je lui ai consacré,<br />
notamment, les quatre premiers<br />
chapitres du livre sur <strong>la</strong> « Mission de<br />
l'Église » qui m’avait été demandé<br />
pour <strong>la</strong> collection de commentaires<br />
du Concile publiée chez Desclée<br />
sous <strong>la</strong> direction des PP. Defois et<br />
Doré. En effet, le cardinal Duval et<br />
Mgr Mercier, évêque du Sahara, qui<br />
ont pris le plus souvent <strong>la</strong> parole au<br />
nom des diocèses du Maghreb pour<br />
présenter <strong>la</strong> vie de notre Église,<br />
ont toujours cherché à p<strong>la</strong>cer notre rencontre avec<br />
l’is<strong>la</strong>m dans le contexte plus <strong>la</strong>rge de <strong>la</strong> réflexion de<br />
l'Église sur sa mission. De nombreux passages d’Ad<br />
Gentes nourrissaient en effet notre témoignage au<br />
Maghreb. Pour n’en citer qu’un seul, le document<br />
rappelle que, pour rendre témoignage au Christ,<br />
« les chrétiens doivent se joindre (aux hommes vers<br />
lesquels il sont envoyés) par l’estime et <strong>la</strong> charité, se<br />
reconnaître comme des membres du groupement<br />
dans lequel ils vivent, avoir une part dans <strong>la</strong> vie<br />
culturelle et sociale au moyen des échanges et des<br />
diverses affaires humaines ; il doivent être familiers<br />
avec leurs traditions nationales et religieuses, et<br />
découvrir avec respect les semences du Verbe qui s’y<br />
trouvent cachées » (AG 11).<br />
Bien évidemment, nos Églises du Maghreb<br />
ont aussi accueilli avec joie, pendant<br />
cette période, les autres documents du<br />
Concile qui les rejoignaient dans leur<br />
vie ordinaire aux différents p<strong>la</strong>ns de<br />
l’existence chrétienne : les textes sur<br />
<strong>la</strong> Révé<strong>la</strong>tion, sur <strong>la</strong> liturgie, sur l'œcuménisme,<br />
sur le sacerdoce, sur l’aposto<strong>la</strong>t des <strong>la</strong>ïcs, sur <strong>la</strong><br />
vie religieuse, etc. Mais les réflexions conciliaires<br />
brièvement rapportées dans les citations qui<br />
précèdent ont servi de référence au document<br />
majeur de <strong>la</strong> Conférence épiscopale (CERNA), publié<br />
en 1979 sous le titre Chrétiens au Maghreb, Le sens de<br />
nos rencontres (DC 1775,1042). Notre Église d’Algérie<br />
d’après l’indépendance est donc née, en même<br />
temps, de <strong>la</strong> réflexion conciliaire et de l’affrontement<br />
au contexte nouveau créé par sa situation minoritaire<br />
en terre d’is<strong>la</strong>m.<br />
Henri Teissier<br />
Année de <strong>la</strong> foi<br />
pax concordia
1962 - 2012 indépendance<br />
L'abbé Alfred Bérenguer<br />
(1915-1996)<br />
Des chrétiens, des juifs, des athées, ont participé<br />
à <strong>la</strong> lutte pour l'indépendance. Certains<br />
ont donné leur vie. Nous n’avons pas<br />
le droit de l'oublier.<br />
Alfred Bérenguer naît en 1915 près d’Oran,<br />
d'une famille espagnole modeste. Blessé et décoré<br />
durant <strong>la</strong> Seconde Guerre mondiale, il est curé de<br />
Montagnac (Remchi) près de Tlemcen quand débute <strong>la</strong><br />
révolution. Depuis toujours, il est convaincu que l’Algérie<br />
n’est <strong>la</strong> France ni par <strong>la</strong> géographie, ni par l’histoire, ni<br />
par <strong>la</strong> culture, ni par <strong>la</strong> religion, ni bien entendu par <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion. Il s’engage par l’écrit et par l’action.<br />
Par l’écrit : il diffuse auprès d’amis et dans l'Église Regards<br />
chrétiens sur l’Algérie, critique publiée par Oran-Républicain<br />
en janvier 1956 : « C’est en vain jusqu’ici que le<br />
Miséricordieux nous a donné<br />
de grandes et terribles<br />
leçons : Indochine, Tunisie,<br />
Maroc. Même aveuglement<br />
et mêmes carences. Même<br />
tragédie et même <strong>la</strong>mentable<br />
dénouement. "Il n’y a<br />
pas de problème algérien",<br />
voilà pour certains une vérité<br />
indiscutable. Le malheur<br />
est que les Algériens,<br />
eux, estiment qu’il y a problème...<br />
Les "hors-<strong>la</strong>-loi" ne<br />
sont qu’une poignée, oui,<br />
mais tout un peuple est<br />
avec eux. »<br />
Par l’action : soutenant les<br />
maquisards et leur famille, il est expulsé en 1956 : « Si<br />
quelqu’un vient chez moi, je ne lui demande pas s’il<br />
est croyant, chrétien ou musulman. S’il est dans le<br />
besoin, je l’aide ». Ré-expulsé en 1958, il est condamné<br />
par contumace à dix ans de prison et privé de droits<br />
civiques.<br />
En 1959, il est curé et enseignant à Santiago du Chili.<br />
L’ONU ayant décrété une Année mondiale du réfugié, le<br />
Croissant Rouge algérien lui demande de le représenter<br />
en Amérique <strong>la</strong>tine, d’expliquer <strong>la</strong> situation des réfugiés<br />
algériens. S’il y a des réfugiés, c’est qu’il y a une guerre.<br />
© archives Foco<strong>la</strong>re Tlemcen<br />
Il ne suffit pas d'assister les réfugiés, il faut résoudre <strong>la</strong><br />
cause et donc régler le problème national. Il mobilise le<br />
continent pour soutenir politiquement l'Algérie à l’ONU.<br />
En 1960, dix-sept pays sur vingt voteront en faveur de<br />
l’Algérie.<br />
Avril 1961, il est accueilli à Tunis par le président du<br />
GPRA 1 ; c'est là que je le rencontre pour <strong>la</strong> première<br />
fois. Élu à l’Assemblée constituante, il préside <strong>la</strong><br />
commission des Affaires étrangères. Il votera "contre"<br />
<strong>la</strong> Constitution, le Code de <strong>la</strong> nationalité et <strong>la</strong> peine<br />
de mort. En 1964, il rentre à sa paroisse à Remchi et<br />
enseigne à Tlemcen. J’étais alors sous-préfet à Béni-<br />
Saf. Nous nous sommes retrouvés. Il avait compris que,<br />
dans sa patrie de naissance, il ne serait pas Algérien à<br />
part entière, mais Algérien entièrement à part. Malgré<br />
le désenchantement, il reste<br />
proche de professeurs et<br />
d'étudiants qu’il aide dans<br />
leurs travaux.<br />
En juillet 1996, Mgr<br />
C<strong>la</strong>verie et moi-même<br />
l’accompagnons à l’avion ;<br />
ma<strong>la</strong>de, il décède à Aix-en-<br />
Provence en novembre.<br />
Sachant qu’il vou<strong>la</strong>it être<br />
inhumé à Tlemcen, le<br />
gouvernement algérien<br />
organise son rapatriement<br />
au cimetière municipal<br />
chrétien.<br />
Laissons le mot de <strong>la</strong> fin au<br />
président Ferhat Abbas : « Je<br />
suis au soir de ma vie. Ce livre est le dernier acte de ma<br />
vie politique. C’est un adieu à l’Algérie, à mes amis du<br />
Maghreb et tous ceux que j’ai aimés et servis durant ma<br />
longue carrière. Et aussi un adieu à mes amis français<br />
de France et d’Algérie, et particulièrement à ceux qui<br />
ont vécu à nos côtés durant notre terrible guerre de<br />
libération, souvent au péril de leur vie » (Demain se lèvera<br />
le jour, publié à titre posthume).<br />
Sid Ahmed Benchouk<br />
1<br />
GPRA : Gouvernement provisoire de <strong>la</strong> République<br />
algérienne.
Les gens parlent beaucoup de « dégoûtage », et toi <br />
Chez ceux qui, comme moi, sont nés 20 ou 30 ans après<br />
l'Indépendance, c'est un état d'esprit de penser que<br />
le bonheur ne peut être qu'ailleurs. Le travail n'est pas<br />
valorisé, il y a beaucoup d’injustices, mais penser que rien<br />
n'est possible est une erreur.<br />
Tu votes <br />
Oui. Je suis même engagé dans un parti. Qu'est-ce qu'on<br />
va devenir si le pays se ferme davantage Au lieu de<br />
rester à pleurer sur mon sort, je préfère rejoindre ceux<br />
qui disent non tant à <strong>la</strong> corruption qu'à l'is<strong>la</strong>misation<br />
politique.<br />
Un chrétien peut vivre à l'aise ici <br />
Allumer une bougie pour chaque âme vivant dans <strong>la</strong><br />
maison au Mouloud, visiter <strong>la</strong> famille le jour de l'Aïd,<br />
sacrifier un mouton en mémoire d'Abraham et partager<br />
<strong>la</strong> joie de tous, c'est magnifique ; j'aime l'ambiance des<br />
soirées de Ramadan, mais je ne jeûne pas. La majorité<br />
des Algériens sont musulmans et heureux de l'être. On<br />
peut aussi être heureux en étant algérien et chrétien.<br />
Il y a des chrétiens qui ont quitté le pays. Comme on dit<br />
Baddal el-marah, tastarah (Change d'endroit si tu ne te<br />
sens pas à l'aise). Si leur contexte ne leur permettait pas<br />
d'exister, je ne leur jette pas <strong>la</strong> pierre. Moi, j'ai <strong>la</strong> chance<br />
d'être à l'aise.<br />
À quoi tu l'attribues, de te sentir à l'aise <br />
Habiter une grande ville, dans un milieu plutôt instruit,<br />
permet de ne pas être trop soumis aux regards qui jugent.<br />
La discrétion s'impose quand même : pas de croix, j'évite<br />
de parler religion au travail, je prends deux-trois jours de<br />
Pas dégoûté, Momo !<br />
Les jeunes ont aussi leur opinion. L'un d'eux nous dit ici avec souffle<br />
comment il s'inscrit activement dans <strong>la</strong> construction du pays aujourd'hui.<br />
congé à Noël ou Pâques pour pouvoir célébrer avec <strong>la</strong><br />
communauté, pas une seule journée, pour ne pas trop<br />
attirer le regard sur mon absence à cette date précise.<br />
J'ai comme un voile qui me protège, un voile fragile, que<br />
j'essaie de garder le plus longtemps possible. Depuis dix<br />
ans, ça marche.<br />
Qu'est-ce qui te rend optimiste pour l'avenir <br />
La société accepte re<strong>la</strong>tivement plus facilement qu'avant<br />
l'existence d'Algériens chrétiens. En 2008, <strong>la</strong> violente<br />
campagne dans certains journaux contre les chrétiens<br />
et ses articles mensongers a eu l'effet inverse ; elle a fait<br />
savoir qu'il y a des chrétiens algériens, elle a banalisé<br />
notre existence.<br />
C'est accepté dans ta famille <br />
C'était incompréhensible, avec toutes les peurs qui vont<br />
avec : que je sois perdu, que je leur fasse honte, qu'ils<br />
n'aient pas su me transmettre l'is<strong>la</strong>m, que je quitte mes<br />
origines.<br />
Quand je suis parti étudier à l'étranger, mon père aurait<br />
préféré que j'y reste, débarrassé d'un être trop bizarre.<br />
Mais ça l'a aussi fait réfléchir, sur qu'est-ce que c'est<br />
qu'être Algérien, appartenir à <strong>la</strong> maison Algérie. À mon<br />
retour, il a vu que j'étais toujours le même. Aujourd'hui,<br />
j'ai une re<strong>la</strong>tion plus normale avec eux.<br />
Ce qu'on appelle le « printemps arabe », tu le vois<br />
comment <br />
La société aspire au changement, pas vraiment à une<br />
démocratie. Quelqu'un qui est démocrate dans son<br />
cœur, il commence dans son milieu. Avec les mentalités<br />
actuelles, je craindrais plutôt le désordre, l'anarchie. Le<br />
vrai changement, c'est pas de casser les bureaux des<br />
sociétés nationales ou de piller les magasins, c'est <strong>la</strong><br />
volonté d'être des citoyens modernes, aller dans les<br />
bureaux de vote, surveiller le dépouillement des urnes<br />
sans attendre d'être payé pour ça, s'intéresser à ce que<br />
font les élus, avoir le sens de <strong>la</strong> propriété collective, <strong>la</strong><br />
propreté des rues, etc. Tant qu'on soignera l'intérieur de<br />
sa maison sans se préoccuper de ce qu'il y a autour, ça<br />
n'avancera pas vraiment.<br />
1962 - 2012 indépendance<br />
Propos recueillis par M. G.<br />
pax concordia
Avec les Petites Sœurs des Pauvres<br />
DIALOGUE<br />
Rendre les personnes âgées heureuses<br />
Dans quelles circonstances les Petites Sœurs des<br />
Pauvres sont-elles arrivées à Bône <br />
La maison d'Alger avait été fondée en 1868. Celle<br />
d'Annaba l'a été en 1881. Le cardinal Lavigerie disait : saint<br />
Augustin a toujours prêché <strong>la</strong> charité. Il ne conviendrait<br />
pas de construire une basilique portant son nom sans<br />
veiller à donner en même temps un signe concret.<br />
Et à Oran <br />
En 1885, les Petites Sœurs sont venues demander à<br />
