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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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personnes à qui de semblables profusions étaient permises ; qu’on prenne la peine de<br />

considérer combien les jouissances d’une consommation plus abondante et plus variée se<br />

sont répandues, surtout parmi la classe mitoyenne de la société ; on trouvera, ce me semble,<br />

que les consommations et les économies se sont accrues en même temps ; ce qui n’est pas<br />

contradictoire : combien d’entrepreneurs, en tous les genres d’industrie, dans les temps<br />

prospères, produisent assez pour augmenter à la fois leurs dépenses et leurs épargnes ! Ce<br />

qui est vrai d’une entreprise particulière peut l’être de la majeure partie des entreprises<br />

d’une nation. Les richesses de la France s’accrurent pendant les quarante premières années<br />

du règne de Louis XIV, malgré les profusions du gouvernement et des particuliers, excitées<br />

par le faste de la cour. Le mouvement imprimé à la production par Colbert multipliait les<br />

ressources plus vite encore que la cour ne les dissipait. Quelques personnes s’imaginent<br />

qu’elles se multipliaient par la raison que la cour les dissipait ; c’est une erreur grossière, et<br />

la preuve en est, qu’après la mort de Colbert, les profusions de la cour allant du même pas,<br />

et la production ne pouvant plus les suivre, le royaume tomba dans un épuisement affreux.<br />

Rien ne fut plus triste que la fin de ce règne.<br />

Depuis la mort de Louis XIV, les dépenses publiques et particulières ont encore<br />

augmenté 97 , et il me paraît incontestable que les richesses de la France ont augmenté aussi :<br />

Smith lui-même en convient ; et ce qui est vrai de la France, l’est, à différents degrés, de la<br />

plupart des autres états de l’Europe.<br />

98<br />

Turgot partage l’opinion de Smith . Il croit qu’on épargne plus qu’on ne faisait<br />

autrefois, et fonde cette opinion sur le raisonnement suivant : le taux de l’intérêt, en temps<br />

ordinaire, est, dans la plupart des pays de l’Europe, plus bas qu’il n’a jamais été ; cela<br />

indique qu’il y a plus de capitaux qu’il n’y en a jamais eu ; donc on a plus épargné pour les<br />

amasser qu’on ne l’a fait à aucune autre époque.<br />

Cela prouve ce dont on convient, c’est-à-dire, qu’il y a plus de capitaux qu’autrefois ;<br />

mais cela ne prouve rien sur la manière dont ils ont été acquis, et je viens de montrer qu’ils<br />

peuvent l’avoir été par une production supérieure, aussi bien que par une économie plus<br />

grande.<br />

entre les progrès et le déclin des peuples opulents de Tyr, de Carthage, d’Alexandrie, et des républiques de<br />

Venise, de Florence, de Gênes, de Hollande. Partout, les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Nous<br />

entendons faire de grands récits des richesses de Crésus, roi de Lydie, avant même la conquête que ce roi fit de<br />

quelques États voisins ; nous devons en conclure que les Lydiens étaient une nation industrieuse et économe ; car<br />

son roi ne put tirer ses ressources que de son peuple. L’étude de l’économie <strong>politique</strong> suffirait pour établir cette<br />

opinion ; mais on en trouve dans Justin la confirmation formelle. Il appelle les Lydiens, une nation dès<br />

longtemps puissante par son industrie (gens industria quondam potens) ; et quant à son activité, il dit que Cyrus<br />

ne parvint à la soumettre complètement que lorsqu’il l’eut accoutumée à l’oisiveté des cabarets, aux jeux et à la<br />

débauche (jussitque cauponias et ludricas artes et lenocinia exercere). Donc, elle avait auparavant les qualités<br />

opposées. Si Crésus ne s’était pas livré au faste et à l’ambition des conquêtes, il aurait probablement conservé<br />

une grande puissance, et n’aurait pas terminé ses jours dans l’infortune. L’art de lier les effets aux causes, et<br />

l’étude de l’économie <strong>politique</strong>, ne sont pas moins importants pour le bonheur personnel des rois que pour celui<br />

de leurs Peuples. C’est l’ignorance de l’économie <strong>politique</strong> qui a conduit Bonaparte à Sainte-Hélène. Il n’a pas<br />

senti que le résultat inévitable de son système était d’épuiser ses ressources, et d’aliéner les affections de la<br />

majorité des Français.<br />

97 Cette augmentation dans les dépenses n’est pas seulement nominale, et ne tient pas uniquement à ce que la<br />

même quantité d’argent a pour dénomination un plus grand nombre de livres ou de francs. L’augmentation des<br />

dépenses est réelle. On consomme une plus grande variété de produits, et des produits plus fins et plus<br />

recherchés ; et, quoique l’argent fin vaille intrinsèquement à peu près autant qu’il valait sous Louis XIV (puisque<br />

la même quantité d’argent achète la même quantité de blé), dans les mêmes rangs de la société, on dépense une<br />

plus grande quantité d’argent, non pas en nom seulement, mais en poids.<br />

98 Voyez les Réflexions sur la formation et la distribution des Richesses, § 81.

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