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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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l’opulence de Rouen et de la Normandie a reçu un grand accroissement des manufactures de<br />

coton.<br />

Ce fut bien pis quand la mode des toiles peintes vint à s’introduire : toutes les chambres<br />

de commerce se mirent en mouvement ; de toutes parts il y eut des convocations, des<br />

délibérations, des mémoires, des députations, et beaucoup d’argent répandu. Rouen peignit<br />

à son tour la misère qui allait assiéger ses portes, les enfants, les femmes, les vieillards dans<br />

la désolation, les terres les mieux cultivées du royaume restant en friche, et cette belle et<br />

riche province devenant un désert.<br />

La ville de Tours fit voir les députés de tout le royaume dans les gémissements, et prédit<br />

une commotion qui occasionnera une convulsion dans le gouvernement <strong>politique</strong>… Lyon<br />

ne voulut point se taire sur un projet qui répandait la terreur dans toutes les fabriques 143 .<br />

Paris ne s’était jamais présenté au pied du trône, que le commerce arrosait de ses larmes,<br />

pour une affaire aussi importante. Amiens regarda la permission des toiles comme le<br />

tombeau dans lequel toutes les manufactures du royaume devaient être anéanties. Son<br />

mémoire, délibéré au bureau des marchands des trois corps réunis, et signé de tous les<br />

membres, était ainsi terminé : au reste, il suffit, pour proscrire à jamais l’usage des toiles<br />

peintes, que tout le royaume frémit d’horreur quand il entend annoncer qu’elles vont être<br />

permises. VOX POPULI, VOX DEI.<br />

« Or, existe-t-il maintenant, dit à ce sujet Roland De La Platière, qui avait recueilli ces<br />

plaintes comme inspecteur-général des manufactures, existe-t-il un seul homme assez<br />

insensé pour dire que les manufactures de toiles peintes n’ont pas répandu en France une<br />

main-d’œuvre prodigieuse, par la préparation et la filature des matières premières, le<br />

tissage, le blanchiment, l’impression des toiles Ces établissements ont plus hâté le progrès<br />

des teintures en peu d’années, que toutes les autres manufactures en un siècle. »<br />

Je prie qu’on s’arrête un moment à considérer ce qu’il faut de fermeté dans une<br />

administration, et de vraies lumières sur ce qui fait la prospérité de l’état, pour résister à une<br />

clameur qui paraît si générale, et qui est appuyée auprès des agents principaux de l’autorité<br />

par d’autres moyens encore que par des motifs d’utilité publique…<br />

Quoique les gouvernements aient trop souvent présumé qu’ils pouvaient, utilement pour<br />

la richesse générale, déterminer les produits de l’agriculture et des manufactures, ils s’en<br />

sont cependant beaucoup moins mêlés que des produits commerciaux, surtout des produits<br />

commerciaux étrangers. C’est la suite d’un système général, qu’on désigne par le nom de<br />

système exclusif ou mercantile, et qui fonde les gains d’une nation sur ce qu’on appelle dans<br />

ce système une balance favorable du commerce.<br />

Avant d’observer le véritable effet des règlements qui ont pour objet d’assurer à une<br />

nation cette balance favorable, il convient de nous former une idée de ce qu’elle est en<br />

réalité, et du but qu’elle se propose. Ce sera l’objet de la digression suivante.<br />

Digression sur ce qu’on nomme la balance du commerce.<br />

La comparaison que fait une nation de la valeur des marchandises qu’elle vend à<br />

l’étranger, avec la valeur des marchandises qu’elle achète de l’étranger, forme ce qu’on<br />

appelle la balance de son commerce. Si elle a envoyé au dehors plus de marchandises<br />

qu’elle n’en a reçu, on s’imagine qu’elle a un excédant à recevoir en or ou en argent ; on dit<br />

143 Lorsque Henri IV favorisa l’établissement des manufactures de Lyon et de Tours, d’autres professions<br />

adressaient à ce prince, contre les étoffes de soie, les mêmes réclamations que Tours et Lyon ont faites depuis<br />

contre les toiles peintes. (Voyez les Mémoires de Sully.)

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