l'évêque l'autorisation de faire <strong>la</strong> quête. En leur accordant<br />
sa permission, celui-ci a exprimé le désir d'avoir une<br />
maison de Petites Sœurs dans son diocèse, étant donné<br />
les nombreux vieil<strong>la</strong>rds pauvres vivant à Oran, et leur<br />
a demandé d'en parler à <strong>la</strong> Maison-Mère. Quelques<br />
semaines après, deux Petites Sœurs sont arrivées pour<br />
fonder <strong>la</strong> maison.<br />
Pourquoi êtes-vous restées à l'Indépendance <br />
Nous accueillons toute personne, quelle que soit sa<br />
culture ou sa religion. Nous n'avions donc aucune<br />
intention de partir et de toute manière nous n'aurions pas<br />
pu <strong>la</strong>isser les personnes âgées sans encadrement. Après<br />
l'Indépendance, les besoins n'étaient pas moins grands<br />
qu'avant. Avec le départ de nombreux européens, les<br />
demandes d'entrée affluaient, venant de ceux et celles<br />
qui, âgés, ne vou<strong>la</strong>ient pas ou ne pouvaient pas partir. En<br />
une seule journée, à Oran, les Petites Sœurs ont accueilli<br />
douze personnes âgées.<br />
Qui sont les personnes que vous accueillez à "Ma<br />
Maison" <br />
Les personnes âgées les plus démunies, à partir de 60<br />
ans, habituellement sans famille proche. À part deux<br />
prêtres âgés à Annaba ainsi que deux dames françaises<br />
et une religieuse à Oran, tous sont musulmans. Ils sont<br />
venus par eux-mêmes ou amenés par des personnes qui<br />
les ont trouvés dans <strong>la</strong> rue, sans famille et personne pour<br />
s'occuper d'eux. Ce sont aussi quelquefois des neveux<br />
qui les amènent. Nous allons alors les voir pour prendre<br />
contact et nous assurer qu'ils sont d'accord pour entrer<br />
à Ma Maison.<br />
Aviez-vous déjà, avant l'Indépendance, des<br />
personnes âgées musulmanes <br />
À Annaba, il y a toujours eu des personnes âgées<br />
algériennes musulmanes, même si elles étaient<br />
minoritaires avant l'Indépendance. À Oran, il y en avait<br />
très peu. C'est seulement à partir de 1963 et surtout 1964<br />
que des Algériens ont commencé à demander à entrer à<br />
Ma Maison.<br />
Quelles sont vos re<strong>la</strong>tions avec les Algériens <br />
Elles sont très bonnes. Les gens respectent en nous l'habit<br />
et ce que nous faisons. Ils parlent de "nos sœurs". Le<br />
peuple algérien étant très généreux envers les pauvres,<br />
ils apprécient notre œuvre.<br />
À Annaba, on reçoit tous les jours des dons : surtout<br />
en nourriture, mais aussi des petites sommes et des<br />
médicaments. Des docteurs bénévoles montent<br />
régulièrement. Une clinique et un <strong>la</strong>boratoire reçoivent<br />
gratuitement nos pensionnaires, même s'il s'agit d'un<br />
scanner. Des spécialistes viennent quand il y a besoin.<br />
On n'a pas besoin de quêter comme on le faisait avant. Si<br />
on a besoin de descendre au marché, les commerçants<br />
donnent. Nous leur demandons leur prière. Eux savent<br />
que leur don ira vraiment aux personnes âgées.<br />
À Oran, les personnes viennent pour demander nos besoins<br />
et reviennent ensuite avec tout ce que nous avions<br />
demandé. Des étudiants, des jeunes professionnels, de<br />
plusieurs associations, fréquentent <strong>la</strong> Maison. Il y en a qui<br />
viennent chercher des pensionnaires pour les promener<br />
en voiture, leur permettant ainsi de revoir leur ancien<br />
quartier. D’autres viennent pendant le Ramadan : ils se
cotisent, préparent un repas à <strong>la</strong> cuisine, le servent avec<br />
nous, et puis animent <strong>la</strong> soirée. Il y a peu, deux jeunes<br />
filles sont allé acheter une télé grand écran pour <strong>la</strong> maison<br />
: nos pensionnaires sont ravis ! Une autre, le matin<br />
du jour de son mariage, est venu apporter des paniers<br />
de gâteaux pour chaque pensionnaire. Elle vou<strong>la</strong>it que <strong>la</strong><br />
fête commence par les pauvres.<br />
C’est très beau de voir que <strong>la</strong> jeunesse algérienne est si<br />
généreuse, si attentive aux personnes âgées !<br />
Que pourriez-vous nous dire de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion<br />
chrétiens-musulmans à Ma Maison, à partir de votre<br />
expérience <br />
Annaba : Avec les personnes âgées, nous marquons<br />
uniquement les fêtes musulmanes, pas les fêtes<br />
chrétiennes. En revanche, ceux qui apprennent par <strong>la</strong><br />
télévision qu'il y a une fête chrétienne nous souhaitent<br />
bonne fête et des gens de l'extérieur nous apportent des<br />
gâteaux pour Noël et Pâques. On suit le Ramadan. Tous<br />
le respectent. On a une petite mosquée dans le bâtiment.<br />
Parmi les personnes âgées, il y a d'ailleurs eu un ancien<br />
imam, récemment décédé.<br />
À un moment, il y a eu de jeunes imams qui venaient<br />
parler avec les personnes âgées, mais elles n'aimaient<br />
pas trop. En revanche, elles aiment beaucoup les jeunes<br />
de l'association Ness El-Kheir qui viennent les voir,<br />
organisent des sorties. Un monsieur vient bénévolement<br />
faire <strong>la</strong> vaisselle le soir, sauf quand il est retenu par son<br />
travail professionnel.<br />
Oran : Souvent les personnes âgées ou les employés<br />
nous voyant entrer à <strong>la</strong> chapelle nous demandent de<br />
prier pour eux. De même les personnes de l'extérieur qui,<br />
en apportant leurs dons, nous demandent de prier pour<br />
eux et leur famille, disant que « c'est le même Dieu ».<br />
Le fait d'avoir à faire à des chrétiens ne semble pas les<br />
affecter. Elles nous considèrent comme des femmes de<br />
prière.<br />
Avez-vous dans le monde d'autres maisons où <strong>la</strong><br />
majorité des personnes accueillies sont d'autres<br />
religions <br />
Oui, surtout en Inde, à Hong-Kong, Taïwan et d'autres<br />
pays d'Asie. En Turquie aussi.<br />
Vous avez du personnel pour vous aider. Trouvezvous<br />
dans ce personnel des personnes qui entrent<br />
dans votre démarche d'attention aux personnes,<br />
dans <strong>la</strong> « spiritualité de <strong>la</strong> maison » <br />
À Annaba, on fait beaucoup de formation avec le personnel.<br />
En travail<strong>la</strong>nt avec elles, mais aussi une fois par mois,<br />
souvent par petits groupes d'un même secteur. On parle<br />
de notre travail, des personnes âgées, de notre but qui<br />
est de rendre les personnes âgées heureuses, mais aussi<br />
au p<strong>la</strong>n professionnel, sur le diabète, les régimes, etc.<br />
Comme on n'est pas nombreux, il faut vraiment qu'eux<br />
aussi soient compétents et responsables.<br />
À Annaba, vous faites des travaux d'aménagement<br />
en ouvrant un troisième étage. Quelles sont vos<br />
perspectives d'avenir <br />
Nous aménageons des chambres individuelles avec<br />
douche. Les habitudes des Algériens changent peu à<br />
peu. Ils sont très sensibles aux améliorations.<br />
Votre travail est tellement prenant qu'il vous donne<br />
peu de disponibilité pour quitter le service et<br />
participer à des rencontres ailleurs <br />
C'est vrai, on ne peut pas <strong>la</strong>isser les personnes âgées.<br />
C'est pourquoi nous sommes contentes quand on vient<br />
nous dire bonjour. Et puis, à Annaba, les étudiants subsahariens<br />
qui viennent prier à <strong>la</strong> basilique nous aident<br />
aussi : les garçons montent quelquefois des choses<br />
lourdes dans les étages après <strong>la</strong> messe du vendredi. Des<br />
étudiantes viennent pendant les congés, et même trois<br />
semaines cet été pour vivre avec nous <strong>la</strong> vie hospitalière<br />
(les soins aux personnes âgées) mais aussi en partageant<br />
notre prière et toute notre vie.<br />
Propos recueillis par D. L. et M. G.<br />
dialogue<br />
pax concordia
DIALOGUE<br />
Louis Massignon – pionnier du dialogue<br />
Louis Massignon, grand orientaliste<br />
du XX e siècle et pionnier du dialogue<br />
is<strong>la</strong>mo-chrétien, fait partie de ces<br />
hommes dont <strong>la</strong> foi était alliée à un<br />
sens très fort de <strong>la</strong> justice.<br />
Né en 1883, il se passionne pour Hal<strong>la</strong>j, mystique<br />
musulman mort au X e siècle. En faisant des<br />
recherches sur ce soufi, il va retrouver<br />
<strong>la</strong> foi chrétienne de son enfance, en<br />
1908, sur les bords du Tigre. C’est<br />
dans <strong>la</strong> même expérience qu’il fait<br />
<strong>la</strong> découverte de l’hospitalité arabe,<br />
l’hospitalité abrahamique, mais<br />
aussi de <strong>la</strong> prière abrahamique,<br />
ce qui marquera toute sa vie. Il va<br />
faire de l’hospitalité sacrée le cœur<br />
de sa réflexion et de sa spiritualité.<br />
Accueillir le pauvre, l’étranger, l’autre, c’est<br />
accueillir le Christ. Ayant été lui-même accueilli et<br />
protégé par des musulmans en Irak, il se devait de<br />
vivre désormais l’hospitalité de toute son âme et<br />
d’abord avec tout musulman. Il faut se faire l’hôte<br />
de l’autre.<br />
En 1909, il rencontre Charles de Foucauld dont<br />
il devient très proche. Il se considérera comme<br />
l’héritier spirituel de ce dernier. En 1922, il<br />
présente ses thèses de doctorat sur <strong>la</strong> Passion d’el<br />
Hal<strong>la</strong>j et l’Essai sur les origines du lexique technique<br />
de <strong>la</strong> mystique musulmane. Depuis 1933, il est<br />
membre de l’Académie arabe du Caire. De 1926<br />
à 1954, il est professeur au Collège de France. En<br />
1928, en pionnier, il inaugure des cours du soir<br />
pour les travailleurs maghrébins à Paris. L’étude<br />
de <strong>la</strong> mystique musulmane ne l’empêche pas de se<br />
faire proche des démunis et rejetés de <strong>la</strong> société.<br />
En 1931, il rencontre Ghandi qui le confirme dans<br />
sa vocation non-violente. Entretemps il s’intéresse<br />
à <strong>la</strong> postérité spirituelle de Charles de Foucauld et<br />
sollicite de René Bazin d’écrire <strong>la</strong> biographie de<br />
l'ermite du Sahara. Il sera très tôt en re<strong>la</strong>tion avec<br />
René Voil<strong>la</strong>ume qui le contacte avant <strong>la</strong> fondation<br />
© Dominique Autié<br />
des Petits Frères en 1933 à El Abiodh Sidi Cheikh.<br />
En 1934, il crée <strong>la</strong> Badaliya 1 avec Marie Kahil.<br />
Mais, pour Massignon, le corol<strong>la</strong>ire de l’hospitalité<br />
c’est l’aumône, car l’hospitalité vraie sera toujours<br />
partage. Partage en particulier avec les Maghrébins<br />
en France depuis le 20 août 1953, date de l’exil du<br />
sultan du Maroc, jusqu’au 5 juillet 1962, date de<br />
l’indépendance de l’Algérie. L’aumône<br />
fondamentale étant l’aumône de soi, à<br />
l’exemple de Jésus dans l’Eucharistie qui<br />
est le don suprême, l’aumône dernière<br />
de celui qui, se sachant condamné à<br />
mort, n’avait plus rien à offrir à ses amis,<br />
plus rien à léguer que son corps livré en<br />
nourriture sous <strong>la</strong> forme du pain.<br />
Massignon s’engage aussi à fond pour<br />
une paix sereine en Afrique du Nord, engagement<br />
centré sur le jeûne et <strong>la</strong> prière : en faveur du<br />
Maroc d’abord et de l’Algérie ensuite à partir de<br />
novembre 1954. Il greffera alors un pèlerinage<br />
is<strong>la</strong>mo-chrétien au Pardon des Sept Dormants<br />
en Côtes d’Armor auquel il sera fidèle chaque<br />
année, chrétiens et musulmans priant côte à côte<br />
et récitant ensemble le Notre Père et <strong>la</strong> Fatiha. De<br />
1955 à 1962 il prend l’habitude de visiter chaque<br />
semaine des détenus nord-africains de droit<br />
commun. Au cours d'une manifestation pacifique<br />
à Paris en faveur des Algériens en 1960, il est<br />
bousculé par <strong>la</strong> police. Il s’éteindra le 31 octobre<br />
1962 au soir. C'était il y a cinquante ans.<br />
Armand Garin<br />
1<br />
Voir le livre Louis Massignon – Badaliya – au nom<br />
de l’autre (1947-1962), présenté et annoté par<br />
Maurice Borrmans et Françoise Jacquin – préface<br />
du cardinal Jean-Louis Tauran, Les Éditions du<br />
Cerf, 2011.
