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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Discours préliminaire<br />

Une science ne fait de véritables progrès que lorsqu’on est parvenu à bien déterminer le<br />

champ où peuvent s’étendre ses recherches et l’objet qu’elles doivent se proposer ;<br />

autrement on saisit çà et là un petit nombre de vérités sans en connaître la liaison, et<br />

beaucoup d’erreurs sans en pouvoir découvrir la fausseté.<br />

On a longtemps confondu la <strong>politique</strong> proprement dite, la science de l’organisation des<br />

sociétés, avec l’économie <strong>politique</strong>, qui enseigne comment se forment, se distribuent et se<br />

consomment les richesses qui satisfont aux besoins des sociétés. Cependant les richesses<br />

sont essentiellement indépendantes de l’organisation <strong>politique</strong>. Sous toutes les formes de<br />

gouvernement, un état peut prospérer, s’il est bien administré. On a vu des nations s’enrichir<br />

sous des monarques absolus : on en a vu se ruiner sous des conseils populaires. Si la liberté<br />

<strong>politique</strong> est plus favorable au développement des richesses, c’est indirectement, de même<br />

qu’elle est plus favorable à l’instruction.<br />

En confondant dans les mêmes recherches les principes qui constituent un bon<br />

gouvernement, et ceux sur lesquels se fonde l’accroissement des richesses, soit publiques,<br />

soit privées, il n’est pas étonnant qu’on ait embrouillé bien des idées au lieu de les éclaircir.<br />

C’est le reproche qu’on peut faire à Steuart, qui a intitulé son premier chapitre : du<br />

gouvernement du genre humain ; c’est le reproche qu’on peut faire aux économistes du dixhuitième<br />

siècle, dans presque tous leurs écrits, et à J.-J. Rousseau dans l’encyclopédie (art<br />

économie <strong>politique</strong>).<br />

Il me semble que depuis Adam Smith on a constamment distingué ces deux corps de<br />

doctrine, réservant le nom d’ économie <strong>politique</strong> 2 à la science qui traite des richesses, et<br />

celui de <strong>politique</strong> seul, pour désigner les rapports qui existent entre le gouvernement et le<br />

peuple, et ceux des gouvernements entre eux.<br />

Après avoir, au sujet de l’économie <strong>politique</strong>, fait des incursions dans la <strong>politique</strong> pure,<br />

on a cru devoir à plus forte raison en faire dans l’agriculture, le commerce et les arts, qui<br />

sont les véritables fondements des richesses, sur lesquelles les lois n’ont qu’une influence<br />

accidentelle et indirecte. Dès lors que de divagations ! Car si le commerce, par exemple, fait<br />

partie de l’économie <strong>politique</strong>, tous les genres de commerce en font partie, par conséquent<br />

le commerce maritime, par conséquent la navigation, la géographie… où s’arrêter ! Toutes<br />

les connaissances humaines se tiennent. Il faut donc s’attacher à trouver, à bien déterminer<br />

le point de contact, l’articulation qui les lie. On a ainsi une connaissance plus précise de<br />

chacune de leurs branches ; on sait où elle se rattache ; ce qui est toujours une partie de ses<br />

propriétés.<br />

2 D’οἶκος, maison, et de νόμος, loi. Économie, loi qui régit la maison. Par maison, les Grecs entendaient tous<br />

les biens que possède la famille. Le mot <strong>politique</strong>, de πόλις, civitas, étend cela à la famille <strong>politique</strong>, à la nation.<br />

L’économie <strong>politique</strong> est l’économie de la société.<br />

Le terme d’Économie <strong>politique</strong> convient d’autant mieux pour désigner la science qui fait le sujet de cet<br />

ouvrage, qu’il ne peut y être question des richesses naturelles, des biens que la nature nous accorde gratuitement<br />

et sans mesure ; mais seulement des richesses sociales, fondées sur l’échange et la propriété qui sont des<br />

institutions sociales.

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