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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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satisfaire à des besoins. Lorsque Napoléon exigeait qu’on parût à sa cour avec des habits<br />

brodés, il causait à ses courtisans une perte égale, tout au moins, aux gains qu’il procurait à<br />

ses brodeurs. C’était pis encore lorsqu’il autorisait par des licences un commerce clandestin<br />

avec l’Angleterre, à la charge d’exporter en marchandises françaises une valeur égale à<br />

celle qu’on voulait importer. Les négociants qui faisaient usage de ces licences, chargeaient<br />

sur leurs navires des marchandises qui, ne pouvant être admises de l’autre côté du détroit,<br />

étaient jetées à la mer en sortant du port. Le gouvernement, tout-à-fait ignorant en économie<br />

<strong>politique</strong>, s’applaudissait de cette manœuvre comme étant favorable à nos manufactures.<br />

Mais quel en était l’effet réel Le négociant, obligé de perdre la valeur entière des<br />

marchandises françaises qu’il exportait, vendait en conséquence le sucre et le café qu’il<br />

rapportait d’Angleterre, le consommateur français payait le montant des produits dont il<br />

n’avait pas joui. C’était comme si, pour encourager les fabriques, on avait acheté, aux<br />

dépens des contribuables, les produits manufacturés pour les jeter à la mer 131 .<br />

Pour encourager l’industrie, il ne suffit pas de la consommation pure et simple ; il faut<br />

favoriser le développement des goûts et des besoins qui font naître parmi les populations<br />

l’envie de consommer ; de même que, pour favoriser la vente, il faut aider les<br />

consommateurs à faire des gains qui les mettent en état d’acheter. Ce sont les besoins<br />

généraux et constants d’une nation qui l’excitent à produire, afin de se mettre en pouvoir<br />

d’acheter, et qui par là donnent lieu à des consommations constamment renouvelées et<br />

132<br />

favorables au bien-être des familles .<br />

Après avoir compris que la demande des produits en général est d’autant plus vive que la<br />

production est plus active, vérité constante malgré sa tournure paradoxale, on doit peu se<br />

mettre en peine de savoir vers quelle branche d’industrie il est à désirer que la production se<br />

dirige. Les produits créés font naître des demandes diverses, déterminées par les mœurs, les<br />

besoins, l’état des capitaux, de l’industrie, des agents naturels du pays ; les marchandises les<br />

plus demandées sont celles qui présentent, par la concurrence des demandeurs, de plus forts<br />

intérêts pour les capitaux qui y sont consacrés, de plus gros profits pour les entrepreneurs,<br />

de meilleurs salaires pour les ouvriers ; et ce sont celles-là qui sont produites de préférence.<br />

On voudra savoir peut-être quel serait le terme d’une production croissante et où des<br />

produits, chaque jour plus considérables, s’échangeraient constamment les uns contre les<br />

autres ; car enfin ce n’est que dans les quantités abstraites qu’il y a des progressions<br />

infinies, et dans la pratique la nature des choses met des bornes à tous les excès. Or, c’est<br />

l’économie <strong>politique</strong> pratique que nous étudions ici.<br />

L’expérience ne nous a jamais offert encore l’exemple d’une nation complètement<br />

pourvue de tous les produits qu’elle est en état de créer et de consommer ; mais nous<br />

pouvons étendre par la pensée à tous les produits successivement, ce que nous avons<br />

observé sur quelques-uns. Au-delà d’un certain point, les difficultés qui accompagnent la<br />

131 L’Anglais ne demandait pas mieux que de vendre à bon compte ses denrées coloniales à la France. Il<br />

convenait de laisser faire, quoique en guerre. Alors les Français, au lieu de dépenser 50 millions en sucre, n’en<br />

auraient dépensé que 25, et il leur serait resté 25 millions annuellement pour acheter les marchandises françaises<br />

qu’on jetait à la mer ; la même production aurait eu lieu, et il n’y aurait eu de perte pour personne.<br />

132 Une note jointe en cet endroit à la traduction anglaise de ce livre, m’a obligé de développer un peu plus mon<br />

idée. Le traducteur me reprochait de jeter de la défaveur sur toute consommation qui n’est pas reproductive ; si je<br />

pouvais être entendu ainsi, j’avais mal exprimé ma pensée. je sais fort bien que l’objet essentiel de la production<br />

est de satisfaire les besoins de l’homme ; je voulais seulement ajouter que lorsqu’elle est improductive, elle n’est<br />

accompagnée d’aucun autre avantage ; et que par conséquent, si l’on veut lui trouver des avantages, il faut<br />

probablement faire naître les besoins. Alors il y a un développement plus grand des facultés de l’homme, plus de<br />

capacité pour produire et pour jouir, plus de civilisation, et, comme il serait facile de le prouver, plus de facultés<br />

morales et intellectuelles.

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