Aperçu sur<br />
l'agriculture algérienne<br />
pax concordia<br />
11<br />
Dossier réalisé par Emmanuel Auphan
DOSSIER<br />
Présentation<br />
Pays de l'or noir… et si l'Algérie était aussi le pays<br />
de l'or vert Après avoir situé le monde agricole et<br />
ses configurations, quelques contraintes majeures<br />
(terre et eau) et <strong>la</strong> politique agricole actuelle, nous<br />
présenterons quelques visages de l'agriculture<br />
dans le Nord du pays et au Sahara.<br />
© Emmanuel Auphan<br />
14<br />
La popu<strong>la</strong>tion agricole<br />
La popu<strong>la</strong>tion algérienne, forte de ses 35 millions<br />
d’habitants, réside pour un tiers en milieu rural et relève<br />
pour un cinquième du secteur agricole (cf. statistiques<br />
FAO 2010). Ce secteur économique contribue à 10 % du<br />
PIB, selon les statistiques du ministère de l’Agriculture et<br />
du Développement rural, loin derrière <strong>la</strong> production des<br />
hydrocarbures. Il est cependant de plus en plus affiché<br />
par les autorités comme un des enjeux majeurs pour<br />
l’avenir du pays car les produits agricoles<br />
sont en grande partie importés. Les produits<br />
alimentaires représentent <strong>la</strong> presque<br />
totalité de ces importations agricoles, soit<br />
près de 20% des importations totales.<br />
Même si les conditions naturelles du pays<br />
rendent difficile d’imaginer qu'il atteigne<br />
l'autosuffisance alimentaire, de gros efforts<br />
sont entrepris pour améliorer <strong>la</strong> production<br />
agricole. Lorsque les ressources pétrolières<br />
diminueront, <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce commerciale<br />
devra s’équilibrer avec une diminution des<br />
importations et, autant que faire se peut,<br />
une augmentation des exportations agricoles.<br />
On estime donc à 7,4 millions de personnes <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />
vivant de ses activités agricoles, répartie dans 1 145 500<br />
exploitations. Un important programme de délivrance<br />
de cartes professionnelles est en cours depuis 1996 pour<br />
reconnaître leur statut aux agriculteurs : 830 000 étaient<br />
recensés début 2011 dont 5% de femmes.<br />
Parmi eux, les plus nombreux sont les céréaliculteurs<br />
(345 467), puis les éleveurs de moutons (135 906), puis<br />
les phœniciculteurs (dattes) (83 243) et les maraîchers<br />
(68150).<br />
Les structures agricoles<br />
La superficie totale de l’Algérie est de 237 197 700 hectares,<br />
dont 187 993 650 ha de terres improductives non<br />
affectées à l’agriculture, 40 769 050 ha occupés par des<br />
pacages, parcours, terres alfatières, forêts et maquis et<br />
8 435 000 ha de Surface Agricole Utile (SAU). Ces statistiques<br />
ne révèlent<br />
pas <strong>la</strong> profonde<br />
disparité de répartition<br />
de ces<br />
terres arables<br />
dans le pays.<br />
Ainsi, en regroupant<br />
les 48 wi<strong>la</strong>yas<br />
par région géographique 1 :<br />
Popu<strong>la</strong>tion<br />
totale<br />
Nombre<br />
exploit.<br />
agricoles<br />
Palmeraie à Touggourt<br />
Superficie (en hectares)<br />
totale agricole SAU irriguée<br />
Algérois 9 811 850 249 285 3 575 700 2 032 428 1 376 798 174 852<br />
Oranais 6 804 130 218 356 6 313 400 3 708 129 2 725 826 178 518<br />
Constantinois<br />
12 435 108 370 903 10 805 800 6 757 208 3 574 199 313 131<br />
Sud 5 360 098 306 956 216 502 800 36 706 285 758 177 318 699<br />
Total 34 411 186 1 145 500 237 197 700 49 204 050 8 435 000 985 200<br />
La taille des exploitations est généralement réduite<br />
puisque les petites exploitations (0,1 à 10 ha) représentent<br />
près de 75% du total des exploitations (30% ont moins<br />
de 2 ha) et couvrent 25% de <strong>la</strong> SAU.<br />
Les exploitations de taille moyenne (10 à 50 ha)<br />
correspondent à 25% des exploitations et à plus de<br />
50% de <strong>la</strong> SAU. Par contre les « grandes » exploitations<br />
(>50 ha) représentent moins de 2%, réparties sur près de<br />
25% de <strong>la</strong> SAU.<br />
1<br />
Composition des zones géographiques :<br />
Algérois : Alger, Tizi Ouzou, Blida, Chlef, Medea, Aïn Def<strong>la</strong>,<br />
Boumerdès, Bouira, Tipaza, Tissemsilt ;<br />
Oranais : Oran, Tlemcen, Tiaret, Mascara, Relizane,<br />
Mostaganem, Sidi Bel Abbes, Aïn Temouchent, Saïda ;<br />
Constantinois : Setif, Batna, Msi<strong>la</strong>, Constantine, Bordj Bou<br />
Arreridj, Bejaia, Skikda, Mi<strong>la</strong>, Tebessa, Jijel, Annaba, Oum El<br />
Bouaghi, Guelma, Souk Ahras, Khenche<strong>la</strong>, El Tarf ;<br />
Sahara : Djelfa, Biskra, El Oued, Ouarg<strong>la</strong>, Laghouat, Ghardaïa,<br />
Adrar, El Bayadh, Béchar, Nâama, Tamanrasset, Tindouf, Illizi.
La politique de renouveau agricole et rural<br />
DOSSIER<br />
Cette politique gouvernementale<br />
vise<br />
le renforcement<br />
de <strong>la</strong> sécurité alimentaire.<br />
Lancée<br />
en 2009, elle a pour objectifs de<br />
réduire les vulnérabilités dans le<br />
cadre d’un partenariat publicprivé,<br />
à travers l'accompagnement<br />
de :<br />
• l’accroissement de <strong>la</strong> production<br />
nationale en produits<br />
de <strong>la</strong>rge consommation<br />
: blé dur et autres<br />
céréales, <strong>la</strong>it, viandes rouges<br />
et b<strong>la</strong>nches, pommes<br />
de terre, légumes secs, tomate<br />
industrielle, huiles et dattes ;<br />
• <strong>la</strong> modernisation des exploitations agricoles (irrigation<br />
adaptée, fertilisation, mécanisation…) ;<br />
• <strong>la</strong> modernisation et l’organisation des réseaux de<br />
collecte et de commercialisation de <strong>la</strong> production<br />
nationale, et d’approvisionnements en engrais et<br />
produits de traitement agricoles ;<br />
• <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de systèmes de régu<strong>la</strong>tion interprofessionnels,<br />
fédérant les différents maillons des filières<br />
de <strong>la</strong>rge consommation, créant les conditions<br />
de stabilisation des marchés et, par conséquent, assurant<br />
<strong>la</strong> protection des revenus des agriculteurs et<br />
des consommateurs ;<br />
• <strong>la</strong> généralisation et l’extension des systèmes d’irrigation<br />
agricole ;<br />
• le développement des capacités nationales pour<br />
atteindre l’autosuffisance en matière de semences,<br />
p<strong>la</strong>nts et géniteurs ;<br />
• le développement équilibré, harmonieux et durable<br />
des espaces ruraux.<br />
Pour atteindre ces objectifs il est prévu « <strong>la</strong> création<br />
d’un environnement incitatif et sécurisant » grâce au<br />
renforcement du crédit, des assurances agricoles, de<br />
<strong>la</strong> mutualité rurale de proximité, des organisations<br />
professionnelles et interprofessionnelles (chambres<br />
d’agriculture, coopératives…) et de <strong>la</strong> sécurisation<br />
foncière.<br />
Le volet complémentaire du Programme de Soutien au<br />
Renouveau Rural (PSRR) a quatre objectifs :<br />
© Patrick de Boissieu<br />
Salle de traite à El Menea<br />
• <strong>la</strong> modernisation des ksours et des vil<strong>la</strong>ges ;<br />
• <strong>la</strong> diversification des activités économiques ;<br />
• <strong>la</strong> protection et <strong>la</strong> valorisation des ressources<br />
naturelles ;<br />
• <strong>la</strong> protection et <strong>la</strong> valorisation du patrimoine rural<br />
matériel et immatériel.<br />
Il cible en priorité les zones où les conditions de<br />
production sont particulièrement difficiles pour les<br />
agriculteurs (montagnes, steppes, Sahara) et il privilégie<br />
<strong>la</strong> participation des popu<strong>la</strong>tions rurales ciblées, au moyen<br />
de Projets de Proximité de Développement Rural Intégré<br />
(PPDRI), mis en p<strong>la</strong>ce dans cinq domaines :<br />
• <strong>la</strong> lutte contre <strong>la</strong> désertification ;<br />
• <strong>la</strong> protection des bassins versants ;<br />
• <strong>la</strong> gestion et l’extension du patrimoine forestier ;<br />
• <strong>la</strong> conservation des écosystèmes naturels ;<br />
• <strong>la</strong> mise en valeur des terres par l’extension de <strong>la</strong><br />
SAU.<br />
Ces deux piliers du renforcement agricole et du<br />
renforcement rural sont complétés par un troisième qui<br />
est le renforcement des capacités humaines et de l’appui<br />
technique aux producteurs. Il concerne les méthodes et<br />
les services de l’administration agricole, <strong>la</strong> recherche, <strong>la</strong><br />
formation et <strong>la</strong> vulgarisation agricole.<br />
Ce dispositif est mis en p<strong>la</strong>ce dans le cadre d’un<br />
programme quinquennal 2010-2014 qui va mobiliser<br />
environ 1 000 milliards de dinars dont 600 milliards<br />
pour le volet agricole.<br />
pax concordia<br />
15
DOSSIER<br />
16<br />
Après les agriculteurs eux-mêmes,<br />
l’agriculture est conditionnée par deux<br />
facteurs principaux : <strong>la</strong> terre et l’eau.<br />
Pression urbaine sur les terres agricoles<br />
La terre<br />
Les sols, peu fertiles en dehors de quelques p<strong>la</strong>ines<br />
côtières, ont besoin d’apports importants d’engrais,<br />
actuellement dans les mains des importateurs. Outre<br />
ce point important, le Renouveau Agricole insiste sur<br />
<strong>la</strong> « sécurisation foncière ». En effet, l’histoire a montré<br />
qu’un paysan ne travaille bien sa terre que s’il a le<br />
sentiment d’être « chez lui ». Or, depuis l’Antiquité, les<br />
liens entre le paysan algérien et sa terre ont été soumis<br />
à de nombreuses péripéties qui n’ont pas favorisé cette<br />
mise en valeur.<br />
Après les bouleversements de <strong>la</strong> colonisation, ces terres<br />
ont connu <strong>la</strong> collectivisation dès 1962, <strong>la</strong> révolution<br />
agraire de 1971, le retour, en 1983, de l’accession à <strong>la</strong><br />
propriété agricole… La constitution de 1989 a redéfini les<br />
catégories de propriétés. Ainsi, en 2001, sur 8 460 000 ha<br />
de SAU :<br />
• 70 % environ des terres sont des propriétés privées<br />
(melk) dont moins de 20 % appartiennent à des<br />
propriétaires individuels munis de titres de propriété,<br />
et près de 50 % sont en indivision non titrée ;<br />
• 30% des terres relèvent du domaine privé de<br />
l’État ;<br />
• 0,4% sont des terres waqf, biens de mainmorte,<br />
inaliénables, liés aux traditions de l'is<strong>la</strong>m.<br />
De cette répartition ressortent deux chantiers<br />
prioritaires :<br />
• <strong>la</strong> recherche de titres de propriété pour ceux qui<br />
n’en ont pas ;<br />
• <strong>la</strong> mise en exploitation des terres agricoles du<br />
domaine privé de l'État, par le régime de <strong>la</strong><br />
La terre et l'eau<br />
© paysansdalgerie.wordpress.com<br />
© Patrick de Boissieu<br />
concession, défini par une loi de 2010, et <strong>la</strong> création<br />
de nouvelles exploitations agricoles et d’élevage.<br />
Une troisième priorité a été, ces dernières années, <strong>la</strong> lutte<br />
contre le terrorisme : pendant les années 1990, beaucoup<br />
d’agriculteurs ont dû abandonner leur exploitation. Leur<br />
retour nécessite encore beaucoup d’encouragements.<br />
L’eau<br />
En Algérie, les ressources en eau sont limitées et très inégalement<br />
réparties. Les pluies ne dépassent en moyenne<br />
400 mm par an que pour 10% du territoire, au Nord. L’irrigation<br />
conditionne donc l’agriculture.<br />
Actuellement, moins de 12 % des terres agricoles sont<br />
irriguées (voir le tableau p.14) et, parmi elles, 80% le<br />
sont à partir d’eaux souterraines : 30% par des puits<br />
traditionnels dans <strong>la</strong> nappe phréatique et 50% par des<br />
forages profonds.<br />
Beaucoup de projets reposent sur l’exploitation des<br />
eaux du sous-sol saharien, <strong>la</strong> « nappe albienne » : des<br />
eaux fossiles, non renouve<strong>la</strong>bles. Il s’agit en fait de deux<br />
énormes réservoirs, constitués il y a plus de 10 000 ans<br />
quand le climat du Sahara était plus humide, dans les<br />
couches géologiques du « continental interca<strong>la</strong>ire » et du<br />
« complexe terminal ». Des milliers de milliards de mètres<br />
cubes d’eau sont ainsi accessibles, selon les endroits,<br />
entre 50 et 2 300 mètres sous terre. Même si des études<br />
