15.01.2015 Views

Traité d'économie politique - Institut Coppet

Traité d'économie politique - Institut Coppet

Traité d'économie politique - Institut Coppet

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Celle-ci a bien son prix ; mais elle ne subsiste plus, si ce n’est dans le souvenir, et n’a plus<br />

aucune valeur échangeable, passé le moment de sa production.<br />

Smith refuse aux résultats de ces industries le nom de produits. Il donne au travail auquel<br />

elles se livrent le nom d’improductif, et c’est une conséquence du sens qu’il attache au mot<br />

richesse ; au lieu de donner ce nom à toutes les choses qui ont une valeur échangeable, il ne<br />

le donne qu’aux choses qui ont une valeur échangeable susceptible de se conserver, et par<br />

conséquent il le refuse aux produits dont la consommation a lieu à l’instant même de leur<br />

création. Cependant l’industrie d’un médecin, et, si l’on veut multiplier les exemples,<br />

l’industrie d’un administrateur de la chose publique, d’un avocat, d’un juge, qui sont du<br />

même genre, satisfont à des besoins tellement nécessaires, que, sans leurs travaux, nulle<br />

société ne pourrait subsister. Les fruits de ces travaux ne sont-ils pas réels Ils sont<br />

tellement réels, qu’on se les procure au prix d’un autre produit qui est matériel, auquel<br />

Smith accorde le nom de richesse, et que, par ces échanges répétés, les producteurs de<br />

produits immatériels acquièrent des fortunes 103 .<br />

Si l’on descend aux choses de pur agrément, on ne peut nier que la représentation d’une<br />

bonne comédie ne procure un plaisir aussi réel qu’une livre de bonbons, ou une fusée<br />

d’artifice, qui, dans la doctrine de Smith, portent le nom de produits. Je ne trouve pas<br />

raisonnable de prétendre que le talent du peintre soit productif, et que celui du musicien ne<br />

104<br />

le soit pas .<br />

Smith a combattu les économistes qui n’appelaient du nom de richesse que ce qu’il y<br />

avait dans chaque produit de valeur en matière brute ; il a fait faire un grand pas à<br />

l’économie <strong>politique</strong>, en démontrant que la richesse était cette matière, plus la valeur qu’y<br />

ajoutait l’industrie ; mais puisqu’il a élevé au rang des richesses une chose abstraite, la<br />

valeur, pourquoi la compte-t-il pour rien, bien que réelle et échangeable, quand elle n’est<br />

fixée dans aucune matière Cela est d’autant plus surprenant, qu’il va jusqu’à considérer le<br />

travail, en faisant abstraction de la chose travaillée, qu’il examine les causes qui influent sur<br />

sa valeur, et qu’il propose cette valeur comme la mesure la plus sûre et la moins variable de<br />

105<br />

toutes les autres .<br />

De la nature des produits immatériels, il résulte qu’on ne saurait les accumuler, et qu’ils<br />

ne servent point à augmenter le capital national. Une nation où il se trouverait une foule de<br />

musiciens, de prêtres, d’employés, pourrait être une nation fort divertie, bien endoctrinée, et<br />

admirablement bien administrée ; mais voilà tout. Son capital ne recevrait de tout le travail<br />

de ces hommes industrieux aucun accroissement direct, parce que leurs produits seraient<br />

consommés à mesure qu’ils seraient créés.<br />

En conséquence, lorsqu’on trouve le moyen de rendre plus nécessaire le travail d’une de<br />

ces professions, on ne fait rien pour la prospérité publique ; en augmentant ce genre de<br />

travail productif, on en augmente en même temps la consommation. Quand cette<br />

103 C’est donc à tort que le comte de Verri prétend que les emplois de prince, de magistrat, de militaire, de<br />

prêtre, ne tombent pas immédiatement dans la sphère des objets dont s’occupe l’économie <strong>politique</strong>.<br />

(Meditazioni sulla Economia politica, § 24.)<br />

104 Germain Garnier a déjà relevé cette erreur dans les notes qu’il a jointes à sa traduction de Smith.<br />

105 Quelques auteurs, qui n’ont peut-être pas donné une attention suffisante à ces démonstrations, ont persisté à<br />

nommer les producteurs des produits immatériels des travailleurs improductifs. Mais on ne gagne rien à lutter<br />

contre la nature des choses. Ceux qui entendent un peu l’économie <strong>politique</strong> sont forcés de rendre, malgré eux,<br />

hommage aux principes. M. de Sismondi, par exemple, après avoir parlé des dépenses qu’on fait en salaires<br />

d’ouvriers improductifs, ajoute : Ce sont des consommations rapides qui suivent immédiatement la production.<br />

(Nouveaux principes d’Économie <strong>politique</strong>, tome II, p. 203.) Ainsi, voilà des ouvriers improductifs qui<br />

produisent !

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!