récentes montrent que les pluies actuelles peuvent<br />
réalimenter ces nappes, leur vitesse de remplissage est<br />
bien inférieure à celle de leur exploitation. Sans compter<br />
les grands projets d’alimentation en eau de villes<br />
nouvelles (comme Boughzoul, sur les Hauts P<strong>la</strong>teaux)<br />
ou de cités en plein essor (comme Tamanrasset qui vient<br />
de bénéficier d’énormes travaux), les experts prévoient<br />
que cette surexploitation épuisera les réserves dans<br />
une cinquantaine d’années. La vulgarisation de<br />
techniques d’irrigation économisant l’eau est donc<br />
primordiale.<br />
Système d'arrosage
Agriculteurs dans le Nord<br />
Histoire de parcelles<br />
Pour illustrer <strong>la</strong> complexité de <strong>la</strong> mise en valeur des<br />
riches terres agricoles du Nord, <strong>la</strong> thèse présentée<br />
par M lle Hayette Nemouchi (Université de Caen - ESO<br />
n°29 - mars 2010) sur <strong>la</strong> commune de Sa<strong>la</strong>h Bouchaour,<br />
dans une vallée fertile de <strong>la</strong> wi<strong>la</strong>ya de Skikda,<br />
est particulièrement intéressante.<br />
Pendant <strong>la</strong> période<br />
coloniale, <strong>la</strong><br />
moitié de l’espace<br />
communal, soit<br />
2254 ha, <strong>la</strong> majorité<br />
des terres agricoles,<br />
fut partagée<br />
en 11 exploitations<br />
Parcelles agricoles dans les Aurès<br />
coloniales d’environ<br />
200 ha chacune,<br />
le reste étant des terres melk exploitées au niveau de<br />
différents douars. En 1964, ces anciennes terres coloniales<br />
se trouvèrent regroupées dans 3 domaines<br />
autogérés d’environ 700 ha chacun. Pendant <strong>la</strong> Révolution<br />
agraire, vers 1975, ces terres, augmentées de<br />
375 ha nationalisés sur d’anciens grands propriétaires<br />
voisins, constituèrent 3 domaines autogérés et<br />
10 CAPRA (Coopératives Agricoles Polyvalentes de <strong>la</strong><br />
Révolution Agraire) d’environ 45 ha chacune. Suite à<br />
<strong>la</strong> restructuration agraire de 1988, et à <strong>la</strong> restitution<br />
d’une partie des terres aux anciens propriétaires, ce<br />
domaine privé de l'État fut progressivement morcelé<br />
en 61 EAC (Exploitation Agricole en Commun) d’une<br />
moyenne de 28 ha chacune, et 129 EAI (Exploitation<br />
Agricole Individuelle) se partageant un total de 581<br />
ha.<br />
En 2006, une enquête sur 150 exploitations, tous<br />
secteurs confondus, observait un développement de<br />
<strong>la</strong> mise en location des terres et leur transformation<br />
en outils informels de spécu<strong>la</strong>tion foncière impliquant<br />
propriétaires privés, exploitants du domaine privé de<br />
l'État, exploitants des terres communales, locataires<br />
et agents de l’administration. Un locataire donne<br />
par exemple le témoignage suivant : « L’exploitation<br />
de ces terres communales devient de plus en plus<br />
dure pour moi. Depuis 7 ans, j’essaie de trouver une<br />
solution à un problème qui complique, justement,<br />
<strong>la</strong> mise en valeur des terres. Il s’agit d’un problème<br />
d’enc<strong>la</strong>vement. Cette exploitation est maintenant<br />
© eldjazayer.centerblog.net<br />
entourée de terres privées et d’autres attributions<br />
individuelles qui m’empêchent d’accéder directement<br />
à mon exploitation. Jusqu’à maintenant, je n’ai<br />
trouvé qu’une seule solution, c’est payer mon droit<br />
de passage sur les terres voisines. »<br />
Des techniques au service des sols... et du<br />
rendement<br />
Le témoignage d’un agriculteur de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine de<br />
<strong>la</strong> Mitidja, membre d’une association d’irrigants<br />
soutenue par un projet international, FSP-SIRMA,<br />
illustre à <strong>la</strong> fois l’évolution des techniques pour<br />
économiser l’eau et le développement des cultures<br />
maraîchères sous serres à <strong>la</strong> périphérie des villes.<br />
« Je suis de <strong>la</strong> région de Beni-Ammou. Je me suis<br />
installé dans <strong>la</strong> Mitidja en 1994. Comme beaucoup<br />
de jeunes agriculteurs, je suis locataire de terres<br />
et producteur de poivrons sous serres. Quand j’ai<br />
commencé ce travail, le goutte-à-goutte n’existait pas<br />
encore. J’étais obligé de dép<strong>la</strong>cer mes quatre serres<br />
chaque année car l’irrigation gravitaire diminuait <strong>la</strong><br />
fertilité des sols. Depuis 5 ans, j’ai découvert le goutteà-goutte<br />
qui me permet de gagner plus de temps,<br />
plus d’argent et surtout de rester au même endroit<br />
deux années successives. Aujourd’hui, je possède 50<br />
serres et mon souci principal est d’être reconnu et<br />
d’obtenir une carte d’agriculteur. »<br />
Et <strong>la</strong> montagne<br />
Serres près de Jijel<br />
Toute l’agriculture du Nord ne se trouve pas dans<br />
les p<strong>la</strong>ines. Voici le témoignage d’un religieux inséré<br />
depuis de nombreuses années dans <strong>la</strong> région de<br />
Médéa :<br />
« Les jeunes agriculteurs sont en réalité ici de jeunes<br />
éleveurs (bovins, ovins) dont le trait commun est<br />
l’absence de terres pouvant permettre un décol<strong>la</strong>ge<br />
systématique en matière d’élevage : peut-être une<br />
© actudz.com<br />
pax concordia<br />
17<br />
DOSSIER
DOSSIER<br />
moyenne de 4 vaches <strong>la</strong>itières. Toutes les familles qui<br />
se sont réfugiées à Tamezguida pour fuir le terrorisme<br />
sont arrivées avec leurs bêtes, improvisant une<br />
étable dans l’espace familial. Elles n’ont pas encore<br />
vraiment réinvesti les aires de pâturage originelles.<br />
Elles les louent à l’occasion à des nomades venus du<br />
Sud (Djelfa). En tout cas, peu d’hectares sont cultivés<br />
en p<strong>la</strong>ntes fourragères. Quant à l’habitude de lâcher<br />
sur les pentes montagneuses quelques têtes de<br />
bétail (en vue de <strong>la</strong> reproduction), elle ne semble pas<br />
encore être réamorcée. »<br />
Des filières nouvelles<br />
En dehors des productions de grande consommation,<br />
il existe des petites filières intéressantes : le miel par<br />
exemple.<br />
« Je m’appelle Sofiane et j’ai 34 ans. J’appartiens à<br />
une famille de paysans de <strong>la</strong> montagne, sans terres<br />
cultivables (Tamezguida, W. Médéa). Avant <strong>la</strong> fin de<br />
mes études au collège, j’ai travaillé comme ouvrier<br />
ferronnier, pendant 10 ans, pauvre et exploité… Alors<br />
j’ai voulu quitter l’Algérie. Un ami m’en a dissuadé<br />
et m’a proposé de faire de l’apiculture. Il avait déjà<br />
mis sur cette piste plusieurs autres jeunes et ça avait<br />
marché pour eux. Je n’y connaissais rien, mais j’ai<br />
accepté. Tout de suite, on m’a mis entre les mains une<br />
dizaine de ruches et, avec cet ami, j’ai commencé ma<br />
formation sur le tas. Une première récolte m’a mis le<br />
miel à <strong>la</strong> bouche. Pas assez pour vivre, mais j’ai senti<br />
qu’il y avait un avenir possible.<br />
Avec le temps, les inévitables faux-pas et<br />
surtout le partage du savoir-faire d’autres<br />
apiculteurs, j’ai réussi à maîtriser <strong>la</strong> conduite<br />
d’une bonne centaine de ruches. Très vite,<br />
cependant, il est apparu qu’un rucher<br />
sédentaire (fixé à un endroit précis) ne<br />
pouvait rester à l’abri de mauvaises surprises<br />
(climatiques et autres). Il fal<strong>la</strong>it donc<br />
transhumer. Pour dép<strong>la</strong>cer les colonies, il<br />
fal<strong>la</strong>it un véhicule. Grâce à une camionnette<br />
d’occasion, financée avec l'aide de <strong>la</strong> Caritas<br />
algérienne, j’ai ainsi pu faire « paître » les<br />
abeilles sur des aires mellifères différentes,<br />
dans un rayon de 100 à 200 km.<br />
Ces emp<strong>la</strong>cements sont payants mais<br />
c’est surtout l’investissement en matériel<br />
© apishacenealgerie.wifeo.com<br />
Ruchers<br />
des premières années qui coûte cher. Enfin, il y a <strong>la</strong><br />
commercialisation des produits de <strong>la</strong> ruche : une<br />
clientèle stable se constitue au fil des ans, exigeante<br />
sur <strong>la</strong> qualité du produit.<br />
Pour garder mon rucher en expansion, il faut que<br />
je sois vigi<strong>la</strong>nt, face à son vieillissement, face à <strong>la</strong><br />
ma<strong>la</strong>die… L’élevage de reines et <strong>la</strong> création d’essaims<br />
artificiels font aussi partie de cette vigi<strong>la</strong>nce et j’ai dû<br />
m’y mettre.<br />
En résumé, ce métier m’occupe à temps plein :<br />
gestion des colonies, transhumances, récoltes,<br />
conditionnement, vente, sans oublier l’entretien<br />
du matériel. C’est peu dire que je l’aime, il me<br />
passionne. »<br />
© Raphaël Watier<br />
18<br />
Verger de néfliers
Agriculteurs dans le Sud<br />
DOSSIER<br />
Évolution des oasis<br />
Brahim a 55 ans, il est maraîcher. En 1995, il a dû<br />
abandonner le jardin familial de <strong>la</strong> palmeraie de<br />
Ghardaïa : les eaux usées, liées à l’urbanisation<br />
rapide, avaient pollué les nappes phréatiques. L’eau<br />
du puits était devenue saumâtre et insalubre pour<br />
arroser les légumes. Il a créé un nouveau jardin à<br />
une vingtaine de kilomètres plus en amont, au bord<br />
d’un affluent de l’oued M’zab. Les trois strates de<br />
l’agriculture oasienne c<strong>la</strong>ssique -palmiers, arbres<br />
fruitiers et cultures maraîchères- n’y sont plus<br />
systématiquement recherchées. Le palmier dattier<br />
n’y est plus le roi. Il est surtout p<strong>la</strong>nté par tradition et<br />
pour <strong>la</strong> consommation familiale :<br />
sa mise en production est lente,<br />
son ombre nuit aux légumes. De<br />
plus, l’exportation des dattes, qui<br />
assurait <strong>la</strong> rentabilité de <strong>la</strong> culture,<br />
a vu ses filières bouleversées dans<br />
les années 90 et n’a pas encore<br />
retrouvé ses débouchés. Quelques<br />
arbres fruitiers bordent les<br />
parcelles : abricotiers, grenadiers,<br />
citronniers, orangers… mais aussi<br />
oliviers, surtout utilisés comme<br />
brise-vents, en attendant l’instal<strong>la</strong>tion<br />
d’huileries dans <strong>la</strong> région. L’activité principale y est<br />
<strong>la</strong> culture des légumes que Brahim va vendre chaque<br />
après-midi au marché de Ghardaïa : carottes, oignons,<br />
aubergines, piments… et, en toutes saisons : menthe,<br />
coriandre (qosbor) et <strong>la</strong>itues. La luzerne est aussi<br />
une production recherchée, pour nourrir<br />
les quelques chèvres et moutons que bon<br />
nombre de citadins entretiennent dans leur<br />
petit jardin. L’irrigation au goutte-à-goutte, à<br />
partir d’une pompe immergée dans un puits,<br />
remp<strong>la</strong>ce peu à peu l’arrosage traditionnel<br />
par séguias, mais les inondations de 2008<br />
ont emporté tout le système de tuyaux et il<br />
a fallu réinvestir. Un petit élevage de poulets<br />
de chair, fonctionnel en hiver seulement car<br />
le pou<strong>la</strong>iller en parpaings n’est pas encore<br />
équipé pour résister aux chaleurs de l’été,<br />
diversifie <strong>la</strong> production.<br />
© Patrick de Boissieu<br />
La nouvelle agriculture saharienne<br />
À 10 km d’El Menea (El Goléa), M. Hadjadj est un<br />
exemple de réussite de <strong>la</strong> nouvelle agriculture<br />
saharienne. Développée à partir de 1985, son<br />
exploitation couvre 750 ha et devrait atteindre<br />
1 000 ha d’ici deux ans. On y trouve de grands vergers<br />
d’agrumes et de vigne, irrigués au goutte-à-goutte et<br />
entourés de haies brise-vents de casuarinas, comme<br />
dans le Nord. Les parcelles les plus remarquables<br />
sont celles réservées aux céréales, irriguées par<br />
aspersion grâce à un système de rampes pivotantes<br />
qui couvrent 30, 40 voire 50 ha chacune. Imp<strong>la</strong>ntées<br />
dans de petites dépressions naturelles, à l’abri du<br />
vent, elles permettent des<br />
rendements en blé de plus<br />
de 90 quintaux/ha, grâce<br />
à des apports d’engrais<br />
et des traitements<br />
phytosanitaires réguliers.<br />
Elles permettent aussi<br />
d’autres cultures :<br />
en particulier des<br />
pommes de terre qui, en<br />
production précoce, sont<br />
commercialisées à des<br />
prix intéressants comme<br />
semences dans des régions plus au nord, surtout dans<br />
<strong>la</strong> région d’El Oued, première productrice de pommes<br />
de terre du pays. Un petit élevage de moutons permet<br />
d’utiliser les chaumes comme pâturages après <strong>la</strong><br />
récolte et d’apporter à <strong>la</strong> terre un peu d’engrais<br />
Moutons sur chaumes à El Menea<br />
© Patrick de Boissieu<br />
Chamelles <strong>la</strong>itières à El Menea<br />
pax concordia 19
DOSSIER<br />
20<br />
naturel. Une étable de vaches permet<br />
également <strong>la</strong> commercialisation de<br />
<strong>la</strong>it frais dans <strong>la</strong> ville voisine. Des<br />
chamelles y produisent aussi du <strong>la</strong>it,<br />
à <strong>la</strong> demande d’amateurs de plus en<br />
plus nombreux.<br />
Un des soucis majeurs de l’exploitant<br />
concerne, bien sûr, l’irrigation<br />
car, avec le développement des<br />
exploitations dans toute <strong>la</strong> région,<br />
<strong>la</strong> « nappe albienne » baisse<br />
rapidement et les forages doivent<br />
être de plus en plus profonds. À<br />
El Menea, les coûts du pompage de l’eau sont devenus<br />
si élevés que le système traditionnel d’arrosage des<br />
jardins par séguias, géré de façon collective depuis<br />
de nombreuses générations, a été abandonné il y a<br />
quelques mois, renvoyant chaque propriétaire à son<br />
propre puits ou à l’eau potable distribuée par <strong>la</strong> ville.<br />
De plus, <strong>la</strong> centrale électrique publique de <strong>la</strong> région<br />
a des difficultés pour fournir, de façon régulière,<br />
l’électricité indispensable au fonctionnement<br />
des pompes et des moteurs qui font avancer les<br />
rampes autour de leur pivot : à certaines périodes<br />
de l’année, l’arrosage est programmé 24h sur 24 et<br />
toute interruption a des conséquences néfastes sur<br />
<strong>la</strong> production.<br />
Une autre contrainte de ce type d’exploitation est<br />
celle de <strong>la</strong> main d’œuvre. La proximité de <strong>la</strong> ville et<br />
l’antériorité de son instal<strong>la</strong>tion ne <strong>la</strong> rend pas trop<br />
préoccupante chez M. Hadjadj. Par contre, l’activité<br />
de nouvelles exploitations, plus isolées, est tributaire<br />
de l’emploi de main d’œuvre étrangère, surtout<br />
originaire du Mali, particulièrement vitale lorsque<br />
le propriétaire est un investisseur qui ne possède<br />
aucune compétence agricole.<br />
M. Hadjadj bénéficie aussi des conseils d’agronomes<br />
qui viennent régulièrement de l’Institut National<br />
Agronomique d’El-Harrach. Son exploitation a ainsi un<br />
rôle de ferme pilote qui contribue au développement<br />
de l’agriculture saharienne.<br />
Extension de <strong>la</strong> filière <strong>la</strong>it dans le Sahara<br />
Une exploitation voisine s’est spécialisée dans<br />
l’élevage bovin : elle entretient depuis plusieurs<br />
années 200 vaches <strong>la</strong>itières dans un enclos protégé<br />
d’une simple haie brise-vent. Sa réussite lui permet<br />
d’investir actuellement dans <strong>la</strong> construction d’un<br />
hangar et d’une salle de traite équipés de façon<br />
moderne, qui lui permettront d’augmenter encore<br />
© Patrick de Boissieu<br />
Élevage bovin près d'El Menea<br />
son cheptel. En conséquence se développent<br />
également, en amont, les cultures fourragères pour<br />
l’alimentation, en particulier du maïs fourrage et, en<br />
aval, un circuit de commercialisation en liaison avec<br />
les industries de transformation du <strong>la</strong>it.<br />
Des poissons dans le désert<br />
Des productions originales sont également<br />
encouragées dans le Sahara. Une des plus surprenantes<br />
est celle des poissons. Ainsi à Hassi Fhal, à 120 km au<br />
sud de Ghardaïa, une ferme aquacole s’est installée<br />
sur 4 ha en 2005. Différents bassins alimentés par<br />
l’eau des forages profonds assurent les différentes<br />
étapes de <strong>la</strong> reproduction et du grossissement de<br />
ti<strong>la</strong>pias, ainsi que celle de leur nourriture à base de<br />
petits crustacés, les artémies. Sa production a atteint<br />
600 tonnes en 2011, avec des poissons dépassant<br />
1,50 m de long, mais les difficultés d’organisation<br />
d’une filière complète ne lui ont permis de vendre<br />
que 20 tonnes sur le marché local, mettant en péril <strong>la</strong><br />
survie de l’instal<strong>la</strong>tion.<br />
© Patrick de Boissieu<br />
Pisciculture à Hassi Fhal
L’Algérie au fil des jours<br />
50 e anniversaire de l’indépendance. Célébré<br />
dans tout le pays de diverses manières : méga-feux<br />
d’artifice, fantasia, baroud, folklore, expositions,<br />
commémorations, etc. -Été 1962, liesse et<br />
déchirement- Algérie, juillet 1912 : déjà une<br />
délégation du mouvement « Jeunes Algériens »<br />
se rend à Paris auprès de Poincaré pour demander<br />
une citoyenneté totale pour l’indigène musulman<br />
-Le peuple est majeur- Les « aspects positifs de<br />
l’indépendance »… Quot.<br />
Oran, 05.07.2012. Quel<br />
destin pour quelle Algérie <br />
Thème du colloque<br />
international d’El Watan à<br />
<strong>la</strong> salle Cosmos de Riadh<br />
el Feth à Alger du 5 au<br />
7 juillet. 1962-2012 : Un<br />
passé glorieux, une liberté<br />
confisquée. El Watan, 05.07.2012.<br />
L’Algérie indépendante fête ses 50 ans : Le chemin<br />
de novembre 1954 -« Le procès de <strong>la</strong> colonisation<br />
française »- De l’écriture de <strong>la</strong> véritable histoire<br />
aux réformes, les rendez-vous ratés du pays depuis<br />
1962, etc. Liberté, 05.07.2012.<br />
Ramadhan. Ce que doit <strong>la</strong> nuit au jour. C’est à<br />
<strong>la</strong> fois avec joie et angoisse que nous accueillons<br />
Ramadhan. Quot. Oran, 11.07.2012. 1 300 000<br />
personnes touchées par l’opération Solidarité<br />
Ramadhan. 645 restaurants El-Rahma et 1 191<br />
points de stockage sur les 48 wi<strong>la</strong>yas. Financée<br />
par le ministère de <strong>la</strong> solidarité nationale et de <strong>la</strong><br />
famille et gérée par les APC (Assemblées popu<strong>la</strong>ires<br />
communales). Les enfants et les poubelles du<br />
Ramadhan. Quand le gaspil<strong>la</strong>ge des uns profite<br />
aux familles démunies. Liberté, 25.07.2012. « Le<br />
jeûne ne doit pas se transformer en suicide »,<br />
souligne le Pr Berkat, président du Conseil de<br />
l’ordre national des médecins, en s’adressant<br />
aux personnes atteintes de ma<strong>la</strong>dies chroniques<br />
(asthme, diabète, ma<strong>la</strong>ises cardiaques). Le Soir,<br />
20-21.07.2012.<br />
Les Algériens à l’heure londonienne. 30 e Jeux<br />
olympiques du 27 juillet au 13 août. L’Algérie<br />
sera présente aux Jeux<br />
olympiques avec 39 athlètes<br />
(au lieu de 61 aux JO-2008<br />
de Pékin), pour un total de<br />
12 disciplines. Régression !<br />
Pourquoi El Watan, 24.07.2012.<br />
1000 & 1 initiatives !<br />
Ness El-Kheir (= les Gens du bien), un groupe qui a<br />
de l’audace (et a essaimé<br />
au niveau national et<br />
international). Ils sont<br />
dynamiques, sacrifient<br />
leur argent et leur temps,<br />
sillonnent le pays, activent<br />
sur une quarantaine de<br />
wi<strong>la</strong>yas et apportent aide<br />
et assistance aux plus<br />
démunis.<br />
El Watan, 24.07.2012.<br />
Initiative citoyenne et participante Nabni.<br />
Enseignements du Titanic à l’attention du « navire<br />
Algérie ». (www.nabni.org : Algérie 2020 : bi<strong>la</strong>n,<br />
vision et perspectives par les générations de<br />
l’indépendance). El Watan, 16.06.2012.<br />
Le FELIV 5° Festival international de <strong>la</strong> littérature<br />
et du livre de <strong>la</strong> jeunesse à Alger, Batna et Sidi Bel<br />
Abbès : 14-22.06. El Watan, 16.06.2012.<br />
Festival international des danses popu<strong>la</strong>ires à<br />
Sidi Bel Abbès du 27 juin au 2 juillet. Rendez-vous<br />
avec <strong>la</strong> créativité. Liberté, 29-30.06.2012.<br />
Constantine. La caravane de l’Imzad (l’imzad,<br />
symbole de <strong>la</strong> culture targuie, est une vièle<br />
monocorde) enf<strong>la</strong>mme le public. Le 4 juin, une<br />
troupe constituée de musiciens, de choristes et de<br />
danseurs venus des Aurès, de Djurdjura, du Mali et<br />
du Niger ont mis tout simplement le feu sur scène...<br />
El Watan, 06.06.2012.<br />
trois mois en bref<br />
Brèves g<strong>la</strong>nées par Gérard de Be<strong>la</strong>ir<br />
pax concordia
patrimoine<br />
La mosquée-cathédrale Saint-Philippe de Ketchâwa :<br />
Histoire et mémoires croisées 1<br />
L’histoire de <strong>la</strong> cathédrale Saint-Philippe de<br />
Ketchâwa à Alger est complexe car elle croise<br />
plusieurs mémoires, celle de <strong>la</strong> mosquée<br />
ottomane du XVIII e sur l’emp<strong>la</strong>cement de<br />
<strong>la</strong>quelle elle a<br />
été édifiée, puis celle de <strong>la</strong><br />
cathédrale française Saint-<br />
Philippe élevée au milieu du<br />
XIX e siècle.<br />
Son image architecturale hybride<br />
entre mosquée et cathédrale<br />
est le résultat d’une<br />
histoire à plusieurs strates. Les<br />
sources d’archives ottomanes<br />
renseignent sur <strong>la</strong> mosquée<br />
primitive pré-ottomane et<br />
sur sa reconstruction au XVIII e<br />
siècle [Chergui, 2011, pp. 85-<br />
88]. Les études françaises de<br />
<strong>la</strong> fin du XIX e siècle apportent<br />
un éc<strong>la</strong>irage sur l’état de l’édifice<br />
à l’arrivée des français et<br />
sur ses premières transformations<br />
et adaptations au culte<br />
chrétien. Enfin, les archives<br />
inédites de l’archevêché<br />
d’Alger permettent de suivre<br />
les différents projets de<br />
construction et d’extension<br />
de <strong>la</strong> cathédrale qui ont été<br />
initiés par une pléiade d’architectes du Service des bâtiments<br />
civils puis du Service des monuments historiques<br />
et enfin du diocèse d’Alger.<br />
Le plus ancien document re<strong>la</strong>tif à cet édifice est un<br />
manuscrit arabe du XIV e siècle attribué à un dénommé<br />
Hussîn Ban Radjab, fils de muftî hanafite. Ce texte de<br />
référence mentionne à l’emp<strong>la</strong>cement correspondant<br />
au p<strong>la</strong>teau de Ketchâwa <strong>la</strong> présence d’une petite<br />
mosquée dont <strong>la</strong> fondation est antérieure à 766H/ 1364-<br />
65 [Devoulx, 1875, p. 422]. Plusieurs actes authentiques<br />
postérieurs re<strong>la</strong>tifs à divers immeubles du quartier de<br />
Ketchâwa et dont le plus ancien est de 1021H/ 1612-13<br />
attestent encore de l’existence de cette mosquée au<br />
XVII e siècle. En 1794, elle fait l’objet d’une reconstruction<br />
par le souverain Hassan Pacha (1205/1791-1212/1798),<br />
entreprise attestée par une inscription scellée au dessus<br />
de <strong>la</strong> porte d’entrée de<br />
<strong>la</strong> façade méridionale<br />
[Devoulx, 1868, p. 107].<br />
Dès 1830, <strong>la</strong> mosquée<br />
de Hassan Pacha, dont le<br />
raffinement architectural<br />
avait attiré l’attention de<br />
plusieurs érudits français,<br />
est convertie en lieu de<br />
culte catholique : elle<br />
devient <strong>la</strong> cathédrale Saint-<br />
Philippe.<br />
Inaugurée le 24 décembre<br />
1832, <strong>la</strong> mosquée convertie<br />
en cathédrale ne demeura<br />
que quelque temps<br />
en son cadre premier. Les<br />
projets de restauration et<br />
de transformation en vue<br />
de son affectation au nouveau<br />
culte, dont elle a fait<br />
l’objet entre 1832 et 1890,<br />
ont été considérés par<br />
l’administration française<br />
comme le plus important<br />
programme de reconversion<br />
d’édifice engagé au lendemain de <strong>la</strong> conquête<br />
dans <strong>la</strong> ville d’Alger [Oulebsir, 2004, pp. 87-91].<br />
Cathédrale Saint-Philippe vers 1891<br />
Ces projets successifs devaient en réalité venir à bout de<br />
<strong>la</strong> mosquée ottomane qui fut ainsi entièrement démolie,<br />
<strong>la</strong>issant p<strong>la</strong>ce à une cathédrale française dont le parti<br />
architectural emprunt de formes arabisantes al<strong>la</strong>it lui<br />
1<br />
Article extrait d’une publication en cours à paraître<br />
sous le titre de « Prémices de l’architecture néomauresque<br />
arabisante dans les édifices religieux<br />
chrétiens d’Alger au XIX e siècle ».
donner l’image d’une mosquée [Devoulx, 1868, p. 113].<br />
Dès 1832, c’est un architecte du service des bâtiments<br />
publics, Pierre-Auguste Guiauchain, qui fut chargé<br />
d’adapter <strong>la</strong> mosquée au culte chrétien [Le Ravin des<br />
Crabes, 2008, p. 14]. En 1844, réalisant que <strong>la</strong> cathédrale<br />
ne pouvait être contenue dans le volume de <strong>la</strong><br />
mosquée, le projet d’extension de Guiauchain fut mis à<br />
exécution. La nouvelle version dessinée par l’architecte<br />
Amable Ravoisié s’inscrivait déjà dans l’optique d’une<br />
réinterprétation de l’architecture de <strong>la</strong> mosquée<br />
ottomane. Au début de l’année 1850, alors qu’il est<br />
question d’ameublement de <strong>la</strong> cathédrale, celle-ci n’est<br />
pas achevée.<br />
En 1852, un nouvel architecte de l'École de Paris, Pierre<br />
Hubert Feraud, fut nommé pour continuer le projet de<br />
<strong>la</strong> cathédrale Saint-Philippe.<br />
En 1856, c’est un quatrième architecte,<br />
Eugène Fromageau, occupé à <strong>la</strong><br />
construction de <strong>la</strong> basilique Notre-<br />
Dame d’Afrique, qui fut chargé de<br />
conduire les travaux d’achèvement.<br />
La cathédrale devait enfin subir une<br />
dernière restauration entre 1886<br />
et 1890. Après l’indépendance,<br />
<strong>la</strong> cathédrale fut reconvertie en<br />
mosquée, ressuscitant le souvenir<br />
de <strong>la</strong> mosquée ottomane de Hassan<br />
Pacha.<br />
Le style architectural de <strong>la</strong> cathédrale<br />
Saint-Philippe d’Alger est pour le<br />
moins qu’on puisse le constater éclectique<br />
et donc fidèle à <strong>la</strong> tendance qui<br />
caractérise l’architecture européenne<br />
en métropole ou dans les colonies<br />
maghrébines à partir de <strong>la</strong> seconde<br />
moitié du XIX e siècle.<br />
L’édifice présente certains aspects des<br />
églises de style romano-byzantin et<br />
gréco-byzantin auxquels s’ajoutent aussi et de manière<br />
ostentatoire des éléments arabisants et néo-mauresques<br />
qui lui confèrent un caractère résolument orientaliste.<br />
Ce caractère est particulièrement perceptible dans <strong>la</strong><br />
façade principale de <strong>la</strong> cathédrale donnant sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />
de l’Archevêché (aujourd’hui p<strong>la</strong>ce Ben Badis) et faisant<br />
face au pa<strong>la</strong>is de Dâr Azîza, dernier vestige du quartier<br />
de Dâr al-Soltâne ou d’al-Djanîna.<br />
Les deux tours encadrant le porche principal avec leur<br />
<strong>la</strong>nterneau à section octogonale coiffé de coupoles<br />
s’apparentent aux minarets des mosquées du Caire, de<br />
style mamelouk. Les décors de céramiques p<strong>la</strong>qués sur <strong>la</strong><br />
corniche surmontant les trois arcs du porche emploient<br />
des formes florales et géométriques empruntées au<br />
répertoire hispano-maghrébin.<br />
L’intérieur de <strong>la</strong> cathédrale affiche aussi un décor<br />
arabisant. En témoignent les panneaux de plâtre sculptés<br />
par l’artisan Louis Guil<strong>la</strong>ume Fulconis qui ornent <strong>la</strong><br />
voûte en berceau de <strong>la</strong> nef centrale, les soubassements<br />
des murs ainsi que les arcs des galeries <strong>la</strong>térales et<br />
les coupoles surmontant les chapelles. Les coupoles<br />
recouvrant les travées des col<strong>la</strong>téraux présentent une<br />
grande variété de modèles. Certaines sont de type<br />
ottoman à p<strong>la</strong>n octogonal sur trompe en coquille,<br />
d’autres sont de type hispano-mauresque à nervures<br />
sur fonds de stucs ajourés avec vitraux polychromes ou<br />
tronquées à <strong>la</strong> manière d’un<br />
p<strong>la</strong>fond à caisson de bois<br />
almohade [Marçais, 1954,<br />
p. 196, p. 269 ; Barrucand,<br />
1992, pp. 76-82].<br />
Les fenêtres en arcs<br />
outrepassés dans les c<strong>la</strong>irsétages<br />
sont géminées à <strong>la</strong><br />
mode andalouse et leur<br />
couronnement en anse de<br />
panier reproduit les arcs<br />
des niches et alcôves des<br />
pa<strong>la</strong>is et maisons algéroises<br />
d’époque ottomane. Les<br />
baies supérieures disposées<br />
à <strong>la</strong> naissance du berceau<br />
central sont ornées de<br />
c<strong>la</strong>ustras ajourés en marbre,<br />
inspirés des mouhadidat<br />
égyptiennes de <strong>la</strong> mosquée<br />
El-Mouyed au Caire.<br />
Cet orientalisme de <strong>la</strong> fin<br />
du XIX e siècle n’est certainement<br />
pas étranger à <strong>la</strong> croyance couramment répandue<br />
selon <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> cathédrale française, mosquée<br />
d’aujourd’hui qui s’élève encore dans le quartier de Ketchâwa,<br />
serait l’ancienne mosquée de Hassan Pacha de<br />
<strong>la</strong> période ottomane elle même, alors qu’en réalité, elle<br />
n’en a conservé que des éléments infimes.<br />
Mosquée Ketchâwa aujourd'hui<br />
Nabi<strong>la</strong> Cherif<br />
Maitre de Conférences-EPAU<br />
Architecte des sites et monuments historiques<br />
patrimoine<br />
pax concordia
ACTUALITÉ DES DIOCÈSES<br />
Faire de <strong>la</strong> « théologie » ici, c’est possible !<br />
Du 22 au 31 juillet, <strong>la</strong> Maison de Ben Smen<br />
(Alger) était occupée par une session :<br />
« Approfondir sa foi pour mieux servir<br />
l'Église », avec plus de 20 participants,<br />
13 étudiants sub-sahariens et une<br />
dizaine de catholiques algériens.<br />
Une demande de jeunes baptisés :<br />
« Nous voulons être mieux formés<br />
à <strong>la</strong> vie chrétienne, et pour ce<strong>la</strong><br />
nous voulons partir à l’étranger. »<br />
S’ils veulent partir, ils partiront…<br />
En attendant, ils ont réussi à<br />
stimuler notre créativité pour<br />
proposer ici, en Algérie, une<br />
formation théologique !<br />
Ce projet a mûri pendant des<br />
mois, au travers de consultations<br />
diverses. Nous avons rêvé d’une<br />
année complète de formation,<br />
puis nous avons été tentés de<br />
douter qu’une simple session<br />
d’été soit possible. Nous en<br />
avons profité pour solliciter une<br />
nouvelle équipe interdiocésaine<br />
de <strong>la</strong> formation. Beaucoup nous<br />
encourageaient tout en s’excusant<br />
de n’être pas disponibles.<br />
Il fal<strong>la</strong>it jouer pleinement <strong>la</strong> carte de <strong>la</strong> catholicité de<br />
notre Église, profiter de sa diversité tout en veil<strong>la</strong>nt<br />
à équilibrer les groupes, afin de favoriser l’estime<br />
mutuelle. Ce<strong>la</strong> nous a conduits à procéder plutôt<br />
par invitations, via les responsables pastoraux<br />
dans les différents diocèses : ainsi les participants<br />
se sentaient envoyés par leur paroisse pour se<br />
former.<br />
Avec <strong>la</strong> grâce de l’Esprit Saint, une ambiance<br />
vraiment fraternelle s’est installée petit à petit dans<br />
ce groupe, tout en respectant les différences de<br />
cultures et de <strong>la</strong>ngues comme à <strong>la</strong> Pentecôte. Lors<br />
de <strong>la</strong> veillée festive finale, on a pu sans complexe<br />
caricaturer les attitudes des uns et des autres, ce<br />
Diocèse d’Alger<br />
qui en dit long sur <strong>la</strong> liberté confiante à <strong>la</strong>quelle<br />
nous étions parvenus.<br />
Il s’agissait d’apprendre à faire Église : nul besoin<br />
d’inventer les travaux pratiques, il suffisait de vivre,<br />
prier et se former ensemble pendant une semaine,<br />
et tous les instants comptaient, y compris les<br />
soirées plus ou moins improvisées ! L’enjeu était<br />
de faire comprendre et sentir<br />
que <strong>la</strong> mission de l'Église est<br />
de réconcilier, en elle-même<br />
et pour le monde.<br />
Côté théorique, nous avons<br />
commencé par le peuple de<br />
Dieu comme « petit reste »<br />
dans l’Ancien Testament, et<br />
nous avons été jusqu’à Tipaza<br />
et Notre-Dame d’Afrique,<br />
et même un topo sur<br />
l’engagement de l'Église pour<br />
<strong>la</strong> justice et <strong>la</strong> charité, précédé<br />
d’une visite de <strong>la</strong> Caritas riche<br />
en échanges.<br />
Nous avons aussi osé parler de<br />
nos talents, de ce qui entrave<br />
nos vies de communautés,<br />
des moyens à prendre pour<br />
<strong>la</strong> vie fraternelle, des figures<br />
de saints qui nous nourrissent<br />
(Charles de Foucauld, les martyrs de l’Ouganda<br />
avec saint Kisito…). Nous avons même pu vivre<br />
une célébration de <strong>la</strong> réconciliation.<br />
Les intervenants et les témoins Ceux qui ont<br />
accepté, et merci à eux ! Ils l’ont un peu vécu comme<br />
une part de leurs vacances, qu’ils soient venus de<br />
Blida, d’Alger, d’Alep, de Londres, de Versailles<br />
ou de Valencia en Espagne. Nous avons aussi été<br />
sensibles au témoignage du personnel musulman<br />
de <strong>la</strong> maison, travail<strong>la</strong>nt pour nous avec le sourire<br />
tout en vivant leur jeûne de Ramadan, comme s’ils<br />
communiaient à cette Église réconciliatrice !<br />
Nécropole de Tipaza<br />
Damien de Préville SJ
Conférences à Mascara<br />
Le Centre El Amel est ouvert depuis 15 ans, mais vu<br />
notre contexte de ville « rurale », c’est seulement cette<br />
année que nous avons osé organiser des conférences.<br />
Fatéma Bakhai a expliqué au travers de sa saga<br />
historique ‘’Izuran‘’ que les Algériens d’aujourd’hui ont<br />
hérité de toutes les strates de l’histoire depuis l’homme<br />
des cavernes jusqu’aux Français, en passant par les<br />
Romains, etc. Pas évident pour ceux dont les premiers<br />
manuels sco<strong>la</strong>ires faisaient commencer l’histoire de<br />
l’Algérie à La Mecque !<br />
Maissa Bey, autre femme écrivaine, a parlé de sa carrière<br />
littéraire, de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de l’écriture dans sa vie, du statut<br />
des femmes et de leur combat. Elle se définit comme<br />
femme, algérienne, écrivaine, arabe, musulmane,<br />
arabophone, francophone et grande lectrice !<br />
Puis Mgr Henri Teissier est venu parler de l’Émir<br />
Abdelkader sous son aspect de mystique. Entre<br />
autres, fut apprécié le fait qu’un chrétien parle en fin<br />
connaisseur (et en arabe) et avec beaucoup de respect<br />
d’un musulman, faisant ressortir ses éminentes qualités<br />
spirituelles.<br />
Nous souhaitions qu’un musulman parle d’un chrétien :<br />
M. Benchouk, ancien wali, est venu témoigner de son<br />
ami de lutte l’abbé Bérenguer, prêtre d’Oran qui s’est<br />
engagé aux côtés des Algériens et fut envoyé en<br />
Amérique <strong>la</strong>tine pour faire connaître le bien-fondé de<br />
<strong>la</strong> cause algérienne.<br />
En mai, nous recevions Amine Zaoui. Professeur<br />
de littérature à<br />
l’université d’Alger,<br />
ex-directeur de<br />
<strong>la</strong> Bibliothèque<br />
nationale : avant<br />
tout un conteur,<br />
qui exprime ce qu’il<br />
ressent, quitte à<br />
bousculer certains<br />
tabous.<br />
Avec Amine Zaoui<br />
Autour de cent personnes à chaque fois, un public varié :<br />
on nous demande de continuer car ces conférences<br />
sont une ouverture pour tous.<br />
Diocèse d’Oran<br />
Centre aéré 2012<br />
Du 8 au 19 juillet, environ 80 enfants se sont retrouvés<br />
à <strong>la</strong> paroisse Saint-Eugène d’Oran, pour le centre aéré.<br />
Ils ont partagé diverses activités autour du thème :<br />
« Vivons pour <strong>la</strong> nature ».<br />
Chaque atelier était organisé par deux ou trois animateurs<br />
de différents pays : Algérie, Burundi, Congo,<br />
Cap-Vert, Madagascar, Nigéria, Pologne, Suisse, Syrie.<br />
Les enfants ont été divisés en six groupes, selon leur<br />
âge. Lors de <strong>la</strong> fête finale, ils ont présenté les chansons,<br />
danses, pièces de théâtre et récitations qu’ils avaient<br />
apprises. Les animateurs pouvaient être satisfaits de<br />
l’énergie dépensée pour le bonheur des enfants.<br />
Centre aéré, Oran 2012<br />
Taizé à Tlemcen<br />
Au milieu de l’été se sont tenues au Foco<strong>la</strong>re de Tlemcen<br />
deux semaines à <strong>la</strong> manière des semaines de Taizé<br />
en France : 75 puis 110 participants ont fait cette expérience<br />
de partage spirituel, de service et de formation<br />
chrétienne dans une atmosphère de louange. Benedict,<br />
étudiant zimbabwéen, fait remarquer que « pour cette<br />
quatrième session à <strong>la</strong>quelle je participe, les anglophones<br />
ont été nombreux et se sont sentis tout de suite<br />
à l’aise ». Estelle, avec une autre jeune française, a été<br />
envoyée par <strong>la</strong> communauté de Taizé pour ces deux<br />
semaines. « Ce fut comme si j’étais sur <strong>la</strong> colline de Taizé,<br />
au milieu d’étudiants de toute l’Afrique. J’ai trouvé<br />
<strong>la</strong> même paix, <strong>la</strong> même force avec des liens d’amitié<br />
particulièrement solides. J’ai aimé le choix des chants,<br />
<strong>la</strong> douceur de Taizé et l’énergie africaine. J’ai découvert<br />
<strong>la</strong> vie des étudiants qu’on n’imagine pas ailleurs,<br />
leurs joies et leurs difficultés, leur respect des textes de<br />
l'Écriture, leur soif de partage et de lumière sur <strong>la</strong> vie<br />
affective. »<br />
pax concordia<br />
actualité des diocèses
ACTUALITÉ DES DIOCÈSES<br />
Diocèse de Constantine et Hippone<br />
Cana à Constantine<br />
Ce n’est pas souvent qu'est proposée une formation<br />
spécifique aux couples. C’est dire tout l’intérêt de <strong>la</strong><br />
session « Cana » qui s’est tenue au Bon Pasteur du 4 au 9<br />
juillet. La communauté du Chemin Neuf avait délégué<br />
trois de ses membres pour donner aux couples qui<br />
avaient pu se libérer l’occasion de faire le point sur leur<br />
vie conjugale dans ses différents aspects.<br />
Tous ont apprécié de pouvoir consacrer du temps à leur<br />
couple et prier ensemble. La moindre des découvertes<br />
ne fut pas celle que <strong>la</strong> dimension du couple dépassait de<br />
loin celle des deux époux pris séparément.<br />
Pendant ce temps, Michel et Jean proposaient aux<br />
adolescents réunis à Skikda des activités adaptées,<br />
tandis que Jim et Stéphane complétaient leur stage de<br />
pédiatrie en s’occupant, au moins de temps en temps,<br />
des plus petits.<br />
Merci à tous ceux qui ont permis ces riches rencontres !<br />
chrétienne.<br />
Les travaux sont allés bon train, et même si d’autres<br />
aménagement sont encore en cours, nous disposons<br />
maintenant d’une chapelle pouvant accueillir une<br />
centaine de personnes.<br />
Une première inauguration a eu lieu lors de <strong>la</strong> journée<br />
diocésaine de détente le vendredi 1 er juin. Ce fut<br />
l’occasion pour les travailleurs philippins, indonésiens<br />
et coréens de faire connaissance avec des représentants<br />
des autres régions du diocèse.<br />
Ces lieux sont disponibles pour d’autres activités.<br />
Contactez le curé de Skikda !<br />
Retour à Skikda<br />
En 2000, l’église Sainte-Thérèse avait été donnée à <strong>la</strong><br />
DAS pour en faire une pouponnière. C’était une période<br />
creuse où le nombre des chrétiens à Skikda se comptait<br />
sur les doigts d’une seule main ! Les activités paroissiales<br />
se limitaient au périmètre du presbytère.<br />
Les choses ont bien changé et, avec l’afflux sur les<br />
chantiers de <strong>la</strong> zone industrielle de travailleurs étrangers<br />
dont une proportion non négligeable sont des chrétiens,<br />
il fal<strong>la</strong>it se donner de nouveaux moyens pour accueillir, et<br />
organiser les sessions de formation pour <strong>la</strong> communauté<br />
Vingt séminaristes sur les pas de saint<br />
Augustin<br />
Mi-juillet, une vingtaine de séminaristes du diocèse de<br />
Lyon ont rendu visite à notre diocèse et effectué un<br />
pèlerinage sur les pas de saint Augustin à Souk Ahras<br />
(l'antique Thagaste où il est né) et Madaure (où Augustin<br />
fit ses humanités), pour finir à Hippone (où il fut évêque).<br />
Ils étaient accompagnés par le cardinal Philippe Barbarin,<br />
archevêque de Lyon, son auxiliaire Jean-Pierre Batut et le<br />
père Erwan Simon du séminaire Saint-Irénée de Lyon.<br />
Les exposés quotidiens préparés par chacun portaient<br />
sur Augustin, sa vie et sa pensée, sur l'Afrique du Nord<br />
des premiers siècles et d'aujourd'hui. Une heure de<br />
prière silencieuse et l'Eucharistie rythmaient également<br />
chaque journée. Ils ont passé de beaux moments avec les<br />
communautés d'Hippone ainsi qu'avec les chrétiens de<br />
Constantine. Reçus par les responsables de l'Université<br />
is<strong>la</strong>mique Émir Abdelkader qu'ils ont visitée après<br />
avoir déambulé dans <strong>la</strong> vieille ville et le pa<strong>la</strong>is du Bey<br />
splendidement restauré, ils ont partout reçu un accueil<br />
chaleureux. Séjour court et dense, qui a tout de même<br />
permis quelques bains de mer !
Diocèse de Laghouat-Ghardaïa<br />
La situation à Tamanrasset <br />
Jean-Marie continue son travail de jardinier au centre<br />
ville, ce qui le met en re<strong>la</strong>tion avec <strong>la</strong> famille é<strong>la</strong>rgie des<br />
propriétaires du jardin. Les familles qu’Antoine connait<br />
depuis quelques cinquante ans à Tamanrasset, des<br />
voisins ainsi que les amis de Taher à Tazrouk , tous nous<br />
disent qu’ils ne se sentent pas directement concernés<br />
par ce qui se passe au Mali. Les touaregs de <strong>la</strong> région<br />
sont de plus en plus engagés dans <strong>la</strong> vie du pays, et<br />
essayent de rattraper le retard en poussant les jeunes à<br />
faire des études. Un signe Le maire touareg de Tazrouk<br />
vient d’être élu député.<br />
Échos de Tamanrasset<br />
Des Petits Frères de Jésus et des Petites Sœurs du Sacré-Cœur, membres de <strong>la</strong><br />
communauté chrétienne de Tamanrasset, nous parlent de leur quotidien, dans<br />
le contexte de <strong>la</strong> tourmente que traverse le Nord-Mali, leur si proche voisin...<br />
tous, nous représentions plus de 20 <strong>la</strong>ngues ! Nos amis<br />
africains se sont exprimés par des gestes, des chants qui<br />
avaient des accents de negro-spirituals. Maintenant, ils<br />
trouvent vraiment leur p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> liturgie. À nous,<br />
ce<strong>la</strong> demande un véritable dép<strong>la</strong>cement intérieur. C’est<br />
une invitation à faire jour après jour de petits pas pour<br />
arriver à <strong>la</strong> fraternité désirée avec tous.<br />
Quelques-uns d’entre eux faisaient partie de chorales,<br />
alors l’idée est <strong>la</strong>ncée, <strong>la</strong> chorale de Tam va répéter trois<br />
fois par semaine ! Initiative des femmes qui le disent à<br />
d’autres, qui s’appellent entre elles. Ouverture qui leur<br />
actualité des diocèses<br />
Et <strong>la</strong> communauté chrétienne <br />
La fraternité des Petites Sœurs du Sacré-Cœur, qui fait<br />
office de lieu paroissial, n’accueille plus d’Européens (les<br />
pèlerinages sur les pas de Charles de Foucauld ont été<br />
quasi-inexistants cette année). Depuis quelques mois,<br />
ce sont les migrants africains qui remplissent nos lieux<br />
de célébration. Plusieurs raisons à ce<strong>la</strong> : les Camerounais<br />
(majoritaires) ne cessent d’arriver ; il n’existe plus de<br />
refoulement aux frontières maliennes ; <strong>la</strong> migration vers<br />
l’Europe est toujours plus difficile.<br />
Certains « stationnent » longtemps à Tamanrasset. Assez<br />
souvent, c’est plusieurs mois après leur arrivée qu’ils<br />
découvrent <strong>la</strong> présence de l'Église à Tam. Il leur arrive<br />
de nous confier les dures conditions de leur aventure<br />
migratoire : dans le désert, parfois, ils ont vu mourir leurs<br />
compatriotes ; aux frontières ils se sont fait « racketter » ;<br />
difficile pour les femmes d'échapper à <strong>la</strong> prostitution et<br />
aux réseaux mafieux pour « s'en sortir ».<br />
À <strong>la</strong> célébration de Pentecôte, notre petit troupeau<br />
a fait Église avec toutes les nations de <strong>la</strong> terre. À nous<br />
Après <strong>la</strong> messe dominicale à Tamanrasset<br />
Jean-Marie au travail<br />
permet de sortir de leurs ghettos, où elles n’ont rien à<br />
faire, dans un pays où tout leur semble si étrange. Un<br />
bon groupe participe presque quotidiennement à nos<br />
eucharisties du soir, chemin pour une remise en route<br />
humaine et spirituelle.<br />
Et du côté de l’Assekrem <br />
Depuis deux ans, en raison des consignes de sécurité,<br />
le Sud algérien est déserté par les Européens. Tout le<br />
monde a peur d’un pays qui, pourtant, vit concrètement<br />
dans <strong>la</strong> paix. Les Algériens eux-mêmes sont moins<br />
nombreux, peut-être à cause des événements du Mali.<br />
Nous avons continué à restaurer les ermitages et, cet<br />
été, ils ont été bien occupés par des retraitants et des<br />
Petits Frères en temps sabbatique venant du Japon, de<br />
l’Inde, du Vietnam, du Nigéria et du Cameroun.<br />
pax concordia
des livres à lire<br />
Salvatore est commandant d'une frégate de garde-côtes. Son<br />
métier est d'intercepter les embarcations qui transportent<br />
harragas et autres candidats à l'émigration irrégulière, au <strong>la</strong>rge<br />
de <strong>la</strong> Sicile et de l'île de Lampedusa, afin de les rassembler<br />
pour les renvoyer dans leur pays. Il accomplit avec humanité,<br />
dévouement et fermeté sa mission de défense de <strong>la</strong> forteresse-Europe<br />
contre l'immigration c<strong>la</strong>ndestine. Jusqu'au jour où une passagère accroche<br />
son regard et le conduit au doute. Elle fait se gripper l'idée qu'il a de son<br />
travail et de son existence.<br />
C'est là l'une des trajectoires que Laurent Gaudé esquisse dans ce roman,<br />
aux côtés de celles de Jamal, Soleimane ou Boubacar. D'une écriture sobre et<br />
limpide, il peint les hommes avec leurs questions et complexités, ramenant<br />
au centre ce que les logiques politiques masquent et font oublier. Migrants<br />
et forces de l'ordre contreviennent à l'ordre public ou le défendent, mais <strong>la</strong><br />
logique de l'ordre n'est pas toujours celle de l'homme et celle de <strong>la</strong> survie<br />
n'est pas toujours celle de l'honnêteté. Dans <strong>la</strong> situation complexe où se<br />
trouve chacun, sa liberté est à construire, et sa conscience n'est jamais en<br />
repos. En outre, le libre arbitre de chacun joue et joute avec des intérêts qui<br />
ne sont pas toujours les siens.<br />
Ce roman n'est pas militant, même s'il rend sensible à ce que vivent les<br />
migrants plus qu'aux logiques géopolitiques. Mais il parle des hommes,<br />
de ce qui se passe en eux et de ce qu'ils deviennent dans <strong>la</strong> migration<br />
comme dans <strong>la</strong> lutte contre l'immigration. Chacun est invité à sortir de luimême.<br />
Or Aucune frontière ne vous <strong>la</strong>isse passer sereinement. Elles blessent<br />
toutes (p. 91).<br />
Michel Guil<strong>la</strong>ud<br />
eldorado<br />
Laurent gaudÉ<br />
J'ai Lu n°8864, 2009<br />
1 ère édition : Actes Sud, 2006<br />
219 pages<br />
Comme dans L’attentat, le livre s’ouvre sur une femme infidèle<br />
à son mari, non pas physiquement mais par <strong>la</strong> pensée. Elle<br />
s’éloigne tant de lui qu’elle en meurt sans avoir pu lui partager<br />
cette divergence. Kurt, devenu veuf, s’embarque avec un ami<br />
pour les Comores où ils vont ouvrir un hôpital. Mais, au <strong>la</strong>rge<br />
des côtes somaliennes, ils se font enlever par des pirates. On suit durant<br />
de longues pages leurs péripéties à <strong>la</strong> merci de chefs de guerre sans<br />
illusions dont le point commun est de mettre au même niveau <strong>la</strong> vie et<br />
<strong>la</strong> mort. Le lecteur suit ce<strong>la</strong> froidement sans pouvoir entrer en empathie<br />
ni avec les uns ni avec les autres. C’est seulement avec l’entrée en scène<br />
d’une femme (un médecin de <strong>la</strong> Croix-Rouge travail<strong>la</strong>nt dans un camp de<br />
réfugiés soudanais) que l’émotion se fait sentir. La chaleur de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion<br />
réapparait. Kurt changera progressivement et passera d’une vision<br />
de l’Afrique morbide -avec ses pirates sans foi ni loi, ses popu<strong>la</strong>tions<br />
passives qui se <strong>la</strong>issent balloter d’une guerre à l’autre, d’une famine à<br />
l’autre, d’un dictateur à un autre- à une Afrique de <strong>la</strong> vie, non pas à une<br />
Afrique de <strong>la</strong> survie due aux conditions difficiles mais réellement au<br />
triomphe de l’espoir en <strong>la</strong> vie. La solution de cette équation est évidente<br />
quoique simpliste : l’Occident s’enferme dans les futilités et ne sait plus<br />
voir l’essentiel alors que l’Afrique conserve intact l’instinct de <strong>la</strong> Vie.<br />
Une nouvelle aurait suffi pour cette démonstration.<br />
Marie-Laure Watier<br />
l'équation africaine<br />
yasmina khadra<br />
Media-plus, 2011<br />
327 pages
Voici le texte d’une retraite prêchée en 1983 à des religieuses<br />
dominicaines, plusieurs fois reprise et actualisée. Pour Mgr C<strong>la</strong>verie,<br />
<strong>la</strong> vie religieuse, et plus <strong>la</strong>rgement <strong>la</strong> vie chrétienne, est questionnée<br />
dans sa radicalité par le miroir de l’is<strong>la</strong>m : d'une part, <strong>la</strong> rencontre de<br />
l'autre m'a fait découvrir ses richesses et, d'autre part, elle m'a éveillé<br />
à mes propres richesses. C'est ce que <strong>la</strong> rencontre peut produire de meilleur :<br />
que chacun puisse retrouver ce qu'il porte de meilleur, lui dans sa foi, moi dans <strong>la</strong><br />
mienne. Personne n'a annexé l'autre, personne n'a cherché à mettre <strong>la</strong> main sur<br />
l'autre. J'ai découvert, dans mon propre héritage, des trésors enfouis, mis à jour,<br />
révélés par <strong>la</strong> contestation ou <strong>la</strong> simple existence des valeurs des autres (pp. 82-<br />
83).<br />
La retraite utilise abondamment comme point de départ le cadre de vie spirituelle<br />
du musulman (ch. 4 à 7) mais il l’encadre dans une réflexion chrétienne sur <strong>la</strong><br />
vie apostolique, le sens de l’Alliance et de l’altérité (ch. 1-3). Les chapitres 8 (Le<br />
pèlerinage à <strong>la</strong> maison de Dieu) et 9 (La vie religieuse, prophétisme pour notre<br />
temps) sont à mon avis les plus percutants : interpel<strong>la</strong>tion toujours actuelle pour<br />
ceux qui veulent prendre au sérieux leur vocation religieuse.<br />
L'ouvrage permet de découvrir l'Église d’Oranie dans les années 1980-90 :<br />
l’existence d’une école pour les enfants des coopérants brésiliens, <strong>la</strong> cession de<br />
<strong>la</strong> cathédrale d’Oran, les contrats signés entre l'État et des religieuses, <strong>la</strong> diversité<br />
dans les paroisses, <strong>la</strong> présence des sœurs travail<strong>la</strong>nt en usine, <strong>la</strong> montée sournoise<br />
de l’is<strong>la</strong>misme.<br />
Cette retraite garde son style oral, avec de nombreuses confidences sur <strong>la</strong> vie du<br />
prédicateur. Nous ne trouverons pas ici de nombreuses citations bibliques ni des<br />
références spirituelles à méditer. Le cadre de <strong>la</strong> retraite et <strong>la</strong> familiarité avec le<br />
charisme dominicain du prêcheur et des auditrices les <strong>la</strong>isse sous-entendre.<br />
José Maria Cantal pb<br />
Quel bonheur d’être<br />
croyant<br />
Vie religieuse en terre<br />
algérienne<br />
Pierre C<strong>la</strong>verie<br />
Présentation par sœur Anne-Catherine Meyer op<br />
Cerf (Épiphanie), 2012<br />
293 pages<br />
des livres à lire<br />
Ce livre est <strong>la</strong> profession de foi de quelqu’un qui a traversé<br />
les bouleversements intervenus dans l'Église et <strong>la</strong> société<br />
françaises depuis les années cinquante. De santé fragile, le jeune<br />
homme originaire du pays nantais s’est très vite découvert une<br />
vocation de prêtre. Ses aptitudes intellectuelles, son insatiable<br />
curiosité spirituelle et son compagnonnage avec le Christ l’ont conduit sur<br />
des chemins imprévus : « Théologien, prêtre, finalement évêque, je m’efforce<br />
de l’être dans l’imitation même de ce que Dieu fait en Jésus [...] le vrai, le seul<br />
centre de notre foi », écrit-il.<br />
À partir de son expérience, il entreprend une analyse sans concession des<br />
conditions de <strong>la</strong> foi aujourd’hui. Il identifie quatre attitudes auxquelles<br />
l'Église a plus ou moins succombé au fil des années. À <strong>la</strong> tentation du<br />
pouvoir, il répond par <strong>la</strong> nécessité d’offrir un service humain et spirituel ;<br />
face à <strong>la</strong> tentation de <strong>la</strong> conquête, il rappelle que <strong>la</strong> foi ne s’impose pas<br />
mais se propose ; face à <strong>la</strong> tentation de <strong>la</strong> répression, il prône <strong>la</strong> culture<br />
du dialogue et le respect de <strong>la</strong> différence ; à <strong>la</strong> tentation de l’absolutisme<br />
intégriste qui lui paraît mortifère, il oppose le mouvement qui appartient<br />
à <strong>la</strong> vie.<br />
Il aborde aussi « les questions qui fâchent » : contraception, regard sur <strong>la</strong><br />
sexualité, divorce, avortement, euthanasie sans omettre les préoccupations<br />
plus contemporaines telles que l’ordination des hommes mariés, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />
des femmes ou le bi<strong>la</strong>n de Vatican II.<br />
Hubert et Anne Ploquin<br />
À cause de Jésus<br />
Pourquoi je suis demeuré chrétien<br />
et reste catholique<br />
Mgr joseph doré<br />
Plon, 2011<br />
367 pages<br />
pax concordia
méditation<br />
Algérie, <strong>la</strong> mal-aimée <br />
Depuis de trop nombreuses années revient cette<br />
question : mais pourquoi donc l’Algérie est-elle si<br />
mal aimée <br />
C’est vrai, un lourd passé de défiance pèse sur les<br />
épaules de ce peuple, de <strong>la</strong> guerre de libération à <strong>la</strong><br />
trop fameuse « décennie noire » des années 1990.<br />
Tandis qu’en France, <strong>la</strong> campagne des présidentielles<br />
a parfois pris comme<br />
otages électoraux les<br />
émigrés dont bon nombre<br />
sont algériens, ici le pays<br />
se ressent des soubresauts<br />
du « printemps arabe »,<br />
et est inquiété à ses<br />
frontières par <strong>la</strong> crise que<br />
connaît le Mali. La vie<br />
continue, chère, incertaine<br />
et sans trop d’illusions sur<br />
l’avenir. Et on peut alors se<br />
demander : l’Algérie estelle<br />
aimée d’elle-même <br />
Vue de l’extérieur, l’Église d’Algérie porte elle aussi<br />
les stigmates de cette question : on <strong>la</strong> croit souvent<br />
insécurisée, voire persécutée, comme ce<strong>la</strong> a pu être le<br />
cas pendant <strong>la</strong> décennie noire. Il est vrai qu’elle n’est<br />
pas <strong>la</strong> bienvenue dans certains milieux, mais ce<strong>la</strong> ne<br />
lui est pas spécifique.<br />
Il y a deux ans, j’étais au Congo RDC, dans <strong>la</strong> région des<br />
Grands Lacs. Un jeune confrère m’a demandé avec<br />
inquiétude si je me sentais « en sécurité » en Algérie.<br />
J’étais stupéfait : nous étions dans une des régions<br />
de l’Afrique où <strong>la</strong> violence est endémique, quasi<br />
quotidienne ; on venait d’y assassiner un prêtre.<br />
Nos familles ou nos amis qui envisagent de nous<br />
rendre visite se voient parfois affublés de <strong>la</strong> même<br />
méfiance par leur entourage, comme s’il fal<strong>la</strong>it avoir<br />
perdu <strong>la</strong> tête pour oser s’aventurer dans ce pays !<br />
J’ai remarqué qu’au cours d’entretiens, de conférences<br />
ou de conversations, revenait presque toujours <strong>la</strong><br />
référence au drame de Tibhirine : le spectre de cet<br />
événement tragique continue de p<strong>la</strong>ner sur nos<br />
têtes. Le film Des hommes et des dieux a été projeté<br />
un peu partout à travers le monde. J’ai été trop lié au<br />
monastère et aux frères moines pour en nier <strong>la</strong> beauté<br />
et <strong>la</strong> profondeur. Mais, souvent, cette œuvre est<br />
l’unique référence médiatique sur l'Église dans ce<br />
pays. Or, le message de nos frères moines transparaît<br />
plus à travers ce qu’ils ont vécu dans le silence de<br />
leur monastère et dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion à leurs voisins<br />
qu’à travers <strong>la</strong> façon dont ils sont morts. C’est bien sur<br />
ce terrain que nous les rejoignons.<br />
Nous n’avons, ici en Algérie, ni une âme ni une<br />
vocation de martyrs ! Tant de signes nous renvoient<br />
au bonheur de vivre au sein de ce peuple. Ce<strong>la</strong> ne<br />
veut pas dire que tout se passe sans histoire : vivre le<br />
message de Jésus, ce n’est jamais choisir <strong>la</strong> facilité.<br />
Mais faire reposer tant de suspicion sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />
qui nous accueille est une profonde injustice. Nous<br />
sommes touchés, par exemple, de voir combien<br />
nos amis algériens partagent notre tristesse quand<br />
l’un ou l’autre d’entre nous est amené à quitter<br />
l’Algérie. Et ceux et celles qui bravent les doutes et<br />
viennent nous voir deviennent ensuite nos meilleurs<br />
ambassadeurs.<br />
Alors même si l’Algérie était si mal aimée, et des<br />
autres et d’elle-même, ne serait-ce pas l’ultime<br />
raison de l’aimer et de <strong>la</strong> faire aimer <br />
C<strong>la</strong>ude Rault, évêque de Laghouat-Ghardaïa<br />
Parue en mai 2012 dans le bulletin du diocèse de<br />
Ghardaïa, <strong>la</strong> version complète de ce texte est disponible<br />
sur le site de l'Église d'Algérie. Nous remercions<br />
Mgr Rault de nous permettre de le reproduire ici, dans<br />
une version plus brève.
Session d’is<strong>la</strong>mologie<br />
Du 16 au 19 octobre au Centre d’Études Diocésain des<br />
Glycines à Alger. Renseignements et inscription :<br />
session.is<strong>la</strong>mologie@gmail.com<br />
Synode des Évêques<br />
Mgr Paul Desfarges représentera <strong>la</strong> CERNA du 7 au<br />
28 octobre au Synode des évêques sur <strong>la</strong> nouvelle<br />
évangélisation, événement marquant le début de<br />
l’Année de <strong>la</strong> foi.<br />
CERNA<br />
Les membres de <strong>la</strong> Conférence épiscopale de <strong>la</strong> Région<br />
Nord de l’Afrique se réuniront du 18 au 22 novembre à<br />
Mazara del Valle en Sicile.<br />
Journée nationale Caritas<br />
La fête du Christ-Roi a été choisie par les évêques comme<br />
« Journée nationale Caritas ». Cette année, pour le 50 e<br />
anniversaire de <strong>la</strong> fondation de <strong>la</strong> Caritas en Algérie, le<br />
Comité national a décidé de donner à cet événement<br />
une ampleur particulière en organisant à Alger, du 23 au<br />
25 novembre, trois jours de rencontres, assemblées et<br />
expositions en présence de partenaires, col<strong>la</strong>borateurs<br />
et amis, et de tous ceux qui veulent connaître mieux ses<br />
activités. Renseignements : caritas@caritas.dz<br />
14-16 décembre - Journées d’étude Charles-<br />
Robert Ageron<br />
En 2011, le Centre des Glycines s’est enrichi du legs de<br />
<strong>la</strong> bibliothèque du professeur Charles-Robert Ageron,<br />
historien de l’Algérie coloniale et chrétien engagé,<br />
auteur d’une œuvre monumentale et figure respectée<br />
en Algérie et au delà, décédé en septembre 2008.<br />
Dans le contexte du cinquantenaire de l’indépendance<br />
de l’Algérie et pour marquer l’arrivée du « Fonds Ageron<br />
» aux Glycines, le Centre d’Études Diocésain organise<br />
les Journées d’étude Charles-Robert Ageron dans le<br />
but d’offrir spécifiquement aux jeunes historiens-chercheurs,<br />
algériens et étrangers, l’opportunité d’un retour<br />
critique sur l’héritage de l’historien.<br />
http://www.journees-ageron.org<br />
Trimestriel<br />
éditeur : Association diocésaine d’Algérie (ADA),<br />
n° d’agrément 18, en date du 16 novembre 1974,<br />
délivré par le Ministère de l’Intérieur.<br />
Adresse : Pax et Concordia, Archevêché d’Alger<br />
13 rue Khelifa Boukhalfa, 16000 Alger-Gare<br />
Dépôt légal : n° 2201-2010<br />
Directeur de publication : Mgr Ghaleb Bader<br />
équipe de rédaction : Dominique Lebon, Marie-Christine<br />
Rousseau, Marie-Danièle Ligouzat, Michel Guil<strong>la</strong>ud<br />
Coordinateur de <strong>la</strong> rédaction : Michel Guil<strong>la</strong>ud<br />
Gérante : Marie-Danièle Ligouzat<br />
Mise en page : Raphaël Watier<br />
Courriel rédaction : paxetconcordia@gmail.com<br />
Courriel abonnements :<br />
paxetconcordia.abonnements@gmail.com<br />
Site internet de l’église d’Algérie :<br />
http://www.eglise-catholique-algerie.org<br />
Dessins de couverture : P<strong>la</strong>ce Ben Badis et mosquée<br />
Ketchaoua (p. 1) et vil<strong>la</strong>ge en Kabylie - Ouharzen<br />
(p. 32), dessins de Reno Marca extraits, avec l’aimable<br />
autorisation des auteurs, de Algérie - Soyez les bienvenus,<br />
Voyages de <strong>la</strong> Méditerranée au Sahara, de C<strong>la</strong>ire et Reno<br />
Marca, Éditions Aubanel, 2008, p. 66 et p. 193.<br />
Photo de <strong>la</strong> page 13 : Nouvelle exploitation céréalière à<br />
El-Menea. Auteur : Patrick de Boissieu.<br />
bloc-notes<br />
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